Texte intégral
« Dire sans nuire, montrer sans choquer, témoigner sans agresser, dénoncer sans condamner », tels sont les principaux engagements inscrits en préambule des chartes éditoriales du plus grand quotidien français. Si je cite le journal Ouest-France - je pourrais évidemment citer de nombreuses autres publications -, c'est que chaque média d'information dispose d'un ADN spécifique constitué d'une histoire, d'une culture, d'un rapport à ses lecteurs unique et inimitable qu'il a pour devoir de préserver. Dans le jargon journalistique, on appelle cela le « contrat de lecture ». Ce n'est pas simplement un mot ou une formule de circonstance, c'est au contraire ce qui fait l'identité et la spécificité de tous les médias. C'est ce que le public sanctionne lorsqu'il accorde ou retire sa confiance à ceux qui respectent ou au contraire négligent le contrat. Je suis persuadé que cette contrainte positive, ce rapport intime et permanent entre le journaliste et son public est au coeur de la créativité de la presse et des médias en général. C'est en se référant à ces valeurs, à la base de toute relation de confiance entre la rédaction et son public, que les médias peuvent évoluer et s'adapter sans perdre leur âme.
Le texte que vous nous proposez d'examiner aujourd'hui souhaite au contraire déposséder chaque média de sa spécificité, de son histoire, de ce contrat de lecture toujours actuel et souvent façonné avec le temps. Il propose de généraliser à toutes les entreprises média ce qui ressort du domaine de la responsabilité interne et individuelle de chaque directeur de publication : à savoir la conformité de la rédaction avec la charte éditoriale de son journal.
Le texte que vous proposez conduit, Mesdames et Messieurs les députés, à deux principales impasses :
- Une impasse éthique et professionnelle
- Une impasse économique et juridique
Une Impasse éthique et professionnelle d'abord dans la mesure où il ne s'agit rien moins que de confisquer de manière autoritaire la conversation avec le public.
Etre journaliste, en effet, c'est avant tout entretenir une conversation avec son public. Cette conversation s'appuie sur une relation de confiance qui interdit toute forfaiture. On ne saurait imaginer que cette conversation, dont seul le public est l'arbitre et le juge, soit confisquée d'autorité au profit de la seule équipe rédactionnelle. Ce serait instaurer un pouvoir arbitraire qui pourrait au besoin changer le public au cas où il ne correspondrait pas à ses aspirations profondes, au mépris du contrat et du pacte passé entre les journalistes et leurs lecteurs.
Evidemment, il est de mon devoir et de ma responsabilité d'être vigilant afin de préserver l'indépendance et la « liberté d'informer » des journalistes, mais ce devoir s'accompagne parallèlement de l'attention toute particulière que l'on doit accorder à la « liberté d'être informé » du public. Paradoxalement, alors que le texte que vous nous proposez vise à défendre la liberté et l'indépendance de l'information, je crains qu'il manque sa cible avec des effets que vous ne mesurez pas.
La confiscation de cette liberté au profit d'une équipe rédactionnelle instaurée d'autorité pourrait être dans notre pays à l'origine du déclin ; tout du moins, l'affaiblissement d'une certaine presse d'opinion fondée sur la conversation et l'écoute de son public. Si l'exigence du débat s'impose, ce dernier doit s'inscrire dans le cadre des structures individuelles de chaque média, dans le respect de son histoire, de ses traditions, de sa culture.
Dans ce contexte, il ne me paraît pas justifié que le législateur s'immisce dans un débat qui relève de la seule éthique professionnelle, comme c'est le cas ailleurs. Dans la très grande majorité des pays, où les sociétés de journalistes, lorsqu'elles existent, jouent un juste rôle purement consultatif. S'agissant de l'organisation interne des médias d'information, la liberté la plus complète doit régner. Il est souhaitable et recommandé qu'ils n'en rendent pas compte aux pouvoirs publics.
Le rôle des sociétés de journalistes a largement évolué depuis la création de la première société des rédacteurs qui deviendra actionnaire du journal Le Monde en 1951. Aujourd'hui, elles sont un lieu de dialogue et de concertation ; elles sont aussi un lieu de veille quand au respect de l'indépendance du média et au respect de la déontologie journalistique.
