Texte intégral
Q - Notre invitée ce matin Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, bonjour.
R - Bonjour.
Q - Merci d'être avec nous ce matin. J'ai une petite surprise pour vous.
R - Une surprise de Noël ?
Q - Non, vous allez voir. Vous allez voir, il s'appelle Dominique. Il est à Roissy actuellement, au terminal 3 de Roissy. Vous allez comprendre tout de suite pourquoi au Terminal. Dominique est-ce que vous êtes là ?
R - Dominique - Absolument Jean-Jacques. Bonjour Madame le Ministre.
R - Bonjour.
Q - Dominique racontez-nous pourquoi vous êtes à Roissy ?
R - Dominique - Ecoutez, je suis à Roissy pour récupérer le fils de ma soeur et je vais pouvoir profiter de votre passage à BFM-RMC pour vous remercier d'avoir décanté ce dossier qui traîne depuis des mois. Vous allez rendre et vous avez rendu déjà depuis mardi des familles heureuses. Je suis très ému. Vous allez encore rendre des gens très très heureux. Merci pour ce Noël qui était inattendu. Notamment pour les enfants et surtout pour eux, on a une pensée pour tous ceux qui restent là-bas, c'est exceptionnel. Merci encore Madame le Ministre.
R - Ecoutez, ne me dîtes pas merci, je crois que le plus beau merci, c'est effectivement votre bonheur, celui des enfants et puis cette émotion que nous partageons tous de voir ces enfants revenus ou venus plus exactement dans leur famille d'origine. Je crois que tout le monde y a beaucoup participé, pendant des mois, parce que je sais que cela parait toujours très très long mais en même temps, ce que l'on a souhaité, c'est que ces enfants reviennent dans les meilleures conditions pour eux, pour leurs parents adoptifs, pour la sécurité juridique, donc tout le monde a beaucoup travaillé. J'ai pu, effectivement, à un moment qui était crucial parce que c'était celui du début de cette épidémie de choléra, grâce à un contact avec le Premier ministre haïtien, débloquer la situation puisqu'il a accepté qu'il y ait un accord gouvernemental permettant que pour tous les enfants qu'il y ait une venue en France. Il y a ceux dont les dossiers sont complètement bouclés. Il y en a d'autres pour lesquels certaines procédures vont se terminer en France. C'était cela le point le plus important.
Q - Et ces autres enfants pourront aussi...
R - Ils sont là. Ceux-là, ceux dont les dossiers étaient suffisamment avancés viennent en France et les procédures seront terminées en France. Il reste quelques enfants, effectivement, que je n'oublie pas, il y a d'abord vingt-sept enfants qui en étaient au tout début des procédures d'adoption et pour lesquels là il y aurait eu trop d'incertitude et donc nous allons aider à ce que les dossiers avancent à Haïti, mais on ne pouvait pas les faire venir. Il reste également six enfants qui normalement auraient du venir par ce deuxième avion et pour lesquels malheureusement il manquait des pièces de dossier et donc on n'a pas le de dossier, ces derniers cas nous allons effectivement les régler. Il y en a quelques-uns que nous avons réussi dans les dernières heures juste avant que l'avion ne décolle à régler mais on va le faire dans les tout prochains jours, de façon à ce qu'effectivement leur famille puisse les accueillir le plus vite possible.
Q - Dominique a appelé RMC tout à l'heure, spontanément en nous disant «voila j'ai envie de remercier Michèle Alliot-Marie». J'ai une dernière question, puis je vais passer à la Côte d'Ivoire. Michèle Alliot-Marie, comment se fait-il que tout à coup ce dossier se soit débloqué, parce que Bernard Kouchner était ministre des Affaires étrangères, ça n'avançait pas, et tout à coup, à quelques jours de Noël, ça se développe, pourquoi ?
R - Et bien je vous dis quand je suis arrivée au ministère...
Q - c'est grâce à vous ?
R - Non.
Q - C'est parce qu'il y a eu...
R - Non d'abord c'est grâce à tous ceux qui sont intervenus avant et pendant des mois suivants parce que c'est vrai que dans un pays très désorganisé comme Haïti, c'était difficile. Quand je suis arrivée au ministère, vous le savez, c'était l'épidémie de choléra et il m'a semblé qu'il fallait essayer de faire quelque chose et j'ai pu avoir dans les 48h de mon arrivée le Premier ministre d'Haïti en ligne. J'ai discuté avec lui, je lui ai dit que nous lui envoyons un avion avec du matériel, avec des médicaments, avec du personnel également et j'ai abordé ce problème avec des enfants. Il a accepté, effectivement, un peu en dérogation aux règles habituelles, de signer une lettre qui vaut accord gouvernemental et qui nous permettait de dégager ces enfants. Mais restait un autre problème, qui était le problème des vols commerciaux, parce que sur les vols commerciaux, les parents pouvaient aller les chercher mais évidemment, à chaque fois, il y avait quelques places et ça risquait d'être très long et en plus, il y avait de l'incertitude parce que la situation est un peu compliquée à Haïti. Donc j'ai décidé à ce moment-là d'affréter deux avions et d'offrir aux parents d'aller chercher, de ramener les enfants par ces deux avions spéciaux. Le ministère de la Défense, le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Santé, le ministère des Solidarités se sont joints à moi pour qu'on organise à la fois le déplacement avec des médecins notamment dans l'avion, des personnels accompagnants pour qu'on organise également l'arrivée à Roissy. C'est comme cela qu'effectivement, nous avons pu débloquer cette situation. J'en suis très heureuse pour les familles et pour les enfants. Dernière chose, je veux bien préciser, parce qu'il y a eu quelques bruits, que tous les enfants qui rejoignent la France arrivent avec une situation juridique parfaitement claire et en toute sécurité juridique.
Q - Michèle Alliot-Marie, la Côte d'Ivoire, est-ce que vous demandez toujours à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir ?
R - Ce n'est pas moi qui le demande, c'est l'ensemble de la communauté internationale.
Q - Est-ce que la France demande toujours à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir ?
