Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur les efforts en faveur de la sécurité des Français résidant en Mauritanie face aux menaces de l'organisation islamiste armée AQMI et sur les relations franco-mauritaniennes, à Nouakchott (Mauritanie) le 6 février 2011.

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Circonstance : Déplacement en Mauritanie et au Burkina Faso, du 6 au 8 février 2011

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, Chers Compatriotes,
Je suis particulièrement heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous, à Nouakchott, ville dont la résonnance poétique nous transporte automatiquement dans des univers fabuleux. En effet, avant de me rendre ici, je me suis interrogé sur la signification du nom de la capitale mauritanienne, je me suis alors arrêté sur «la plage de la baie», «lieu où apparaît l'eau quand on creuse un puits» ou encore «là où souffle le vent». Ces images laissent rêveur, elles renferment j'en suis sûr, des légendes séculaires que nombre de poètes mauritaniens, réputés dans tout le monde arabo-musulman, ont magnifiquement retranscrites.
Cette visite, vous l'aurez compris me tient à coeur, elle intervient dans cette partie du Sahel à la culture et aux spécificités si densément et historiquement ancrées.
Elle me permet aussi de vous rencontrer dès mon arrivée et de vous écouter avant de faire plus ample connaissance avec ce pays ami de la France et ses dirigeants.
Vous formez tous ici une communauté nombreuse et riche de sa diversité. Quelles que soient vos activités et l'ancienneté de votre présence - je sais que certains d'entre vous sont installés ici depuis de nombreuses années -, vous êtes tous animés par le même attachement à la Mauritanie : vous avez appris à la connaître, vous y avez voyagé, vous y exercez vos activités et vous y résidez. Permettez-moi de vous dire que vous constituez un ferment essentiel de la bonne relation que la France entretient avec ce pays : je tiens d'ailleurs à vous rendre hommage à tous et à saluer plus particulièrement l'ambassadeur et l'ensemble de ses collaborateurs, l'équipe enseignante du Lycée Théodore Monod qui fait un travail formidable et celles du Centre culturel français Saint Exupéry et des alliances françaises de Nouakchott, Nouadhibou, Kaedi, Attar et Kiffa.
Je sais que, dans les circonstances actuelles et eu égard aux récents événements qui se sont déroulés à quelques kilomètres à peine de Nouakchott, l'une de vos principales préoccupations est la sécurité : la sécurité de vos proches, de vos familles, celle de la communauté française, européenne et expatriée, mais aussi celle de la Mauritanie tout entière. La sécurité est une condition du succès de ce que vous entreprenez dans ce pays.
Je voudrais d'abord que vous sachiez que les plus hautes autorités françaises, le président de la République, le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes, le gouvernement dans son ensemble, partagent vos préoccupations et suivent avec la plus grande attention l'évolution de la situation dans la région. Nous sommes déterminés à accompagner les autorités pour le rétablissement d'un environnement sécurisé dans cette zone du Sahel.
Je ne veux pas minimiser la situation, les autorités mauritaniennes elles-mêmes en ont pris toute la mesure.
La menace dans la bande sahélienne est élevée, AQMI vise en particulier la communauté française : deux jeunes compatriotes, Antoine de Leocour, et Vincent Delory, ont été enlevés à Niamey le 7 janvier et sauvagement assassinés au nom d'une idéologie barbare, alors qu'ils s'apprêtaient à célébrer un heureux événement et que l'un d'entre eux, Antoine de Leocour, avait fait le choix de mettre son savoir faire au service du développement. Sept personnes dont cinq ressortissants français ont été enlevées à Arlit le 16 septembre dernier et sont toujours entre les mains d'AQMI. Je n'oublie pas non plus les précédents enlèvements et la mort de Michel Germaneau, un autre de nos compatriotes.
Comme le Niger et le Mali, la Mauritanie est une cible, nous l'avons constaté encore tout récemment. Je l'ai dit, cette menace est clairement identifiée. Face à cette situation, je vous demande de vous montrer particulièrement vigilants, d'éviter toute conduite à risque, de respecter scrupuleusement les consignes de prudence et, comme vous le faites déjà d'ailleurs, de vous montrer réactifs à toute procédure d'alerte qui serait lancée par l'ambassade. C'est à ce prix et en lien avec chacune et chacune d'entre vous, quel que soit votre statut et votre activité, que la sécurité pourra être maintenue et renforcée. La solidarité au sein de la communauté française est primordiale.
