Texte intégral
Q - Vous vous exprimez, pour la première fois, sur un média après les propos controversés que vous avez tenus à l'Assemblée nationale, le mardi 11 janvier sur la situation tunisienne, en parlant des morts et des blessés lors des manifestations. Vous avez rappelé le savoir-faire des forces de sécurité françaises et évoqué une coopération avec la Tunisie afin, je vous cite, «que le droit à manifester soit assuré de même que la sécurité». Vos propos ont suscité beaucoup de commentaires, une importante polémique. Avec le recul, qu'en dites-vous, aujourd'hui, Michèle Alliot-Marie ?
R - Je dis qu'il est toujours désagréable d'être au coeur d'une polémique. Visiblement j'ai été mal comprise quand je me suis exprimée lorsque je souhaitais dire ma consternation de voir des morts dans des manifestations. Je suis contre ce type de violences ; et mon seul but, c'était finalement de dire : comment pouvons-nous préserver des vies humaines dans toutes les circonstances ? J'ai été mal comprise. Dont acte ! Peut-être me suis-je mal exprimée ? J'ai eu l'occasion effectivement de le faire plus longuement, d'une façon plus détaillée et je crois qu'aujourd'hui tout est clair. Laissons de côté la polémique ! Elle est bien dérisoire par rapport à la réalité des situations.
Q - Vous sentez-vous affaiblie après cet épisode tunisien, Michèle Alliot-Marie ?
R - Non, je ne me sens pas affaiblie. En aucun cas. Vous savez, ce n'est pas la première fois qu'il y a des polémiques qui sont montées contre moi dans ma vie politique et ce que je constate d'ailleurs, c'est que souvent au bout de quelques semaines, quand chacun a pris la mesure de la mauvaise foi de certaines interprétations - et il y en a eu beaucoup, j'ai au contraire été renforcée.
Q - Y a-t-il eu des défaillances dans le réseau diplomatique pour que vous ayez une information correcte, d'après vous, sur la situation telle qu'elle se déroulait en Tunisie ?
R - Ecoutez, je crois que le réseau diplomatique a montré effectivement qu'il y avait la montée d'un certain nombre de mécontentements : celui des jeunes formés mais qui n'avaient pas d'emploi ; celui d'une population qui demandait à être davantage informée ou plus librement informée ; celui également qui montait contre la captation d'une partie de la richesse de la Tunisie par un clan, par une petite famille ; cela, c'est vrai.
Il est vrai, en revanche, qu'on n'a vu... personne d'ailleurs, a vu, il faut bien le dire, que ce soit en France ou que ce soit à l'étranger, la rapidité de la transformation. Et je lisais encore hier une analyse reprenant des propos du Département d'Etat américain, le 12 janvier...
Q -... Donc deux jours avant le départ de M. Ben Ali !
R - ...Deux jours avant le départ de Ben Ali, et qui manifestait une préoccupation et déplorait le comportement de certains manifestants. Le Département d'Etat américain déplorait, deux jours avant le départ de M. Ben Ali, alors même que le Premier ministre et moi-même avions rappelé à plusieurs reprises, effectivement, notre préoccupation, notre regret des violences, le Département d'Etat, lui, déplorait le comportement de certains manifestants tunisiens.
Q - C'est désormais sur l'Egypte que se fixent les regards. Des manifestations ont eu lieu, hier, au Caire, à Suez et Alexandrie. Les slogans étaient sans équivoque «Moubarak dégage !». Un écho au slogan tunisien «Ben Ali dégage !». Deux manifestants et un policier ont trouvé la mort lors de ces manifestations, hier. Quel est votre commentaire sur cette situation, Michèle Alliot-Marie ?
R - D'abord, ce que je veux dire et en liaison avec votre question précédente, c'est que ma préoccupation depuis que je suis arrivée au ministère des Affaires étrangères, c'est-à-dire il y a juste deux mois, c'est justement de renforcer la capacité d'analyse prospective du ministère des Affaires étrangères. Alors, j'ai donné un certain nombre d'instructions pour mettre en place des systèmes qui nous permettent, effectivement, de réagir avec plus d'informations et de capacités d'analyse.
