Texte intégral
M. Biraben et C. Roux.- M. Biraben : Nous allons donc recevoir maintenant M.-A. Montchamp, la secrétaire d'État auprès de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale. Elle cognait dur sur N. Sarkozy quand elle était villepiniste. Aujourd'hui au Gouvernement, elle a pour charge de réussir la loi sur la dépendance et ouvre les consultations pour six mois avec les différents partenaires. M.-A. Montchamp bonjour.
Bonjour.
M. Biraben : Soyez la bienvenue. G. Delafon : M.-A. Montchamp, vous entamez six mois de consultations avec les partenaires sociaux sur la loi sur la dépendance. Pourquoi six mois de consultations ? Pour éviter les erreurs de la réforme des retraites ?
Vous savez, l'effort qu'il va falloir consentir pour ce projet dépendance, il va être d'environ dix milliards de plus que celui qu'on consent aujourd'hui.
G. Delafon : Tout à fait.
Il a été chiffré par Bercy à environ trente milliards d'euros, et demander aux Français de consentir un effort de dix milliards de plus nécessite qu'on soit bien d'accord sur ce que les Français souhaitent, sur les besoins qui sont aujourd'hui ceux des personnes très âgées et qui sont en perte d'autonomie et effectivement, parce que nous apprenons, parce que nous savons que dans la période que nous vivons, beaucoup de choix se présentent à nous sur le champ social, beaucoup d'options sont possibles, eh bien cette concertation est indispensable. Par ailleurs, il va falloir affiner les priorités. Qu'est-ce que ça veut dire « laisser le choix aux Français » ? Quel type de choix ? Quel type d'équipement ? Quel type d'accompagnement ? Comment mobiliser encore plus d'aidants dans les familles et comment les accompagner ? On voit bien que ce sont des sujets qui mettent nos sociétés qui vieillissent dans de nouveaux défis et c'est pour ça qu'il est important de débattre.
G. Delafon : Justement, vous l'avez expliqué : il faut trouver dix milliards.
Oui.
G. Delafon : C'est clair. Il faut peut-être le rappeler : la dépendance, c'est un peu plus d'un million de personnes âgées en France qui ont besoin d'aide.
C'est ça, oui.
G. Delafon : Et d'ici une dizaine d'années, il y en aura 200 000 de plus, d'où la nécessité de trouver cet argent. Où on va le trouver cet argent en période de crise ?
Alors déjà, si vous voulez, tout le monde n'est pas tout à fait d'accord sur les chiffres. Les chiffres que vous venez de rappeler sont parfaitement exacts ; simplement c'est un scénario dans lequel la santé, les progrès de la médecine seraient sans impact. Nous savons que si nous avons de bonnes politiques de santé, si nous sommes capables de développer des plans pour que le vieillissement soit harmonieux, eh bien il y aura moins de personnes dépendantes. Les personnes vieilliront, en effet, mais elles pourront vieillir autonomes chez elles et clairement, c'est ce qu'il faut viser. C'est ce qu'il faut souhaiter.
G. Delafon : Enfin on ne va pas viser sur l'inconnu, donc visons plutôt sur les dix milliards. Où est-ce qu'on va les chercher, les dix milliards ?
Voilà, mais c'est important de rappeler cela. Alors sur les dix milliards, bien sûr il y a des options qui se présentent à nous. Il est indispensable de ménager une solidarité nationale suffisante et en particulier à destination des classes moyennes. Quand on a des revenus, vous savez, intermédiaires, qu'on a encore des enfants à charge, il est très difficile de faire face à la dépendance d'un parent car on sait que les coûts sont très importants et qu'ils menacent véritablement les chances de la famille. C'est en particulier à destination de ces Français-là qui ont besoin d'être soutenus qu'il va falloir faire des choix offensifs et puis, naturellement, il y a la prévention ; la prévention qui permettra à chacun sans doute de s'organiser et d'être soutenu dans la prévision de son propre vieillissement.
M. Biraben : Là vous nous parlez de résultats mais je crois que la question de Gilles était vraiment où est-ce qu'on va trouver cet argent ?
G. Delafon : Oui, où est-ce qu'on va le trouver ? Alors il y a plusieurs pistes, M.-A. Montchamp. On va les prendre une à une. L'une des pistes, ce serait est-ce qu'il ne serait pas normal finalement d'égaliser les taux de CSG, d'aligner celui des retraités qui est moins faible sur celui des actifs qui payent plus ? Première piste. Est-ce que ça ne vous apparaîtrait pas le bon sens ?
Le président de la République a annoncé un grand débat fiscal pour le printemps et si vous regardez les calendriers, nous avons fait en sorte que le dossier dépendance intervienne à la fois en parallèle mais ne soit tranché qu'après ce débat-là.
G. Delafon : Ça, j'ai bien compris mais votre avis personnel sur la CSG ? Est-ce qu'il ne faudrait pas équilibrer ?
Vous savez, moi j'ai toujours à titre personnel défendu l'idée qu'il fallait orienter notre pays vers une fiscalité à assiette plus large car cela limite l'effort individuel et cela permet de lever de manière plus efficace des fonds pour financer en particulier l'effort social et la sécurité sociale. Maintenant nous sommes dans une période qui n'est pas simple. Nous sommes dans une période où la relance économique doit être une priorité et tout le travail qu'il faut faire, et c'est un travail extrêmement précis, est de veiller à ce que toute mesure prise ne déséquilibre pas nos chances de croissance, d'où l'importance du débat tant fiscal que son indépendance.
G. Delafon : Mais nous sommes dans une période aussi préélectorale, j'imagine que ça ne vous a pas échappé, et que de faire payer les seniors en année préélectorale ça peut se révéler parfois préjudiciable.
