Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur les perspectives d'activité des travaux publics, Paris le 23 mars 1999.

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Circonstance : Assemblée générale de la FNTP (Fédération nationale des travaux publics) à Paris le 23 mars 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Cest la deuxième fois que je viens clôturer votre Assemblée Générale. Cest toujours pour moi un plaisir de me retrouver parmi vous.
Je dois reconnaître, M. le Président, que vous avez de la suite dans les idées. Cest tout à votre honneur ! En effet, dès le début de nos rencontres, vous mavez tenu ce langage sur la place et le rôle des travaux publics. Mais, vous lavez compris, jai, moi aussi, de la suite dans les idées. Cest pourquoi je veux vous dire tout aussi franchement mon sentiment sur les questions que vous avez soulevée.
Et tout de suite affirmer avec vous un principe fondamental de morale politique : le respect de la parole donnée.
Cest bien parce que jestime pour ma part lavoir observé, que je ne peux partager la tonalité du diagnostic de votre fédération, telle quil sest exprimé dans différents articles de presse parus ce matin, et qui me paraît quelque peu pessimiste.
La conjoncture des travaux publics me semble en effet saméliorer. Après la crise économique profonde qui a touché vos entreprises depuis 1992, 1999 devrait enregistrer une légère reprise de la commande.
Plus généralement, un ensemble dindices économiques qui viennent dêtre publiés confirment le mieux de léconomie française. Ainsi, la France aura connu en 1998 son meilleur taux de croissance (3,2 %) depuis le début de la décennie 1990 et aura mieux fait en la matière que ses partenaires de la zone euro, alors que cela avait été linverse les années précédentes.
1998 aura enregistré aussi la plus forte hausse de linvestissement des entreprises de la décennie (6 %) et la plus forte hausse de la consommation (3,8 %), indicateurs auxquels je vous sais légitimement attentif.
Ce que vous semblez reprocher au gouvernement me paraît donc passablement injuste. Je ne prétends certes pas que nous navons pas bénéficié dune conjoncture plus favorable. Mais si le gouvernement nen a pas tout les mérites, mon sentiment personnel est quil ny est pas non plus pour rien, et cest avec plaisir que je constate par exemple que les efforts faits dans le domaine du bâtiment commencent à porter leur fruits.
Les collectivités locales continuent quant à elles, comme lan dernier, à investir, en particulier les communes et les départements. Il en va de même, je lai noté, pour le secteur privé, pour tous les travaux, notamment de voirie, liés au bâtiment et qui bénéficient de sa reprise, fortement encouragée par les mesures budgétaires et fiscales mises en oeuvre par lEtat.
De ce point de vue, puisque la faculté en a été admise par la commission européenne, je ne vous cache pas que si les conditions budgétaires le permettent, je suis favorable à baisser le taux de TVA de 20,6 % à 5,5 % sur les travaux dentretien et de réparation pour les particuliers.
Pour ce qui est à proprement parler des travaux publics, leffort budgétaire de lEtat reste significatif. Et si cet effort, cest vrai a été partiellement réorienté, il ne me semble pas fondé de parler dattentisme ou de statu quo.
Jai même le sentiment très net que dans toute une série de domaines, nous avons débloqué des dossiers qui apparaissaient durablement compromis, et nous nous sommes évertués de le faire sur des bases financières assainies, et donc, plus pérennes.
Ainsi, le budget des transports terrestres pour 1999 dépasse, je le rappelle, les 60,6 milliards de francs, en moyens dengagement comme en moyens de paiement, avec une augmentation de plus de trois milliards de francs par rapport à 1998. Cette priorité donnée aux transports terrestres traduit la volonté du gouvernement de soutenir linvestissement public par un développement rééquilibré des infrastructures.
Ces crédits permettent de concrétiser dès maintenant les priorités gouvernementales. Le secteur ferroviaire bénéficie de 2,1 milliards de francs pour les investissements en subvention directe et sur le FITTVN, ce qui représente un quasi doublement des crédits en 2 ans. RFF reçoit un concours de 13 milliards, ce qui lui permettra de raffermir ses capacités financières et donc dinvestir.
Plus fondamentalement, nous avons mis au point avec la SNCF et RFF un plan pluriannuel de modernisation un pluriannuel de modernisation des infrastructures ferroviaires de 120 milliards pour la période 2000-2010, soit environ 12 milliards dinvestissement par an. Cela permettra dassurer la régénération du réseau existant, de procéder à des investissements sur les lignes classiques et, bien entendu aussi, sur les projets de lignes à grande vitesse.
