Interview de M. Maurice Leroy, ministre de la ville à Radio Classique le 17 novembre 2010, sur la place du Centre droit dans le remaniement ministériel, la politique urbaine et la mise en place de l'Agence de rénovation urbaine.

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Média : Radio Classique

Texte intégral


 
 
G. Durand.- Vous voilà enfin ministre.
 
Eh bien oui, voilà, c'est fait.
 
Sourire banane, content ?
 
Banane avec ma chevelure serait difficile mais écoutez, moi...
 
C'est une satisfaction personnelle.
 
C'en est une et puis moi, je n'oublie pas que ministre vient du latin minister qui veut dire serviteur, voilà. Donc je suis heureux et fier de servir mon pays...
 
Mais alors ce ministère...
 
Et de la confiance de Nicolas Sarkozy et de François Fillon...
 
Ce ministère de la Ville il s'arrête où, il commence où parce que vous savez que c'est quand même un des grands échecs de toutes les années passées, que ce soit la gauche, Tapie, Bartolone, Fadela Amara...
 
Oui.
 
Il ne s'est pas passé grand-chose.
 
Oh ! Vous êtes un peu sévère, moi j'inscris ma politique dans une continuité qui est celle de l'Etat et de l'action publique en direction des quartiers difficiles. Je refuse d'être le ministre, vous savez, qui arrive et qui dit « tout ce qui s'est fait avant moi est nul et voilà ce qu'on va faire », ça, je trouve ça ridicule, d'ailleurs les gens n'y croient pas et ils ont raison de ne pas le croire. La ville...
 
Et est-ce que vous avez d'ores et déjà...
 
Oui, c'est l'Agence Nationale de la Rénovation Urbaine mise en place en son temps par Jean-Louis Borloo qui donne satisfaction à tous les élus, qu'ils soient de droite, de gauche ou du centre. C'est aussi l'accès qui finance le tissu associatif, les communes...
 
C'est aussi un chômage colossal...
 
Attendez, oui j'y viens...
 
Un grand Paris qui n'existe toujours pas...
 
Je vais vous répondre, je vais vous répondre. Et voilà, je vous l'annonce, ce sera aussi le grand Paris et c'est une excellente chose. Donc vous voyez...
 
Qui sera rattaché à votre ministère ?
 
Tout à fait. C'est donc un ministère plein, non seulement un ministère plein, c'était un secrétariat d'Etat, d'ailleurs Fadela Amara que j'ai rencontrée évidemment a eu la gentillesse de dire qu'effectivement, c'est une bonne chose que la ville redevienne ministère plein et avec effectivement, je vous l'annonce, le grand Paris, ce qui est une excellente chose...
 
Oui, avec des crédits...
 
Et avec des crédits qui vont avec...
 
Parce que ce que Fadela Amara a dit toutes ces dernières heures, c'est quand même qu'on ne l'avait pas laissée faire, c'est peut-être une manière de se défendre !
 
Oui mais vous savez... oui, vous savez Guillaume Durand, j'ai mis sous l'autorité de Charles Pasqua dans les Hauts-de-Seine, avec l'architecte Roland Castro, un grand plan d'harmonisation sociale et urbaine à l'échelle de tout le département des Hauts-de-Seine. A l'époque ce n'était « que 100 millions de francs », il n'y avait pas les euros, par an et 10 millions de francs sur les contrats de ville et on a fait des choses formidables. Il ne faut pas toujours dépenser plus, il faut surtout dépenser mieux, et j'ai quelques idées dont je vous parlerai quand je les aurai mises en oeuvre.
 
Donc vous allez retrouver et revoir les architectes, Jean Nouvel, qui ont participé...
 
Mais bien sûr, Jean Nouvel est un architecte formidable, que j'aime beaucoup, que j'apprécie beaucoup. Vous savez, il y avait une image de Cantal-Dupart qui était fameuse...
 
Cantal-Dupart, architecte lui aussi.
 
Architecte lui aussi qui disait « la politique de la ville, ça se résume assez simplement même quand on n'y connaît rien ». Quand vous avez 2 foyers Sonacotra face à face, ne cherchez pas, vous êtes sur une frontière intercommunale. Et lorsque le foyer Sonacotra est sous la bretelle de l'autoroute, ce n'est pas la peine d'aller voir le POS à la commune, vous êtes sur une frontière interdépartementale...
 
Oui mais...
 
Eh bien ! On doit être transversal, on doit faire travailler l'ensemble des acteurs de la politique de la ville.
 
