Texte intégral
« Un quartier sans marchand de journaux est un quartier sans vie ». Nombreux sont ceux parmi vous qui se souviennent sans doute de cette petite phrase extraite du premier baromètre de l'achat de presse publié il y douze ans. A l'époque, plus de 85% des Français souscrivaient à cette évidence. Les résultats de cette enquête étaient d'ailleurs tellement flatteurs pour votre profession, que Diffusion Contrôle, son commanditaire, n'avait sans doute pas jugé utile de publier un deuxième baromètre. Douze ans plus tard, l'avis des Français n'a pas varié, j'en suis convaincu. Le mien non plus d'ailleurs ! Et c'est pourquoi je suis particulièrement heureux de me retrouver parmi vous aujourd'hui pour vous témoigner l'attachement des pouvoirs publics, et le mien en particulier, à votre métier, ce métier indispensable à la vie culturelle et sociale de nos villages, de nos quartiers, de nos territoires, ce métier qui sert de souvent de ciment et de lien entre les habitants. Mes remerciements vont bien sûr à Gérard PROUST, président de l'Union nationale des diffuseurs de presse, qui m'a fait l'honneur de m'inviter à votre congrès, ainsi qu'à Anne Marie COUDERC. Elle a accepté avec beaucoup de générosité que je m'adresse à vous à l'occasion de ce déjeuner offert par PRESSTALIS. Je lui en suis très reconnaissant.
Votre invitation, Monsieur le Président, est tout à fait significative et importante. Vous connaissez tous les importantes transformations que connaît le système de distribution depuis 2009. Celles-ci n'ont qu'un objectif : remettre l'acte de vente au coeur du dispositif.
Je voudrais d'abord évoquer les évolutions qui ont marqué la filière de la distribution de presse en 2010, avant de vous présenter les grandes lignes du programme d'actions que je souhaite développer en 2011.
Le redressement de Presstalis, la réforme du Conseil Supérieur des Messageries de Presse, la restructuration des dépositaires de presse sont autant de chantiers indispensables qui doivent être conduits jusqu'au bout et cela dans l'intérêt du réseau de la vente.
Vous le savez, les messageries sont au coeur du dispositif, notamment dans un domaine qui a guidé et légitimé l'intervention publique depuis plus de cinquante ans, je veux parler de la distribution des quotidiens nationaux. Le rôle de Presstalis dans ce secteur a justifié la mobilisation du gouvernement autour du plan historique de redressement mis en oeuvre depuis le mois de mai. Les avancées sont considérables ; elles doivent être confirmées dans les prochains mois.
Depuis 2009, Presstalis a connu d'importantes difficultés économiques qui auraient pu porter un coup fatal à l'ensemble du réseau. Loin de détourner notre attention des objectifs que nous nous étions fixés à l'issue des Etats généraux, le rapport qui m'a été remis début 2010 par Bruno METTLING et David LUBEK a de fait constitué une étape essentielle dans le processus de refonte de la distribution de la presse. L'essentiel de ce rapport a fait l'objet d'un consensus entre professionnels.
C'est le cas de la modification de la gouvernance de la messagerie : Presstalis est désormais détenue par deux coopératives, dédiée pour l'une aux quotidiens et pour l'autre aux magazines, au lieu des huit coopératives précédentes. Ce changement clarifie la structure de la messagerie et permet de mieux identifier l'activité de distribution des quotidiens, essentielle pour la qualité de l'information et du débat démocratique dans notre pays.
C'est le cas également de la mise en place de nouveaux barèmes qui semblent aussi faire l'objet d'un accord de la profession. Les nouveaux barèmes sont appliqués aux magazines depuis cet automne et aux quotidiens depuis le 1er janvier de cette année.
Cette transformation profonde de la distribution de la presse doit être accompagnée, encouragée et orientée : c'est le rôle assigné au Conseil Supérieur des messageries de Presse et je constate qu'il a pleinement rempli sa mission au cours des trois dernières années. Afin de renforcer la régulation de la filière autour du Conseil, nous avons souhaité renforcer son adaptation aux nouveaux enjeux du marché et décidé de lui adjoindre une nouvelle autorité de régulation indépendante, l'Autorité de distribution de la presse.