L'exemple du journal Le Parisien / Aujourd'hui en France et la crainte ressentie par les journalistes à l'annonce de sa mise en vente, hypothèse désormais écartée, illustre parfaitement cette évolution. Cette crainte a incité la société des journalistes à rédiger une charte destinée au futur repreneur. Cette charte devait servir de base de dialogue entre les journalistes et les éventuels candidats au rachat du journal. Elle s'articulait autour de quatre principes :
- le journal est et doit rester un grand quotidien populaire et généraliste de qualité,
- il doit conserver son caractère à la fois national et régional,
- il doit préserver sa ligne éditoriale faite de neutralité politique et de proximité avec son lectorat,
- enfin, il doit maintenir ses effectifs, garants de sa qualité éditoriale.
D'une manière générale, force est de constater que c'est en période de crise, du fait de divergences de conception, du fait du licenciement d'un collaborateur, du fait également d'un changement de direction effectif ou redouté que ces sociétés sont créées. Aux côtés des organisations représentatives des personnels, elles jouent à la foi un rôle de vigie et de garant.
Il n'y donc pas de modèle unique et il est difficile d'en connaître précisément leur nombre. C'est cette souplesse, et cette capacité d'adaptation aux circonstances individuelles qui font leur force. Organiser de manière uniforme ces réalités, c'est non seulement trahir leur esprit, c'est aussi affaiblir leur capacité d'adaptation.
Le Monde, les Echos, Le Parisien, Paris-Match ont trouvé leur point d'équilibre autour de sociétés aux buts et aux prérogatives diverses, Ouest-France a trouvé le sien sans société de journalistes. Quel est donc l'objectif recherché par la proposition de loi si ce n'est limiter la liberté individuelle de chaque entreprise et de ses salariés de s'organiser selon ses propres besoins ?
Il me semble évident que selon la nature du titre de presse, sa périodicité, son histoire, sa culture, les besoins sont différents. Le Quotidien du Médecin, Sciences et Avenir, ou le magazine Elle disposent chacun de leur propre Société de Journalistes. Dans la presse spécialisée, les contraintes déontologiques et la manière dont elles s'organisent sont assurément de nature différente : nier cette différence serait mal connaître les exigences qui s'imposent à chaque organe d'information. Je voudrais citer un exemple afin de souligner la multiplicité des voies à explorer pour garantir l'honnêteté et l'indépendance de la presse.
Pour les journalistes financiers, un dispositif particulier a été mis en place, en prenant appui sur la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie. Les organes de presse qui adhèrent à l'association dédiée s'engagent à respecter un code de bonne conduite et échappent, en conséquence, à la réglementation de droit commun de l'Autorité des marchés financiers.
D'une manière générale, la pratique a donc vu naître plusieurs types de mécanismes internes tendant à garantir l'indépendance rédactionnelle des journalistes. Ces mécanismes s'inscrivent principalement dans quatre dispositifs :
- l'institution de sociétés de rédacteurs ;
- la participation des journalistes au capital social de l'entreprise de presse ;
- l'élaboration de chartes déontologiques ;
- des dispositions contractuelles dans les statuts de l'entreprise ou qui les accompagnent (pactes d'actionnaires, fondations).
Ces différents moyens ne sont pas exclusifs l'un de l'autre. Dans le domaine de l'éthique professionnelle, il s'agit de faire du sur-mesure et d'agir au cas pour cas, en d'autres termes de préférer « l'esprit de finesse » à « l'esprit de géométrie ».
Cette proposition de loi conduit également à une impasse économique et juridique avec la confiscation de la responsabilité de l'éditeur.
Aux yeux de la loi et du public, c'est le directeur de la publication qui est responsable. Organiser au sein de l'entreprise un contre-pouvoir doté de responsabilité, ce serait rendre illégitime l'exercice de cette responsabilité qui implique des devoirs mais aussi des droits. Sans assumer la prise de risque caractérisée par la participation financière à l'économie de l'entreprise, l'équipe rédactionnelle ainsi légalisée bénéficierait d'un poids démesuré sur les orientations opérationnelles et stratégiques de l'entreprise.