R - Mais bien entendu. Non seulement la France mais aussi l'Assemblée générale des Nations unies c'est-à-dire l'ensemble des pays du monde. Les premiers qui ont demandé à Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite et de reconnaître que c'est Alassane Ouattara qui est le président légitime, qui est le véritable président de la Côte d'Ivoire. Ce sont les pays africains, d'abord la CEDEAO c'est-à-dire les pays de l'Afrique de l'ouest, l'Union africaine puis effectivement le Conseil de sécurité des Nations unies. Aujourd'hui tout le monde dit la démocratie, c'est de reconnaître le vote des électeurs. Le vote des électeurs ivoiriens, il est clair, il a été avalisé par le Représentant spécial des Nations unies charge de superviser ces élections.
Q - Mais pas par la Cour constitutionnelle ivoirienne et Laurent Gbagbo dit «c'est de l'ingérence dans les affaires intérieures ivoiriennes, la Cour constitutionnelle a reconnu ma victoire donc je suis le président élu»
R - Je vais vous dire exactement comment les choses se sont faites. Il y a avait d'abord une commission indépendante reconnue par M. Laurent Gbagbo composée des représentants de tous les partis politiques. Cette commission était chargée de proclamer les résultats. Il était dit que si cette commission ne voulait ou ne pouvait proclamer les résultats techniquement, alors le Conseil constitutionnel donnerait des résultats. Que s'est-il passé ? La commission indépendante a tout supervisé et elle a été en mesure de donner les résultats dans le temps sauf qu'elle a été cernée par des gens de M. Gbagbo, y compris par des militaires qui ont essayé d'empêcher son président de proclamer les résultats. Il a néanmoins réussi à aller proclamer les résultats devant la presse et vous avez sans doute vu comme la plupart des Français ces images à la télévision où alors qu'il a le papier en main pour proclamer les résultats, quelqu'un, un partisan de M. Gbagbo arrive et lui arrache le papier des mains pour l'empêcher. Suite à quoi M. Gbagbo a dit «la commission n'a pas proclamé donc c'est le Conseil constitutionnel - qu'il a entièrement nommé - qui va proclamer ces résultats». Comme par hasard, ces résultats ne sont pas ceux de la commission avalisée par le Représentant des Nations unies. Donc les choses sont claires et aujourd'hui les uns après les autres, les pays africains de l'Afrique de l'Ouest, l'ensemble des pays africains à travers l'Union africaine, l'ensemble des pays aujourd'hui de l'ONU, l'Union européenne ont dit «les vrais résultats se sont ceux de la commission indépendante et donc c'est effectivement M. Ouattara qui est le président élu». M. Gbagbo et quelques-uns de ses partisans refusent d'accepter tout simplement la démocratie. Nous ce que nous disons, c'est que la Côte d'Ivoire a été un grand pays démocratique, il faut qu'elle le demeure et pour cela il faut qu'il y ait une reconnaissance et une transition qui se fasse sans violence. Malheureusement, ce que nous constatons aujourd'hui, c'est qu'il commence à y avoir des violences.
Q - Alors justement, la violence, selon l'ONU des atrocités sont commises en Côte d'Ivoire, il y a même eu une résolution qui a été adoptée. Vous avez confirmation que des atrocités sont commises et que des mercenaires venus notamment du Liberia commettent ces atrocités ?
R - Ce sont effectivement les observateurs de l'ONU qui nous donnent ces informations. Donc ce sont effectivement des gens qui sont complètement indépendants et il y a de très nombreux témoignages de ce que, notamment de nuit, il y a des groupes qui sont des groupes pro-Gbagbo composé dit-on de mercenaires notamment venus du Liberia et qui vont dans un certain nombre de quartiers d'Abidjan, qui battent les gens, qui tuent, qui violent également, il y a beaucoup de viols et d'enlèvements. Il faut que cela cesse.
Q - Alors est-ce que Laurent Gbagbo et certains de ses proches pourraient être poursuivis pour crime de guerre ?
R - La première des choses, c'est que la communauté internationale a effectivement décidé de sanctionner ce refus des résultats démocratiques par Laurent Gbagbo et un certain nombre de ses proches. C'est ainsi que lundi dernier des sanctions ont été décidées par l'Union européenne, sanctions d'ailleurs que les Etats-Unis ensuite ont décidé également de mettre en oeuvre. La première des choses c'est l'interdiction de toutes ces personnes, dix-neuf personnes jusqu'à aujourd'hui, de pouvoir venir en Europe ou aux Etats-Unis. La phase suivante sera le gel de leurs avoirs, c'est-à-dire le gel des comptes bancaires ou des biens et qui va intervenir naturellement si rien ne bouge. Et puis, bien entendu, si par la suite il y avait, s'il y a des atrocités qui sont commises ou des actions qui sont commises...
Q - Il y en a apparemment...
R - A ce moment-là, il y aura bien entendu des suites judiciaires qui seront données au niveau international.
Q - Donc ils pourraient être poursuivis pour crime de guerre devant la Cour pénale internationale ?
R - Ça n'est pas moi qui aujourd'hui vais le faire. Je dis qu'il y a des procédures et ces procédures seront effectivement mises en oeuvre envers les gens qui ont commis directement ces actes voire envers les gens qui auraient commandé cela.
Q - C'est donc un avertissement, Michèle Alliot-Marie, que vous envoyez à Laurent Gbagbo et à un certain de ses proches ?
R - C'est un avertissement en même temps que c'est une alerte. Il faut que ceci s'arrête. M. Gbagbo a encore la possibilité de sortir par le haut de cette situation.
Q - Comment ?
R - En reconnaissant ce que sont les résultats et en transmettant le pouvoir dans des conditions normales.
Q - Est-il vrai qu'on lui a offert un exil en Afrique du Sud ou ailleurs ?
R - Ce qui est exact, c'est qu'un chef d'Etat qui perd des élections, à partir du moment où c'est un chef d'Etat qui a fait un certain nombre de choses positives, a droit à avoir une sortie tout à fait honorable et je crois que tout le monde en était bien d'accord sur ce point. Mais il est vrai que plus le temps passe, et plus il y a effectivement de dérapages, voire de violences et plus cette perspective s'éloigne.
