Texte intégral
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2011, c'est une année préélectorale. Que peut-on bien faire d'une année préélectorale ? Que doit-on faire d'une année préélectorale ? Eh bien on doit travailler, et continuer à travailler. Parce que si c'est une année préélectorale, les élections sont encore loin, dans quatorze ou dans quinze mois. Mais la santé n'attend pas. La santé de nos concitoyens n'attend pas. Voilà pourquoi le Président de la République l'a dit : 2011 doit être, sera une année utile. Utile pour nos concitoyens, utile pour la santé des Françaises et des Français.
Et comme Nora vient de le faire, au seuil de cette nouvelle année, je voudrais vous faire partager une conviction : c'est que si notre système de santé fonctionne, si nous avons la chance qu'il soit l'un des meilleurs du monde - même si j'ai bien conscience qu'il est perfectible - c'est bien grâce à celles et ceux que l'on appelle ses « forces vives », c'est donc grâce à vous. Et toutes et tous, vous travaillez dans l'intérêt des patients. Il n'y a que cela qui compte.
J'ai la chance de commencer cette nouvelle année dans ce ministère avec Nora Berra, qui connaît le monde de la santé et qui aime le monde de la santé. Je suis très heureux de travailler à ses côtés dans ce ministère. Je veux d'abord saluer, en ce début d'année, la qualité de votre travail, mais aussi votre dévouement. Les métiers comme les vôtres ne sont pas des métiers comme les autres : oui c'est vrai, 365 jours sur 365, on se doit d'être présent, 24 heures sur 24 aussi.
Et ce que je tiens aussi à vous dire, c'est que j'ai demandé au Président de la République et au Premier ministre de revenir dans ce ministère, parce que je sais qu'il est exigeant : on est ministre, bien évidemment tout le temps, mais ministre de la Santé, on l'est 365 jours sur 365, et à peu près 24 heures sur 24. Je ne suis pas médecin, encore que, peut-être qu'avec avec un peu d'expérience, avec un VAE, monsieur le Président je pourrais essayer, tenter ma chance, sans qu'il n'y ait d'exercice illégal, ne vous inquiétez pas... ! Mais c'est vrai, ce ministère me plaît tout simplement parce que les décisions que l'on prend concernent 64 millions de Français.
Etre à la hauteur de cette responsabilité, c'est bien sûr s'occuper du pilotage au quotidien de notre système de santé, au service de la santé de nos concitoyens.
Mais ma responsabilité de ministre de la Santé, c'est aussi de voir plus loin que l'année prochaine, c'est de travailler avec vous à assurer l'avenir de notre système de santé pour les dix ans qui viennent.
Dans dix ans, je n'aurai sans doute plus les mêmes fonctions, mais une chose est sûre, je demeurerai toujours un usager du système de santé. Et je veux, pour moi comme pour ma famille, que nous ayons toujours le meilleur système de santé au monde. Quand on a la chance d'avoir un des systèmes de santé les meilleurs du monde, même s'il est forcément perfectible, on se dit que l'on a des atouts pour continuer à en faire l'un des meilleurs systèmes dans dix ans.
Bien sûr, cela nécessite des évolutions, des adaptations et des efforts, mais je crois qu'il y a un maître mot : la confiance, que les professionnels de santé retrouvent la confiance. Je pense que les professionnels de santé aiment leur métier, adorent leur métier, mais qu'ils doutent de l'avenir de leur métier. Je pense que nous avons besoin de nous mettre à votre place pour comprendre comment remettre de la confiance.
D'autre part, et je veux le dire aussi très clairement l'actualité nous parle d'un médicament, de beaucoup de médicaments, et je veux là aussi remettre de la confiance, j'y reviendrai.
I. Redonner confiance dans notre système de santé, c'est d'abord garantir l'accès de tous à des soins de qualité.
Penser aux patients, parler aux patients, parler de la qualité, c'est la garantie que nous ne faisons pas fausse route. Notre objectif essentiel, c'est de nous poser en permanence la question suivante : comment allons-nous garantir l'égalité d'accès aux soins, comment faire en sorte que chacun puisse être bien soigné ?