L'indépendance et la liberté d'expression des journalistes sont au coeur de notre pacte républicain ; c'est une valeur cardinale, un principe à valeur constitutionnelle. Face à l'explosion des contenus et au bombardement visuel qui accompagnent l'ère numérique, ces principes sont plus que jamais actuels : le public a besoin de repères clairs, il a besoin d'une parole indépendante, crédible et professionnelle.
Mais la proposition présentée par le député Patrick Bloche semble méconnaître profondément le fonctionnement de la majeure partie des entreprises de presse. Elle sous-estime voire méprise le statut professionnel des journalistes, arraché de longue lutte dans les années 30, dont les organisations syndicales françaises s'enorgueillissent encore aujourd'hui. Elle sous-estime - et cela est moins étonnant - le rôle de l'actionnaire à qui elle prête les pires intentions du monde. En convoquant les puissances occultes ou le pouvoir de l'argent, elle réduit l'actionnaire d'un groupe de presse ou d'un groupe média à n'être qu'un guichet de financement. Un actionnaire, ce n'est pas seulement cela, M. Le député Patrick Bloche, c'est aussi un acteur économique qui bénéficie de droits de propriété et qui est à même de défendre les principes de bonne gouvernance. Cela l'oblige non seulement vis-à-vis des salariés du groupe mais aussi vis-à-vis des lecteurs et du public.
En d'autres termes, ce projet fragilise la cohésion interne de l'entreprise. En dotant la rédaction de pouvoirs exorbitants, il ajoutera la confusion à la défiance, il créera les conditions d'un fossé d'incompréhension pour les entrepreneurs et les investisseurs. Or il y a plus que jamais besoin d'investissements solides et pérennes. La presse doit retrouver un nouvel élan, définir de nouveaux modèles permettant d'assurant son indépendance, sa diversité et son pluralisme dans un paysage médiatique en pleine mutation. Alors même que la presse doit renforcer ses fonds propres, le comble serait que la loi serve de repoussoir aux investisseurs.
Je me dois par ailleurs d'évoquer la loi de 1881, adoptée à l'époque de la « République conquérante », celle de Gambetta, celle de Jules Ferry. Elle prévoit un régime de responsabilité en cascade en cas de délit de presse. Le directeur de la publication étant considéré comme auteur principal, c'est sa responsabilité pénale, voire civile, qui sera la première engagée. A défaut, la responsabilité incombe à l'auteur de l'article et en troisième lieu à celle de l'imprimeur. Ce régime de responsabilité est également applicable à l'audiovisuel.
Il relève de la responsabilité du directeur de la publication d'infléchir la ligne éditoriale du média qu'il dirige. Lui seul peut décider, en accord avec les journalistes de sa rédaction, de créer une société des journalistes. Sauf à faire évoluer ce régime de responsabilité, il n'appartient pas au législateur de lui imposer l'obligation de partager la définition de la ligne éditoriale. Alors même qu'il supportera seul les risques encourus, notamment au pénal, cela relèverait d'une logique inacceptable du « deux poids, deux mesures ».
La reconnaissance juridique de la rédaction conduit de facto à une mise à l'écart autoritaire de l'éditeur du projet éditorial, dont il assume pleinement le risque juridique et économique. Comme le Président de la République l'a rappelé le 23 janvier 2009 à l'issue des Etats généraux de la presse écrite, cela n'est ni souhaitable, ni acceptable.
Le projet de texte dissout la responsabilité personnelle, qui est un principe de droit public. En prétendant défendre une «pseudo-liberté collective » en organisant une responsabilité collective, elle met en place, comme le remarque le président du Syndicat de la Presse Magazine d'Opinion, un «système de culpabilité collective».
