Déclaration de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux solidarités et à la cohésion sociale, sur la politique sociale et les mesures en faveur de la solidarité, la cohésion sociale et la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, Paris le 6 janvier 2011.

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Circonstance : Présentation des grandes orientations du ministère pour 2011 à Paris le 6 janvier 2011

Texte intégral


Madame la Ministre, chère Roselyne,
Mesdames et messieurs,
Tout d'abord permettez-moi de vous faire part, très sincèrement, de mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.
Ma chère Roselyne, comme tu le sais, je m'inscris totalement dans les chantiers et les projets que tu viens d'exposer et c'est avec toute mon énergie que je soutiens les actions engagées par ce beau ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale, et que tu as coutume d'appeler « le ministère du coeur ».
Par ce ministère, le Président de la République a voulu faire de la solidarité un levier central de la politique sociale. Notre périmètre est, vous l'avez remarqué, très large. C'est sa vocation, sa spécificité et surtout son meilleur atout : nous travaillons ensemble, avec tous les membres du Gouvernement, pour faire de la solidarité une composante incontournable de chacune des politiques menées.
Nous le voyons tous les jours, à la lecture de vos papiers ou à l'écoute de vos reportages, lors de nos rencontres avec l'ensemble des acteurs sociaux, il existe un véritable besoin de solidarité et de cohésion dans notre pays, il s'illustre par la terrible réalité des chiffres :
* Que faire pour ces 7,8 millions de Français (13% de la population), vivant sous le seuil de pauvreté relatif (949euros/mois) ?
* Que faire pour les 1,9 millions de travailleurs pauvres ? Que faire pour ceux-là, qui, victimes de la paupérisation, exercent un emploi dans des conditions particulièrement pénibles, qu'il s'agisse du travail en lui-même, des horaires décalés, des transports sans fin ou de l'absence cruelle de toute perspective professionnelle ou sociale ?
* Que faire pour toutes ces femmes qui élèvent leurs enfants seules, dans une situation de grande précarité ?
* Que faire pour nos compatriotes handicapés qui ne parviennent pas à trouver d'emploi dans les entreprises ? Quel avenir proposer aux 300 000 enfants handicapés de notre pays ?
* Que faire pour les 40% de jeunes qui souffrent du chômage dans les Zones Urbaines Sensibles ?
* Que faire pour les 30% de Français qui souffrent de la solitude ?
Roselyne Bachelot l'a dit, le gouvernement est à la manoeuvre, la solidarité nationale est en marche. Sans vouloir paraphraser mon ami Jean-François Copé, c'est à la levée en masse de toutes nos énergies sociales que 2011 devra être consacrée ! Depuis 2007, face à la crise, le Gouvernement a non seulement poursuivi son combat en faveur des plus démunis par la conduite de politiques publiques traditionnelles, par la réforme des administrations sociales à laquelle ma chère Roselyne nos Lois ont contribué, CNSA, MDPH, ARS/HPST, mais aussi par la mise en place d'outils innovants comme le RSA qui bénéficie aujourd'hui à près de 1,77 millions de personnes.
Je voudrais saluer également le travail exceptionnel des collectivités territoriales et de tous les acteurs sociaux qui oeuvrent en faveur d'une France plus juste, plus solidaire, plus fraternelle.
Le rôle du politique aujourd'hui, ce n'est pas seulement d'agir contre des situations durement installées. Le rôle des pouvoirs publics, c'est aussi d'anticiper des basculements, de prévenir les ruptures et de fabriquer des gages et des repères pour l'avenir. Prévention et prévision !
C'est précisément ce que nous recherchons avec le chantier dépendance voulu par le Président de la République. On aurait tort de ne pas voir sa dimension et sa portée prédictive. La réforme tiendra certes compte des réalités financières, elle tiendra compte aussi et surtout de toute la dignité, de toute l'humanité que nous devons accorder et témoigner à nos aînés. Elle devra porter nos nouveaux enjeux collectifs.
Quelques orientations me tiennent à coeur, et je fais le choix de vous les livrer en ce début 2011.
En matière sociale, il est urgent d'accroître et d'organiser notre vigilance collective pour éviter que des drames malheureusement ordinaires ne bouleversent inexorablement la vie de nos compatriotes. Pouvons-nous admettre, en 2011, qu'une partie de la population continue à tomber, du jour au lendemain, dans la précarité, victime d'un accident de la vie ? Pouvons-nous admettre qu'un divorce, un licenciement, une maladie, la perte du logement, ou même un accident du travail, un comble - toutes ces fractures de la vie, si quotidiennes - puissent renvoyer autant de nos concitoyens au ban de la société ? Moi, je ne l'admets pas, je ne me résigne pas.
Les sondages le disent très clairement : pour les Français, face à l'avenir, c'est le doute et le pessimisme. Force est d'observer qu'en effet, si l'ascenseur social n'est pas en panne, en revanche. il s'est emballé, il s'est affolé. Les statistiques le montrent, l'instabilité professionnelle s'est accrue depuis 25 ans, en particulier pour les classes moyennes, toujours plus exposées : cette fameuse peur du déclassement, trop souvent et injustement brocardée, est réelle. Le déclassement touche 8% de ce vaste corps des professions intermédiaires et atteint 13% parmi les moins qualifiés. Le visage de la précarité a changé. Questionnons nos partenaires associatifs : qui sont aujourd'hui les Français en situation de pauvreté ?
