Texte intégral
R. Arzt C'est tout à fait inédit pour le président de la puissante FNSEA : vous avez hier lancé un appel aux autres syndicats agricoles pour demander l'unité face aux crises de la vache folle et de fièvre aphteuse. Est-ce un signe de profonde inquiétude ?
- "C'est un double appel. C'est un appel à l'unité de l'ensemble des politiques car le problème est profond dans l'agriculture, et en particulier dans l'élevage. Nous avons lancé un appel unitaire à l'ensemble des organisations professionnelles et syndicales pour faire front commun. La situation dramatique l'exige. Maintenant, chacun fera comme il voudra, nous suivra ou pas."
Vous tendez la main à la Confédération paysanne de J. Bové, c'est-à-dire à votre ennemi déclaré ?
- "Nous tendons la main à la Confédération paysanne, en particulier aux agriculteurs et aux éleveurs de la Confédération paysanne qui savent très bien, parce qu'ils le vivent dans leur exploitation, que cet appel classé comme "pathétique", l'est justement parce qu'ils le vivent dans leur chair, dans leur esprit, dans leur moral, dans leur situation personnelle. C'était quelque chose d'indispensable si on veut sauver l'élevage et une notion du milieu rural aujourd'hui."
Le mot "pathétique" a été employé par la Confédération paysanne justement ?
- "Oui, il est vraiment "pathétique" parce qu'il nous prend aux tripes, à nous, responsables agricoles qui vivons encore dans nos exploitations. Il prend aux tripes tous les agriculteurs et les éleveurs ; j'en ai vus pleurer, la gorge nouée, pendant ce congrès. Croyez-moi, c'est quelque chose de très profond. Les agriculteurs foutent le camp de la campagne, mais il faut qu'ils restent !"
Ce que vous reprochent les porte-parole de la Confédération agricole - et ce n'est pas nouveau -, c'est avoir eu une idéologie productiviste, autrement dit d'y être pour quelque chose dans la catastrophe.
- "Je réfute complètement cette notion de productiviste. La société toute entière, depuis 50 ans, nous a demandé des exigences sur notre production, de produire en quantité, en qualité, mais à bas prix. Aujourd'hui, il y a de nouvelles demandes et nous sommes prêts à y répondre. Mais c'est trop facile de dire que la FNSEA est productiviste et que les autres ne le sont pas. Il faut venir voir dans les exploitations de la FNSEA : je rappelle que plus de 40 % des agriculteurs de la FNSEA sont sous signes de qualité Agro-bio, AOC, label Agriculture raisonnée. Nous n'avons pas à rougir de ce que nous avons fait."
Vous proposez une journée nationale d'action, le 21 avril avec toutes les forces de l'agriculture. Si cette journée n'est pas unitaire, ce sera un échec ?
- "Nous proposons une journée le 21 avril dans tous les départements de France, à l'appel de la FNSEA et du CNJA, avec toutes les forces qui veulent se joindre à nous."
Et si elles ne se joignent pas ?
- "Si elles ne se joignent pas, elles l'expliqueront aux agriculteurs. Mais je suis sûr que les agriculteurs sur le terrain, eux, ne regarderont pas les étiquettes. C'est ce qu'ils nous demandent aujourd'hui. Ils en ont ras le bol des étiquettes, ils veulent être défendus, ils veulent exister. Nous avons donc répondu à l'appel des paysans et maintenant, si certains considèrent que ce n'est pas leur problème, ce n'est plus le mien non plus."
Vous avez par ailleurs demandé à être reçu par le Premier ministre. Est-ce une façon de court-circuiter le ministre de l'Agriculture, J. Glavany ?
- "Le Premier ministre a déjà répondu à notre appel, ce qui est une bonne chose. Si nous l'avons demandé au Premier ministre, c'est parce que le problème n'est plus seulement agricole aujourd'hui, c'est véritablement un problème de société quand on voit la désespérance, le désespoir des agriculteurs sur le terrain mais aussi celui des artisans, des commerçants, des professions libérales qui travaillent dans le milieu rural. Nous considérons que c'est un problème de gouvernement. Le ministre, sur ce sujet, n'a pas montré sa totale détermination et sa pleine efficacité. C'est donc au Premier ministre de décider aujourd'hui."
J. Glavany n'est pas venu à votre congrès, ce qui est assez rare pour un ministre de l'Agriculture. Vous le lui reprochez apparemment ?