La proposition de loi déposée par les députés Bloche et Françaix suscitera, je n'en doute pas, de vives oppositions internes. Elle risque de priver définitivement la presse et son public de tout progrès en matière de chartes éditoriales et de Code de déontologie dont le secteur a tant besoin. Depuis la publication il y a un du projet de code déontologique, on voit les difficultés de la profession à s'accorder sur les termes de ce code. J'appelle de mes voeux sa mise en oeuvre, tant il est évident qu'il sera à l'origine du regain de confiance indispensable à la reconquête des lecteurs. L'adoption de votre proposition, Messieurs les Députés, est non seulement un coup d'arrêt, c'est un venin dangereux.
Une presse de qualité doit avant tout compter sur des équipes rédactionnelles de qualité. Pour les attirer, il importe de bénéficier de médias intéressants, des conditions de travail attractives et des rédactions pourvues de ressources adéquates. C'est pourquoi il est fondamental que l'éditeur comme les rédacteurs accordent une large place à un débat régulier sur la qualité de leurs médias. Le cadre actuel est à cet égard satisfaisant, si l'on en juge par le nombre mais aussi le dynamisme des sociétés de journalistes dans notre pays. Leur développement n'est pas un signe de régression, c'est au contraire le signe d'une prise de conscience. La profession s'organise afin de défendre ses valeurs éthiques et déontologiques, dans le respect des particularismes de chaque entreprise de médias. Ces valeurs ne sont pas incompatibles avec la sensibilité éditoriale des équipes dirigeantes : assumées conjointement, elles renforcent les organes de presse ; partagées, elles nourrissent le dynamisme des entreprises et du secteur.
J'entrevois vois par ailleurs dans cette proposition de loi, plusieurs dommages collatéraux mettant en cause le statut professionnel des journalistes et l'équilibre du dialogue social dans l'entreprise.
L'honnêteté et l'indépendance de la presse ne résident pas uniquement dans celles de sa direction mais aussi dans la conscience du journaliste qui conserve sa liberté de jugement et de décision à l'égard du journal auquel il collabore.
Le statut du journaliste lui permet de ne plus collaborer avec un média d'information dont il ne partage plus les vues. Lors du rachat d'un titre de presse, il peut faire jouer sa clause de cession. S'il estime qu'il y a eu un changement notable dans le caractère ou l'orientation du journal, il peut faire jouer sa clause de conscience. Je mesure les difficultés de faire jouer dans la pratique cette dernière. Elle ne doit s'appliquer qu'à des changements politiques dans la ligne éditoriale du journal. En 1996, le Conseil d'Etat a pourtant reconnu que tout changement notable dans l'orientation du journal créait une situation de nature à porter atteinte aux intérêts moraux des journalistes.
C'est cette volonté de garantir l'indépendance du journaliste, qui a conduit le Législateur à instaurer un statut très éloigné du droit commun en 1935. Lorsqu'un journaliste demande à bénéficier soit de sa clause de cession, soit de la clause de conscience, il bénéficie d'un régime similaire à celui d'un licenciement, notamment pour le versement de l'indemnité de départ.
Il a sans doute échappé à ses auteurs qu'en associant l'équipe rédactionnelle à la responsabilité de l'orientation éditoriale de l'entreprise, la proposition de loi anéantit du même coup l'un des fondements du statut des journalistes français. Comment en effet imaginer dans ces conditions qu'un journaliste puisse avoir recours au régime protecteur et dérogatoire de la clause de conscience, tout en étant impliquée directement dans l'élaboration collective de la ligne éditoriale ?
Cette proposition est également périlleuse à un autre titre : la déstabilisation des équilibres historiques du paritarisme. Il est en effet plus que souhaitable d'éviter d'imposer par la loi des structures internes qui pourraient à terme entrer en concurrence directe avec les institutions représentatives du personnel (délégué du personnel, comité d'entreprise, comité de groupe), sans pour autant disposer du même cadre de fonctionnement ni de la même légitimité.
Alors qu'elle prétend garantir l'indépendance de l'information et des médias, principe à valeur constitutionnelle, cette proposition de loi pourrait précisément la restreindre, en imposant un modèle unique au lieu de laisser chaque média choisir la gouvernance la plus adaptée à son histoire, son actionnariat, ou son positionnement éditorial.
