Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les relations artistiques entre la France et l'Allemagne et le soutien à la création artistique, Paris le 28 janvier 2011.

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Circonstance : Lancement de la 3ème édition de "Berlin Paris un échange de galeries" à Paris le 28 janvier 2011

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« Aller guten Dinge sind drei ! » Jamais deux sans trois, et j'ai d'autant plus de plaisir à vous accueillir aujourd'hui que nous sommes en famille, dans cette maison qui est la vôtre, et qui a pour mission de soutenir la création et toutes ses forces vives.
Faire une percée dans l'agenda des professionnels de l'art contemporain ne va pas de soi. En vous retrouvant aujourd'hui pour le lancement français de cette troisième édition, après le lancement berlinois il y a deux semaines, je me réjouis que « Berlin-Paris » soit devenu un rendez-vous de référence pour les galeristes, les artistes, les journalistes et les collectionneurs. Mon Ministère et l'Institut Français ont beaucoup oeuvré dans ce sens, afin que cette très belle opération depuis 2009 puisse s'inscrire dans la durée.
Le succès de cet échange est aussi le fruit de votre adhésion enthousiaste. Les galeristes qui ont participé aux éditions précédentes ont jugé bon de continuer une aventure fructueuse ; certains d'entre vous s'y joignent pour la première fois, en constatant combien l'initiative a fait mouche auprès de tous les acteurs concernés.
« Berlin-Paris », c'est une réponse originale et constructive pour tous les professionnels qui souhaitent dépasser les schémas d'action traditionnels au vu du contexte de crise économique et de l'internationalisation croissante du marché. En misant sur le principe de coopération plutôt que sur la seule concurrence, « Berlin-Paris » a permis à de nombreux professionnels de l'art contemporain de développer leurs réseaux, non seulement en France et en Allemagne, mais aussi sur un plan mondial, car Paris comme Berlin sont aujourd'hui deux villes essentielles pour le marché de l'art.
Le secret de « Berlin-Paris », c'est aussi la complémentarité entre deux scènes artistiques. Berlin est aujourd'hui une ville qui exerce sur les artistes un pouvoir d'attraction considérable : elle est indéniablement un foyer majeur de création, que les curateurs et collectionneurs viennent régulièrement moissonner. Paris, de son côté, hérite d'une scène artistique très structurée, qui peut s'appuyer sur de nombreuses institutions prestigieuses - mais aussi sur une nouvelle génération de collectionneurs très actifs et de galeristes très dynamiques.
Comme pour les éditions précédentes, « Berlin-Paris » ambitionne de refléter ces deux scènes artistiques dans leur diversité. « Berlin-Paris », c'est ce mélange unique de projets présentés pour certains par les galeries parmi les plus établies au plan international, pour d'autres par de très jeunes structures avant-gardistes. « Berlin-Paris » permet également aux professionnels désireux d'explorer de nouvelles scènes artistiques et de défricher le terrain sans prendre de risques financiers inconsidérés.
En portant un regard rétrospectif sur le projet et sur la situation des relations entre la France et l'Allemagne, on peut mesurer l'importance du chemin parcouru depuis 3 ou 4 ans. Il y a quelques années, seuls quelques professionnels allemands connaissaient bien la scène artistique parisienne ; aujourd'hui, Paris est devenu une étape indispensable pour les professionnels allemands. J'en veux pour preuve l'exemple de la FIAC : jusqu'en 2008, seules 3 ou 4 galeries allemandes y participaient annuellement ; ce chiffre a bondi à 20 en 2009, et 25 en 2010.
En retour, la scène artistique allemande s'est depuis quelques années largement ouverte aux artistes français. Depuis 2005, ces derniers sont venus s'installer massivement à Berlin, et les institutions allemandes ont entamé un vrai travail d'ouverture à l'égard de cette nouvelle génération d'artistes français émergents, et je connais sur ce point l'engagement et le dynamisme de mon ami Klaus Wowereit, Maire de Berlin et Plénipotentiaire pour les relations culturelles franco-allemandes, avec qui, l'Ambassadeur Bernard de Montferrand travaille en coopération très étroite. Depuis 3 ans, une quarantaine d'entre eux a ainsi bénéficié d'une monographie dans un Kunstverein.
Afin de soutenir ce dialogue entre nos scènes artistiques et rapprocher leurs professionnels, l'Institut français d'Allemagne, en association avec l'association française de développement des centres d'art (d.c.a), a conçu un important projet de coopération entre 24 centres d'art et Kunstvereine : c'est l'opération « Thermostat », qui se déroule en Allemagne et en France de juin 2010 à avril 2011. Ce projet a bénéficié du soutien de mon Ministère, mais aussi et surtout de l'Institut français et de la Kulturstiftung des Bundes.
Par ailleurs, à l'initiative de la prestigieuse Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe, se tiendra l'été prochain une importante exposition « Lumière Noire », qui sera consacrée à la scène artistique française émergente. Ce projet est le signe d'un sursaut d'intérêt pour notre scène artistique en Allemagne, et reflète combien son dynamisme et sa créativité est aujourd'hui internationalement reconnue.
On le sait, de nombreux artistes français vivent aujourd'hui à Berlin. Je m'en félicite. Même si j'aimerais qu'ils n'oublient pas de vivre un peu en France. Hélas, les loyers sont chers à Paris. Mais là encore, l'exemple allemand peut nous inspirer. J'ai ainsi demandé à mes services de réfléchir à la mise en place d'un dispositif similaire au DAAD berlinois, susceptible d'encourager les artistes à s'installer à Paris, au moyen de bourses spécifiques.
Le projet « Berlin-Paris » est financé par les crédits du service culturel de l'Ambassade de France, à hauteur d'environ 30 000 euros, auxquels s'ajoutent bien sûr la participation de mon Ministère et celle de l'Institut Français, mais aussi celle de nos partenaires que je tiens à saluer : la Banque de France, ainsi que Wall AG pour son soutien en nature. Je salue aussi le Goethe Institut et Visitberlin à Paris, qui ont souhaité s'associer à la soirée organisée au Palais de Tokyo. Enfin, je tiens également à saluer très chaleureusement M. Cédric Aurelle, responsable des Arts plastiques au bureau de la création artistique, qui termine sa mission, et dont je n'ignore pas qu'il a joué un rôle essentiel dans le succès de cette opération, sous la direction de Charles Malinas.
Notre coopération culturelle franco-allemande connaît une actualité d'une très forte densité, avec le Prix littéraire franco-allemand que nous venons de créer, le 20ème anniversaire d'ARTE, nos projets avec Anselm Kiefer, la bibliothèque numérique Europeana... Nous nous devons en effet d'être à l'avant-garde des efforts qui visent, pour l'Europe, à renforcer notre espace culturel commun. Au-delà des efforts que nous déployons pour accroître encore plus l'attractivité de la France dans le domaine du marché de l'art, c'est aussi dans cette perspective européenne que s'inscrit « Berlin-Paris », et vous êtes les acteurs de cette vertueuse émulation : si nos deux capitales sont en prise sur le monde, c'est aussi grâce à vous.
Il ne nous reste plus qu'à nous glisser, à passer de galeries en galeries, de Ménilmontant et Belleville au quartier du Temple, et de nous mettre à « l'école du flâneur », si chère à Franz Hessel et à Walter Benjamin.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 9 février 2011