Q - Michèle Alliot-Marie est-ce que vous demandez toujours aux Français de partir, du moins ceux qui peuvent partir, évidemment ? Toujours ?
R - Je dirais que c'est une recommandation. Aujourd'hui, il n'y a pas de menace directe sur les Français ou sur les Européens. Il y a des propos notamment de l'entourage de M. Gbagbo, de M. Blé Goudé qui sont des attaques mais en même temps il y a semble-t-il des propos, des consignes, disant de ne pas y toucher. Ceci dit, si la situation continue de se détériorer comme nous le voyons avec de plus en plus de violences, il peut y avoir effectivement un certain risque et donc ce que nous disons, ça n'est pas une évacuation. Nous disons simplement que lorsque des gens ont la possibilité d'aller passer les fêtes de Noël ailleurs qu'en Côte d'Ivoire, c'est une recommandation de prudence de la même façon que depuis le début nous faisons, via l'ambassade de France, des recommandations de prudence à tous nos ressortissants qui sont sur place en leur recommandant de rester en contact avec l'ambassade, en leur recommandant d'éviter un certain nombre de déplacements, notamment dans un certain nombre de quartiers. C'est aussi notre rôle d'être très soucieux de la sécurité de nos ressortissants lorsqu'ils sont dans un pays où il y a des troubles.
Q - Bien. Michèle Alliot-Marie est notre invitée ce matin. Nous allons parler de l'Afghanistan et de nos otages divers qui sont malheureusement retenus ici ou là sur la planète. Il est 8h46. Vous êtes sur BFM TV et sur RMC à tout de suite.
Avez-vous vu la vidéo des deux otages français, nos deux confrères retenus en Afghanistan et de leurs accompagnateurs ?
R - Non. J'ai eu le script détaillé de ces deux vidéos mais je n'ai pas...
Q - Comment sont-ils physiquement ?
R - On peut dire que physiquement ils sont relativement en bonne santé, ou même en bonne santé compte-tenu des conditions de détention qui sont des conditions difficiles dans cette partie de l'Afghanistan.
Q - En septembre dernier, le chef d'état major des armées avait jugé raisonnable d'espérer une libération d'ici Noël. Nous sommes à Noël, et ils sont toujours retenus.
R - Je ne me prononcerai pas sur les délais, d'abord parce que c'est très difficile ; quelles que soient les situations de prise d'otage, il y a de nombreux facteurs qui interviennent et d'ailleurs je pense que moins on en parle et mieux c'est. Ce que je veux simplement dire, c'est que la libération de tous nos otages est une priorité.
Q - Je pense à ceux qui ont été enlevés au Niger, par exemple.
R - Tous les matins lorsque j'arrive, j'ai sur mon bureau une fiche sur les crises dans le monde, et donc une actualisation. Et en fait de toutes ces crises, il y a la situation, tous les éléments sur les otages. C'est bien vous montrer que pour le président de la République, pour tout le gouvernement, pour moi-même, naturellement, c'est effectivement quelque chose qui est tous les jours sur notre bureau, tous les jours dans nos priorités. Et je dois dire qu'actuellement et tout particulièrement en cette période de fêtes, je pense aux familles de ces otages. Car il y a les otages auxquels nous pensons tous les jours, il y a également les familles pour lesquelles le temps est très long. Vos deux confrères, effectivement, sont en Afghanistan depuis près d'un an, à quelques jours près.
Q - Oui, ils ont été enlevés le 30 décembre.
R - Ces messages vidéo qui datent à peu près de la mi-novembre montrent à la fois qu'ils sont vivants et comme je vous le disais relativement en bonne santé.
Q - Et qu'ont-ils dit dans ces messages ?
R - Nous avons montré aux familles des éléments. Elles y ont droit, elles vont les avoir prochainement, mais il est évident que dans tous ces dossiers il faut être extrêmement discret et donc nous donnons juste ce qu'il faut aux familles car elles en ont aussi besoin, mais à l'extérieur...
Q - Je comprends bien. Michèle Alliot-Marie, sur l'Afghanistan j'ai une question très précise, pourquoi la France n'a pas de calendrier de retrait de ses troupes ?
R - Pour une raison très simple.
Q - Le Canada, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, et tant d'autres pays ont un calendrier de retrait des troupes.
R - Ce qu'il faut dire c'est que, premièrement, il n'est bien entendu pas question pour la France, ni d'ailleurs pour aucun des pays de la coalition, de rester indéfiniment en Afghanistan. Nous ne sommes pas des forces d'occupation, nous sommes là pour aider le gouvernement afghan à pouvoir réinstaller l'Etat sous toutes ses formes, sur l'ensemble du territoire de façon notamment à éviter qu'Al-Qaida, via les Talibans, ne puisse revenir dans ce pays. Ce que nous faisons, c'est que nous travaillons à donner à l'Afghanistan les éléments pour ce faire. Depuis 2004 nous aidons l'armée ...
Q - Neuf ans que l'OTAN est en Afghanistan.
R - Neuf ans que l'OTAN est en Afghanistan. Il y a d'abord eu effectivement une période de lutte très ouverte. Mais cela fait huit ans ou sept ans que nous travaillons à former l'armée afghane et aujourd'hui on arrive effectivement à avoir une armée afghane qui est capable de mener des combats. J'ai vu la formation des forces spéciales afghanes par nos forces spéciales quand elles étaient dans le sud de l'Afghanistan. J'ai vu comment ils travaillaient ensemble lorsque je m'y suis rendue. Nous avons formé les officiers, nous avons formé les militaires. Dans le même temps nous avons également, notamment avec les Allemands, formé des policiers et formé des gendarmes de façon à ce que la sécurité civile soit aussi effectuée. J'ai proposé au président Karzaï de l'aider à former des magistrats pour que la justice puisse aussi se faire. Nous développons ...
Q - Oui mais Michèle Alliot-Marie...
R - Non, mais je vais vous dire pourquoi nous ne donnons pas de date...