- "Le ministre de l'Agriculture n'est pas venu aux Sables-d'Olonne mais la marée monte et redescend quand même aux Sables-d'Olonne, la face du monde n'est pas changée. Il a fait ce choix que nous regrettons parce qu'il aurait pu expliquer sa politique, dialoguer avec les agriculteurs comme d'habitude même si..."
L'an dernier, il avait été très mal reçu et c'est aussi pour cela...
- "Il a été sifflé à certains moments, sans doute le méritait-il. Mais il a pu expliquer tout ce qu'il voulait dire, il a toujours pu aller au bout de son explication pendant une heure et demi. Nous avions passé un deal avec lui de questions-réponses, cela a été dur à certains moments, mais si on est ministre - surtout de l'Agriculture - et qu'on ne veut pas se faire chahuter, il faut changer de métier."
Il a préféré ne pas venir en rappelant qu'il avait été traité de toutes sortes de nom d'oiseau l'an dernier.
- "Pour un ministre de l'Agriculture, prendre ce seul argument n'est pas digne de sa fonction de ministre si on ne veut pas affronter les paysans même en période de crise. Je peux vous dire que les paysans ont compris que le ministre de l'Agriculture, malgré toutes les déclarations qu'il peut faire, n'est pas vraiment avec eux aujourd'hui, alors qu'ils sont en pleine détresse. Allez voir les agriculteurs dans la campagne, ceux qui malheureusement sont désespérés et commettent des actes désespérés pour eux-mêmes - parce que c'est cela aujourd'hui la réalité dans les campagnes. Je crois qu'on avait besoin de lui à nos côtés ; il n'est pas venu et maintenant nous demandons au Premier ministre de prendre des mesures."
Vous vous adressez aussi au Président Chirac ?
- "Nous nous sommes adressés au Président Chirac, qui, a ce que j'ai compris, doit faire des déclarations de soutien. Nous sommes très clairs : nous sommes face au Gouvernement et c'est lui qui décide. Le Président de la République peut bien sûr nous apporter le soutien moral, les orientations vis-à-vis de l'Union européenne et demander au Gouvernement de tout mettre en place pour soutenir l'élevage, mais ce n'est pas lui qui décide en la matière."
Pourquoi quittez-vous le poste de président ? Est-ce parce que vous avez été élu président de l'assemblée des Chambres d'agriculture ? Vous êtes une nouvelle victime du non-cumul des mandats ?
- "Pas vraiment. C'est vrai que j'aurais pu cumuler, mais après 9 ans de présidence et quelque vingt ans dans le syndicalisme agricole, je crois qu'il est opportun de pouvoir rajeunir les cadres, de permettre à d'autres équipes - les mêmes d'ailleurs - de continuer avec des méthodes un peu différentes, de défendre les agriculteurs. Mais si je quitte la FNSEA, je n'en quitte pas pour autant la défense professionnelle des agriculteurs. A la présidence des Chambres d'agriculture, nous avons un travail important à faire pour le soutien de l'agriculture, qu'il soit technique ou dans la relation avec l'opinion publique, l'environnement ou la politique européenne."
Quel est le profil type idéal pour votre successeur ? Il y a D. Chardon qui est producteur Bio, J.-M. Le Métayer qui est plutôt producteur de lait - comme vous. Qu'en pensez-vous ?
- "Tout d'abord, il n'est pas obligé d'avoir la barbe ! Deuxièmement, il faut qu'il ait une volonté de synthèse, car la FNSEA, c'est aussi cela. Beaucoup de gens autour de nous ont du mal à comprendre comment elle fonctionne. L'agriculture est plurielle, la FNSEA est plurielle, elle est très diversifiée. Il faut donc pouvoir faire cette synthèse. Au-delà de notre situation personnelle dans nos exploitation, nous devons aussi pouvoir défendre l'ensemble des agriculteurs. Que se soit l'un ou l'autre - ou quelqu'un d'autre -, il devra aussi se surpasser, se dépasser, pour parler de sujets qui ne l'importent pas directement, parler des fruits et légumes, parler du vin - le consommer ça va, mais je connais pas grand chose de sa production... C'est pourtant cela la FNSEA.
Un homme de synthèse ?
- "Un homme de synthèse de toute façon, qui soit capable de fédérer les équipes. C'est indispensable pour la FNSEA et pour surtout pour le monde agricole et rural."