Ceci dit, en ce qui concerne l'Egypte aujourd'hui, ce que je veux dire c'est que les pays connaissent des situations différentes, bien entendu. Pour autant, effectivement, nous suivons ce qui se passe en Egypte ; et là aussi, je ne peux que déplorer qu'il y ait des morts. Deux morts parmi les manifestants, un mort parmi les policiers. Je crois très profondément, et c'est toujours l'attitude de la France, que l'on doit pouvoir manifester sans que pour autant il y ait des violences et encore moins des morts.
Q - D'après vous, y a t-il en Egypte une aspiration démocratique identique à celle que l'on a constatée en Tunisie de la part de la population égyptienne ?
R - Encore une fois, les situations sont différentes dans chacun des pays. Pour autant, il y a certainement, et c'est ce que j'ai cru entendre du sens de ces manifestations, une double aspiration : une aspiration d'abord à davantage de bien être - l'Egypte est un pays qui se développe mais dans lequel il y a encore beaucoup de pauvreté, et j'ai entendu cela effectivement dans des interviews, je crois, que vous donniez ce matin très tôt -, et puis, il y a certainement une aspiration à davantage de libertés dans différents domaines.
Alors, il ne s'agit pas pour la France de faire de l'ingérence ; encore une fois, nos principes sont des principes de respect de l'Etat de droit, de non-ingérence, mais aussi d'appel à ce qu'il y ait toujours plus de démocratie et de liberté dans tous les Etats.
Q - Le régime de M. Moubarak est-il menacé ?
R - Je pense qu'il est aujourd'hui beaucoup trop tôt pour faire une analyse de ce type. Nous allons suivre avec beaucoup d'attention ce qui va se passer en Egypte, aujourd'hui et dans les jours qui viennent.
Q - Vous étiez à Jérusalem et à Gaza, samedi et dimanche. Quelle est la situation, d'après vous, dans cette partie du monde ? La paix a-t-elle progressé ? A-t-on des chances d'avancer sur ce terrain, Michèle Alliot-Marie ?
R - C'est effectivement la partie du monde qui est certainement la plus fragile et, en même temps, dont la stabilité est la plus essentielle pour l'ensemble du monde. Or, entre le rapport entre Israël et la Palestine, la situation également au Liban, la situation en Iran, vous le voyez, c'est un véritable chaudron. J'ai effectué là-bas un voyage de quatre jours qui s'est remarquablement bien passé. Contrairement à ce que j'ai pu voir où l'on s'est focalisé sur une manifestation de quarante personnes alors que...
Q - ... à Gaza.
R - ... à Gaza, qui a duré quelques minutes. Ce qui était d'ailleurs assez normal, j'allais quand même chez le Hamas dans une période... Et j'étais d'ailleurs le premier ministre français à aller à Gaza depuis le coup de force du Hamas sur Gaza.
Mais ce que je veux dire, c'est que sur le processus de paix, j'ai rencontré absolument tout le monde. J'ai rencontré toutes les autorités israéliennes, y compris d'ailleurs la présidente de l'opposition et j'ai rencontré, du côté palestinien, le président et le Premier ministre Fayyad.
Ce que je leur ai dit à tous, parce qu'on n'a pas l'impression que c'est toujours totalement ressenti comme cela, c'est l'urgence qu'il y avait à reprendre les négociations pour parvenir très vite, effectivement, à un accord permettant de répondre à ce que la France a toujours demandé : c'est-à-dire la création d'un Etat palestinien qui soit un Etat palestinien viable, qui soit un Etat palestinien démocratique, en même temps que la garantie totale de la sécurité d'Israël et son intégration dans la région, plus Jérusalem comme capitale des deux Etats avec un accès, bien entendu, aux représentants des autres religions.
Q - Mais nous sommes loin de voir ce schéma se réaliser, bien sûr !
R - Aujourd'hui, il faut reprendre ces négociations. Je l'ai dit d'ailleurs à M. Mitchell qui a engagé,...
Q - ... Le négociateur américain.