Q - Attendez, oui je vais revenir à ma question Michèle Alliot-Marie. Mais je voudrais quand-même rappeler des chiffres. Il y a eu 6.000 civils qui ont été tués en Afghanistan cette année 2010. Il n'y a jamais eu autant de soldats de l'OTAN. En 2010, 700 soldats de l'OTAN ont trouvé la mort en Afghanistan. Jamais un chiffre aussi important depuis le début de cet engagement militaire, donc on ne progresse pas Michèle Alliot-Marie en Afghanistan, donc c'est la raison pour laquelle je vous pose cette question.
R - Non, on ne peut pas dire qu'on ne progresse pas. Nous progressons dans la mesure où, notamment, un certain nombre de provinces peuvent être aujourd'hui rendues au gouvernement afghan parce qu'elles sont stabilisées et parce que le gouvernement afghan a effectivement les moyens d'imposer la sécurité. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire aussi que nous allons chercher les Talibans où ils se trouvent aujourd'hui, dans les endroits, dans les poches où ils se trouvent et où donc...
Q - 20% des civils tués par les forces de l'OTAN, chiffre de l'ONU.
R - C'est malheureusement le cas dans toutes les guerres. Vous le savez, depuis le début du XXème siècle, ce sont de plus en plus des civils qui sont tués dans les guerres et c'est la raison pour laquelle il faut éviter la guerre. C'est la raison pour laquelle il faut aussi effectivement lutter notamment contre la possibilité pour les Talibans de reprendre la main sur ce pays. Souvenez-vous de ce que c'était l'Afghanistan sous les Talibans ? Souvenez-vous des massacres ? Souvenez-vous des femmes qui n'avaient pas le droit de sortir, d'aller à l'école ?
Q - Michèle Alliot-Marie, il y a Taliban et Taliban, vous le savez bien, et vous savez que le gouvernement Karzaï doit, et vous l'incitez, négocier avec certains Taliban pour essayer de trouver une solution politique à ce conflit ?
R - Bien entendu, les Taliban ce sont d'abord des Afghans et donc le problème c'est donc de savoir ce que souhaite le président Karzaï, j'en ai souvent parlé avec lui quand j'étais ministre de la Défense. Il souhaitait effectivement que les Afghans qui ont pu même être sympathisants des Taliban puissent revenir et puis il y en a d'autres et qui sont les plus proches d'Al-Qaïda dont la motivation est tout à fait différente, dont la motivation c'est d'imposer un modèle de société qui est contraire à tous les principes, les principes démocratiques ou le principe du respect des Hommes et des Femmes et ceux là, effectivement, il convient de les combattre et le président Karzaï les combat aussi.
Q - Alors pourquoi n'y a-t-il pas de calendrier de retrait ?
R - Il n'y a pas de calendrier de retrait, car il ne faut pas non plus donner des signes...
Q - Mais c'est ce que font tous les autres membres de l'OTAN... ils ont tort ?
R - Je pense, et j'ai eu l'occasion de le dire un certain nombre de fois, ce qu'il faut dire c'est que notre calendrier est de transférer au fur et à mesure que les Afghans sont capables eux-mêmes d'assumer.
Q - Alors est-ce que nous allons retirer des troupes nous en 2011 ?
R - Nous réorganisons nos dispositifs quand nous sommes en état de transmettre aux Afghans la responsabilité de la sécurité sur une région, nous le faisons, ce qui nous permet de nous réorganiser dans d'autres régions dont nous avons la responsabilité et où il peut encore y avoir des difficultés, mais ne donnons pas des signes. N'oubliez jamais une chose, c'est que les terroristes, c'est que les Taliban, savent parfaitement tout ce que nous disons et parfois ce que nous préparons ou ce que nous pensons, donc il ne convient de donner des dates précises, parce que sinon que vont-ils faire ? Ils vont simplement se mettre en retrait pour ne pas être attaqués et intervenir à ce moment là.
Q - J'ai deux autres questions, mais je suis déjà très en retard, alors on va prendre un peu de retard. Une question des auditeurs de RMC : une question de Fandor, il est Haïtien, habite dans le Val-de-Marne, il vous demande, puisque vous faciliter l'adoption, le processus d'adoption de certains enfants Haïtiens, «pourquoi vous nous refusez le regroupement familial ?».
R - En ce qui concerne les problèmes de regroupement familial, vous êtes sur des procédures qui ne dépendent pas du ministère des Affaires étrangères, ce sont des procédures plus globales qui sont traitées avec le ministère de l'Immigration et de l'Intérieur et concernant les adoptions, elles relèvent de règles internationales, qui relèvent de conventions qui ont été passées, et à partir de là nous appliquons ces règles. D'ailleurs avec un problème jusqu'à aujourd'hui qui sera peut être réglé, c'est que, par exemple Haïti, ne reconnait que les adoptions simples qui ont des effets plus limités que les adoptions qui peuvent être reconnues, soit sur notre territoire, soit dans un certain nombre d'autres pays.
Donc, vous avez à chaque fois un certain nombre de règles qui correspondent à des politiques particulières, on ne traite pas tout exactement de la même façon, je sais aussi qu'il y a des problèmes de regroupements familiaux.
Q - Dernière question : n'est-il pas temps de mettre un peu d'ordre à France 24 ? Franchement quelle image donne-t-on ?
R - Vous savez, je suis très attaché à une politique d'influence de la France, je pense que notre pays qui a peut-être une taille moyenne, une démographie moyenne, une économie moyenne, a en fait un message fort à faire passer.
Notre pays n'est pas un pays comme les autres ; quand vous vous déplacez, vous êtes écouté.
Et ce que je souhaiterais, c'est que contrairement à ce qui existe aujourd'hui, où on entend, lorsque vous allez dans un hôtel à l'étranger, vous avez d'abord CNN, la BBC, vous avez beaucoup de chaînes, et vous entendez très peu la voix de la France. Et bien, ce qui me paraît indispensable, effectivement, c'est que la voix de la France soit forte. Il y a eu un certain nombre d'actions depuis un certain nombre d'années, je pense qu'il faut les renforcer, et je pense surtout, qu'il ne faut pas que des questions de personnes viennent interférer avec quelque chose de beaucoup plus important.
Q - Vous les déplorez ?
R - Je déplore toujours lorsque des questions de personnes empêchent de rendre totalement efficace une grande politique, qui est une politique en faveur de l'influence de la France.