(Source http://www.fnsea.fr, le 23 janvier 2003)
- "C'est un double appel. C'est un appel à l'unité de l'ensemble des politiques car le problème est profond dans l'agriculture, et en particulier dans l'élevage. Nous avons lancé un appel unitaire à l'ensemble des organisations professionnelles et syndicales pour faire front commun. La situation dramatique l'exige. Maintenant, chacun fera comme il voudra, nous suivra ou pas."
Vous tendez la main à la Confédération paysanne de J. Bové, c'est-à-dire à votre ennemi déclaré ?
- "Nous tendons la main à la Confédération paysanne, en particulier aux agriculteurs et aux éleveurs de la Confédération paysanne qui savent très bien, parce qu'ils le vivent dans leur exploitation, que cet appel classé comme "pathétique", l'est justement parce qu'ils le vivent dans leur chair, dans leur esprit, dans leur moral, dans leur situation personnelle. C'était quelque chose d'indispensable si on veut sauver l'élevage et une notion du milieu rural aujourd'hui."
Le mot "pathétique" a été employé par la Confédération paysanne justement ?
- "Oui, il est vraiment "pathétique" parce qu'il nous prend aux tripes, à nous, responsables agricoles qui vivons encore dans nos exploitations. Il prend aux tripes tous les agriculteurs et les éleveurs ; j'en ai vus pleurer, la gorge nouée, pendant ce congrès. Croyez-moi, c'est quelque chose de très profond. Les agriculteurs foutent le camp de la campagne, mais il faut qu'ils restent !"
Ce que vous reprochent les porte-parole de la Confédération agricole - et ce n'est pas nouveau -, c'est avoir eu une idéologie productiviste, autrement dit d'y être pour quelque chose dans la catastrophe.
- "Je réfute complètement cette notion de productiviste. La société toute entière, depuis 50 ans, nous a demandé des exigences sur notre production, de produire en quantité, en qualité, mais à bas prix. Aujourd'hui, il y a de nouvelles demandes et nous sommes prêts à y répondre. Mais c'est trop facile de dire que la FNSEA est productiviste et que les autres ne le sont pas. Il faut venir voir dans les exploitations de la FNSEA : je rappelle que plus de 40 % des agriculteurs de la FNSEA sont sous signes de qualité Agro-bio, AOC, label Agriculture raisonnée. Nous n'avons pas à rougir de ce que nous avons fait."
Vous proposez une journée nationale d'action, le 21 avril avec toutes les forces de l'agriculture. Si cette journée n'est pas unitaire, ce sera un échec ?
- "Nous proposons une journée le 21 avril dans tous les départements de France, à l'appel de la FNSEA et du CNJA, avec toutes les forces qui veulent se joindre à nous."
Et si elles ne se joignent pas ?
- "Si elles ne se joignent pas, elles l'expliqueront aux agriculteurs. Mais je suis sûr que les agriculteurs sur le terrain, eux, ne regarderont pas les étiquettes. C'est ce qu'ils nous demandent aujourd'hui. Ils en ont ras le bol des étiquettes, ils veulent être défendus, ils veulent exister. Nous avons donc répondu à l'appel des paysans et maintenant, si certains considèrent que ce n'est pas leur problème, ce n'est plus le mien non plus."
Vous avez par ailleurs demandé à être reçu par le Premier ministre. Est-ce une façon de court-circuiter le ministre de l'Agriculture, J. Glavany ?
- "Le Premier ministre a déjà répondu à notre appel, ce qui est une bonne chose. Si nous l'avons demandé au Premier ministre, c'est parce que le problème n'est plus seulement agricole aujourd'hui, c'est véritablement un problème de société quand on voit la désespérance, le désespoir des agriculteurs sur le terrain mais aussi celui des artisans, des commerçants, des professions libérales qui travaillent dans le milieu rural. Nous considérons que c'est un problème de gouvernement. Le ministre, sur ce sujet, n'a pas montré sa totale détermination et sa pleine efficacité. C'est donc au Premier ministre de décider aujourd'hui."
J. Glavany n'est pas venu à votre congrès, ce qui est assez rare pour un ministre de l'Agriculture. Vous le lui reprochez apparemment ?