Notre responsabilité politique, c'est d'écouter, de comprendre et de répondre aux attentes et aux craintes des Français. Mon devoir politique, celui que je me suis fixé, et je veux vous le dire solennellement, c'est que ce ministère soit le rempart contre la tentation des extrêmes. Que la solidarité soit notre bras armé et la cohésion notre bouclier. Il faut ériger une digue contre la vague populiste d'où qu'elle vienne, de droite comme de gauche.
Face à ces constats, la réalité impose le pragmatisme. On a trop longtemps cru qu'en s'attaquant à la précarité économique, on pouvait éradiquer la précarité dans toutes ses composantes, y compris psychologique, sociale et relationnelle. Les allocations sont nécessaires, mais ne suffisent pas à assurer le bien-être de nos compatriotes les plus fragiles. La multiplication des aides, les obligations assurantielles privées ont progressivement dégradé l'importance du lien social, cette solidarité de proximité pourtant essentielle.
Mon engagement politique, celui d'une gaulliste sociale, a toujours été guidé par la volonté de voir un État fort, à la tête des politiques sociales. Mais aujourd'hui, nous ne pouvons nous contenter d'orienter. Une vision moderne et responsable du gaullisme impose également de dépasser les dogmes et de promouvoir toutes les formes de solidarité. L'État n'est pas qu'un chef de file de la politique sociale, il doit être au coeur des processus de solidarité.
Alors, on me pose souvent la question de notre marge de manoeuvre en pleine période de rigueur budgétaire. Reconnaissons d'abord que cette politique a précisément vocation à préserver notre modèle social. Reconnaissons ensuite qu'en matière sociale, la politique de rigueur ne doit pas être synonyme de sacrifice. Cette approche comptable m'apparaît archaïque, le social n'est pas un domaine figé et nous devons transformer par l'innovation notre capacité d'action. Je suis ainsi convaincue que nous pouvons faire beaucoup, en accord continu avec les partenaires sociaux, et en nous appuyant notamment sur trois volets :
Tout d'abord, nous devons promouvoir l'optimisation et la rationalisation des dispositifs existants. En effet, trop de doublons et d'inefficacité subsistent. Est-il optimal de voir tous ces retraités encore autonomes, placés quand même dans des établissements spécialisés en gériatrie pour subvenir à leur besoin d'accompagnement et les éloigner de leur solitude quotidienne ? A cet égard, le chantier de la dépendance doit nous permettre de mieux articuler les différentes interventions publiques. Nous consacrons aujourd'hui 21,6 milliards d'euros dont 13,4 milliards venant des administrations de sécurité sociale. Une conception plus intégrée des soins et de l'accompagnement peut nous conduire à une redistribution de ces financements afin de mieux répondre aux besoins des personnes dépendantes.
Notre second chantier est celui des accidents de la vie, que j'ai précédemment évoqué. N'est-il pas possible, face à toutes ces situations, de mettre en place des mesures de prévention, osons le mot, le vrai bouclier social, celui de la prévention ? Nous avons rencontré les associations de famille qui exprimaient les situations très difficiles de ces mères élevant seules leurs enfants qui se trouvent dans l'impossibilité totale d'obtenir une place en crèche par le simple fait que leur contrat de travail est à durée déterminée. Nous avons également rencontré récemment ces femmes qui nous faisaient part de situations extrêmement difficiles, contraintes de rester sans domicile dans l'attente du prononcé du divorce alors même que le motif est celui de violences conjugales répétées. Nous avons rencontré ces hommes, dans la force de l'âge, et dont le quotidien est aujourd'hui celui de la rue, plongé dans ce calvaire après la perte de leur emploi et une dépression. Nous avons rencontré ces citoyens, victimes d'un accident, ne pouvant ni assurer leur emploi ni leur reconversion, et étant condamnés à rester sur le bord de la route.
Quelqu'un a dit : « Indignez-vous ! » Je réponds, « réveillons-nous, cherchons, sortons du cadre, faisons vivre la réforme, redéployons nos moyens par une nouvelle allocation stratégique et un nouveau pacte social ».
La juste place de l'Etat sera celle où il sera en capacité d'harmoniser et d'encourager les nouvelles solidarités qui vont de l'économie sociale et solidaire aux réseaux de solidarité organisés et spontanés, pour la mobilisation de tous les acteurs là où on a besoin d'eux. Je suis convaincue en effet qu'il existe une véritable complémentarité entre les nouvelles solidarités, la solidarité de proximité et la solidarité nationale.
Liberté, égalité, fraternité.
Depuis des décennies, notre devise nationale est comme tronquée par l'oubli de la fraternité. Retrouvons le goût de la solidarité. C'est tout le sens du choix courageux fait par le Premier Ministre, qui a déclaré la Solitude Grande Cause Nationale. C'est dans cette même voie que s'est engagée l'Europe en faisant de 2011 l'année européenne du Bénévolat, dans la cadre de la stratégie Europe 2020.
Organisons cette complémentarité qui conduit à la cohésion nationale. C'est une notion chère, je le sais, à Brice Hortefeux. Il n'est de sécurité utile sans son volet social. Elle naît de la conjugaison de l'ordre public et de la protection sociale.
2011, c'est vrai, sera bien une année cruciale dans la préparation de nos projets politiques. Je vous remercie.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 7 janvier 2011