R - ...pour les Américains, un certain nombre de négociations. Aujourd'hui, il est indispensable que la France et les autres pays européens reviennent dans la discussion, notamment dans le cadre du Quartet, et que nous associions aussi un certain nombre de pays arabes modérés qui sont pour le processus de paix. Il faut aller très vite. La paix est possible aujourd'hui, la création de l'Etat, la sécurité. Je ne sais pas si ce sera encore possible demain.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 janvier 2011
R - Je dis qu'il est toujours désagréable d'être au coeur d'une polémique. Visiblement j'ai été mal comprise quand je me suis exprimée lorsque je souhaitais dire ma consternation de voir des morts dans des manifestations. Je suis contre ce type de violences ; et mon seul but, c'était finalement de dire : comment pouvons-nous préserver des vies humaines dans toutes les circonstances ? J'ai été mal comprise. Dont acte ! Peut-être me suis-je mal exprimée ? J'ai eu l'occasion effectivement de le faire plus longuement, d'une façon plus détaillée et je crois qu'aujourd'hui tout est clair. Laissons de côté la polémique ! Elle est bien dérisoire par rapport à la réalité des situations.
Q - Vous sentez-vous affaiblie après cet épisode tunisien, Michèle Alliot-Marie ?
R - Non, je ne me sens pas affaiblie. En aucun cas. Vous savez, ce n'est pas la première fois qu'il y a des polémiques qui sont montées contre moi dans ma vie politique et ce que je constate d'ailleurs, c'est que souvent au bout de quelques semaines, quand chacun a pris la mesure de la mauvaise foi de certaines interprétations - et il y en a eu beaucoup, j'ai au contraire été renforcée.
Q - Y a-t-il eu des défaillances dans le réseau diplomatique pour que vous ayez une information correcte, d'après vous, sur la situation telle qu'elle se déroulait en Tunisie ?
R - Ecoutez, je crois que le réseau diplomatique a montré effectivement qu'il y avait la montée d'un certain nombre de mécontentements : celui des jeunes formés mais qui n'avaient pas d'emploi ; celui d'une population qui demandait à être davantage informée ou plus librement informée ; celui également qui montait contre la captation d'une partie de la richesse de la Tunisie par un clan, par une petite famille ; cela, c'est vrai.
Il est vrai, en revanche, qu'on n'a vu... personne d'ailleurs, a vu, il faut bien le dire, que ce soit en France ou que ce soit à l'étranger, la rapidité de la transformation. Et je lisais encore hier une analyse reprenant des propos du Département d'Etat américain, le 12 janvier...
Q -... Donc deux jours avant le départ de M. Ben Ali !
R - ...Deux jours avant le départ de Ben Ali, et qui manifestait une préoccupation et déplorait le comportement de certains manifestants. Le Département d'Etat américain déplorait, deux jours avant le départ de M. Ben Ali, alors même que le Premier ministre et moi-même avions rappelé à plusieurs reprises, effectivement, notre préoccupation, notre regret des violences, le Département d'Etat, lui, déplorait le comportement de certains manifestants tunisiens.
Q - C'est désormais sur l'Egypte que se fixent les regards. Des manifestations ont eu lieu, hier, au Caire, à Suez et Alexandrie. Les slogans étaient sans équivoque «Moubarak dégage !». Un écho au slogan tunisien «Ben Ali dégage !». Deux manifestants et un policier ont trouvé la mort lors de ces manifestations, hier. Quel est votre commentaire sur cette situation, Michèle Alliot-Marie ?
R - D'abord, ce que je veux dire et en liaison avec votre question précédente, c'est que ma préoccupation depuis que je suis arrivée au ministère des Affaires étrangères, c'est-à-dire il y a juste deux mois, c'est justement de renforcer la capacité d'analyse prospective du ministère des Affaires étrangères. Alors, j'ai donné un certain nombre d'instructions pour mettre en place des systèmes qui nous permettent, effectivement, de réagir avec plus d'informations et de capacités d'analyse.
Ceci dit, en ce qui concerne l'Egypte aujourd'hui, ce que je veux dire c'est que les pays connaissent des situations différentes, bien entendu. Pour autant, effectivement, nous suivons ce qui se passe en Egypte ; et là aussi, je ne peux que déplorer qu'il y ait des morts. Deux morts parmi les manifestants, un mort parmi les policiers. Je crois très profondément, et c'est toujours l'attitude de la France, que l'on doit pouvoir manifester sans que pour autant il y ait des violences et encore moins des morts.