L'ambassade est aux côtés de la communauté française afin de relayer les consignes de prudence transmises par le Centre de crise, d'assurer la sécurité de nos ressortissants, en coopération étroite avec les autorités locales qui sont mobilisées et sensibles à notre analyse du danger.
Je souhaiterais souligner ici le travail remarquable mené par les autorités mauritaniennes face à cette tentative de déstabilisation de leur pays. Elles se sont résolument engagées dans la lutte contre le terrorisme, convaincues, à juste raison, que les bandes d'AQMI ne peuvent continuer de faire peser une menace sur les populations qui vivent en Mauritanie, ni continuer d'entraver le développement de leur pays. Leur détermination a été illustrée par la réaction rapide et efficace dont elles ont fait preuve pour déjouer une tentative d'attentat.
Avec leurs propres moyens, les autorités ont mobilisé, réorganisé et équipé les forces de sécurité. La France, c'est naturel s'agissant d'un pays proche, a apporté dans le cadre de la coopération de défense son appui à cette politique volontariste qui commence à porter ses fruits.
Les autorités mauritaniennes ont, en outre, fait et continuent de faire des efforts particuliers pour protéger la communauté étrangère en Mauritanie. C'est ainsi que certains de vos déplacements et certains lieux que vous fréquentez sont plus particulièrement protégés. Cela se fait naturellement en liaison avec l'Ambassade qui organise des réunions de sécurité de façon régulière et qui vous transmets les recommandations nécessaires.
Les menaces réelles qui pèsent sur la sécurité, et qui appellent la plus grande vigilance, ne doivent cependant pas empêcher la France de poursuivre la coopération engagée depuis de nombreuses années avec la Mauritanie. La France demeure opiniâtrement attachée aux actions de coopération qu'elle mène dans la zone et les poursuivra.
Je crois fermement que la coopération et le développement sont des instruments essentiels pour combattre le terrorisme : beaucoup d'entre vous avez fait le choix de travailler en Mauritanie pour appuyer le développement du pays : je suis en faveur de projets concrets, qui conduisent à donner de vraies perspectives en particulier aux jeunes de la région.
Je crois que sur le plan politique, nous devons accompagner l'enracinement de la démocratie, de la stabilité et de la bonne gouvernance, ferments de la cohésion sociale et conditions du développement de l'économie du pays. Dans cette perspective, nous avons mis en place le programme JUSSEC, de renforcement de l'Etat de droit.
Je crois que nous devons travailler, aux côtés des Mauritaniens, à asseoir une politique de croissance économique et de répartition capable de réduire la pauvreté et les inégalités dans une perspective de développement durable et équitable. En cela, la SNIM est un exemple remarquable.
Je crois enfin, que le développement économique et social doit s'inscrire dans une dimension régionale, d'aménagement du territoire et de gestion respectueuse des ressources naturelles. L'appui à la communauté urbaine de Nouakchott s'inscrit dans ce cadre. Dans la mise en oeuvre de tous ces efforts, nous devons faire preuve d'une grande écoute et être extrêmement attentifs aux vues et aux souhaits de nos interlocuteurs.
J'examinerai d'ailleurs avec le président et le gouvernement mauritaniens les perspectives de cette coopération, principalement dans les domaines de l'énergie, de la formation, de l'eau, de la santé, mais aussi de la gouvernance et de l'éducation, sans oublier l'enseignement de la langue française.
Mes Chers Compatriotes,
Je suis convaincu que les efforts des autorités mauritaniennes, soutenus par leurs partenaires auront raison de l'insécurité. C'est un enjeu pour la Mauritanie, c'est un enjeu pour le Sahel, c'est aussi un enjeu pour l'Europe et au-delà. Nous sommes d'ailleurs satisfaits d'avoir suscité une vraie réflexion à Bruxelles autour d'une stratégie européenne pour le Sahel. Mais il faudra jusque-là et je me permets d'insister, rester vigilant. C'est en pensant à cette oeuvre commune que je suis heureux de pouvoir m'entretenir avec vous, et de vous souhaiter le plein succès pour ce que vous faites en Mauritanie.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 février 2011