Sur ce dernier point, je rappelle que jai obtenu le bouclage du financement de la première phase du TGV Est européen. Un accord est intervenu le 29 janvier dernier. Sur le coût total de 20,5 milliards de francs, 8 milliards seront financés par lEtat, 4,8 milliards par RFF et la SNCF, autant par les collectivités locales, 2,1 milliards par lUnion européenne, et 770 millions par le Grand Duché de Luxembourg. Les travaux devraient démarrer lan prochain.
Les crédits consacrés à la réalisation des transports collectifs, en particulier dans les agglomérations de province progressent, comme cétait déjà le cas en 1998, de 10 %. Cela permettra la réalisation de métros, de tramways et daxes lourds pour autobus dans les grandes villes.
Sagissant des routes, lamélioration de la sécurité de lusager est une priorité. Elle passe par un renforcement du budget dentretien et de réhabilitation. Avec 3,5 milliards de francs, la hausse des crédits dengagement dépasse 6 % par rapport au budget 1998.
Trois points font lobjet dun effort particulier :
- il sagit de la réhabilitation et du renforcement des chaussées, dont la dotation en autorisations de programme augmente de 26 % ;
- ensuite du programme de réparation des ouvrages dart sur le réseau non concédé, en hausse de 7,6 % ;
- enfin de lentretien préventif des chaussées, en progression de 7,4 %.
Par ailleurs, lamélioration de la chaîne de transport de fret constitue un élément déterminant de la compétitivité des entreprises françaises dans le contexte européen et mondial. Cest pourquoi des mécanismes daides renforcés sont mis en place en faveur de la remise en état de certaines infrastructures portuaires et de lamélioration de la desserte de ces ports.
Avec le projet port 2000 en particulier, cest plus de trois milliards de francs dinfrastructures portuaires qui vont être réalisés à partir de 2001.
Un effort est également réalisé en faveur de la restauration du réseau fluvial existant, en le concentrant sur les voies présentant un fort enjeu pour le transport de marchandises et la navigation de plaisance. Les études se poursuivent sur Seine Nord.
Tous ces projets, ferroviaires, routiers, portuaires, fluviaux contribueront, en 1999, directement à lactivité de vos entreprises.
De même, le protocole conclu avec le Crédit local de France sur des prêts à taux fixes dune durée supérieure à 30 ans met ces prêts en adéquation avec lamortissement économique des biens produits par vos entreprises, ce qui constitue un élément porteur.
Nous avons en outre proposé le lancement dun emprunt européen qui pourrait être mobilisé pour la réalisation dun réseau ferroviaire européen à priorité fret, ce qui suppose à la fois la suppression de certains goulots détranglements, et la réalisation de maillons manquants, notamment pour le franchissement des zones montagneuses, et vous le savez, cest un projet qui me tient particulièrement à coeur.
Vous avez évoqué dans votre intervention, M. le Président, deux autres points importants sur lesquels je voudrais revenir. Il sagit de lavenir de votre secteur dactivité et de lévolution du rôle de lEtat à son égard.
Je suis convaincu que les travaux publics sont et demeurent un facteur important de progrès technique, économique et social. Jai toujours dit et je le répète ce soir bien volontiers que je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que la France est trop équipée.
je veux dailleurs dire ici quil ny a à mes yeux aucune contradiction entre la préoccupation du gouvernement de mieux prendre en compte la protection de lenvironnement et la construction de nouvelles infrastructures. Cest également le point de vue que vous avez exprimé.
Il est clair en particulier -et ce nest pas vrai seulement pour les pistes cyclables- mais aussi par exemple pour les transports urbains en site propre ou pour les transports ferroviaires, la notion de développement durable implique des infrastructures nouvelles. Elle implique aussi, cest vrai, une concertation plus attentive et une réflexion plus approfondie sur les choix à opérer, mais encore une fois, cela, je crois lavoir montré, ne nous conduit pas à la paralysie.
Je rappelle dailleurs que 1000 km de sections sont en travaux sur les autoroutes concédées et 200 à 300 km sur les autoroutes non concédées.
Cela étant, pour quelques projets autoroutiers décidés par mes prédécesseurs, jai effectivement été amené à procéder à des réorientations et à relancer des phases de concertation.
Pour certains de ces projets, limpossibilité de recourir désormais à la technique de ladossement, nous contraint, sauf à renoncer à toute réalisation, à examiner si des aménagements plus progressifs sont ou ne sont pas économiquement et financièrement plus réalistes.