Q - Merci Michèle Alliot-Marie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 janvier 2011
R - Bonjour.
Q - Merci d'être avec nous ce matin. J'ai une petite surprise pour vous.
R - Une surprise de Noël ?
Q - Non, vous allez voir. Vous allez voir, il s'appelle Dominique. Il est à Roissy actuellement, au terminal 3 de Roissy. Vous allez comprendre tout de suite pourquoi au Terminal. Dominique est-ce que vous êtes là ?
R - Dominique - Absolument Jean-Jacques. Bonjour Madame le Ministre.
R - Bonjour.
Q - Dominique racontez-nous pourquoi vous êtes à Roissy ?
R - Dominique - Ecoutez, je suis à Roissy pour récupérer le fils de ma soeur et je vais pouvoir profiter de votre passage à BFM-RMC pour vous remercier d'avoir décanté ce dossier qui traîne depuis des mois. Vous allez rendre et vous avez rendu déjà depuis mardi des familles heureuses. Je suis très ému. Vous allez encore rendre des gens très très heureux. Merci pour ce Noël qui était inattendu. Notamment pour les enfants et surtout pour eux, on a une pensée pour tous ceux qui restent là-bas, c'est exceptionnel. Merci encore Madame le Ministre.
R - Ecoutez, ne me dîtes pas merci, je crois que le plus beau merci, c'est effectivement votre bonheur, celui des enfants et puis cette émotion que nous partageons tous de voir ces enfants revenus ou venus plus exactement dans leur famille d'origine. Je crois que tout le monde y a beaucoup participé, pendant des mois, parce que je sais que cela parait toujours très très long mais en même temps, ce que l'on a souhaité, c'est que ces enfants reviennent dans les meilleures conditions pour eux, pour leurs parents adoptifs, pour la sécurité juridique, donc tout le monde a beaucoup travaillé. J'ai pu, effectivement, à un moment qui était crucial parce que c'était celui du début de cette épidémie de choléra, grâce à un contact avec le Premier ministre haïtien, débloquer la situation puisqu'il a accepté qu'il y ait un accord gouvernemental permettant que pour tous les enfants qu'il y ait une venue en France. Il y a ceux dont les dossiers sont complètement bouclés. Il y en a d'autres pour lesquels certaines procédures vont se terminer en France. C'était cela le point le plus important.
Q - Et ces autres enfants pourront aussi...
R - Ils sont là. Ceux-là, ceux dont les dossiers étaient suffisamment avancés viennent en France et les procédures seront terminées en France. Il reste quelques enfants, effectivement, que je n'oublie pas, il y a d'abord vingt-sept enfants qui en étaient au tout début des procédures d'adoption et pour lesquels là il y aurait eu trop d'incertitude et donc nous allons aider à ce que les dossiers avancent à Haïti, mais on ne pouvait pas les faire venir. Il reste également six enfants qui normalement auraient du venir par ce deuxième avion et pour lesquels malheureusement il manquait des pièces de dossier et donc on n'a pas le de dossier, ces derniers cas nous allons effectivement les régler. Il y en a quelques-uns que nous avons réussi dans les dernières heures juste avant que l'avion ne décolle à régler mais on va le faire dans les tout prochains jours, de façon à ce qu'effectivement leur famille puisse les accueillir le plus vite possible.
Q - Dominique a appelé RMC tout à l'heure, spontanément en nous disant «voila j'ai envie de remercier Michèle Alliot-Marie». J'ai une dernière question, puis je vais passer à la Côte d'Ivoire. Michèle Alliot-Marie, comment se fait-il que tout à coup ce dossier se soit débloqué, parce que Bernard Kouchner était ministre des Affaires étrangères, ça n'avançait pas, et tout à coup, à quelques jours de Noël, ça se développe, pourquoi ?
R - Et bien je vous dis quand je suis arrivée au ministère...
Q - c'est grâce à vous ?
R - Non.
Q - C'est parce qu'il y a eu...
R - Non d'abord c'est grâce à tous ceux qui sont intervenus avant et pendant des mois suivants parce que c'est vrai que dans un pays très désorganisé comme Haïti, c'était difficile. Quand je suis arrivée au ministère, vous le savez, c'était l'épidémie de choléra et il m'a semblé qu'il fallait essayer de faire quelque chose et j'ai pu avoir dans les 48h de mon arrivée le Premier ministre d'Haïti en ligne. J'ai discuté avec lui, je lui ai dit que nous lui envoyons un avion avec du matériel, avec des médicaments, avec du personnel également et j'ai abordé ce problème avec des enfants. Il a accepté, effectivement, un peu en dérogation aux règles habituelles, de signer une lettre qui vaut accord gouvernemental et qui nous permettait de dégager ces enfants. Mais restait un autre problème, qui était le problème des vols commerciaux, parce que sur les vols commerciaux, les parents pouvaient aller les chercher mais évidemment, à chaque fois, il y avait quelques places et ça risquait d'être très long et en plus, il y avait de l'incertitude parce que la situation est un peu compliquée à Haïti. Donc j'ai décidé à ce moment-là d'affréter deux avions et d'offrir aux parents d'aller chercher, de ramener les enfants par ces deux avions spéciaux. Le ministère de la Défense, le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Santé, le ministère des Solidarités se sont joints à moi pour qu'on organise à la fois le déplacement avec des médecins notamment dans l'avion, des personnels accompagnants pour qu'on organise également l'arrivée à Roissy. C'est comme cela qu'effectivement, nous avons pu débloquer cette situation. J'en suis très heureuse pour les familles et pour les enfants. Dernière chose, je veux bien préciser, parce qu'il y a eu quelques bruits, que tous les enfants qui rejoignent la France arrivent avec une situation juridique parfaitement claire et en toute sécurité juridique.
Q - Michèle Alliot-Marie, la Côte d'Ivoire, est-ce que vous demandez toujours à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir ?
R - Ce n'est pas moi qui le demande, c'est l'ensemble de la communauté internationale.
Q - Est-ce que la France demande toujours à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir ?