Vous le savez, l'un des grands enjeux de cette année sera la médecine de proximité. Aussitôt les hospitaliers se disent : « ça y est, il n'y a que la médecine de proximité cette année ». Pas du tout ! Pour être bien équilibré il faut marcher sur deux jambes : il y a l'hôpital et il y a la médecine de proximité. Ce serait une erreur terrible de penser que dans le domaine de la santé on ne doit avoir qu'une seule priorité, et on oublie tout le reste !
En ce qui concerne la médecine de proximité, il y a des choses urgentes à faire. Un rapport très complet a été remis par Elisabeth Hubert au Président de la République. Un rapport comme celui-ci, comme tout autre mais surtout celui-ci, n'est pas fait pour rester dans les tiroirs, il doit être mis en oeuvre sans tarder. L'enjeu, c'est que les Français puissent trouver des professionnels de santé, des médecins, près de chez eux.
Pour réussir, je pense que la concertation est essentielle. Mais la concertation doit être suivie de décisions. Nous avons réuni le 6 janvier avec Nora Berra tous les acteurs, parce que je pense qu'il n'y a pas de politique de modernisation de notre système de santé sans que chacun n'y adhère. Nous voulons faire simple et vite pour redonner confiance à la médecine de proximité. Nous allons multiplier les rencontres, pas pour céder à la « réunionite », mais tout simplement parce qu'il faut décider au fur et à mesure des choix pour maintenant comme pour l'avenir.
Première priorité, nous le savons, c'est la simplification, parce que je pense qu'il est essentiel de savoir redonner du temps médical - et d'ailleurs pas seulement pour la médecine de proximité, à l'hôpital aussi. Je pense qu'aujourd'hui il y a une aspiration forte des professionnels de santé à se décharger des tâches administratives qui s'empilent au fur et à mesure sans qu'on leur demande leur avis, plutôt qu'à soigner des patients ou à prendre du temps pour soi et sa famille. Nous prendrons un certain nombre de décisions très rapidement, notamment dans les relations des professionnels avec les organismes comme les caisses, de la même façon que je veille aussi à ce qu'il y ait les meilleures relations possibles entre les professionnels de santé et les ARS.
Notre autre priorité, ce sera d'augmenter l'offre de santé dans les zones où l'accès aux soins est plus difficile, en particulier les zones rurales. Nous voulons donc faciliter les regroupements, parce que nous sommes persuadés aujourd'hui que si les professionnels de santé doivent pouvoir avoir le choix, il faut aussi qu'on puisse leur offrir un exercice regroupé : cela répond à une vraie demande des professionnels, et pas seulement des jeunes. Nous voulons donc miser sur la création de maisons de santé pluridisciplinaires : il y a des moyens financiers pour cela, il y a une volonté politique pour cela, il nous faut des outils de gestion administrative qui permettent de respecter la place de chacun et l'exercice libéral.
Nous voulons également donner envie aux médecins seniors de rester en activité un peu plus longtemps qu'ils n'en avaient l'intention au départ, afin d'assurer au mieux la transition avec les jeunes qui vont arriver dans le monde de la santé.
Concernant les modes de rémunération, je pense que quand vous avez un édifice qui tient, il ne faut pas s'attaquer aux piliers. La médecine libérale a des piliers : il y a la liberté d'installation, la liberté de prescription, et la rémunération avec le paiement à l'acte. L'acte est un principe fondateur. Si l'on y touche, on déstabilise l'ensemble de la médecine libérale parce qu'on touche à la confiance.
En revanche je pense que, comme l'a proposé Elisabeth Hubert, il y a un deuxième niveau, celui de la rémunération forfaitaire : pas à la place, en plus, pour financer certaines activités ou certaines contraintes. Mais encore une fois, ces deux piliers sont complémentaires, pas alternatifs. Enfin, le troisième pilier est celui des objectifs de santé publique, de la qualité et de l'efficience. Si les partenaires conventionnels souhaitent placer, par exemple, la question des CAPI dans la convention, c'est ici qu'ils trouveraient leur place.
Je l'ai dit, la médecine de ville est une priorité mais cela nous amène à dire que ce ne sont pas les seuls médecins généralistes qui sont concernés, les spécialistes aussi, et l'ensemble des professionnels de santé.
