Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à Europe 1 le 7 janvier 2011, sur les 35 heures, les conditions d'attribution du RSA jeune et les "aidants sexuels" pour les personnes handicapées.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Bonjour, R. Bachelot.
 
Bonjour, M.-O. Fogiel.
 
Vous êtes ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale. Beaucoup de sujets ce matin, avec vous, notamment les 35 heures, on y reviendra avec A. de Tarlé dans un instant. Statu quo, d'un côté Copé qui veut un démantèlement, de l'autre côté Bertrand qui dit c'est déjà fait. Et vous, Madame la ministre ?
 
Chaque acteur politique est dans son rôle. Le Président de la République...
 
Tout le monde est à droite.
 
Oui, mais dans son rôle différent. Le Président de la République et le ministre du Travail et le Premier ministre ont largement assoupli les 35 heures. Et dans le cadre du débat qui prépare l'élection présidentielle, le responsable de l'UMP, J.-F. Copé, est en quelque sorte, à la tête d'un réservoir d'idées, d'un forum d'idées, et ils proposent d'aller plus loin et c'est son rôle, et les candidats puiseront...
 
Et vous, madame la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, est-ce qu'il faut aller plus loin ? D'abord ces 35 heures, est-ce qu'elles existent ou existent plus ? On n'y comprend plus rien ? Elles existent ou elles n'existent plus aujourd'hui ?
 
Les 35 heures existent, mais on les a considérablement assouplies. Moi, en tant que ministre de la Cohésion sociale, je souhaite qu'on aille plus loin dans la réflexion sur la fragmentation du temps de travail et notamment pour les femmes. Parce que les 35 heures ont été une catastrophe économique pour notre pays, mais aussi à l'origine de très grandes difficultés sociales en particulier pour les travailleurs les plus modestes, en terme de pouvoir d'achat et en terme de conditions de travail. Et je souhaite qu'on y réfléchisse de façon très ferme pour les femmes, en particulier sur les questions du temps partiel. C'est la raison pour laquelle, avec X. Bertrand, nous allons réunir au cours de ce semestre, une table ronde sur le temps partiel des femmes qui est en général un temps partiel subi.
 
Est-ce que vous allez réfléchir également au RSA, RSA des jeunes ? Le Haut commissaire aux Solidarités actives, ex, M. Hirsch, ancien, maintenant, il est à l'initiative du RSA, maintenant il est à la tête du Service civique.
 
A la tête du Service civique oui.
 
Il veut notamment un assouplissement des conditions d'accès, puisque le premier bilan n'est pas terrible. Est-ce que vous allez le suivre.
 
Le démarrage, je le reconnais, le démarrage du RSA jeune est poussif. C'est la raison d'ailleurs pour laquelle, j'ai rencontré M. Hirsch, un peu avant les congés de Noël, pour regarder ensemble, la façon dont nous pouvons évaluer le dispositif et l'améliorer. Je note d'ailleurs une certaine amélioration, puisque nous avons à peu près 5000 RSA jeunes qui ont été signés, 5000 foyers concernés, et nous observons une montée en charge d'à peu près 1000 à 1200 contrats par semaine. Enfin, l'objectif qui avait été fixé, était de 160 000 contrats, je reconnais, on en est loin.
 
Alors assouplissement ou pas ? R. Bachelot, c'est ça la question.
 
Alors l'assouplissement, nous sommes en train d'étudier pendant le premier semestre 2011, les raisons de ce retard. Est-ce que d'abord, il va se combler, on peut peut-être l'espérer.
 
Enfin quand M. Hirsch, le demande alors qu'il en est à l'initiative, on peut penser, qu'il a à peu près la...
 
Alors défaut, sans doute, défaut d'information, insuffisante mobilisation des acteurs sociaux sur le terrain. Nous verrons bien s'il est nécessaire d'y apporter des assouplissements nous le ferons également. Je veux rappeler qu'au moment de la création du RMI, que le RSA a remplacé, la gauche avait refusé de faire que le RMI soit applicable aux jeunes, pour ne pas les enfoncer dans une trappe à pauvreté.
 
Vous allez regarder, c'est ce que vous nous dites ce matin.
 
Il convient donc de bien mesurer si on n'enferme pas les jeunes dans une trappe à pauvreté.
 
Une phrase choc ce matin, sur les fonctionnaires de C. Jacob, patron des députés UMP, il s'interroge ouvertement sur la pertinence de ce qu'il appelle leur embauche à vie. Il estime qu'on pourrait envisager des contrats d'objectifs sur 5 ou 10 ans. Ça va faire polémique dans la journée, votre position ?
 