R - Mais bien entendu. Non seulement la France mais aussi l'Assemblée générale des Nations unies c'est-à-dire l'ensemble des pays du monde. Les premiers qui ont demandé à Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite et de reconnaître que c'est Alassane Ouattara qui est le président légitime, qui est le véritable président de la Côte d'Ivoire. Ce sont les pays africains, d'abord la CEDEAO c'est-à-dire les pays de l'Afrique de l'ouest, l'Union africaine puis effectivement le Conseil de sécurité des Nations unies. Aujourd'hui tout le monde dit la démocratie, c'est de reconnaître le vote des électeurs. Le vote des électeurs ivoiriens, il est clair, il a été avalisé par le Représentant spécial des Nations unies charge de superviser ces élections.
Q - Mais pas par la Cour constitutionnelle ivoirienne et Laurent Gbagbo dit «c'est de l'ingérence dans les affaires intérieures ivoiriennes, la Cour constitutionnelle a reconnu ma victoire donc je suis le président élu»
R - Je vais vous dire exactement comment les choses se sont faites. Il y a avait d'abord une commission indépendante reconnue par M. Laurent Gbagbo composée des représentants de tous les partis politiques. Cette commission était chargée de proclamer les résultats. Il était dit que si cette commission ne voulait ou ne pouvait proclamer les résultats techniquement, alors le Conseil constitutionnel donnerait des résultats. Que s'est-il passé ? La commission indépendante a tout supervisé et elle a été en mesure de donner les résultats dans le temps sauf qu'elle a été cernée par des gens de M. Gbagbo, y compris par des militaires qui ont essayé d'empêcher son président de proclamer les résultats. Il a néanmoins réussi à aller proclamer les résultats devant la presse et vous avez sans doute vu comme la plupart des Français ces images à la télévision où alors qu'il a le papier en main pour proclamer les résultats, quelqu'un, un partisan de M. Gbagbo arrive et lui arrache le papier des mains pour l'empêcher. Suite à quoi M. Gbagbo a dit «la commission n'a pas proclamé donc c'est le Conseil constitutionnel - qu'il a entièrement nommé - qui va proclamer ces résultats». Comme par hasard, ces résultats ne sont pas ceux de la commission avalisée par le Représentant des Nations unies. Donc les choses sont claires et aujourd'hui les uns après les autres, les pays africains de l'Afrique de l'Ouest, l'ensemble des pays africains à travers l'Union africaine, l'ensemble des pays aujourd'hui de l'ONU, l'Union européenne ont dit «les vrais résultats se sont ceux de la commission indépendante et donc c'est effectivement M. Ouattara qui est le président élu». M. Gbagbo et quelques-uns de ses partisans refusent d'accepter tout simplement la démocratie. Nous ce que nous disons, c'est que la Côte d'Ivoire a été un grand pays démocratique, il faut qu'elle le demeure et pour cela il faut qu'il y ait une reconnaissance et une transition qui se fasse sans violence. Malheureusement, ce que nous constatons aujourd'hui, c'est qu'il commence à y avoir des violences.
Q - Alors justement, la violence, selon l'ONU des atrocités sont commises en Côte d'Ivoire, il y a même eu une résolution qui a été adoptée. Vous avez confirmation que des atrocités sont commises et que des mercenaires venus notamment du Liberia commettent ces atrocités ?
R - Ce sont effectivement les observateurs de l'ONU qui nous donnent ces informations. Donc ce sont effectivement des gens qui sont complètement indépendants et il y a de très nombreux témoignages de ce que, notamment de nuit, il y a des groupes qui sont des groupes pro-Gbagbo composé dit-on de mercenaires notamment venus du Liberia et qui vont dans un certain nombre de quartiers d'Abidjan, qui battent les gens, qui tuent, qui violent également, il y a beaucoup de viols et d'enlèvements. Il faut que cela cesse.
Q - Alors est-ce que Laurent Gbagbo et certains de ses proches pourraient être poursuivis pour crime de guerre ?
R - La première des choses, c'est que la communauté internationale a effectivement décidé de sanctionner ce refus des résultats démocratiques par Laurent Gbagbo et un certain nombre de ses proches. C'est ainsi que lundi dernier des sanctions ont été décidées par l'Union européenne, sanctions d'ailleurs que les Etats-Unis ensuite ont décidé également de mettre en oeuvre. La première des choses c'est l'interdiction de toutes ces personnes, dix-neuf personnes jusqu'à aujourd'hui, de pouvoir venir en Europe ou aux Etats-Unis. La phase suivante sera le gel de leurs avoirs, c'est-à-dire le gel des comptes bancaires ou des biens et qui va intervenir naturellement si rien ne bouge. Et puis, bien entendu, si par la suite il y avait, s'il y a des atrocités qui sont commises ou des actions qui sont commises...
Q - Il y en a apparemment...
R - A ce moment-là, il y aura bien entendu des suites judiciaires qui seront données au niveau international.
Q - Donc ils pourraient être poursuivis pour crime de guerre devant la Cour pénale internationale ?
R - Ça n'est pas moi qui aujourd'hui vais le faire. Je dis qu'il y a des procédures et ces procédures seront effectivement mises en oeuvre envers les gens qui ont commis directement ces actes voire envers les gens qui auraient commandé cela.
Q - C'est donc un avertissement, Michèle Alliot-Marie, que vous envoyez à Laurent Gbagbo et à un certain de ses proches ?
R - C'est un avertissement en même temps que c'est une alerte. Il faut que ceci s'arrête. M. Gbagbo a encore la possibilité de sortir par le haut de cette situation.
Q - Comment ?
R - En reconnaissant ce que sont les résultats et en transmettant le pouvoir dans des conditions normales.
Q - Est-il vrai qu'on lui a offert un exil en Afrique du Sud ou ailleurs ?
R - Ce qui est exact, c'est qu'un chef d'Etat qui perd des élections, à partir du moment où c'est un chef d'Etat qui a fait un certain nombre de choses positives, a droit à avoir une sortie tout à fait honorable et je crois que tout le monde en était bien d'accord sur ce point. Mais il est vrai que plus le temps passe, et plus il y a effectivement de dérapages, voire de violences et plus cette perspective s'éloigne.
Q - Michèle Alliot-Marie est-ce que vous demandez toujours aux Français de partir, du moins ceux qui peuvent partir, évidemment ? Toujours ?
