Déclaration de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur le rôle clé de l'innovation technologique dans le développement de l'industrie automobile, Guyancourt le 4 janvier 2011.

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Monsieur le directeur général délégué de Renault, Cher Patrick PELATA,
Mesdames, Messieurs les ingénieurs, cadres, techniciens et employés du Technocentre,
Nous sommes à une période charnière. La prime à la casse a permis de soutenir très vigoureusement le marché automobile français, qui a atteint en 2009 et 2010 des niveaux de ventes qu'il n'avait pas connu depuis 10 ans : 2,3 millions de véhicules vendus en 2009, et 2,25 millions en 2010. 514.000 primes à la casse ont été payées en 2009, et 587.000 en 2010, soit plus d'1,1 million de primes au total. Ce soutien était indispensable. Qui sait où en seraient aujourd'hui nos constructeurs s'ils n'avaient pas eu ce soutien ?
Il faut maintenant aborder l'avenir. 2011 ne connaîtra pas le niveau du marché des années 2009 et 2010, c'est une évidence. Je ne crois pas pour autant à un effondrement, car nous avons choisi une baisse progressive de la prime à la casse. Dès lors, une baisse du marché de 10% me semble un maximum. Or même avec une baisse de 10%, le marché restera au dessus des 2 millions de véhicules vendus, ce qui est peu ou prou la moyenne de long terme du marché automobile français.
Il ne faut pour autant pas rester les bras croisés. Il faut au contraire préparer l'avenir avec conviction. Nos constructeurs, nos équipementiers, nos sous-traitants, pour garder leurs parts de marché, doivent garder une longueur d'avance sur la concurrence, et cela passe clairement par l'innovation. C'est pour cette raison que j'ai souhaité placer ce déplacement sous ce thème. L'innovation technologique d'une part, dont le véhicule décarboné est l'exemple parfait, mais aussi l'innovation au travers du design, dont on sait le rôle clé qu'il joue dans l'acte d'achat d'une nouvelle voiture.
Le rôle clé de l'innovation pour notre industrie, il suffit de venir ici, au Technocentre, pour s'en convaincre. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 11.000 personnes, 11.000 ordinateurs, 2.000 stations de conception assistée par ordinateur. Renault est le 2ème déposant de brevets en France - plus de 900 en 2009 - et c'est ici que beaucoup de ces brevets ont pris naissance. La France représente à elle seule 80% des dépenses d'ingénierie du groupe Renault. Le Gouvernement est attentif à ce que notre pays garde une attractivité très forte à cet égard, d'où notre attention toute particulière sur le maintien dans la durée du Crédit Impôt Recherche, qui a été triplé en 2007.
Le Technocentre présente cette force de mettre côte à côte tous les acteurs de la création d'un nouveau modèle : il suffit à un ingénieur en charge du tableau de bord de faire quelques pas pour aller voir son collègue en charge du design général de la voiture, ou de descendre deux étages pour aller voir le prototype en cours de réalisation.
Des moyens exceptionnels ont également été déployés pour permettre de visualiser directement sur grand écran les modèles conçus sur ordinateurs, sans devoir systématiquement passer par une maquette. C'est un gain de temps essentiel, à l'heure où le délai de conception d'un nouveau modèle est un paramètre clé face à la concurrence.
C'est ici, au Technocentre, que le groupe Renault développe ce qui sera une des ruptures technologiques majeures de cette décennie : le véhicule décarboné. Nous le savons, les préoccupations climatiques imposent à chaque pays de réduire ses émissions de CO2. Dans l'automobile, des normes européennes fixent des objectifs extrêmement ambitieux : la moyenne des émissions des véhicules neufs commercialisés en Europe ne devra pas dépasser 130 grammes de CO2 par kilomètre en 2012, et surtout ne devra pas dépasser 95 grammes de CO2 par kilomètre en 2020. C'est un bond considérable.
Mon rôle de ministre en charge de l'industrie, c'est de faire en sorte que l'industrie française soit au rendez-vous. Devant cet objectif général de réduction des émissions, il n'y a pas une, mais des solutions. Un ensemble de solutions, qui ne s'opposent pas, mais répondent à des besoins de mobilité complémentaires.