Si nous avons un système de santé remarquable, c'est aussi parce que nous avons des hôpitaux remarquables, et quand je dis hôpitaux remarquables je n'oublie pas non plus les cliniques privées et les PSPH. Je veux saluer ce que font l'ensemble des acteurs du service public hospitalier dans notre pays. Nous allons poursuivre la mise en oeuvre de la loi Hôpital, patients, santé, territoire qui a été portée par Roselyne Bachelot. L'ensemble des décrets est en train d'être publié.
Cette réforme, c'est la réponse à un certain nombre de maux bien connus de notre système de santé : la centralisation, le cloisonnement entre les soins ambulatoires, les soins hospitaliers et le secteur médico-social, l'insuffisante coordination entre les différents acteurs du système de soins. L'enjeu, c'est bien de faciliter l'accès aux soins pour tous. Pour les personnels, et je pense notamment aux praticiens hospitaliers, j'aurai l'occasion avec Nora Berra au mois de février de faire de nouvelles propositions.
Je parlais de décloisonnement, c'est le rôle des Agences régionales de santé (ARS). Aujourd'hui, le parcours du patient est beaucoup plus complexe qu'avant, beaucoup plus diversifié : le patient va du public au privé, de la ville à l'hôpital, du médecin généraliste au spécialiste... L'ARS permet d'avoir une vision d'ensemble du système de santé et cela permet de faciliter considérablement le parcours du patient.
En parlant de professionnels de santé, j'ai une pensée particulière pour les paramédicaux : nous n'avons pas encore pu rencontrer l'ensemble des acteurs paramédicaux, ils ne sont pas oubliés pour autant. Sans les paramédicaux, la chaîne de soins n'est pas complète ; sans eux, qui sont par leur pratique si proches du patient, de ses souffrances, le soin est inabouti, il est incomplet. Je tiens à ce que leur rôle soit mieux reconnu. Nous avons déjà fait des choses pour revaloriser leur formation dans le cadre de la réforme LMD : c'était un engagement du Président de la République et nous le tiendrons.
II. Redonner confiance dans notre système de santé, c'est aussi redonner confiance dans le circuit du médicament et renforcer la veille et la sécurité sanitaires.
Nous nous sommes, avec Nora Berra, saisis du dossier du Mediator dès notre prise de fonctions.
Depuis le départ, notre priorité va aux patients qui y ont été exposés. Nous avons demandé à l'AFSSAPS et à l'Assurance Maladie d'inviter les patients qui ont pris du Mediator à consulter leur médecin traitant. Nous avons attiré l'attention des médecins sur la nécessité de procéder au dépistage de valvulopathie et d'hypertension artérielle pulmonaire chez les patients ayant pris ce produit.
Si l'on veut retrouver la confiance dans le circuit du médicament et plus largement encore, il faut que toute la lumière soit faite sur cette affaire sanitaire extrêmement grave.
Demain soir je vais réunir à nouveau le comité de suivi des patients, pour voir comment nous pouvons être le plus efficaces possible pour la meilleure prise en charge possible. Samedi prochain, nous recevrons le rapport de l'IGAS. Ce que nous voulons comprendre, c'est comment le Mediator a pu rester sur le marché pendant trente-trois ans et comment il a pu entraîner la mort d'autant de personnes dans notre pays : 500 personnes dit-on, sachant que certaines estimations font des projections bien supérieures.
Je veux le dire sans ambages, je crois qu'il y a eu des défaillances graves dans le fonctionnement de notre système du médicament et nous n'hésiterons pas à prendre des mesures urgentes, radicales s'il le faut.