Ma position n'est pas favorable. Nous avons une Fonction publique qui marche bien, j'ai dans mon secteur des fonctionnaires extrêmement dévoués sur lesquels je m'appuie en toute confiance. Véritablement, il y a un statut de la fonction publique qu'une...
 
Que C. Jacob, le dise, ça vous inspire quoi ?
 
Non, mais qu'une part de la rémunération, ça a déjà commencé, qu'une part de la rémunération puisse tenir compte de la réalisation d'objectif, j'y suis tout à fait favorable.
 
On en a parlé dans le journal de 7 heures, question tabou, les personnes handicapées qui ont droit à une sexualité comme les autres, ce métier, exercé pour l'instant clandestinement en France, « les aidant sexuels. » Vous, vous êtes contre ?
 
Oui, je vais d'abord dire plusieurs choses, si vous le permettez, parce que c'est un sujet très délicat, qui doit s'aborder avec beaucoup de pudeur. Il y a des personnes handicapées, qui vivent dans des difficultés, de pauvreté de vie sexuelle et affective, mais je dirais, il y a beaucoup de personnes handicapées qui vivent aussi cela, très bien, avec beaucoup d'épanouissements. Il y a aussi des personnes qui ne sont pas handicapées, qui vivent dans la misère affective et sexuelle. Que des médecins aident ou des personnels de santé aident dans le cadre de consultations médicales à mieux vivre, à donner les moyens aux personnes handicapées...
 
Là, c'est un peu plus que ça !
 
Oui, bien sûr ! Je suis évidemment, je suis évidemment tout à fait pour. Mais enfin, soyons clairs ! Je suis, je m'occupe des personnes en situation de handicap, nous avons à leur assurer un certain nombre de services, soit ça relève du bénévolat et des relations interpersonnelles entre deux personnes. L'État n'a pas à y intervenir. Soit ce sont des relations rémunérées, soyons clairs. Rémunérées en échange d'un service sexuel, ça porte un nom, ça s'appelle de la prostitution. Alors est-ce que c'est rémunéré par la personne ? Ou alors est-ce que c'est rémunéré par l'État ? Comme semble le demander certaines personnes. Je ne pense pas que cela soit possible. Je vais simplement dire une chose aux auditeurs d'Europe 1 : j'entends la misère de certaines personnes, vous avez peut-être un fils ou une fille, un petit-fils ou une petite-fille. Est-ce que vous lui conseilleriez ce métier, d'assistant sexuel ?
 
Pourquoi pas ! Oui, enfin, moi, pourquoi pas !
 
Je ne sais pas. Demandons aux auditeurs d'Europe 1, s'ils conseilleraient cela à leurs fils ou à leurs filles.
 
Il y a tout juste un an, le 7 janvier 2010, on apprenait la mort de P. Seguin, vive émotion de toute la classe politique, notamment la vôtre. Est-ce que vous diriez aujourd'hui, que la classe politique est à la hauteur de P. Seguin ? Est-ce que les valeurs qu'il incarnait sont toujours au même niveau ?
 
Je crois qu'il y a beaucoup d'hommes et de femmes politiques qui ont choisi cette carrière, pour y faire vivre des valeurs et je dirais que c'est l'immense majorité des hommes et des femmes politiques. Mais je me reconnais bien dans les valeurs de P. Seguin. Je n'oublie pas en particulier, que c'est l'homme qui est à l'origine d'une loi très importante, sur l'insertion des personnes handicapées. L'insertion professionnelle des personnes handicapées, la loi de 1987 et je me reconnais parfaitement dans cet héritage.
 
Merci, beaucoup, R. Bachelot. Dernière question subsidiaire, F. Amara, qui était à ce micro, il n'y a pas si longtemps, quand elle est sortie du Gouvernement avait donné ses cartons rouges et ses bons points. Elle vous a mis un carton rouge, quand vous étiez dans un autre ministère, vous n'auriez rien fait pour les banlieues disait-elle ?
 
Oh ! Je pense que Fadela, que j'aime beaucoup, s'est laissée emportée par sa passion. Maintenant, elle est inspecteur générale des Affaires sociales, que je trouve très bien, puisque j'ai même signé la proposition qui la met inspecteur générale des Affaires sociales. Elle aura l'occasion d'aller, certainement de faire le point sur cette affaire, dans les quartiers en difficulté, elle verra que beaucoup était fait.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du gouvernement, le 10 janvier 2011