Mais vous savez que c'est presque la culture parce que dans le projet culturel du président de la République, quand il a été élu en 2007, il y avait la réforme de la télévision mais il y avait aussi le grand Paris.
 
C'est vrai.
 
Qui se voulait être à la fois de l'urbanisme et aussi...
 
Qui se veut.
 
Une esthétique, la beauté, donc vous êtes ministre de la Ville et de la Culture d'une certaine manière.
 
Mais merci...
 
Et vous avez 18 mois pour faire tout ça.
 
Merci de le relever parce que c'est très important, je m'en étais entretenu avec le président de la République effectivement, et il a une vraie vision pour la ville et pour le grand Paris.
 
Comment vous l'avez appris que vous étiez ministre ?
 
Le dimanche au téléphone par le Premier ministre François Fillon, c'est assez classique dans tous les remaniements.
 
Alors première question, on va parler un peu de politique, quand il a expliqué que... qu'il a demandé à François Fillon de continuer puisque c'était le meilleur en gros, et je cite : « nous travaillons ensemble sans aucun nuage depuis des années », même Alain Duhamel ce matin sur RTL disait « j'ai vu son nez s'allonger comme celui de Pinocchio ».
 
Pourquoi même Alain Duhamel, vous vous expliquerez avec lui.
 
Non mais je dis ça avec amitié.
 
J'ai bien compris. Je sais bien que...
 
Sans aucun nuage et collaborateur, et ce n'est pas mon mentor, enfin c'est...
 
Oui, enfin c'est... voilà, on peut toujours...
 
Je sens l'embarras qui...
 
Non, je ne suis pas embarrassé moi, je ne suis pas un garçon embarrassé. Simplement, je crois qu'on a un peu oublié et j'aimerais le rappeler... je suis à l'aise en plus parce que je n'ai pas fait la campagne de Nicolas Sarkozy, comme vous le savez, au premier tour, je crois qu'on a oublié que lorsqu'il dit ça, son nez ne s'allonge pas parce que François Fillon était très proche de Nicolas Sarkozy, ils partageaient...
 
...De 2007 bien sûr...
 
Mais oui, attendez...
 
Il a fabriqué le programme avec Emmanuelle Mignon.
 
Eh bien voilà, c'est bien de le rappeler. Donc l'ossature, la colonne vertébrale du projet Sarkozy était fait par François Fillon et aussi Emmanuelle Mignon. Donc c'est l'homme qui sait mettre en oeuvre ce programme puisque il y a largement contribué. Alors après...
 
Mais alors pourquoi avoir suscité une candidature de Borloo ?
 
Attendez... mais je ne vais pas vous faire... ce n'est pas parce que je m'occupe de la ville que je vais vous faire langue de béton armé. Après... écoutez, dans des équipes on se parle franc et cordial comme on dit au Quai d'Orsay, et puis parfois il peut y avoir aussi des différences d'appréciation, c'est une bonne chose. Regardez comme c'est ridicule, on n'a pas arrêté de matraquer sur l'hyper Président et maintenant, on nous fait l'hyper Premier ministre, on ne fait pas beaucoup preuve d'originalité dans les commentaires.
 
Alors je voudrais qu'on vienne sur la politique en dehors des commentaires, comment peut-on dire qu'il n'y a pas d'affaiblissement des centristes après le départ de Borloo ?
 
Non mais...
 
Je vous cite Raffarin ce matin : la mise à l'écart des centristes est une erreur.
 
D'abord il n'y a pas de mise à l'écart des centristes, je veux rappeler simplement Michel Mercier, Garde des Sceaux et ministre de la Justice, excusez-moi, ça pèse dans l'architecture gouvernementale, c'est le 4ème ministre dans l'ordre protocolaire, je suis moi-même en charge de la Ville et je vous ai dit avec quel périmètre, y compris le grand Paris, ça n'est pas rien. Et Philippe Richert, qu'on a oublié dans tous les commentaires, à chaque fois on dit « il y a deux ministres centristes », non il y en a trois, Philippe Richert centriste, président de la terre centriste qu'est l'Alsace.
 
Donc Raffarin a tort !
 
Non mais attendez, il faut savoir dépasser...
 
On ne peut pas...
 
Mais il faut savoir...
 
Je vous le re-cite : la mise à l'écart des centristes est une erreur.
 
Oui, j'ai compris...
 