Je pense aussi qu'il faudra aller plus loin sur un certain nombre de sujets : sur le renforcement de la pharmacovigilance bien sûr, mais je crois aussi sur la question des conflits d'intérêts, des déclarations d'intérêt pour qu'il n'y ait pas de confusion, pour qu'il n'y ait pas de doute dans l'esprit de nos concitoyens. Je pense que l'ensemble des conventions qui ont été signées par l'industrie pharmaceutique doivent être rendues publiques. Et en ce qui concerne les déclarations d'intérêt, il faut aller plus loin encore. Je pense qu'il est indispensable qu'il y ait des déclarations d'intérêt de la part des membres de cabinet ministériel, qu'ils s'occupent du médicament ou pas, pour qu'il n'y ait aucune confusion. C'est ce que j'ai l'intention de proposer à Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, qui préside une mission sur les conflits d'intérêt. Je pense qu'il faut aller loin, tout simplement parce que la confiance aujourd'hui est loin et qu'il faut retrouver cette confiance
III. Redonner confiance dans notre système de santé, c'est enfin faire progresser les grands enjeux de santé publique.
Nora Berra les a détaillés tout à l'heure. C'est dans cet esprit que nous allons poursuivre les grands plans de santé publique lancés par le Président de la République, dont le plan cancer.
Je suis frappé de voir, chez nos concitoyens, nombre de préoccupations liées au cancer. Il y a eu le premier plan cancer lancé par l'ancien président de la République, Jacques Chirac, et poursuivi par Nicolas Sarkozy, mais je pense qu'il nous faut parler davantage du cancer et voir comment nous pouvons mieux répondre aux angoisses qu'il y a sur ce sujet.
Le plan Alzheimer, le plan maladies rares, la lutte contre le VIH-Sida, la lutte contre l'obésité, rien ne sera oublié, la prise en charge de la douleur non plus. La prévention du sida est évidemment essentielle : il y a quelques années, nous avions lancé avec succès l'opération « préservatif à 20 centimes ». Ce ne sont pas des politiques qui peuvent faire sourire, ce sont des politiques qui peuvent faire reculer la maladie.
La lutte contre l'obésité, je voudrais insister sur ce sujet comme l'a fait Nora, c'est plus que jamais une priorité de notre politique de santé publique. En France, le nombre d'adultes obèses a doublé en 12 ans. L'obésité, c'est un enjeu de société mais ce n'est pas une fatalité.
Je pense qu'il nous faut bien évidemment travailler dans le cadre du Plan de lutte contre l'obésité pour 2011-2013. Ce plan s'articulera avec le programme national nutrition santé qui fêtera ses dix ans cette année.
Et nous devons aussi prendre en compte la stigmatisation scolaire, les difficultés d'accès aux transports, les discriminations à l'embauche : vous comprendrez que le ministre du Travail et de l'Emploi aussi se sente particulièrement concerné.
Je voudrais également, au lendemain du 20ème anniversaire de la loi Evin, vous dire que la lutte contre le tabagisme me tient toujours à coeur. Je me suis rendu hier avec Nora Berra et Claude Evin dans un café où nous avons pu constater que l'interdiction de fumer dans les lieux publics était entrée dans les moeurs. Mais nous savons bien aussi qu'il y a des relâchements. Il n'est pas question de tolérer le moindre relâchement : la loi doit être respectée partout et par tous. J'en ai bien conscience, nous devons renforcer un certain nombre de contrôles et prendre aussi des dispositions, je le pense, au niveau européen.
Tels sont nos axes d'action pour redonner confiance dans notre système de santé. Vous n'ignorez pas que ces actions s'inscrivent dans un cadre budgétaire contraint. Nous devons tenir notre objectif de maîtrise des finances publiques : l'ONDAM doit être respecté, parce que c'est de cette façon que l'on garantira l'avenir du système de santé.
Je ne citerai pas de chiffres mais j'insisterai sur un point : avec un ONDAM à 2,9%, je sais qu'il est difficile de mener des politiques, mais je préfère que l'on respecte cet ONDAM, que l'on propose un ONDAM à 2,9% ou à 2,8%, plutôt que l'on soit un jour obligé d'imposer un ONDAM en diminution de 2,9% ou de 2,8% : ce n'est pas la même histoire et c'est pourtant ce que connaissent un certain nombre de pays. Je préfère avoir à faire des choix difficiles plutôt qu'avoir à faire un jour des choix catastrophiques et particulièrement douloureux.
C'est une exigence pour nous tous et je suis convaincu que c'est en misant sur la qualité et l'efficience, en améliorant la qualité de la relation soignant-soigné et la coordination entre les acteurs, que nous pourrons continuer à réaliser des économies et à investir dans notre système de santé.
