Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les missions des directions régionales aux affaires culturelles, Paris le 15 novembre 2010.

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Circonstance : Inauguration des locaux de la DRAC Ile de France à Paris le 15 novembre 2010

Texte intégral


L'inauguration des nouveaux locaux de la Direction régionale des affaires culturelles de l'Ile de France nous rassemble aujourd'hui. A travers cette occasion, je voudrais tout d'abord saluer le travail considérable qui a été effectué par les services régionaux du ministère de la culture, les directions régionales des affaires culturelles, depuis leur création il y a plus de 30 ans en 1977.
Ces nouveaux locaux étaient nécessaires. Ils permettront d'améliorer les conditions de travail mais surtout surtout de regrouper les services sur un seul site. Nul besoin d'insister sur les avantages de ce regroupement : améliorer les échanges entre les personnels, développer la circulation de l'information, accroître la cohésion de l'équipe que vous formez sous la direction efficace de Muriel Genthon, ce sont des atouts fondamentaux, dans une époque marquée par la richesse, la diversité de l'offre culturelle mais aussi les emprunts et les métissages entre les disciplines artistiques.
Je tiens à vous exprimer ma reconnaissance pour l'implication qui est la vôtre et pour l'ensemble des missions que vous accomplissez au service des Franciliens. Je voudrais saluer l'ensemble des collaborateurs des directeurs régionaux des affaires culturelles, fonctionnaires des corps de recherche, de documentation, conservateurs du patrimoine, architectes et urbanistes de l'Etat, conseillers sectoriels, fonctionnaires administratifs et techniciens, qui oeuvrent avec constance et détermination pour renforcer la démocratisation culturelle dans une région aux multiples visages. Je connais l'importance des efforts qui sont demandés à tous les collaborateurs des DRAC. C'est leur capacité d'expertise, de gestion, d'écoute, de conseil, leur connaissance du terrain qui fondent la crédibilité des directions régionales à l'égard de l'ensemble de nos partenaires, élus et professionnels de la culture.
Je tiens à remercier tout particulièrement Muriel Genthon, dont je connais les grandes qualités professionnelles - reconnues par ses interlocuteurs - le sens de l'écoute et l'implication personnelle dans les missions que j'ai souhaité lui confier.
Le rôle de la DRAC Ile-de-France est un peu particulier par rapport aux autres DRAC du territoire national. Du fait du poids démographique de la région mais aussi du fait de la présence d'importants d'établissements publics nationaux localisés à Paris, l'administration centrale du ministère y est plus présente. La nature de la région Ile de France, son caractère composite et fragmenté en fait une exception. Avec une capitale nationale, une métropole au tissu urbain particulièrement dense - Paris - et des départements abritant des territoires ruraux, comme le Val d'Oise, les Yvelines ou la Seine-et-Marne, cette région est tout à fait singulière. Je ne doute pas que ces multiples dimensions renforcent l'intérêt et la richesse des activités qui sont les vôtres.
L'autre élément fondamental est le projet du Grand Paris, qui représente un formidable enjeu de développement urbain, architectural, culturel et social. La politique culturelle a toute sa place dans cette grande ambition pour l'aménagement du territoire francilien. Je sais que vous y travaillez avec beaucoup d'ardeur, en lien avec Monsieur le Préfet de région. Je sais que vous travaillez avec beaucoup d'implication sur les questions de qualité architecturale. Je sais aussi tout l'intérêt que vous portez à l'inscription de la culture dans les enjeux de cohésion sociale, notamment à l'attention des quartiers sensibles et des populations éloignées de l'offre culturelle. Cela rejoint ma priorité, celle d'une « Culture pour chacun » qui s'inscrit pleinement dans la volonté de démocratisation portée par ce ministère : elle ne se substitue pas à l'ambition de la « Culture pour tous », elle la nourrit et l'enrichit. Je sais que vous travaillez également afin de favoriser le lien entre culture et économie, notamment avec les projets autour de la Plaine Saint Denis et du pôle de compétitivité Cap Digital. Je serai particulièrement attentif dans les mois qui viennent aux propositions que vous pourrez m'adresser sur tous ces sujets.
Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour vous exprimer ma conception de l'action territoriale du ministère.
Dans le domaine des politiques publiques de la Culture, nous vivons une époque de bouleversements profonds, caractérisée par trois phénomènes majeurs :
-La révolution numérique modifie en profondeur les modes de production et de diffusion des biens culturels, elle modifie également les pratiques culturelles de nos concitoyens et leur accès à l'art et à la culture.
-La montée en puissance des collectivités territoriales dans le secteur culturel est un des phénomènes les plus frappants des dernières années. Elles ont acquis une expertise, elle prennent des initiatives et financent une grande partie des projets culturels.
-La contrainte qui pèse sur les budgets publics nous impose d'être encore plus rigoureux dans nos choix et dans nos décisions.
Ces trois éléments conduisent aujourd'hui à repenser l'action territoriale du ministère. Cette action doit se fonder sur un partenariat rénové et doit être innovante.
Les collectivités territoriales expriment un réel besoin de partenariat vis-à-vis du ministère de la culture et de la communication. C'est un sujet que j'évoque souvent, lors de mes déplacements, avec les élus locaux. La nature de ce partenariat doit tenir compte des besoins nouveaux et du rôle différent que le ministère est appeler à jouer. Il n'est plus le seul prescripteur de la politique culturelle comme il l'a été pendant les « Trente Glorieuses » de la politique culturelle. Il doit compter avec les grandes collectivités, les communes, les intercommunalités, les départements et les régions, qui, au fil des années, ont construit d'authentiques projets culturels.
J'ai demandé à Jérôme Bouet un rapport sur l'évolution des relations du ministère avec les collectivités qu'il ma remis très récemment et qui va faire l'objet d'un approfondissement avec l'ensemble des DRAC. J'ai souhaité ainsi signifier ma volonté de prendre la mesure de l'ensemble de ces évolutions et faire des propositions aux élus, avec qui je souhaite désormais engager un dialogue renouvelé.
Ce partenariat doit permettre davantage de cohérence et de convergences entre les politiques culturelles publiques, celle de l'Etat et celles des collectivités territoriales. Le contexte budgétaire auquel je faisais allusion nous l'impose : il s'agit d'avancer ensemble sur des priorités partagées, en évitant le saupoudrage et la dispersion des moyens.
La question de la concertation avec les collectivités territoriales doit être approfondie : il s'agit de passer d'une culture du fait accompli à une culture commune de la stratégie.
Il me semble également que le ministère doit travailler à une adaptation de ses programmes d'action en fonction de la réalité de chaque territoire. En d'autres termes, préférer « l'esprit de finesse » à « l'esprit de géométrie » dans les grandes lignes directrices de nos politiques culturelles.
J'aurais l'occasion de revenir plus longuement sur ce sujet dans les mois qui viennent. Michel Guy, Secrétaire d'Etat à la culture entre 1974 et 1976, auquel je rendrai hommage dans quelques jours, fut un visionnaire en signant les « chartes culturelles » entre le Ministère et les grandes villes : je souhaite que nous procédions avec autant d'ambition et d'anticipation.
Je voudrais également vous rassurer au sujet de la réforme territoriale. Je sais qu'il s'agit pour votre dialogue avec les élus et les administrations territoriales d'un enjeu essentiel.
Après deux navettes au Parlement, le texte a été adopté par la Commission Mixte Paritaire du 3 novembre. Je m'étais personnellement engagé, conformément aux orientations annoncées par le Président de la République, pour que la compétence culturelle demeure partagée entre les Régions et les Départements. Je n'ai pas cessé de sensibiliser mes collègues Brice Hortefeux et Alain Marleix à ce sujet.
Le texte adopté par la Commission Mixte Paritaire préserve la compétence culturelle des collectivités territoriales. C'est pour l'ensemble des acteurs de la politique culturelle une très grande satisfaction. Les financements croisés dans le domaine de la culture sont une garantie de pluralisme et d'innovation : ils existent aujourd'hui, ils existeront demain. Je souhaite que vous puissiez faire connaître aux élus et aux acteurs culturels avec lesquels vous travaillez quotidiennement cette inscription définitive dans le texte. Elle est de nature à dissiper les inquiétudes qui s'étaient développées ces derniers mois.
