Interview de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports, à France-Inter le 8 février 2011, sur la candidature d'Annecy aux Jeux Olympiques d'hiver 2018 et le calendrier sportif 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Inter

Texte intégral


 
 
 
P. Cohen.- C'est la semaine clé pour la candidature de la France aux J.O d'hiver de 2018 ; la Commission d'évaluation du CIO débarque aujourd'hui à Annecy pour un audit de quatre jours. Vous irez l'accueillir aux côtés de F. Fillon et tenter de lui faire oublier les mois d'atermoiements, de crises ou de jugements négatifs sur cette candidature. Qu'est-ce qui peut permettre, aujourd'hui, de renverser la tendance et de l'emporter lors du vote final en juillet ?
 
Alors là, effectivement, on va passer toute la semaine avec eux. On va avoir dix sept réunions techniques pour décortiquer le dossier sur tous ses aspects, hébergement, équipements sportifs, les problèmes de sécurité. Qu'est-ce qui peut convaincre aujourd'hui le Comité Olympique, le CIO, puisqu'il prendra sa décision en juillet ? D'une part, il ne faut pas penser que c'est une question de budget qui fait forcément que votre candidature va gagner...
 
Vous dites ça parce qu'il est moindre que celui de Munich, notamment : vingt et un millions contre trente six.
 
Absolument, il est nettement moindre, et encore moindre que celui de la Corée, qui est supposé être de l'ordre de cent millions d'euros.
 
Donc ce n'est pas le budget, c'est quoi ?
 
Non, ce n'est pas le budget, parce que regardez Rio : Rio a gagné alors qu'ils avaient le plus petit budget, donc... L'élément déterminant, en général, c'est d'avoir un plus par rapport aux autres dossiers. Le plus sur lequel on mise : c'est qu'on est en haute montagne, c'est le seul dossier qui se situe vraiment en haute montagne, donc avec une neige naturelle, avec un site exceptionnel. Et, on va essayer de faire, parce que ce n'est pas évident, des Jeux les plus écologiques possibles. Tous les spectateurs transportés par transports en commun, enfin, qui pourront être transportés, un site très rassemblé -maximum vingt minutes de transport pour les athlètes entre leur lieu d'hébergement et les sites de compétitions-, 100% énergie renouvelable, 100% compensés ; donc on va vraiment miser là-dessus.
 
Mais vous savez comment cela se passe, C. Jouanno : le dossier d'Annecy est sans doute très bon, celui de Munich et des Coréens aussi. Cela se joue beaucoup sur les relations publiques...
 
Absolument.
 
Et sur ce plan-là, l'image donnée par les responsables français, ces derniers mois, a été désastreuse.
 
Simplement, cela se gagne à partir de maintenant, puisque la partie relations/ communication, c'est aujourd'hui que cela se joue.
 
Cela a été effacé dans la mémoire des membres du CIO ce qui s'est passé ces derniers mois ?
 
Sans doute pas. Sans doute pas, mais...
 
La démission de Grospiron, les déclarations de Killy et de G. Drut...
 
Ils ont l'habitude des Français. Donc en France on aime bien avoir une petite phase de drame, de révolution, cela fait partie de notre caractère. Le président même, du Comité International Olympique, J. Rogge, a dit que la France devait concourir et qu'elle avait encore toutes ses chances. C'est maintenant que cela se joue...
 
C'est normal qu'il le dise.
 
Et typiquement on a créé un Bureau international, et c'est G. Drut qui va se charger des relations internationales. On a recruté effectivement un spécialiste, un lobbyiste international...
 
Américain.
 
Absolument ; qui avait fait gagner Londres contre Paris en 2012, donc on va peut-être avoir notre revanche. Voilà, on se donne les moyens, aussi, et on n'hésite pas à faire appel à des compétences internationales. Et puis, surtout, on a une candidature aujourd'hui, où les sportifs sont autour de la table, et ils ont des responsabilités opérationnelles ; ils ne sont pas simplement là pour la photo. Vous avez J.-P. Vidal qui va s'occuper de tous les aspects environnementaux, vous avez P. Pelen qui va s'occuper de tout ce qui est hébergement. On a une très grande championne suédoise, P. Wiberg, qui vient soutenir notre candidature ; elle est vice-présidente et elle vient soutenir notre candidature. Cela aussi c'est un beau message.
 
On va voir ce que cela donne. N. Sarkozy sera bien présent à Annecy jeudi pour défendre cette candidature ? Il hésite ?
 
Non, mais il lui appartient de l'annoncer, donc je ne peux pas me substituer à l'Élysée pour... et normalement, s'il vient, c'est vendredi.
 
Vous le savez, vous.
 
A priori oui, mais bon ! Je ne maîtrise pas son agenda.
 
Donc N. Sarkozy sans doute, sûrement, jeudi à Annecy. Le handball, C. Jouanno, le nouveau titre...
 
Vendredi.
 
Vendredi, N. Sarkozy ?
 
Oui.
 
Eh bien voilà. C'est une information.
 
Non, mais a priori c'est vendredi, s'il vient.
 
Le handball. Le nouveau titre de champions du monde conquis par l'équipe de France a suscité un débat sur la médiatisation de ce sport, sur sa visibilité notamment à la télé : vous y avez pris part. Je voudrais vous faire commenter ces paroles de l'entraîneur C. Onesta, c'était il y a deux ans et demi déjà. « Pour ce qui est de la notoriété du handballeur, méfions-nous. Si elle fait que demain il doit gagner deux fois plus d'argent, mais aussi devenir deux fois plus con, et deux fois plus pénible à gérer, j'aurais tendance à dire restons à la situation actuelle. »
 
Non. Que les sportifs puissent gagner un peu plus d'argent, ma foi, tant mieux pour eux, cela c'est... Tous les Français peuvent considérer aussi que c'est bien pour les sportifs. La médiatisation, c'est vrai que le débat aujourd'hui est extrêmement focalisé sur quelques sports, et il faut qu'on revoie un décret qui définit les événements qui doivent absolument être vus par tout le monde, et il faut qu'on revoie sans doute le contenu de ce décret qui est un peu dépassé.
 