Elle permettra notamment de créer un nouveau cadre efficace de règlement des différends entre les acteurs de la profession. Au regard des débats interminables qui agitent la profession, notamment à propos de l'assortiment, chacun mesure l'importance de cette nouvelle autorité serait précieuse. Cette réforme technique était, je le sais, largement encouragée par l'Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP), tout comme la généralisation du principe de plafonnement, afin de faciliter l'acte de vente et d'améliorer l'attractivité du métier. Les tests qui ont été menés sont positifs. Loin de pénaliser les publications, cette nouvelle disposition permet une augmentation des ventes, une baisse de l'occupation des linéaires et donc de la charge de travail, en d'autres termes une meilleure adaptation de l'offre à la demande de la clientèle. Sur ce chantier comme sur tous ceux qui touchent généralement aux normes de la profession, nous devons travailler ensemble et aboutir dans les prochains mois. La modernisation envisagée du CSMP devrait fortement y contribuer.
Les réformes en cours chez Presstalis seront aussi l'occasion de clarifier la situation du réseau de dépositaires français, chantier qui avait été identifié comme prioritaire à l'issue des Etats généraux. Les difficultés très importantes rencontrées par la réforme de SPPS ont permis de mesurer le chemin qui reste à parcourir. Elles ont mis en évidence la fragilité de la situation des dépositaires, dont l'exercice dépend de la qualité et de la régularité des flux logistiques.
J'en viens maintenant à votre métier de diffuseur de presse.
Vous le savez, depuis 2009, les diffuseurs ont bénéficié de plusieurs mesures significatives issues des Etats généraux de la presse. Je pense à la mise en place, en 2009, de l'aide exceptionnelle transitoire d'un montant de 4.000 euros par diffuseur.
Je rappelle aussi l'extension des aides à la modernisation du réseau, introduite la même année, renouvelée en 2010 et 2011. L'an dernier, l'extension du dispositif nous a permis soutenir plus de 2.000 projets de modernisation de vos points de vente.
Mais au-delà de ce qui est acquis, j'ai conscience des nombreuses difficultés qui subsistent encore. Le conflit social de SPPS en décembre dernier a rappelé la fragilité de la situation de nombreux diffuseurs à Paris et dans la « petite couronne ». Cette fragilité est d'ailleurs partagée par de nombreux confrères de province.
Votre métier, je le sais, évolue. Il souffre de l'érosion des ventes, il subit la concurrence de points de vente complémentaires, qui n'ont pas la presse comme activité professionnelle de référence.
La période de mutation profonde que traverse la presse remet en cause les équilibres historiques de votre profession, cette profession qui fut celle d'un écrivain talentueux comme Jean Rouault, cette profession qui assure, dans de nombreux quartiers, un lien social et un lieu de dialogue pour de nombreuses personnes isolées, je pense notamment aux personnes âgées. Il est donc de notre devoir de vous accompagner, de préserver et de valoriser vos métiers, mais aussi de contribuer à l'amélioration de leurs conditions d'exercice.
En 2011, plusieurs initiatives vont donc être prises en faveur des diffuseurs de presse : des mesures d'urgence qui, je l'espère, resteront exceptionnelles, des mesures en faveur du déploiement de nouveaux points de vente en particulier les kiosques. Enfin, en concertation avec tous les services de l'Etat concernés mais aussi avec les collectivités locales, je souhaite travailler en faveur de solutions permettant de préserver le tissu de commerce de proximité et de lutter contre l'érosion du réseau de spécialistes.
Comme je l'ai annoncé lors de mes voeux à la presse, je vous confirme le renouvellement d'une aide exceptionnelle transitoire aux diffuseurs qualifiés, sur le modèle du plan de 2009.
En 2009, plus de 12.000 diffuseurs de presse de presse avaient bénéficié de cette aide exceptionnelle. Cette année, je souhaite que cette aide bénéficie en priorité aux diffuseurs spécialisés, dont les revenus sont les plus dépendants des aléas de la vente de presse. On estime à près de 8.000 le nombre de ces points de vente spécialisés. Cette aide leur sera réservée en priorité avec une enveloppe et des modalités d'attribution qui restent à définir : cette enveloppe devrait avoisiner 1500 euros, en fonction du degré de spécialisation du bénéficiaire. J'envisage ainsi de consacrer plus de 12 millions d'euros à cette mesure. C'est un effort considérable de mon ministère alors que nous devons faire face à des contraintes budgétaires extrêmement fortes ; c'est le signe d'une attention soutenue à votre profession et à ses missions.