M. Biraben : Dans les urnes.
Je crois qu'aujourd'hui c'est tout un pays qui se trouve face à la question de la cohésion sociale. On le voit en ce moment : le plan grand froid démarre, on a de véritables défis collectifs à relever. Ce qui faisait hier les règles principales du combat politique bouge aujourd'hui. Les lignes bougent et je pense que les Français ne comprendraient pas qu'au motif qu'effectivement une année électorale arrive, on fasse table rase de ces réalités pour se contenter de faire de la politique politicienne. C'est d'ailleurs de manière très claire le sens de l'intervention du président de la République sur la mobilisation après le remaniement et également l'engagement de F. Fillon dans la continuité de la réforme. Ce serait je crois une fausse bonne idée de se lancer dans des calculs électoraux alors même que les Français savent que la réalité a changé et qu'elle n'est plus celle-là aujourd'hui.
G. Delafon : Alors j'avais une question toute simple : est-ce qu'il y a un risque de voir baisser l'aide personnalisée d'autonomie ? Parce qu'il y a un déficit actuellement qui s'élève à 5,5 milliards dans les départements ; est-ce qu'il y a un risque que l'APA baisse ?
Le risque serait de ne rien faire, de ne pas engager le chantier dépendance. Nous savons que les départements aujourd'hui sont en tension car du fait de leurs compétences, en particulier sur le champ social, ils sont extrêmement sollicités et mobilisés. Par ailleurs, la crise économique n'a pas arrangé les finances publiques, les finances de l'État. Naturellement, elle n'a pas non plus arrangé les finances des conseils généraux. Nous sommes là encore extrêmement conscients de cette réalité et sans faire de polémiques parce que parfois sur ce sujet, la polémique l'emporte un peu sur le débat de fond, eh bien le sens de ces mesures tant sur le chantier dépendance qui vise à trouver des solutions pérennes que sur le chantier fiscal, nous avons je crois là une véritable ligne qui est tracée pour aider les collectivités territoriales dans leurs charges.
G. Delafon : Alors, vous êtes aussi secrétaire d'État à la solidarité. Les préfectures, on l'a découvert ce matin dans Libération, réclament que les déboutés du droit d'asile soient refusés dans les centres d'hébergement d'urgence. Est-ce que ça vous choque ?
Ce n'est pas du tout le sens de l'engagement public auprès des démunis. Bon, je regarderai de plus près naturellement la circulaire dont on parle.
G. Delafon : Oui. Donc ça vous choque ?
Personnellement, je ne peux absolument pas entrer dans cette logique. C'est N. Sarkozy qui lui-même disait de manière extrêmement claire que quand on est à la rue, la première question qu'on pose n'est pas de savoir si la personne a des papiers mais comment éviter qu'effectivement la situation ne devienne critique pour cette personne-là.
G. Delafon : Donc en conseil des ministres mercredi, vous allez poser des questions. Vous allez demander c'est quoi, ça ?
Vous savez, ce n'est pas l'usage de lever son doigt et de dire : je veux poser une question en conseil des ministres...
G. Delafon : On écoute sagement et on ne dit rien.
Et d'ailleurs, je n'attendrai pas mercredi : dès tout à l'heure en arrivant à mon bureau, je vais interroger les directions départementales de la cohésion sociale pour comprendre quelle conception elles se font de ce principe et quelle est l'application réelle sur le terrain.
G. Delafon : Voilà.
Aujourd'hui, on doit héberger ceux qui dans la rue sont menacés.
G. Delafon : Tout le monde. Aujourd'hui on doit héberger tout le monde.
Oui, c'est une priorité. C'est une priorité. Et d'ailleurs, mon collègue B. Apparu qui travaille sur le logement et sur l'hébergement et sur cette ligne-là également. La cohésion gouvernementale est totale.
M. Biraben : L'affaire Karachi maintenant.
G. Delafon : Alors, vous êtes connue comme une députée villepiniste ; maintenant que vous êtes secrétaire d'État votre nomination a pu surprendre certains. Les déclarations se multiplient dans l'affaire Karachi. C'est clair que maintenant la bataille a repris entre N. Sarkozy et D. de Villepin. Est-ce que si ça continue, ça ne va pas devenir ingérable pour vous ?
La question de ma personne est absolument indifférente dans cette histoire.
G. Delafon : Non, mais vous avez un soutien affiché à D. de Villepin, et vous êtes membre du Gouvernement.
J'ai pris dans ce domaine toutes mes responsabilités. Aujourd'hui j'ai fait le choix de l'action car il me semble qu'avec les idées et les convictions que je porte en effet, qui sont celles que D. de Villepin a longuement exprimées, qu'il continue d'exprimer - sur la place de la France, une certaine conception du social, ce gaullisme social qui nous rassemble lui et moi - j'ai pris donc comme je vous le disais toutes mes responsabilités pour porter ces idées-là dans le champ de l'exécutif et dans l'action.
G. Delafon : Et vous pensez comme lui qu'il peut y avoir des rétrocommissions sur les contrats de Karachi qui bénéficiaient à la campagne d'E. Balladur ?
Je n'ai pas à penser. Aujourd'hui les seules choses qui importent, ce sont les preuves. Les éléments qui permettront aux familles de connaître la vérité et l'apaisement. Et aujourd'hui, c'est la seule ligne qui puisse effectivement être tenue. Je crois que tout ce qui relève du commentaire et de la petite phrase n'aide pas le travail de la justice. La lumière doit être faite, c'est la volonté du gouvernement et c'est naturellement l'attente bien légitime des familles qui ont beaucoup souffert.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 décembre 2010