Interview de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports à RTL le 3 janvier 2011, sur la candidature de la ville d'Annecy aux jeux olympiques d'hiver 2018 et la candidature de François Fillon à la mairie de Paris en 2014.

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Texte intégral


 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour Chantal Jouanno.
 
Bonjour.
 
La ville d'Annecy, en Haute-Savoie, veut organiser les Jeux olympiques d'hiver 2018. Mais le projet n'a plus de patron depuis la démission le 12 décembre dernier du champion olympique E. Grospiron. Il jugeait que le budget alloué à l'opération, vingt millions d'euros, était insuffisant pour promouvoir la candidature d'Annecy, devant les instances internationales. Et du coup, vous avez proposé, C. Jouanno, à l'ancien ministre de l'Ecologie, J-L. Borloo, de prendre le relais. Et celui-ci vous a répondu hier dans le Journal du dimanche, pas question, je n'ai pas le temps, a-t-il dit. Mais cela parait à tout le monde diplomatique. Du coup, Annecy 2018 n'a plus de leader, et le dossier doit être déposé officiellement devant les instances olympiques la semaine prochaine à Genève. Il est sauvable, le dossier d'Annecy 2018, C. Jouanno ?
 
Ah, ben, il est largement sauvable parce que ce n'est pas... dans d'autres candidatures, il y a eu plusieurs fois en France, comme à l'étranger d'ailleurs, des démissions en cours de route de leurs responsables, ça a été le cas pour la candidature de Londres, pour les Jeux de 2012, ça a été le cas pour Albertville aussi. Donc ce n'est pas une démission...
 
Vous allez presque nous dire que c'est bon signe que les gens démissionnent.
 
Non, ceci dit, eh bien, on peut peut-être voir les choses comme ça... non, en tout cas, ce n'est pas... ça ne pénalise pas définitivement le dossier, ça, c'est très clair, maintenant, il faut trouver un remplaçant, donc J.-L. Borloo a dit que lui, il ne pensait pas avoir suffisamment de temps pour le faire, mais qu'il restait disponible...
 
Vous avez une idée...
 
D'ailleurs, c'était même une de ses propositions à l'origine...
 
C'est de la diplomatie ça...
 
Ensuite...
 
Il habille tout ça, quoi...
 
Non, vous allez voir, je suis sûre qu'il va s'engager, et c'était vraiment l'homme idoine, parce que c'est un homme de projets, et parce qu'il incarne la dimension écologique de ce dossier.
 
Vous avez une idée d'une personnalité qui peut reprendre ce dossier ?
 
Alors, j'ai fait plusieurs autres propositions, c'est forcément, soit, un grand homme politique, soit, un grand sportif...
 
Et alors ?
 
Ou un grand nom du monde sportif. Donc c'est cette semaine que ça doit se décider. Et on espère que ça se décide cette semaine, parce que non seulement, on doit remettre le dossier la semaine prochaine, mais surtout, et, plus important, on accueille la commission d'évaluation...
 
Le 11 février...
 
Début février.
 
Et donc vous n'allez pas nous dire de noms ce matin ?
 
Non, c'est un peu tôt, mais cette semaine, sans problème...
 
Vous allez le dévoiler dans la semaine...
 
Vous le serez le premier si vous voulez.
 
Ah ben, pourquoi pas, d'accord, le rendez-vous est pris...
 
Le rendez-vous est pris entre nous.
 
On le diffusera sur RTL. E. Grospiron a dit : je démissionne, parce que, avec vingt millions d'euros, on ne peut pas assurer la promotion de la candidature d'Annecy, par exemple, les adversaires sud-coréens, qui... enfin, les concurrents sud-coréens, qui veulent organiser les Jeux olympiques d'hiver, ont, eux, 120 millions d'euros pour assurer les opérations de promotion. Donc on se dit, au fond, vous allez gâcher vingt millions d'euros pour rien, parce qu'Annecy va perdre.
 
Alors, on gâche vingt millions d'euros si on arrête la candidature maintenant, ça, c'est clair, parce que là, on jette l'argent carrément dans la poubelle. Pour les Coréens, il y a tous les chiffres qui circulent, je ne suis pas sûre que ce soit très conforme à l'esprit olympique de dépenser toujours, toujours, toujours plus d'argent pour des candidatures olympiques. Ce n'est pas sain. Et en plus, il ne s'agit que de la candidature, on ne parle pas d'argent pour des investissements, on parle simplement de l'argent pour de la communication, du lobbying ou des déplacements.
 