Si vous démontrez le contraire, c'est que Raffarin a tort.
 
Ecoutez oui, il a tort en ce domaine parce que tout simplement... et le président de la République l'a très bien expliqué, c'est vrai et pardon mais je ne suis pas en train de rabâcher ce que dit le président de la République. Prenez mes propres déclarations et mes dépêches, c'est ce que moi-même j'expliquais avant. Quand vous réduisez le nombre de ministres, c'est marrant d'ailleurs, l'UMP devrait aussi se plaindre parce qu'il y a aussi beaucoup moins de ministres UMP, il y en a 14 en moins, il y a... si on fait les additions, voilà, présentons l'addition à Jean-Pierre Raffarin, il y a 4 centristes de moins et il y a 14 UMP de moins.
 
Est-ce que vous êtes pour le rassemblement des centristes...
 
Oui.
 
Derrière Borloo et pour une candidature Borloo ?
 
Je suis résolument pour que les centristes s'organisent, je suis centriste...
 
Avec un groupe parlementaire ?
 
Je suis ministre centriste... et après, je suis ministre donc ce n'est pas à moi à organiser dans le détail l'architecture des compositions des groupes parlementaires. Je vous dis simplement oui, mille fois oui, il faut que les centristes s'organisent. J'étais aux réunions de Jean-Louis BORLOO avant d'être ministre, j'y étais lundi soir en étant ministre et j'y serai demain, voilà, il faut qu'ils s'organisent.
 
Et une candidature Borloo à la présidentielle ?
 
Ça, ça ne se détermine pas avoir d'avoir rassemblé les... sinon ça ne sert à rien, je veux dire... voilà...
 
Mais vous êtes plutôt favorable à une présence centriste à la présidentielle ?
 
Je pense que ça se réfléchit le moment venu, ce n'est pas quelque chose qu'on fait en claquant des doigts. Une candidature présidentielle vous savez, Bayrou a raison sur un point, vous voyez que je ne suis pas malhonnête...
 
Ce n'est pas votre meilleur ami.
 
Intellectuellement... oh ! Ça ne l'est plus mais il n'y a pas de drame non plus, il n'y a pas de guerre, heureusement. Ça se réfléchit une candidature à la présidentielle, ça ne se fait pas comme ça au détour d'une conversation. (...) Interview Claire Chazal (au téléphone) (...) Interview Laurent Fabius (sur Canal+ ce matin) (...) Interview François Hollande (sur France 2 ce matin) (...) Interview Alain Juppé (sur Europe 1 ce matin) (...) Interview Maurice Leroy (le 2 novembre) Oui, c'est tout à fait exact, voilà pourquoi je disais qu'il fallait qu'il y ait des centristes...
 
Et boom Fillon ?
 
Et boom Fillon, on sait pourquoi, on l'a compris hier et on l'a compris même avant, mais attendez, faisons un peu de fond. Voilà pourquoi je disais qu'il faut que les centristes s'organisent bien entendu, voilà, c'est à eux à s'organiser. Si vous voulez peser, il faut être organisé. Mais je reviens sur les commentaires, je suis totalement en phase avec Alain Juppé, vous le savez, moi-même... vous auriez pu trouver d'ailleurs des déclarations de ce genre comme porte-parole du Nouveau centre, nous avons toujours demandé que l'on sorte du bouclier fiscal la CSG et le CRDS au minimum, et nous avons fait des propositions à l'Assemblée nationale en ce sens et au Sénat. Franchement... pardon, je mets de côté la déclaration de Laurent Fabius parce qu'elle est tellement ahurissante...
 
Mais globalement...
 
Elle est tellement ahurissante. Mais c'est intéressant ce que dit François Hollande, je suis opposé à François Hollande mais je lui reconnais une chose, c'est le seul qui bosse au Parti socialiste aujourd'hui et c'est le seul qui fait des propositions qui seront intéressantes à confronter avec celles du Premier ministre et du Gouvernement, le dossier sur lequel travaille François Baroin, parce que notamment ce qu'a annoncé le président de la République, une nouvelle fiscalité sur les revenus du patrimoine, j'avais observé... (...) Sur les revenus du patrimoine, ce sont des propositions sur lesquelles François Hollande, lui-même, avait travaillé, voilà. Franchement, Laurent Fabius a été Premier ministre, comment peut-il dire que le chômage n'intéresse pas le président de la République. Comme disait Talleyrand : « tout ce qui est excessif est vraiment insignifiant. »
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2010