Je me permets de rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que la loi prévoit des mécanismes à même de garantir le pluralisme et la diversité de la presse française.
Les dispositions de droit commun du contrôle des concentrations s'appliquent au secteur des médias. L'Autorité de la concurrence assure le contrôle des opérations de concentration comme cela a été le cas lors du rachat du titre Les Echos par le groupe LVMH. Par ailleurs, la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse limite à 20% la prise de participation d'entreprises étrangères - non communautaires ou non ressortissantes d'un Etat ayant conclu un accord bilatéral spécifique avec la France - dans des entreprises de presse françaises. Des dispositions analogues existent pour les entreprises du secteur audiovisuel.
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, le Gouvernement ne peut pas être favorable à une proposition de loi qui entend créer de nouvelles obligations à la charge des éditeurs et contribue à diminuer plutôt que renforcer l'indépendance des journalistes et leur statut.
Comme vous le voyez, messieurs les députés, la déontologie reste la seule voie légitime de l'intervention pour les sociétés de rédacteurs.
Le seul espace légitime et crédible entre les organisations représentatives du personnel et les instances dirigeantes est celui de la déontologie. Ce n'est ni une incantation, ni un voeu pieux : c'est un objectif et une exigence afin de reconquérir durablement la confiance des publics. C'est la raison pour laquelle j'appelle à nouveau toutes les organisations représentatives à étudier avec attention les conditions dans lesquelles elles pourraient adopter le projet de Code de déontologie rédigé il y a un an par le comité des sages animé par Bruno Frappat. Je salue d'ailleurs à cet égard l'initiative de l'un des grands syndicats professionnels de presse, le Syndicat Professionnel de la Presse Magazine d'Opinion (SPPMO), qui a pris la décision d'annexer ce projet de code à ses statuts, laissant la responsabilité de sa mise en oeuvre et de sa déclinaison individuelle au soin de chaque entreprise de presse. C'est un position d'équilibre et de sagesse : c'est une position dont je partage et la lettre et l'esprit.
Cette proposition de loi comporte également, Mesdames et Messieurs les députés, un volet visant à instaurer des obligations accrues de transparence, notamment de l'actionnariat, des entreprises de presse.
Ce point avait d'ailleurs été proposé par le Président de la République dans son discours de clôture des états généraux de la presse écrite le 23 janvier 2009. Il envisageait que soit améliorée la transparence de l'actionnariat des entreprises de presse afin de renforcer la confiance du lecteur.
Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à cette orientation.
Toutefois, dans la mesure où la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat a introduit par amendement de telles dispositions dans la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit présentée par le président de votre commission des lois, Monsieur Jean-Luc WARSMANN, je ne peux que demander son rejet également.
Je tiens à être clair : c'est la seule raison qui m'incite à me prononcer défavorablement sur ce volet de la proposition de loi. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir des dispositions de portée similaire qui cheminent parallèlement dans deux textes en cours d'examen.
Je voudrais conclure devant vous, en soulignant que la politisation du débat sur l'indépendance et le pluralisme des médias peut parfois conduire à des écueils. Comme j'ai tenté de le démontrer, à trop vouloir légiférer, encadrer, réglementer, on conduit à l'effet opposé à l'objectif initialement fixé. L'indépendance des médias et des journalistes est un héritage historiquement conquis, une valeur constitutionnellement garantie, une éthique moralement définie : elle doit être protégée et garantie - c'est tout le sens de l'aide publique aux entreprises et groupes de presse - elle ne doit pas être corsetée et disciplinée. Telle est la conception du journalisme et des médias qu'entend défendre le Gouvernement. Elle repose sur trois principes : la liberté de l'éditeur, la responsabilité individuelle du journaliste, le respect du dialogue singulier entre ce dernier et son public. En d'autres termes, nous préférons l'exigence d'une « éthique de la responsabilité » (Max Weber) à la rhétorique facile de l'irresponsabilité.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 19 novembre 2010