Mais c'est indispensable pour obtenir des Jeux olympiques de faire du lobbying...
 
Oui, ceci dit, posez la question autour de vous : vingt millions d'euros, ce n'est déjà pas négligeable, loin de là. S'il faut mettre plus d'argent, moi, qu'on me dise pour quoi faire, très clairement...
 
Vous seriez prête à augmenter les budgets ?
 
On est prêt en tout cas à aller solliciter d'autres partenaires, parce que la réalité, c'est que jusqu'à présent, c'est surtout des partenaires publics qui ont financé, dans toutes les autres candidatures, il y a aussi des partenaires privés.
 
On ne va pas tourner autour du pot, le budget peut augmenter ou pas ?
 
Le budget peut augmenter, pas dans les... évidemment, pas doubler, ça, c'est clair, pas dix ou douze millions d'euros supplémentaires, ça, c'est très clair. Mais pour quelque chose de concret, à savoir, pour une vraie stratégie à l'internationale, ce qui manque actuellement.
 
C'est-à-dire, ce dossier a été mal géré jusqu'à présent ?
 
C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il manque dramatiquement la partie lobbying à l'internationale, comme d'habitude, parce qu'on est français, on estime que dès lors qu'on se présente, on a la meilleure candidature. Donc il faut faire preuve peut-être un peu de modestie, et aller voir les membres du CIO, pour leur expliquer clairement quelles sont les qualités de notre dossier.
 
Vos prédécesseurs ont mal travaillé au ministère des Sports, C. Jouanno ?
 
Non, parce que le choix qui a été fait à l'origine, et qui était la demande du mouvement sportif était justement que l'Etat soit complètement en retrait sur ce dossier. Mais maintenant que ça va mal, on demande à l'Etat de revenir.
 
Donc tout le monde a bien travaillé, rien ne va, mais il n'y a pas de responsable.
 
Je n'ai pas dit que tout le monde avait bien travaillé.
 
Alors qui a mal travaillé ?
 
Eh bien écoutez, il y a des responsabilités, comme d'habitude, qui sont partagées, il n'y a pas un coupable et des gens très bien tout autour, il y a forcément plusieurs responsabilités. Mais il y a vraiment cette dimension collective qui est : bon, on y va sans y aller, et puis surtout, dès lors qu'on est français, c'est une bonne candidature, donc ne faisons pas attention à ce qu'on fait à l'internationale.
 
Donc on est plutôt pessimiste pour l'issue ?
 
Non, on ne perd pas une compétition avant de l'avoir courue.
 
Oui, ça, c'est un peu... vous savez ce que c'est...
 
Ça, c'est évident ça...
 
C'est un peu de la langue de...
 
Non, ce n'est pas de la langue de bois...
 
De bois ; on commence l'année comme ça ?
 
Non, non, ce n'est pas de la langue de bois, mais ça, c'est typiquement français de baisser les bras avant même d'avoir commencé la compétition.
 
Mais enfin, il faut se donner les moyens de la gagner aussi.
 
Oui, eh bien, vingt millions d'euros, c'est déjà pas mal.
 
Oui, mais enfin, quand les autres en font beaucoup plus, ce n'est sans doute pas parce qu'ils aiment dépenser de l'argent.
 
Oui, regardez toutes les candidatures...
 
C'est sans doute parce que c'est nécessaire...
 
Ce n'est pas nécessairement celle qui met le plus d'argent sur la table qui gagne systématiquement, loin de là, heureusement d'ailleurs, parce que ce serait quand même totalement contraire à l'esprit olympique.
 
Deux jours avant Noël, C. Jouanno, vous avez souhaité que F. Fillon - on va changer totalement de sujet -...
 
Je vois...
 
Le Premier ministre soit candidat à la mairie de Paris en 2014, et on nous a dit que tout le monde vous avait grondée, le Premier ministre lui-même, et le président de la République ou du moins, son secr??taire général, c'est vrai ?
 
Je n'ai pas le bonheur d'avoir le Premier ministre, en tout cas, on n'est pas dans la cour d'école non plus, je veux dire, on est juste dans un problème qui est le problème de la droite parisienne, qui est que depuis 83, elle ne cesse de reculer à Paris, et qu'en trois scrutins, on a perdu douze arrondissements. Donc la question aujourd'hui, c'est de trouver le meilleur candidat, et de ne pas s'y prendre ni le 1er janvier 2012 ni le 1er janvier 2014, mais un peu en amont, parce que c'est un peu le problème des précédentes candidatures, c'est qu'on se décide au dernier moment. Et là, on a travail de fond à faire...
 
