Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à RTL le 23 décembre 2010, sur la communication gouvernementale à propos de l'épisode neigeux, le projet d'interdiction de circulation des véhicules les plus polluants dans les centre-villes et la nomination de Rama Yade comme ambassadrice auprès de l'UNESCO.

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

P. Corbé.- Bonjour, N. Kosciusko-Morizet.
 
Bonjour.
 
Appel lancé hier à 13h20 : la Préfecture de Police Paris recommande à l'ensemble des entreprises de la région Ile-de-France de laisser leurs employés rentrer à leur domicile à partir de 16 heures. On a accusé le Gouvernement il y a 15 jours d'avoir pris à la légère l'épisode neigeux. Là est-ce qu'on n'en fait pas un peu trop ?
 
Non, on essaie tout simplement de prévenir les problèmes. Vous savez le problème de la neige c'est que c'est très difficilement prévisible y compris, ça peut paraître bizarre, très peu de temps à l'avance et donc on essaie de prendre des mesures de prévention. Tenir compte par exemple du fait qu'il y a 15 jours, en effet on avait arrêté les poids lourds trop tard. Mais c'est facile à dire après coup et parfois ça paraît exagéré dans l'autre sens. C'est pas très simple à doser.
 
Et donc, là quand on parle par exemple de 20 % de vols en moins à Roissy, qu'il y a un appel à ne prendre la route qu'en cas de nécessité absolue, est-ce qu'on va voir se reproduire ce genre d'appel régulièrement ? il y a la neige encore aujourd'hui, il y a la neige lundi prochain, on va voir ça régulièrement ?
 
On est confronté à une série d'épisodes neigeux récurrents de façon quand même un peu exceptionnelle. Avoir un abattement de 20 % de vols à Roissy c'est tout à fait commun dans ce genre de circonstances. En fait, dès qu'il y a un épisode climatique un peu fort, on annule une frange de vols qui sont prévus, en fait pourraient être annulables dans ces circonstances-là. C'est comme ça.
 
Donc la Préfecture pourrait lancer ce même genre d'appel : "rentrez chez vous" régulièrement, y compris cet après midi.
 
Régulièrement... non... l'objectif n'est pas de les multiplier. On est dans une période un peu particulière dans laquelle on cumule les départs en vacances, la période de fêtes et l'épisode neigeux. C'est quand même pas tout le temps que c'est Noël et veille de départs en week-end de Noël. On fera attention de la même manière pour le week-end de la St-Sylvestre où là on sait qu'en plus c'est un week-end qui est assez accidentogène.
 
 
Selon Le Figaro, on manque de sel dans plusieurs communes, plusieurs mairies, plusieurs conseils généraux. Est-ce qu'on manque de sel pour saler les routes dans les prochains jours ?
 
Je vais vous dire, pour être très précise, on manque plus encore de glycol.
 
Le glycol ! Expliquez-nous, N. Kosciusko-Morizet.
 
Le glycol est le produit qui permet de dégivrer les avions...
 
Eau et alcool… c'est ça ?
 
En fait, c'est une entreprise qui fait ça à Fos, qui ne l'a pas fait pendant quelque temps, qui est en train de revenir à la production. Il y en aura à nouveau du disponible lundi et on a une vraie tension sur les stocks de glycol. Sur les stocks de sel, c'est tendu mais il y a de la production et on a mis une dérogation par rapport à la circulation de poids lourds pour les camions transportant du glycol et du sel. Donc, si vous voyez passer des camions sur les routes alors que c'est interdit, c'est peut-être un camion de sel.
 
N. Kosciusko-Morizet, les auditeurs de RTL sont très divisés depuis hier sur cette expérimentation qui va commencer d'ici deux ans dans six grandes agglomérations, dont Paris : interdire la circulation des véhicules les plus polluants dans les centre-villes mais aussi dans l'immédiate périphérie. Est-ce que ce n'est pas de la chasse aux automobilistes ?
 
Pas du tout...
 
Vous voulez virer les voitures les plus polluantes, quand même.
 
Non, non, c'est une expérimentation sur une base volontaire faite dans la suite du Grenelle, dans la dimension « Santé-Environnement » du Grenelle. On a partagé un certain nombre de chiffres de santé environnementale dont certains sont assez alarmants. On considère qu'aujourd'hui, il y a 40.000 décès prématurés par an liés aux particules fines. Il y a en moyenne pour un Français 9 mois d'espérance de vie en moins du fait de la pollution atmosphérique.
 
Quand on habite en centre-ville ou à proximité d'une ville ?
 
Alors les particules fines, elles peuvent avoir plusieurs origines y compris agricoles. Mais quand vous êtes en centre-ville, à 50 % c'est une origine de routes, de véhicules à moteur…
 
Et ça, c'est la faute aux véhicules anciens, aux 4 x 4, aux grosses berlines ?
 
