Texte intégral
Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui. Je suis d'autant plus heureuse que j'attendais cette visite depuis un petit moment déjà. Nous avons voulu cet office avec Marc. Nous l'avons fait naître avec mes deux Généraux. J'ai voulu maintes fois venir lorsque j'étais à l'Ecologie. C'est finalement le sport qui me donne l'occasion de venir en ces lieux. Si vous saviez combien nous avons besoin de vous !
La matinée a été très riche et les affaires que vous nous avez présentées montrent bien que nous sommes aujourd'hui confrontés à des réseaux puissants et très organisés.
Il était important, et je dirai même symbolique, pour moi de débuter l'année 2011 par cette visite. Il y a trop d'affaires. Il y a trop de sports salis. En 2010, 180 cas positifs ont été révélés à ce jour en France, toutes disciplines et tous niveaux confondus. C'est beaucoup trop ! Il y a trop de discours de résignation. Le dopage touche trop de sports et on n'est pas un champion si on est dopé.
En cette année préolympique, nous allons avoir les yeux rivés sur nos objectifs de médailles. Mais une médaille ne se gagne pas à n'importe quel prix. Le sport n'a d'intérêt pour la cause publique que s'il est sain et propre. Le sport est un des seuls domaines où plus d'efforts entraîne automatiquement de meilleurs résultats. C'est un principe fondamental qui rien ne doit venir pervertir. Ni les sommes folles qui sont en jeu ni la foule immense qui espère voir la France gagner ne justifient que l'on ferme les yeux. Le dopage n'a pas sa place dans le sport.
Et je ne suis pas optimiste.
I. Je ne suis pas optimiste face à un phénomène qui tend aujourd'hui à se développer.
En décembre, vous avez participé au démantèlement d'un réseau de vente par Internet de stéroïdes anabolisants basé à Marseille. C'est la plus grosse opération jamais réalisée en Europe et je veux vous féliciter de vive voix.
Ce réseau comptait 200 000 clients dont près de 10 000 Français. Cette opération le montre, nous sommes face à de véritables phénomènes de criminalité organisée.
Et elle montre aussi que nous sommes beaucoup plus actifs que les autres !
Nous sommes victimes d'une banalisation du recours à des adjuvants comme en témoigne la forte croissance que connaît le marché des compléments alimentaires et des alicaments. La marche entre l'aide et le dopant est faible. Votre affaire à Marseille le montre, ce ne sont pas que les sportifs de haut niveau qui sont concernés.
Le développement d'Internet a également joué un rôle non négligeable dans la banalisation des conduites dopantes et ouvre l'accès à un nombre phénoménal de produits.
Plus qu'à un problème sportif ou de haut niveau, nous sommes confrontés à un vrai problème de santé publique.
Les réseaux traditionnellement portés sur le trafic de stupéfiants ou de médicaments ont vite compris l'intérêt lucratif du dopage. Votre office s'intéresse depuis longtemps à ces réseaux et connaît leurs modes de fonctionnement. Vous êtes un maillon essentiel de la lutte antidopage. En outre, vous disposez désormais d'un représentant du Ministère des sports qui vous permet d'appréhender les problématiques propres au sport.
II. Le développement des conduites dopantes nous oblige à maintenir une politique antidopage volontariste, combinant prévention et répression.
La France a été précurseur dans la lutte contre le dopage en adoptant une législation antidopage dès les années 1960. Mais la véritable révolution est venue plus tard, lorsque nous avons pris conscience qu'il fallait s'attaquer à toute la chaîne des acteurs participant au dopage, et non pas seulement aux sportifs. Les sportifs ont une responsabilité à assumer en cas de dopage. Cette responsabilité est d'autant plus grande qu'ils sont souvent des modèles pour nos jeunes. Mais, si des sportifs se sont dopés, c'est que quelqu'un leur a procuré des substances dopantes, c'est que des médecins ont fermé les yeux, c'est que des clubs n'ont pas joué leur rôle de prévention.
Et, même s'ils ont une responsabilité qui est grande, il faut garder à l'esprit que les sportifs restent les premières victimes du dopage. Ce sont eux qui en assument les effets nocifs sur leur santé.