Pour dautres projets, les choix étaient vivement contestés. Mettre à plat les dossiers, aller au bout de la concertation, cest sans doute prendre du temps au départ, mais très probablement en gagner au final, et sans aucun doute, permettre une décision meilleure et plus pérenne.
Je peux en outre vous indiquer que, sagissant de lA86 ouest, après les péripéties que vous connaissez, au vu de lavis de la commission consultative que javais mise en place pour quelle procède à un examen complet et rigoureux des propositions en présence, jai décidé dengager au plus vite la négociation du contrat de concession avec la société COFIROUTE afin que les travaux puissent eux aussi reprendre au plus vite, je lespère dans le courant de lété.
Le Viaduc de Millau est un autre exemple dun très grand projet qui entre maintenant dans une véritable phase opérationnelle. La commission denquête sur la mise en concession a récemment rendu un avis favorable. Cest une étape importante de la procédure puisquelle va permettre lexamen par le Conseil dEtat du décret déclarant dutilité publique la mise en concession de cet ouvrage exceptionnel, puis le lancement de la consultation pour la désignation dun concessionnaire.
Avec le franchissement de ces nouvelles étapes, lobjectif de mise en service du viaduc en 2003 devrait être atteint et permettre lachèvement de ce grand itinéraire daménagement du territoire que constitue lautoroute A75 Clermont-Ferrand - Béziers.
Des discussions sur les traversées alpines sont en cours avec nos voisins, et je lai évoqué tout à lheure sagissant du projet de réseau ferroviaire européen à priorité fret.
Par ailleurs, et vous lavez mentionné M. le Président, les attentes légitimes et croissantes de tous nos concitoyens de voir leur cadre de vie saméliorer génèrent, à côté des grands projets, une demande forte de travaux de proximité, liés aux aménagements urbains et à lenvironnement.
Je suis tout à fait favorable à une vision des travaux publics prenant en compte dès la conception, et lors de la réalisation des ouvrages, le respect de lenvironnement. Je suis sur ce point totalement en harmonie de vue avec ma collègue : Madame Voynet.
Cest dailleurs une préoccupation qui est intégrée dans les activités des directions techniques du ministère de lEquipement, et nous avons eu loccasion de le montrer lors des travaux dextension de laéroport de Roissy Charles de Gaulle.
Le projet de loi déjà voté par le Sénat, qui sera présenté à lAssemblée nationale le 8 avril, relatif à la création dune « Autorité indépendante » pour le contrôle des nuisances sonores le prouve.
Les groupes de travail que vous animez avec le ministère de lAménagement du Territoire et de lEnvironnement participent également, du côté de la profession, de cette même démarche.
De plus, 1999, vous le savez, est une année charnière, puisque cest lannée de négociation des contrats de plan Etat-Régions, ainsi que lélaboration des schémas de services inscrits dans le projet de loi dAménagement durable du territoire.
Les discussions sur ces documents sont désormais engagées dans chaque région.
Les schémas de service, transports voyageurs et transports marchandises, remplaceront les actuels schémas sectoriels. Ils dessineront le visage de la France à lhorizon 2020. Linnovation majeure quils comportent est de raisonner en termes de services et pas seulement dinfrastructures, et aussi de sinscrire dans une vision résolument intermodale, souvent évoquée, mais jusquici insuffisamment mise en oeuvre.
Je pense quil y a là dailleurs, en matière notamment de noeuds déchanges, des perspectives nouvelles pour le BTP...
Les schémas de services constitueront à la fois le cadre juridique dans lequel sinscrivent les projets et une référence pour une bonne programmation dans les contrats Etat-Régions successifs.
Les prochains contrats Etat-Régions vous concernent au premier chef. Je sais que leur durée prévue 2000-2006, soit 7 ans a suscité chez vous quelques interrogations.
Cet allongement répond dabord à un souci dharmonisation avec les documents de planification daides structurelles européennes. Un bilan sera dressé à mi parcours et permettra au besoin les réorientations utiles. Il est prévu de ninscrire dans la première partie de ces contrats que des opérations dont les procédures sont suffisamment avancées.
Nous devrions ainsi éviter le décalage entre les crédits disponibles et les capacités effectives de lancement des travaux.
Les enveloppes que lEtat consacrera aux contrats de plan, et plus particulièrement à leur volet infrastructures de transport ne sont pas encore arrêtées par le gouvernement.