Concernant les diffuseurs parisiens, qui ont été durement touchés par le conflit social de décembre dernier, je réfléchis également à un mécanisme de compensation des pertes subies. Il prendra naturellement en compte les solutions déjà proposées par Mediakiosk, Presstalis et la Mairie de Paris.
J'ai également décidé la mise en place d'un « Plan kiosques » Je connais l'importance accordée par votre profession à la préservation d'un réseau capillaire qui irrigue tout le territoire : les kiosques sont à cet égard un élément-clef. Ils sont en mesure d'apporter une réponse, certes partielle, mais significative, à la crise des commerces traditionnels dans les centres-villes. En 2011, j'entends poursuivre le plan de développement du nombre de kiosques engagé en 2010, notamment grâce aux crédits du fonds de modernisation de la presse. Notre objectif est d'installer 300 nouveaux kiosques sur l'ensemble du territoire national d'ici trois ans, soit une progression de près de 40% par rapport au réseau existant aujourd'hui.
Pour faciliter la mise en oeuvre de ce plan, je me suis rapproché de l'Association des Maires de France (AMF). Dans le passé, celle-ci a déjà eu l'occasion d'affirmer son attachement au développement du réseau des kiosques. Ensemble, en lien avec le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), nous souhaitons affirmer résolument une ambition partagée : voir renaître le commerce de proximité dans les centres-villes, là où il est le plus menacé. Nous travaillons sur un projet de convention commune qui devrait matérialiser dans les prochains mois les travaux préliminaires conduits, en 2010, à l'initiative de mon ministère. Le troisième volet de notre action repose sur la mobilisation de toutes les institutions, en particulier à l'échelon local. C'est à l'échelle locale que peuvent en effet être trouvées les meilleures réponses à des situations souvent très diverses. Je vous indique clairement la disponibilité des Directions régionales des affaires culturelles afin de se saisir au cas par cas de certains dossiers, et de mobiliser les institutions locales sur la préservation des points de vente de presse sur leur territoire. L'accès à la presse et à une information diversifiée est à mes yeux un enjeu culturel.
Notre travail conjoint avec l'Association des maires de France (AMF) est un bon exemple de ce qui peut être entrepris. Nous pourrions l'étendre à d'autres acteurs. Car cette mobilisation à l'échelon local concerne, je l'ai dit, les dispositifs qui permettent de préserver certains commerces là où ils sont jugés essentiels. Elle concerne aussi les politiques de conquête de nouveaux publics, notamment les jeunes lecteurs, qui sont les acheteurs de demain. Le succès répété de l'opération Mon Journal Offert, qui a attiré plus de 280.000 jeunes de 18-24 ans en 2010, devrait nous inspirer et permettre d'imaginer certaines opérations complémentaires. Rien de tel que les points de vente afin de faire découvrir la richesse et la diversité de la presse française ; rien de tel pour faire connaître votre métier. C'est une piste que nous avions déjà évoquée avec vous ; il est peut-être temps de lui redonner vigueur.
Les projets ne manquent pas et les enjeux sont nombreux. Si votre profession est aujourd'hui, et demeurera pour longtemps encore, indispensable à la dynamique culturelle et sociale locale, il nous faut, pour autant, tout mettre en oeuvre pour adapter votre outil de travail aux nouvelles conditions du marché.
Ivan Illich, philosophe et penseur de l'écologie politique disait, que pour être « juste », un outil devait répondre a trois critères essentiels : il doit créer de l'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle, il ne doit susciter ni esclaves ni maîtres, il doit élargir le rayon d'action personnelle. Alors que votre outil de travail doit être repensé, je vois dans cette vision généreuse du travail beaucoup d'analogie avec les contraintes qui pèsent sur le métier de diffuseurs aujourd'hui. Avec la passion qui vous caractérise, grâce à l'énergie des dirigeants l'Union nationale des Diffuseurs de presse (UNDP), je suis convaincu que nous parviendrons à fabriquer ensemble l'outil de diffusion le plus juste, adapté à ce qu'est la presse aujourd'hui et à ce qu'elle sera demain.
Vous l'aurez compris, c'est sur ce programme que je souhaite mobiliser, à vos côtés, les services du ministère de la Culture et de la Communication.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 17 février 2011