Q - D'après vous, y a t-il en Egypte une aspiration démocratique identique à celle que l'on a constatée en Tunisie de la part de la population égyptienne ?
R - Encore une fois, les situations sont différentes dans chacun des pays. Pour autant, il y a certainement, et c'est ce que j'ai cru entendre du sens de ces manifestations, une double aspiration : une aspiration d'abord à davantage de bien être - l'Egypte est un pays qui se développe mais dans lequel il y a encore beaucoup de pauvreté, et j'ai entendu cela effectivement dans des interviews, je crois, que vous donniez ce matin très tôt -, et puis, il y a certainement une aspiration à davantage de libertés dans différents domaines.
Alors, il ne s'agit pas pour la France de faire de l'ingérence ; encore une fois, nos principes sont des principes de respect de l'Etat de droit, de non-ingérence, mais aussi d'appel à ce qu'il y ait toujours plus de démocratie et de liberté dans tous les Etats.
Q - Le régime de M. Moubarak est-il menacé ?
R - Je pense qu'il est aujourd'hui beaucoup trop tôt pour faire une analyse de ce type. Nous allons suivre avec beaucoup d'attention ce qui va se passer en Egypte, aujourd'hui et dans les jours qui viennent.
Q - Vous étiez à Jérusalem et à Gaza, samedi et dimanche. Quelle est la situation, d'après vous, dans cette partie du monde ? La paix a-t-elle progressé ? A-t-on des chances d'avancer sur ce terrain, Michèle Alliot-Marie ?
R - C'est effectivement la partie du monde qui est certainement la plus fragile et, en même temps, dont la stabilité est la plus essentielle pour l'ensemble du monde. Or, entre le rapport entre Israël et la Palestine, la situation également au Liban, la situation en Iran, vous le voyez, c'est un véritable chaudron. J'ai effectué là-bas un voyage de quatre jours qui s'est remarquablement bien passé. Contrairement à ce que j'ai pu voir où l'on s'est focalisé sur une manifestation de quarante personnes alors que...
Q - ... à Gaza.
R - ... à Gaza, qui a duré quelques minutes. Ce qui était d'ailleurs assez normal, j'allais quand même chez le Hamas dans une période... Et j'étais d'ailleurs le premier ministre français à aller à Gaza depuis le coup de force du Hamas sur Gaza.
Mais ce que je veux dire, c'est que sur le processus de paix, j'ai rencontré absolument tout le monde. J'ai rencontré toutes les autorités israéliennes, y compris d'ailleurs la présidente de l'opposition et j'ai rencontré, du côté palestinien, le président et le Premier ministre Fayyad.
Ce que je leur ai dit à tous, parce qu'on n'a pas l'impression que c'est toujours totalement ressenti comme cela, c'est l'urgence qu'il y avait à reprendre les négociations pour parvenir très vite, effectivement, à un accord permettant de répondre à ce que la France a toujours demandé : c'est-à-dire la création d'un Etat palestinien qui soit un Etat palestinien viable, qui soit un Etat palestinien démocratique, en même temps que la garantie totale de la sécurité d'Israël et son intégration dans la région, plus Jérusalem comme capitale des deux Etats avec un accès, bien entendu, aux représentants des autres religions.
Q - Mais nous sommes loin de voir ce schéma se réaliser, bien sûr !
R - Aujourd'hui, il faut reprendre ces négociations. Je l'ai dit d'ailleurs à M. Mitchell qui a engagé,...
Q - ... Le négociateur américain.
R - ...pour les Américains, un certain nombre de négociations. Aujourd'hui, il est indispensable que la France et les autres pays européens reviennent dans la discussion, notamment dans le cadre du Quartet, et que nous associions aussi un certain nombre de pays arabes modérés qui sont pour le processus de paix. Il faut aller très vite. La paix est possible aujourd'hui, la création de l'Etat, la sécurité. Je ne sais pas si ce sera encore possible demain.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 janvier 2011