- "Le ministre de l'Agriculture n'est pas venu aux Sables-d'Olonne mais la marée monte et redescend quand même aux Sables-d'Olonne, la face du monde n'est pas changée. Il a fait ce choix que nous regrettons parce qu'il aurait pu expliquer sa politique, dialoguer avec les agriculteurs comme d'habitude même si..."
L'an dernier, il avait été très mal reçu et c'est aussi pour cela...
- "Il a été sifflé à certains moments, sans doute le méritait-il. Mais il a pu expliquer tout ce qu'il voulait dire, il a toujours pu aller au bout de son explication pendant une heure et demi. Nous avions passé un deal avec lui de questions-réponses, cela a été dur à certains moments, mais si on est ministre - surtout de l'Agriculture - et qu'on ne veut pas se faire chahuter, il faut changer de métier."
Il a préféré ne pas venir en rappelant qu'il avait été traité de toutes sortes de nom d'oiseau l'an dernier.
- "Pour un ministre de l'Agriculture, prendre ce seul argument n'est pas digne de sa fonction de ministre si on ne veut pas affronter les paysans même en période de crise. Je peux vous dire que les paysans ont compris que le ministre de l'Agriculture, malgré toutes les déclarations qu'il peut faire, n'est pas vraiment avec eux aujourd'hui, alors qu'ils sont en pleine détresse. Allez voir les agriculteurs dans la campagne, ceux qui malheureusement sont désespérés et commettent des actes désespérés pour eux-mêmes - parce que c'est cela aujourd'hui la réalité dans les campagnes. Je crois qu'on avait besoin de lui à nos côtés ; il n'est pas venu et maintenant nous demandons au Premier ministre de prendre des mesures."
Vous vous adressez aussi au Président Chirac ?
- "Nous nous sommes adressés au Président Chirac, qui, a ce que j'ai compris, doit faire des déclarations de soutien. Nous sommes très clairs : nous sommes face au Gouvernement et c'est lui qui décide. Le Président de la République peut bien sûr nous apporter le soutien moral, les orientations vis-à-vis de l'Union européenne et demander au Gouvernement de tout mettre en place pour soutenir l'élevage, mais ce n'est pas lui qui décide en la matière."
Pourquoi quittez-vous le poste de président ? Est-ce parce que vous avez été élu président de l'assemblée des Chambres d'agriculture ? Vous êtes une nouvelle victime du non-cumul des mandats ?
- "Pas vraiment. C'est vrai que j'aurais pu cumuler, mais après 9 ans de présidence et quelque vingt ans dans le syndicalisme agricole, je crois qu'il est opportun de pouvoir rajeunir les cadres, de permettre à d'autres équipes - les mêmes d'ailleurs - de continuer avec des méthodes un peu différentes, de défendre les agriculteurs. Mais si je quitte la FNSEA, je n'en quitte pas pour autant la défense professionnelle des agriculteurs. A la présidence des Chambres d'agriculture, nous avons un travail important à faire pour le soutien de l'agriculture, qu'il soit technique ou dans la relation avec l'opinion publique, l'environnement ou la politique européenne."
Quel est le profil type idéal pour votre successeur ? Il y a D. Chardon qui est producteur Bio, J.-M. Le Métayer qui est plutôt producteur de lait - comme vous. Qu'en pensez-vous ?
- "Tout d'abord, il n'est pas obligé d'avoir la barbe ! Deuxièmement, il faut qu'il ait une volonté de synthèse, car la FNSEA, c'est aussi cela. Beaucoup de gens autour de nous ont du mal à comprendre comment elle fonctionne. L'agriculture est plurielle, la FNSEA est plurielle, elle est très diversifiée. Il faut donc pouvoir faire cette synthèse. Au-delà de notre situation personnelle dans nos exploitation, nous devons aussi pouvoir défendre l'ensemble des agriculteurs. Que se soit l'un ou l'autre - ou quelqu'un d'autre -, il devra aussi se surpasser, se dépasser, pour parler de sujets qui ne l'importent pas directement, parler des fruits et légumes, parler du vin - le consommer ça va, mais je connais pas grand chose de sa production... C'est pourtant cela la FNSEA.
Un homme de synthèse ?
- "Un homme de synthèse de toute façon, qui soit capable de fédérer les équipes. C'est indispensable pour la FNSEA et pour surtout pour le monde agricole et rural."
(Source http://www.fnsea.fr, le 23 janvier 2003)