A 50 % des véhicules à moteur et des véhicules à moteur de plusieurs types. Ca peut être l'âge du véhicule, ça peut être le mauvais réglage du véhicule, ça peut être naturellement la cylindrée du véhicule, le type du véhicule et donc tout simplement on a fait un appel aux communes qui souhaitaient être volontaires pour expérimenter quelque chose qui existe dans pas mal d'autres villes d'Europe qui est d'avoir des zones de restriction de circulation pour certains types de véhicules.
 
Ca ne serait pas plus simple de mettre un péage urbain comme à Londres, on récupèrerait de l'argent pour financer les transports en plus ?
 
A titre personnel, je ne suis pas très chaude sur le péage urbain. Je vais vous dire comme maire de grande banlieue.
 
A Longjumeau.
 
Parce que je trouve que ça peut devenir très vite anti-social.
 
C'est-à-dire que les pauvres ne pourraient plus rentre en centre-ville...
 
Pourquoi est-ce que, quand vous êtes dans la grande banlieue, vous devriez payer pour aller au centre-ville, et quand vous êtes dans le centre-ville de Paris, vous pourriez avoir par exemple un 4 X 4 diesel très polluant et vous balader comme ça dans Paris sans rien dire ? La ZAPA, comme vous dites, la zone de restrictions de circulation pour certains types de véhicules, moi elle me semble plus juste. J'ajoute que ça a été expérimenté dans plusieurs dizaines de pays d'Europe et ça a permis d'y réduire de 20 à 40 % la pollution atmosphérique. Moi je ne me heurte pas, par principe, à la liberté des automobilistes, sûrement pas. Mais la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres et il faut trouver un équilibre. Vous avez aussi des gens qui sont malades des particules fines à Paris. Donc est-ce qu'à un moment la liberté de circuler en 4 X 4 diesel sur la Place de la Concorde ça doit être opposé à celle là et ça doit prédominer sur celle-là ? Je ne suis pas sûre. Les Zapa c'est 6 communes, 6 agglos qui sont aujourd'hui sélectionnées. Il va peut-être y en avoir d'autres parce que j'ai étendu jusqu'au 31 décembre. Il y avait beaucoup d'agglos qui se disaient intéressées. Ca se mettra en place pour 3 ans de manière expérimentale et le Ministère assurera un suivi. On va mesurer la qualité de l'air pour voir quel est l'impact. J'ajoute que c'est négocié au niveau local. On n'impose pas un type de restrictions au niveau national, on fait des listes de catégories de véhicules et chaque commune candidate choisit, en fonction un petit peu de son profil, de son centre-ville. L'objectif n'est pas de faire fondre l'activité des centres-villes, l'objectif est de leur redonner une nouvelle activité fondée sur la qualité de l'air, la qualité de vie. En fait, ça peut être une reconquête du centre-ville mais autour de la qualité parce qu'un centre-ville pollué, de toutes façons, je vais vous dire c'est pas attractif.
 
On aura l'occasion évidemment d'en reparler. R. Yade, virée du Gouvernement, ambassadrice auprès de l'Unesco. "L'utilisation des fonctions d'État à des fins de réaffectation des ministres sans emploi, c'est tout sauf l'exigence d'une République impartiale et irréprochable" disait à ce même micro F. Hollande, hier matin.
 
C'est quelqu'un d'impartial, alors ? Je veux dire R. Yade, elle a été...
 
La gauche l'a fait également...
 
R. Yade, elle a été secrétaire d'État en charge des Droits de l'Homme. Elle s'est beaucoup mobilisée sur ce sujet, elle a même écrit sur ce sujet. Elle s'est mobilisée notamment quand elle était aux droits de l'Homme sur des questions de diversité culturelle.
 
Et elle est très populaire...
 
Elle est très populaire, oui mais pas seulement, mais attendez, elle a le droit aussi de mettre ses compétences au service... Moi je suis sure qu'elle va rendre ce poste dont personne n'entend pas parler tous les jours quand même, ambassadrice auprès de l'Unesco.
 
X. Darcos a eu ce poste là aussi, C. Colonna, deux anciens ministres également recasés.
 
Moi je pense que Rama va poursuivre leur oeuvre et peut-être en faire quelque chose de très visible et ce sera bien pour l'Unesco.
 
"Ce n'est pas compatible avec la télévision", a tiqué apparemment F. Fillon, selon Le Parisien.
 
Ca nécessite un type de réserve parce que c'est un poste très différent. Ce n'est pas un poste politique. Donc ça nécessite un type de réserve, un retrait vis-à-vis de certains sujets. Mais vous savez Rama, avant de faire de la politique, elle était administratrice du Sénat qui est donc un poste dans lequel il y a besoin de beaucoup de réserve et elle doit pouvoir trouver les ressources nécessaires en elle-même pour le faire.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 décembre 2010