J'ai parlé d'innovation. Elle est naturellement au coeur de mes préoccupations comme des vôtres. Je souhaite que nous avancions dans les mois à venir sur le dossier de la déconcentration d'établissements de spectacle vivant parisiens au profit de la DRAC. Je sais que ces perspectives pourraient troubler un certain nombre d'acteurs culturels, notamment certains responsables du secteur du spectacle vivant. Je tiens à être clair : les services déconcentrés inscrivent leur action dans le cadre de politiques définies par le Gouvernement et par chacun des ministres.
En matière culturelle, ces principes s'appliquent totalement et la déconcentration n'est qu'une modalité d'organisation permettant la mise en oeuvre, au plus près des citoyens, d'une politique culturelle unique de l'Etat.
La déconcentration ne signifie donc pas l'autonomie ou l'indépendance. La déconcentration pour moi signifie la proximité, la connaissance, la mémoire, la capacité de nouer des relations personnelles pour inciter, convaincre et trouver les solutions les plus adaptées. Je souhaite par exemple que les organismes du spectacle vivant s'investissent davantage dans la recherche de publics, dans la sensibilisation des jeunes, dans la lutte contre l'exclusion. C'est une exigence qui s'impose à tous lorsqu'on connaît, par expérience, les résultats exceptionnels qui peuvent être attendus lorsque des artistes, des professionnels de la culture, avec leur générosité, leur passion, s'engagent dans cette voie.
Ce choix s'inscrit plus largement dans le cadre de l'ambition que je porte de la « Culture pour chacun ». Dans le cadre des appels à projets, j'invite chacune des DRAC à innover dans le domaine de la médiation. Nous bénéficions souvent d'une offre artistique et culturelle de qualité et abondante. Mais nous devons faire en sorte que cette offre puisse trouver un public plus large et plus diversifié. Dans une société parfois fragmentée, dans une société où la tentation du repli - parfois même du « ghetto culturel » - affleure trop souvent, il nous faut inventer de nouveaux modes de sensibilisation, de médiation, d'action culturelle. Ces nouvelles approches peuvent passer par les outils numériques - je pense bien entendu à la lecture publique - elles doivent impliquer des artistes ou des professionnels de la culture. Elles doivent surtout prendre des formes adaptées à la diversité de la population qui vit en Ile de France. La « Culture pour chacun », ce n'est ni un succédané de la démocratisation culturelle, ni une nouvelle version du « Tout culturel » : c'est plutôt une position qui consiste à concilier l'héritage et l'innovation, qui consiste à mêler l'exigence de création et l'impératif de diffusion, qui consiste enfin à abaisser les préventions qui empêchent certains publics d'accéder à ce qu'ils considèrent comme inaccessibles.
Pour répondre à cette ambition, les DRAC doivent être attentives aux équipes artistiques qui s'impliquent sur ces sujets, qui inventent et qui construisent des projets artistiques en lien avec les populations et le tissu social. Elles doivent inciter les institutions que nous finançons à développer ce type de projets.
Vous le voyez, les défis ne manquent pas. Ils sont nombreux ; ils sont exaltants, ils sont à la hauteur des transformations profondes de notre société et des modes d'accès à la culture. Ces défis, j'entends les affronter à vos côtés et aux côtés de l'ensemble des personnels qui travaillent pour le Ministère. J'aime souvent rappeler que si la France est la première destination touristique du monde, avec plus de 75 millions de touristes par an, c'est parce qu'elle mène une politique culturelle volontariste. J'aime également rappeler que notre offre culturelle conditionne l'attractivité économique de nos territoires. En Ile de France, ces deux réalités sont plus que jamais présentes, mais elles ne doivent pas nous faire perdre de vue l'ambition du « vivre ensemble » et de la « communauté de goût » qui est au coeur de l'idée que je me fais de l'action culturelle.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 17 novembre 2010