Le moteur thermique continuera, de toute évidence, à jouer un rôle majeur. Les efforts de « down-sizing » permettent ainsi de concevoir des moteurs aussi performants, mais plus petits et moins gourmands. Mais à côté du véhicule purement thermique, une place importante va apparaître pour de nouvelles technologies, en particulier les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables. Dans un pays comme la France, où une large part de notre électricité est produite sans émissions de CO2, grâce à nos importantes capacités nucléaires et hydro-électriques, le véhicule décarboné est évidemment une opportunité majeure.
Face à cet ensemble de technologies, chaque constructeur doit choisir ce sur quoi il va cibler ses investissements. Renault, tout en continuant bien sûr à investir fortement sur le véhicule thermique, c'est évident, a fait le choix très clair d'un investissement massif sur le véhicule électrique.
C'est avec satisfaction que je constate que c'est en France que Renault - groupe d'ambition mondiale - a choisi de positionner une bonne partie de sa production de véhicules électriques. Le Kangoo électrique, que j'ai pu essayer tout à l'heure, est ainsi fabriqué à Maubeuge. Il cible un des marchés clés du véhicule électrique : celui du petit utilitaire urbain et périurbain, très bien adapté notamment aux flottes d'entreprises. Quant à la Zoé électrique, dévoilée lors du Mondial, elle sera fabriquée à Flins. Elle ne roule pas encore, mais je serais évidemment très preneur de pouvoir la tester dès qu'elle roulera.
Au-delà de l'assemblage du véhicule, c'est une filière industrielle nouvelle qu'il s'agit de créer. Un véhicule décarboné, ça veut dire des batteries, ça veut dire un moteur, ça veut dire un système de régulation thermique adapté, ça veut dire des infrastructures de charge.
Sur tous ces sujets, je sais que l'industrie française travaille d'arrache-pied. Renault a annoncé son intention d'implanter à Flins son usine d'assemblage de batteries pour la Zoé. Renault coopère par ailleurs avec le CEA pour préparer déjà la génération suivante de batteries.
Ces efforts que doit accomplir l'industrie automobile, que ce soit sur le moteur thermique ou sur les véhicules décarbonés, l'Etat entend évidemment les soutenir. Les Investissements d'avenir seront à ce titre largement mobilisés.
J'ai annoncé en décembre la signature d'une convention « véhicule du futur », dotée de 1 milliard d'euros. Avec René Ricol, le commissaire général à l'investissement, nous donnerons dans les toutes prochaines semaines le calendrier précis des appels à manifestation d'intérêt qui seront lancés pour l'utilisation de ce milliard d'euros.
L'innovation, ça n'est bien sûr pas que l'innovation technologique. En matière d'automobile, on sait à quel point le design, l'image, comptent. Face à la multiplication des offres concurrentes, le design est un élément de différenciation incontournable. Renault a illustré avec son concept-car « Dézir », lors du Mondial, la nouvelle ligne stylistique qu'il souhaitait insuffler. Ici se préparent, dans le plus grand secret, les modèles de série qui porteront ce nouveau design, et auxquels je souhaite beaucoup de succès.
Au-delà de Renault, l'importance du design, elle vaut tout autant pour la majorité de nos PME. L'utilisation du design par les PME françaises est un enjeu clé. Or les enquêtes menées signalent un léger retard en la matière. 40% des PME françaises font appels au design, contre près de 50% au Royaume-Uni ou en Europe du Nord, et 70% en Espagne. Mon rôle est évidemment d'encourager nos PME à reprendre la course en t??te. De nombreuses actions sont menées en ce sens par mon ministère : des ateliers permettant aux chefs d'entreprise de découvrir les outils du design sont régulièrement organisés dans chaque région, et des outils de formation ont été créés et diffusés via Internet.
Mesdames, Messieurs,
En course automobile, il ne faut pas attendre d'être sorti du virage pour commencer à accélérer. C'est vrai aussi pour l'industrie automobile dans son ensemble. Ce sont les entreprises qui auront su prendre de l'avance dans leurs programmes durant la crise qui feront la course en tête. Vous êtes, vous les techniciens, employés, ingénieurs de Guyancourt, ceux qui donnent une longueur d'avance à notre industrie. Vous avez de nombreux défis à relever, dont celui du véhicule décarboné. De même que l'Etat a été présent à vos côtés quand il a fallu soutenir le marché durant la crise, l'Etat est plus que jamais à vos côtés pour relever ces défis.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://wwwminefe.gouv.fr, le 5 janvier 2011