Déclaration de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur les mutations nécessaires en matière de politique énergétique, Paris le 1er février 2011.

Prononcé le 1er février 2011

Intervenant(s) : 

Circonstance : 12ème colloque annuel du syndicat des énergies renouvelables : "Energies renouvelables : fantasmes et réalités", le 1er février 2011

Texte intégral

Monsieur le Président (M. Antolini, président du Syndicat des Energies Renouvelables, SER),
Monsieur le directeur de l'Agence internationale de l'Energie (M. Tanaka),
Mesdames et messieurs les élus et chefs d'entreprise,
Mesdames et messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je me trouve ici parmi vous, pour votre 12ème rendez-vous annuel. Douze années pour le syndicat des énergies renouvelables, qui si j'en crois nos échanges Monsieur le Président, ont été un véritable parcours d'obstacle, mais qui ont aujourd'hui porté leurs fruits. Votre association s'est constituée autour d'un noyau de 7 membres, et vous en comptez aujourd'hui plus de 500 qui sont représentatifs du tissu des entreprises de votre secteur, allant de la jeune pousse innovante au grand groupe international. Permettez-moi donc de partager votre fierté devant le chemin accompli par votre structure, et devant la mutation réalisée ces dernières années par notre pays vers la diversification de son bouquet énergétique.
Cette mutation a été nécessaire pour faire face à des défis énergétiques devenus pressants, multiples, mouvants : la contrainte climatique, la raréfaction des ressources, l'insécurité des approvisionnements, l'instabilité des cours des matières premières... Les réponses à ces défis doivent être plurielles, flexibles, apportées à partir d'une vision claire sur les besoins et les enjeux de long terme.
Cette vision, la France a su se la doter à chaque grand rendez-vous, qu'il s'agisse du plan hydroélectrique de l'après-guerre, ou du plan électronucléaire.
L'excellence de la filière énergétique française, reconnue à travers le monde, a toujours résulté de choix politiques faits dès les années 1960 et réaffirmés à la suite des chocs pétroliers. Ces choix ont doté la France d'un bilan carbone et énergétique particulièrement favorable, contribuant à des prix de l'électricité modérés et à la compétitivité des industries électro-intensives.
Aujourd'hui, notre pays dispose de sa nouvelle feuille de route en matière énergétique dans le cadre du paquet Energie Climat adopté en décembre 2008 sous présidence française de l'Union européenne, mais aussi du Grenelle de l'Environnement.
Cette feuille de route s'articule autour de trois axes :
- premièrement, la transition vers des modèles économiques plus sobres en carbone, qui s'inscrit dans le cadre de l'objectif de 20% de réduction des émissions de CO2 de l'Union Européenne à l'horizon 2020.
- deuxièmement, la promotion de l'efficacité énergétique, avec au titre du Grenelle un objectif de réduction de 38% des consommations énergétiques des bâtiments en 2020.
- Et enfin troisièmement, le développement des énergies renouvelables, qui devront fournir 23% de la production consommation énergétique finale du pays en 2020.
- La Programmation Pluriannuelle des Investissements décline cette ambition pour chacune des filières renouvelables à l'horizon 2020 :
5 400 MW de solaire ;
25 000 MW d'éolien répartis entre 19 000 MW à terre et
6 000 MW en mer ;
3 000 MW de capacité de pointe pour l'hydraulique ;
2 300 MW de biomasse ;
L'actualité est riche concernant ces différentes filières.
Commençons par le photovoltaïque, qui fait l'objet d'une concertation menée en ce moment par Jean-Michel CHARPIN et Claude TRINK. Les travaux sont en cours, et je tiens à mettre en avant l'engagement des membres de la concertation.