R - Je dirais que c'est une recommandation. Aujourd'hui, il n'y a pas de menace directe sur les Français ou sur les Européens. Il y a des propos notamment de l'entourage de M. Gbagbo, de M. Blé Goudé qui sont des attaques mais en même temps il y a semble-t-il des propos, des consignes, disant de ne pas y toucher. Ceci dit, si la situation continue de se détériorer comme nous le voyons avec de plus en plus de violences, il peut y avoir effectivement un certain risque et donc ce que nous disons, ça n'est pas une évacuation. Nous disons simplement que lorsque des gens ont la possibilité d'aller passer les fêtes de Noël ailleurs qu'en Côte d'Ivoire, c'est une recommandation de prudence de la même façon que depuis le début nous faisons, via l'ambassade de France, des recommandations de prudence à tous nos ressortissants qui sont sur place en leur recommandant de rester en contact avec l'ambassade, en leur recommandant d'éviter un certain nombre de déplacements, notamment dans un certain nombre de quartiers. C'est aussi notre rôle d'être très soucieux de la sécurité de nos ressortissants lorsqu'ils sont dans un pays où il y a des troubles.
Q - Bien. Michèle Alliot-Marie est notre invitée ce matin. Nous allons parler de l'Afghanistan et de nos otages divers qui sont malheureusement retenus ici ou là sur la planète. Il est 8h46. Vous êtes sur BFM TV et sur RMC à tout de suite.
Avez-vous vu la vidéo des deux otages français, nos deux confrères retenus en Afghanistan et de leurs accompagnateurs ?
R - Non. J'ai eu le script détaillé de ces deux vidéos mais je n'ai pas...
Q - Comment sont-ils physiquement ?
R - On peut dire que physiquement ils sont relativement en bonne santé, ou même en bonne santé compte-tenu des conditions de détention qui sont des conditions difficiles dans cette partie de l'Afghanistan.
Q - En septembre dernier, le chef d'état major des armées avait jugé raisonnable d'espérer une libération d'ici Noël. Nous sommes à Noël, et ils sont toujours retenus.
R - Je ne me prononcerai pas sur les délais, d'abord parce que c'est très difficile ; quelles que soient les situations de prise d'otage, il y a de nombreux facteurs qui interviennent et d'ailleurs je pense que moins on en parle et mieux c'est. Ce que je veux simplement dire, c'est que la libération de tous nos otages est une priorité.
Q - Je pense à ceux qui ont été enlevés au Niger, par exemple.
R - Tous les matins lorsque j'arrive, j'ai sur mon bureau une fiche sur les crises dans le monde, et donc une actualisation. Et en fait de toutes ces crises, il y a la situation, tous les éléments sur les otages. C'est bien vous montrer que pour le président de la République, pour tout le gouvernement, pour moi-même, naturellement, c'est effectivement quelque chose qui est tous les jours sur notre bureau, tous les jours dans nos priorités. Et je dois dire qu'actuellement et tout particulièrement en cette période de fêtes, je pense aux familles de ces otages. Car il y a les otages auxquels nous pensons tous les jours, il y a également les familles pour lesquelles le temps est très long. Vos deux confrères, effectivement, sont en Afghanistan depuis près d'un an, à quelques jours près.
Q - Oui, ils ont été enlevés le 30 décembre.
R - Ces messages vidéo qui datent à peu près de la mi-novembre montrent à la fois qu'ils sont vivants et comme je vous le disais relativement en bonne santé.
Q - Et qu'ont-ils dit dans ces messages ?
R - Nous avons montré aux familles des éléments. Elles y ont droit, elles vont les avoir prochainement, mais il est évident que dans tous ces dossiers il faut être extrêmement discret et donc nous donnons juste ce qu'il faut aux familles car elles en ont aussi besoin, mais à l'extérieur...
Q - Je comprends bien. Michèle Alliot-Marie, sur l'Afghanistan j'ai une question très précise, pourquoi la France n'a pas de calendrier de retrait de ses troupes ?
R - Pour une raison très simple.
Q - Le Canada, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, et tant d'autres pays ont un calendrier de retrait des troupes.
R - Ce qu'il faut dire c'est que, premièrement, il n'est bien entendu pas question pour la France, ni d'ailleurs pour aucun des pays de la coalition, de rester indéfiniment en Afghanistan. Nous ne sommes pas des forces d'occupation, nous sommes là pour aider le gouvernement afghan à pouvoir réinstaller l'Etat sous toutes ses formes, sur l'ensemble du territoire de façon notamment à éviter qu'Al-Qaida, via les Talibans, ne puisse revenir dans ce pays. Ce que nous faisons, c'est que nous travaillons à donner à l'Afghanistan les éléments pour ce faire. Depuis 2004 nous aidons l'armée ...
Q - Neuf ans que l'OTAN est en Afghanistan.
R - Neuf ans que l'OTAN est en Afghanistan. Il y a d'abord eu effectivement une période de lutte très ouverte. Mais cela fait huit ans ou sept ans que nous travaillons à former l'armée afghane et aujourd'hui on arrive effectivement à avoir une armée afghane qui est capable de mener des combats. J'ai vu la formation des forces spéciales afghanes par nos forces spéciales quand elles étaient dans le sud de l'Afghanistan. J'ai vu comment ils travaillaient ensemble lorsque je m'y suis rendue. Nous avons formé les officiers, nous avons formé les militaires. Dans le même temps nous avons également, notamment avec les Allemands, formé des policiers et formé des gendarmes de façon à ce que la sécurité civile soit aussi effectuée. J'ai proposé au président Karzaï de l'aider à former des magistrats pour que la justice puisse aussi se faire. Nous développons ...
Q - Oui mais Michèle Alliot-Marie...
R - Non, mais je vais vous dire pourquoi nous ne donnons pas de date...
Q - Attendez, oui je vais revenir à ma question Michèle Alliot-Marie. Mais je voudrais quand-même rappeler des chiffres. Il y a eu 6.000 civils qui ont été tués en Afghanistan cette année 2010. Il n'y a jamais eu autant de soldats de l'OTAN. En 2010, 700 soldats de l'OTAN ont trouvé la mort en Afghanistan. Jamais un chiffre aussi important depuis le début de cet engagement militaire, donc on ne progresse pas Michèle Alliot-Marie en Afghanistan, donc c'est la raison pour laquelle je vous pose cette question.