La prévention est donc essentielle. Il faut alerter les sportifs sur les dangers liés au dopage, que ce soit dans le haut niveau ou dans la pratique amateur. Il faut également sensibiliser et former l'ensemble des acteurs du monde sportif (entraîneurs, médecins, etc.) à la détection des éventuelles conduites dopantes. Des outils de communication et de sensibilisation existent. Il faut maintenant nous assurer qu'ils sont bien relayés sur le terrain. Je lancerai prochainement un groupe de travail chargé de réfléchir à la meilleure exploitation possible de ces outils.
En parallèle de ces actions de prévention, nous devons maintenir une politique de fermeté à l'encontre de ceux qui enfreignent la loi. La Convention de l'Unesco a constitué une avancée majeure en mettant l'accent sur les « facilitateurs » et les trafiquants.
Dans la lignée de cette Convention, la loi du 3 juillet 2008 a instauré des peines très lourdes à l'encontre des personnes ayant autorité sur les sportifs. Leur implication dans les cas de dopage est en effet d'autant plus inacceptable qu'elles exercent une influence forte sur des sportifs qu'elles accompagnent souvent depuis l'enfance.
III. L'action répressive est déterminante. Mais nous n'obtiendrons de vrais résultats en ce domaine qu'en collaborant avec l'ensemble de la communauté internationale.
On se souvient de l'opération Raw Deal menée en 2007 par les Etats-Unis en concertation avec 10 pays. Ce ne sont pas moins de 56 laboratoires clandestins qui ont été démantelés et 11,4 millions de doses de stéroïdes anabolisants qui ont été saisies. Face à ces formes de criminalité organisée, seule la coopération internationale est réellement efficace.
Aujourd'hui, on sait qu'une grande partie des produits dopants sont fabriqués en dehors de l'Europe. Nous devons donc être en mesure d'intervenir partout dans le monde afin de démanteler des réseaux qui ne connaissent pas les frontières.
Des avancées importantes ont déjà été réalisées en matière de coopération.
L'OCLAESP joue désormais un rôle de locomotive pour coordonner les policiers, les gendarmes, les douanes et l'ensemble des services qui participent à la lutte contre le dopage sur le territoire national.
Grâce à INTERPOL, ce sont 188 pays qui unissent leurs forces, partagent leur expérience et échangent les informations dont ils disposent. La collaboration avec INTERPOL est une avancée majeure qu'il nous faudra poursuivre et intensifier. Depuis 2009, un officier de gendarmerie français mis à disposition d'INTERPOL par le gouvernement français est chargé de renforcer la coordination entre les Etats.
Enfin, le dernier point sur lequel nous devons nous concentrer est l'harmonisation des législations. Le Code mondial antidopage impose une harmonisation, mais certains pays tardent à s'y conformer. Les produits dopants sont ainsi souvent considérés comme de simples médicaments dans de nombreux pays d'Asie. Leur trafic bénéficie par conséquent d'une quasi-impunité. C'est inacceptable, il n'y a aucune différence entre le dopage et la drogue. L'un et l'autre nuisent autant à notre société et de ses valeurs.
Il faut continuer à peser au niveau de l'AMA. Cela exige d'entretenir une concertation resserrée avec nos homologues européens afin que l'Europe porte un même message de fermeté à l'échelle internationale en direction des pays qui ne se conforment pas aux préconisations de l'AMA.
Le dopage est une menace croissante, qui ne se limite plus aujourd'hui au sport de haut niveau. En outre, nous sommes désormais confrontés à des produits de plus en plus perfectionnés. Comme vous l'avez montré tout à l'heure, certains contrôles peuvent se révéler négatifs, alors même que les sportifs ont avoué avoir pris des substances dopantes.
Nous devons donc rester pleinement mobilisés sur la lutte antidopage aussi bien en matière de prévention que de répression. Ce sera une de mes priorités fortes pour cette nouvelle année. Dans cette tâche, je sais pouvoir compter sur votre expertise et votre détermination. Sachez en retour que vous avez tout mon soutien. Enfin, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour vous adresser tous mes voeux de réussite dans l'accomplissement de vos missions pour cette année 2011.
source http://www.sports.gouv.fr, le 10 janvier 2011