Mais je tiens aussi à souligner que le gouvernement a été extrêmement attentif, dans ce cadre exceptionnel de la suspension, à limiter au maximum les effets sur la filière. Ainsi, la mesure de suspension des tarifs de rachat prise par le gouvernement ne concerne en effet pas les installations résidentielles, tandis que sur les 5 300 MW de projets de centrales au sol ou de grandes toitures en file d'attente, plus de la moitié n'est pas concernée par le décret de suspension du tarif de rachat. Ces chiffres n'ont, à mon sens, pas été suffisamment mis en avant lors de la concertation et doivent être ici rappelés.
Le Gouvernement souhaite, comme vous, avancer sur ce dossier en offrant un cadre stable et pérenne à la profession et aux porteurs de projets. La concertation s'achèvera dans quelques jours, le 11 février prochain, date à laquelle messieurs CHARPIN et TRINK nous remettront leurs conclusions. Nous prendrons alors, avec Nathalie KOCIUSKO-MORIZET, les mesures réglementaires relatives au nouveau cadre de soutien.
L'éolien est pour sa part une autre forme d'énergie en plein essor. Elle est à ce jour la première des énergies installées en Europe et aux Etats-Unis avec 40 000 MW de nouvelles capacités en 2010, essentiellement en éolien terrestre. Le segment particulier de l'éolien offshore devrait connaître quant à lui un développement aussi conséquent, avec un objectif de l'ordre de 40 000 MW de puissance installée en Europe à l'horizon 2020. Sur ce marché en plein essor, nos industries ont les capacités d'accéder aux premières places. C'est dans cette optique que de nombreux acteurs ont manifesté leurs intentions et leur intérêt pour un futur appel d'offres éolien offshore. Ces lettres de manifestation d'intérêt ont pesé dans la décision du gouvernement, mais doivent à présent se décliner en termes d'emplois créés sur le territoire national grâce à l'émergence d'une filière industrielle française de l'éolien off shore.
C'est avec cette ambition que le Président de la République a annoncé, le 25 janvier dernier, le lancement d'un l'appel d'offres de 3 000 MW. Cet appel d'offres doit accompagner l'essor de la filière éolienne off shore, sur le marché national et à l'export, et permettre d'en optimiser les retombées économiques et industrielles. Si l'ensemble des conditions de succès est réuni, c'est en effet plus de 10 000 emplois directs qui devraient être créés à l'horizon 2020.
Les clauses techniques de cet appel d'offres sont en cours de finalisation, et je vous invite à participer nombreux à la consultation publique lancée aujourd'hui par le gouvernement et à y apporter vos contributions sur le site internet du ministère de l'industrie et de celui de l'écologie. L'objectif est de publier le cahier des charges au Journal Officiel de l'Union Européen au tout début du mois de mai 2011. Les candidats devront alors remettre leur offre avant fin novembre 2011 et la décision d'attribution sera prise au 1er semestre 2012. Les premiers parcs éoliens français pourront alors voir le jour vers 2015.
Je l'ai rappelé dans mon propos liminaire, l'énergie hydraulique a été l'un des socles de notre politique énergétique, et les concessions hydroélectriques accordées pour les premiers ouvrages arrivent aujourd'hui à échéance. Le renouvellement de ces concessions portera sur dix lots qui seront attribués d'ici 2015, représentant 5 300 MW de puissance installée. Nous avons reçu les dossiers de fin de concessions pour les ouvrages d'OSSAU et du Lac Mort, et la prochaine étape consiste à lancer les appels d'offres pour le renouvellement de ces deux concessions. Une assistance externe sera utile compte tenu de la complexité de cette procédure, et le cahier des charges pour le choix de ces conseils externes sera finalisé d'ici le mois prochain.