Pour ma part, je considère quelles devront prendre une double orientation :
- une première au profit des modes ferroviaires et fluviaux,
- une deuxième qui permette que ne se cumule pas un certain ralentissement de linvestissement autoroutier avec ralentissement des crédits dentretien et dexploitation et dinvestissement sur routes nationales.
Je crois quil y a quelques vérités à rétablir. Quand je lis dans un journal du soir qui explique que le taux de réalisation en matière dinfrastructures routières est le taux le plus faible des contrats de plan parce que le « lobby routier » aurait inclus dans les contrats en cours des projets irréalisables, je me dis quil nous reste à faire des efforts pédagogiques, à vous comme à moi.
Bien entendu, leffort sur les routes restera très important, car nous avons encore, vous le savez, beaucoup à faire pour adapter notre réseau.
Vos réalisations, en France, constituent autant de vitrines à lexportation. Avec environ 65 milliards de francs de chiffre daffaires à létranger, les entreprises françaises de travaux publics se situent dans les tout premiers rangs mondiaux.
Ce chiffre témoigne de la reconnaissance du savoir-faire de vos entreprises, de leur capacité dinnovation technologique et dadaptation à des contextes concurrentiels de plus en plus exigeants. Le prix de linnovation qui vient dêtre décerné ce soir montre que vous en avez bien compris toute limportance pour vos professions.
Je terminerai mon propos par quelques remarques sur le rôle de lEtat. Vous souhaitiez des règles du jeu claires et clairement appliquées. Je suis daccord avec vous. Et jai bien noté votre réflexion sur la réforme en cours du code des marchés publics.
Le dossier, vous le savez, est piloté par le ministère des finances, mais mes services y sont associés et ils entretiennent des contacts étroits avec votre fédération.
Je suis convaincu que ce travail commun, certes un peu long, permettra de dégager, sur les points qui vous tiennent à coeur, dans le respect des exigences dune saine concurrence, les règles plus simples et plus stables que vous appelez de vos voeux.
Si jadmets volontiers que lEtat a pu parfois prendre des décisions douloureuses
-lallongement de la durée de financement des contrats de plan en est un exemple- vous conviendrez également que nous faisons un effort permanent pour travailler en étroite concertation avec les professionnels et prendre en compte dans le respect des priorités gouvernementales, les spécificités du secteur. Mes services, M. le Président, travaillent de manière constante avec ceux de la FNTP, nous nous rencontrons fréquemment, nous nous parlons franchement et je ne manque pas dappeler lattention de mes collègues du gouvernement, chaque fois que cela est nécessaire, sur les caractéristiques et limportance de votre activité.
Parmi les différentes missions qui incombent à un ministre de lEquipement, celle qui consiste à donner une certaine lisibilité à lavenir pour les entreprises qui travaillent dans les secteurs de compétence du ministère, et parmi elles, aux entreprises de travaux publics, me paraît essentielle et jy attache beaucoup dimportance.
Leffort de recherche publique participe de cette même volonté. Vous savez que dans ce domaine aussi, le ministère de lEquipement et le ministère de la recherche sont très attachés à un partenariat actif avec la profession, dans le cadre de la recherche incitative en génie civil et urbain, dans le domaine de la construction, et aussi par la mise en place de procédures de labellisation de linnovation.
Tout cela doit contribuer à lactivité, à lemploi et à lefficacité des entreprises.
Sagissant des 35 heures, je note laccord intervenu, même sil nest pas unanime, sur la réduction du temps de travail dans le bâtiment et les travaux publics.
Je ne doute pas que, grâce à lextension qui vient dêtre décidé par le gouvernement, une reprise de lembauche soit possible dans les travaux publics.
Vous venez davoir, M. le Président, des propos sympathiques à mon endroit en évoquant mon voyage à La Réunion et à Mayotte.
Eh bien, je puis vous dire que lessentiel des discussions a porté justement sur le Bâtiment et les Travaux Publics : route du littoral, RN3, aéroport de Saint-Pierre, activité portuaire et requalification urbaine pour la ville du Port, développement des transports collectifs en site propre... Et à Mayotte, construction dun deuxième quai pour le port de Longony ; réflexion sur lamélioration de la desserte directe avec laménagement de lactivité urbaine pour rattraper les retards et lutter contre linsalubrité etc, etc...
Vous le voyez, pas plus du reste quà aucun de mes déplacements, je nai pas oublié nos préoccupations communes !
Voici, M. le Président, Mesdames, Messieurs, les quelques réflexions dont je voulais vous faire part. Je souhaite plein succès à vos entreprises et je vous remercie de votre accueil.