R - Non, on ne peut pas dire qu'on ne progresse pas. Nous progressons dans la mesure où, notamment, un certain nombre de provinces peuvent être aujourd'hui rendues au gouvernement afghan parce qu'elles sont stabilisées et parce que le gouvernement afghan a effectivement les moyens d'imposer la sécurité. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire aussi que nous allons chercher les Talibans où ils se trouvent aujourd'hui, dans les endroits, dans les poches où ils se trouvent et où donc...
Q - 20% des civils tués par les forces de l'OTAN, chiffre de l'ONU.
R - C'est malheureusement le cas dans toutes les guerres. Vous le savez, depuis le début du XXème siècle, ce sont de plus en plus des civils qui sont tués dans les guerres et c'est la raison pour laquelle il faut éviter la guerre. C'est la raison pour laquelle il faut aussi effectivement lutter notamment contre la possibilité pour les Talibans de reprendre la main sur ce pays. Souvenez-vous de ce que c'était l'Afghanistan sous les Talibans ? Souvenez-vous des massacres ? Souvenez-vous des femmes qui n'avaient pas le droit de sortir, d'aller à l'école ?
Q - Michèle Alliot-Marie, il y a Taliban et Taliban, vous le savez bien, et vous savez que le gouvernement Karzaï doit, et vous l'incitez, négocier avec certains Taliban pour essayer de trouver une solution politique à ce conflit ?
R - Bien entendu, les Taliban ce sont d'abord des Afghans et donc le problème c'est donc de savoir ce que souhaite le président Karzaï, j'en ai souvent parlé avec lui quand j'étais ministre de la Défense. Il souhaitait effectivement que les Afghans qui ont pu même être sympathisants des Taliban puissent revenir et puis il y en a d'autres et qui sont les plus proches d'Al-Qaïda dont la motivation est tout à fait différente, dont la motivation c'est d'imposer un modèle de société qui est contraire à tous les principes, les principes démocratiques ou le principe du respect des Hommes et des Femmes et ceux là, effectivement, il convient de les combattre et le président Karzaï les combat aussi.
Q - Alors pourquoi n'y a-t-il pas de calendrier de retrait ?
R - Il n'y a pas de calendrier de retrait, car il ne faut pas non plus donner des signes...
Q - Mais c'est ce que font tous les autres membres de l'OTAN... ils ont tort ?
R - Je pense, et j'ai eu l'occasion de le dire un certain nombre de fois, ce qu'il faut dire c'est que notre calendrier est de transférer au fur et à mesure que les Afghans sont capables eux-mêmes d'assumer.
Q - Alors est-ce que nous allons retirer des troupes nous en 2011 ?
R - Nous réorganisons nos dispositifs quand nous sommes en état de transmettre aux Afghans la responsabilité de la sécurité sur une région, nous le faisons, ce qui nous permet de nous réorganiser dans d'autres régions dont nous avons la responsabilité et où il peut encore y avoir des difficultés, mais ne donnons pas des signes. N'oubliez jamais une chose, c'est que les terroristes, c'est que les Taliban, savent parfaitement tout ce que nous disons et parfois ce que nous préparons ou ce que nous pensons, donc il ne convient de donner des dates précises, parce que sinon que vont-ils faire ? Ils vont simplement se mettre en retrait pour ne pas être attaqués et intervenir à ce moment là.
Q - J'ai deux autres questions, mais je suis déjà très en retard, alors on va prendre un peu de retard. Une question des auditeurs de RMC : une question de Fandor, il est Haïtien, habite dans le Val-de-Marne, il vous demande, puisque vous faciliter l'adoption, le processus d'adoption de certains enfants Haïtiens, «pourquoi vous nous refusez le regroupement familial ?».
R - En ce qui concerne les problèmes de regroupement familial, vous êtes sur des procédures qui ne dépendent pas du ministère des Affaires étrangères, ce sont des procédures plus globales qui sont traitées avec le ministère de l'Immigration et de l'Intérieur et concernant les adoptions, elles relèvent de règles internationales, qui relèvent de conventions qui ont été passées, et à partir de là nous appliquons ces règles. D'ailleurs avec un problème jusqu'à aujourd'hui qui sera peut être réglé, c'est que, par exemple Haïti, ne reconnait que les adoptions simples qui ont des effets plus limités que les adoptions qui peuvent être reconnues, soit sur notre territoire, soit dans un certain nombre d'autres pays.
Donc, vous avez à chaque fois un certain nombre de règles qui correspondent à des politiques particulières, on ne traite pas tout exactement de la même façon, je sais aussi qu'il y a des problèmes de regroupements familiaux.
Q - Dernière question : n'est-il pas temps de mettre un peu d'ordre à France 24 ? Franchement quelle image donne-t-on ?
R - Vous savez, je suis très attaché à une politique d'influence de la France, je pense que notre pays qui a peut-être une taille moyenne, une démographie moyenne, une économie moyenne, a en fait un message fort à faire passer.
Notre pays n'est pas un pays comme les autres ; quand vous vous déplacez, vous êtes écouté.
Et ce que je souhaiterais, c'est que contrairement à ce qui existe aujourd'hui, où on entend, lorsque vous allez dans un hôtel à l'étranger, vous avez d'abord CNN, la BBC, vous avez beaucoup de chaînes, et vous entendez très peu la voix de la France. Et bien, ce qui me paraît indispensable, effectivement, c'est que la voix de la France soit forte. Il y a eu un certain nombre d'actions depuis un certain nombre d'années, je pense qu'il faut les renforcer, et je pense surtout, qu'il ne faut pas que des questions de personnes viennent interférer avec quelque chose de beaucoup plus important.
Q - Vous les déplorez ?
R - Je déplore toujours lorsque des questions de personnes empêchent de rendre totalement efficace une grande politique, qui est une politique en faveur de l'influence de la France.
Q - Merci Michèle Alliot-Marie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 janvier 2011