Quel décret ?
 
C'est un décret qui fixe très précisément la liste des événements que vous devez pouvoir voir en « clair. »
 
C'est-à-dire sur la télévision de service public.
 
Absolument. Donc ce décret, par exemple, il y avait le Paris-Dakar, il y avait le Grand prix de Formule 1, donc il faut de toute façon qu'on le revoie.
 
Mais les responsables de chaînes vous disent, dans les petites salles où se joue le championnat de France de handball, on ne peut pas filmer.
 
Ce n'est pas une question de salles, parce que...
 
Il y a deux, trois grandes salles en France, et puis...
 
En Suède il y avait une salle magnifique...
 
A Malmö.
 
Donc facile à retransmettre. S'agissant... si ce n'était qu'une question de salles, on va les rassurer. Dans les cinq ans on aura les salles qui conviennent pour ce type de grand événement.
 
Dans les cinq ans ?
 
Dans les cinq ans, puisqu'on a aujourd'hui plus de sept projets en cours : on a la rénovation du POPB, donc on aura sept salles, dont une salle de plus de 15 000, une salle de plus de 20 000 et sept salles au total de plus de 10 000, qui sont aujourd'hui en cours et en cours de construction. Donc on sera à la hauteur : on va rattraper notre retard sur ce sujet.
 
Les footballeurs, plus ils gagnent d'argent, plus ils deviennent cons et pénibles, comme le dit C. Onesta ?
 
Heureusement que ce n'est pas aussi simple, et heureusement que les footballeurs ne sont pas cons et pénibles, parce que, quand même, cela reste le sport national et la communion nationale. Écoutez, il faut surtout qu'on arrive à tourner la page de l'Afrique du Sud sans mettre la poussière sous le tapis.
 
Et pour tourner la page il faut que les footballeurs rendent leur prime ? Ce qu'ils n'ont pas encore fait.
 
Absolument. Je pense que c'est un minimum, et d'ailleurs ils s'y sont engagés, simplement ce n'est pas encore fait, et il serait temps que ce soit fait. Il faut aider L. Blanc dans ce qu'il fait actuellement, qui est d'essayer de remettre les choses au carré.
 
Il faut l'aider sans forcément lui conseiller sa sélection.
 
Oui, ceci dit, quand on est ministre, on a le droit d'avoir un avis sur les valeurs du sport.
 
Alors, les valeurs du sport. On verra la ministre des Sports, que vous êtes, sur le Tour de France l'an prochain ?
 
A priori je vais passer au Tour de France. A priori, oui.
 
Cachez votre joie.
 
Non non, mais a priori, parce que je ne peux pas vous dire précisément quand. Je connais bien le Tour de France. J'avais la chance, quand j'étais sous-préfet, d'avoir organisé son départ ; donc je connais très bien le Tour de France. Cette question du dopage, puisque c'est cela dont vous voulez me parler très précisément...
 
Je n'ai pas prononcé le mot, mais si vous le faites.
 
Non, mais enfin c'est quand même cela. Cette question du dopage c'est un vrai drame pour le cyclisme, parce qu'on a le sentiment que finalement tous les vainqueurs du Tour de France sont « douteux », et cela c'est un vrai drame pour le cyclisme.
 
Tous les vainqueurs du Tour, depuis dix ans, ont été, quelques mois plus tard, convaincus ou soupçonnés de dopage.
 
Ou soupçonnés.
 
Donc la question se pose de savoir : est-ce que vous irez féliciter le prochain vainqueur du Tour de France, celui qui sera sacré, fin juillet sur les Champs-Élysées ?
 
Ecoutez, tant qu'il est présumé innocent, oui, il n'y a pas de raison. Après vous allez me dire, il y a présomption d'innocence. Donc, il n'y a pas de raison. C'est quand même des grands sportifs. Maintenant c'est vrai qu'une victoire gagnée à coups de dopage ce n'est pas une victoire, c'est du sport spectacle, ce n'est pas du sport tout court.
 
Question avant la pause, sur le Gouvernement auquel vous appartenez. M. Alliot-Marie porte bien la voix de la France ?
 
M. Alliot-Marie porte bien la voix de la France. Elle s'est expliquée ; elle s'est excusée ; elle a reconnu qu'elle ne recommencerait pas ces maladresses. Il n'y a pas eu de détournement d'argent public, donc maintenant, fermez le ban.
 
Mais c'est une ministre des Affaires étrangères qui est moquée, voire sifflée, à l'étranger. C'est possible de continuer comme cela ?
 
Voire sifflée à l'étranger, vous vous engagez bien rapidement.
 
Moquée en tout cas, je vous fournirai, si vous voulez, quelques copies de la presse étrangère de ces derniers jours.
 
En tout cas elle s'est clairement expliquée et elle a clairement dit qu'elle ne recommencerait pas. Et plutôt que de parler de ce sujet, je pense qu'il faut vraiment parler des vrais problèmes de fond, qui sont comment est-ce qu'on organise - c'était le débat de tout à l'heure - comment on organise une transition démocratique dans ces pays ? Comment, quelle attitude nous avons vis-à-vis des Frères musulmans ou des autres mouvements ? Et surtout de bien mesurer que ces mouvements, c'est d'abord lié à une transition démographique importante, et c'est aussi des émeutes de la faim.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 février 2011