Je ne pourrai évoquer dans le temps imparti l'ensemble des filières renouvelables, qu'il s'agisse d'énergies marines, de géothermie ou de biocarburants par exemple, et je vous propose de conclure par la biomasse. Je rappelle en particulier que le bois est l'une des premières ressources renouvelables de notre pays, et qu'environ 450 000 appareils de chauffage au bois sont vendus chaque année par les entreprises françaises de ce secteur. La filière représente environ 12 000 emplois industriels, dans le domaine de la fonderie notamment, et des dizaines de milliers d'emplois en amont et en aval. Cette industrie a su de manière exemplaire améliorer ses standards de performance et gagner ainsi des parts de marché à l'export : en quelques années, les rendements énergétiques sont passés de 10% pour des produits à foyer ouvert, à plus de 80% pour les foyers actuels soit huit fois plus d'énergie récupérée pour la même quantité de bois.
L'optimisation des procédés industriels est une dynamique qui doit être particulièrement encouragée. J'ai d'ailleurs pris la semaine dernière avec Nathalie KOCIUSKO-MORIZET, et après avis positif de la CRE, un arrêté étendant le bénéfice du tarif de rachat de l'électricité produite par les installations biomasse supérieures à 1MW destinées à alimenter en chaleur les entreprises de scieries. Depuis sa publication ce dimanche au Journal Officiel, les scieries décidant de s'équiper de chaudières à cogénération et de dispositifs de séchage du bois pourront donc bénéficier d'un tarif d'achat.
S'il est important d'aider financièrement les scieries, il est indispensable de le faire en limitant les impacts sur la qualité de l'air, comme le prévoit cet arrêté.
Enfin, afin de limiter les conflits d'usage, notamment avec l'industrie du bois, les scieries devront remettre chaque année un plan d'approvisionnement aux préfets de région.
L'actualité est donc très riche, et elle le restera.
J'en viens à présent à l'innovation, car il s'agit d'un facteur essentiel au développement des filières vertes dans notre pays.
Sur cet aspect, mes priorités iront au soutien de l'innovation sur les technologies énergétiques d'avenir pour lesquelles nous avons une ambition industrielle pour la France.
Cette ambition passe par une vision commune des priorités de recherche et développement, à moyen et long terme.
Nous travaillons à ce titre avec Valérie PECRESSE sur les priorités stratégiques de recherche dans le domaine de l'énergie, tant sur les usages énergétiques, que sur les filières de production.
La « SNRE » ou Stratégie Nationale de Recherche en Energie doit permettre de mobiliser la recherche française afin de conforter les percées scientifiques susceptibles de conduire à des innovations majeures. Cette stratégie, nous ne l'élaborerons pas seuls, mais de manière collégiale. J'installerai d'ailleurs dans le courant du trimestre le Comité Stratégique de la SNRE. Cet évènement sera l'occasion de partager avec vous ma vision des enjeux de la recherche en énergie pour les 30 années à venir.
Pour conduire des programmes ambitieux de R&D, l'Etat compte sur ses établissements et organismes publics de recherche. Mais dans cette course à la compétitivité, la R&D publique seule ne suffira pas. J'encourage donc les acteurs publics et privés à mutualiser leurs efforts afin de développer des solutions technologiques commercialisables. Nombre d'entre vous - et je les félicite - répondent en ce moment à l'appel d'offres pour les instituts d'excellence en Energies décarbonées (IEED) pour lesquels un financement d'un milliard d'euros est prévu dans le cadre des Investissements d'Avenir.
Je souhaite que ces Instituts permettent de construire ou de pérenniser des partenariats stratégiques publics/privés autour de grands enjeux énergétiques et économiques.
Je ne pourrai accompagner vos travaux jusqu'à leur fin, mais je ne doute pas qu'ils conclueront sur des perspectives d'avenir ambitieuses pour notre territoire et notre industrie.
C'est bien dans l'esprit d'écoute et de dialogue, que vous cultivez au sein du SER avec les différentes filières énergétiques, que je souhaite inscrire mon action tout au long de cette année. J'espère avoir le plaisir d'en dresser un bilan parmi vous l'an prochain, si vous m'y invitez.
Je vous souhaite d'ici là une bonne continuation dans vos travaux, et vous remercie de votre attention.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 8 février 2011