Et donc vous souhaitez toujours que F. Fillon soit candidat à la mairie de Paris ?
 
Je souhaite toujours que F. Fillon soit candidat à la mairie de Paris...
 
Mais vous en avez parlé avec lui ?
 
D'ailleurs, il y a plusieurs élus qui s'étaient déjà prononcés, vous vous en souvenez, en juin 2010...
 
Oui, mais visiblement, l'appel que vous avez fait, peut-être c'était le vide de l'actualité, c'était le 23 décembre, a fait beaucoup de bruit.
 
C'était peut-être... ce n'était pas nécessairement effectivement, et c'est une période où toute information est nettement reprise.
 
Et alors, vous en avez parlé avec F. Fillon ou pas, depuis le 23 décembre ?
 
 François, non, on n'en a pas parlé depuis le 23 décembre...
 
 Vous ne vous parlez pas beaucoup. Vous en aviez parlé avant ?
 
On en avait déjà parlé avant, il connaît ma position...
 
Avec lui ?
 
Je sais tout à fait que, de toute façon, là, il ne peut pas se déclarer, il est Premier ministre à 100%, et il a des dossiers très lourds à gérer, mais je pense que la droite parisienne, elle, doit se mettre d'ores et déjà à préparer un projet et à le faire depuis la base et depuis les quartiers populaires.
 
Mais si vous en avez parlé avec F. Fillon, il est intéressé ?
 
Ça, il n'y a que lui qui pourra vous répondre.
 
Mais il vous l'a dit ?
 
En tout cas, moi, je suis intéressée pour qu'il vienne à Paris, parce que c'est un homme d'Etat, et parce qu'on a besoin d'un projet national à Paris et pas un projet local.
 
Il vous a dit qu'il était intéressé ?
 
Il ne m'a rien répondu.
 
J'espère qu'il vous a répondu quelque chose, mais vous ne voulez pas nous le dire. Sa rivale à Paris, c'est R. Dati, qui est maire du 7ème arrondissement, d'elle, vous avez déclaré : une élection à Paris, ce n'est pas un casting. Réponse de R. Dati : madame Jouanno n'a ni bilan ni idées, elle est dans le même parti que vous, mais elle souhaite se faire une notoriété en m'agressant. Le président de la République n'a pas apprécié, et il l'a fait recadrer. Vrai ou faux, vous avez été recadrée ?
 
Oui, mais je vous répète qu'on n'est pas dans la cour d'école, honnêtement...
 
Et vous avez recadrée ?
 
Que Rachida, ce n'est pas ma concurrente...
 
Ce n'est pas votre copine non plus.
 
Ce n'est pas ma concurrente, je ne suis pas candidate, moi, pour être maire de Paris, et je ne suis pas candidate dans le 7ème...
 
Ce n'est pas votre copine non plus, on est d'accord ?
 
Moi, je préfère aller au feu. Comment ?
 
Ce n'est pas votre copine non plus, R. Dati ?]]
 
Mais ce n'est pas une question de copine ou de pas copine dans un parti politique, honnêtement, on n'en est pas là. Moi, ce que je souhaite, c'est qu'on gagne Paris, donc mon sujet, ce n'est pas Rachida, mon sujet, c'est que F. Fillon vienne à Paris.
 
Mais vous êtes le sujet de Rachida.
 
Apparemment.
 
D'accord. Vous serez candidate aux sénatoriales en 2011 ?
 
Ecoutez, ce n'est pas à moi d'en décider, il y a une commission nationale d'investiture...
 
Vous avez envie ?
 
Mais moi, j'en ai envie.
 
Voilà, ah ben, tiens, elle a envie d'être candidate aux sénatoriales.
 
V. Parizot : Eh bien voilà, c'est noté !
 
Et Annecy 2018, c'est presque sous l'eau, c'est noté aussi ?
 
Non, ça, ce n'est pas presque sous l'eau, vous êtes mauvaise langue...
 
Ah, je suis mauvaise langue, d'accord.
 
V. Parizot : Ce qui a été noté, c'est que la personnalité qui représentera et qui va porter la candidature, eh bien, on l'annoncera sur RTL...
 
Sur RTL...
 
V. Parizot : C. Jouanno nous l'a promis.
 
On aura le scoop !
 
V. Parizot : Donc moi, ça, je le note.
 
C'est noté.
 
V. Parizot : Merci beaucoup.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 janvier 2011