Mesdames et Messieurs,
Si je veux que ces réformes soient efficaces, il ne suffit pas de les penser autour d'une table ou derrière un bureau, il faut de la pédagogie, il faut un travail de dialogue et de conviction. Je l'ai dit par exemple en lançant la semaine dernière la phase d'amorçage du dossier médical personnel au plan national : nous avons des outils pour améliorer la qualité des soins, mais rien ne sera fait sans vous, qui êtes des relais indispensables de notre action auprès des patients. Et je voudrais vous dire, parce que vous êtes des professionnels de santé mais qu'à un moment ou un autre vous êtes aussi des patients - et il y a d'ailleurs des associations qui sont présentes dans cette salle- que c'est bien vers les patients, vers l'ensemble de nos concitoyens, que nos efforts sont tournés. Ces derniers seront encore plus au centre de notre attention puisque 2011 sera l'année des patients et de leurs droits.
J'aurais encore mille autres choses à vous dire, mais je voudrais vous dire du fond du coeur que nous vous souhaitons une excellente année 2011, et dans ce cadre précis, avec le ministre de la Santé qui va prononcer ces mots, je vous souhaite une excellente santé : une excellente santé pour notre système de santé, cela veut dire une excellente santé pour les Français, et bien sûr une excellente santé pour vous.
Je vous remercie.
Source http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr, le 28 janvier 2011
2011, c'est une année préélectorale. Que peut-on bien faire d'une année préélectorale ? Que doit-on faire d'une année préélectorale ? Eh bien on doit travailler, et continuer à travailler. Parce que si c'est une année préélectorale, les élections sont encore loin, dans quatorze ou dans quinze mois. Mais la santé n'attend pas. La santé de nos concitoyens n'attend pas. Voilà pourquoi le Président de la République l'a dit : 2011 doit être, sera une année utile. Utile pour nos concitoyens, utile pour la santé des Françaises et des Français.
Et comme Nora vient de le faire, au seuil de cette nouvelle année, je voudrais vous faire partager une conviction : c'est que si notre système de santé fonctionne, si nous avons la chance qu'il soit l'un des meilleurs du monde - même si j'ai bien conscience qu'il est perfectible - c'est bien grâce à celles et ceux que l'on appelle ses « forces vives », c'est donc grâce à vous. Et toutes et tous, vous travaillez dans l'intérêt des patients. Il n'y a que cela qui compte.
J'ai la chance de commencer cette nouvelle année dans ce ministère avec Nora Berra, qui connaît le monde de la santé et qui aime le monde de la santé. Je suis très heureux de travailler à ses côtés dans ce ministère. Je veux d'abord saluer, en ce début d'année, la qualité de votre travail, mais aussi votre dévouement. Les métiers comme les vôtres ne sont pas des métiers comme les autres : oui c'est vrai, 365 jours sur 365, on se doit d'être présent, 24 heures sur 24 aussi.
Et ce que je tiens aussi à vous dire, c'est que j'ai demandé au Président de la République et au Premier ministre de revenir dans ce ministère, parce que je sais qu'il est exigeant : on est ministre, bien évidemment tout le temps, mais ministre de la Santé, on l'est 365 jours sur 365, et à peu près 24 heures sur 24. Je ne suis pas médecin, encore que, peut-être qu'avec avec un peu d'expérience, avec un VAE, monsieur le Président je pourrais essayer, tenter ma chance, sans qu'il n'y ait d'exercice illégal, ne vous inquiétez pas... ! Mais c'est vrai, ce ministère me plaît tout simplement parce que les décisions que l'on prend concernent 64 millions de Français.
Etre à la hauteur de cette responsabilité, c'est bien sûr s'occuper du pilotage au quotidien de notre système de santé, au service de la santé de nos concitoyens.
Mais ma responsabilité de ministre de la Santé, c'est aussi de voir plus loin que l'année prochaine, c'est de travailler avec vous à assurer l'avenir de notre système de santé pour les dix ans qui viennent.
Dans dix ans, je n'aurai sans doute plus les mêmes fonctions, mais une chose est sûre, je demeurerai toujours un usager du système de santé. Et je veux, pour moi comme pour ma famille, que nous ayons toujours le meilleur système de santé au monde. Quand on a la chance d'avoir un des systèmes de santé les meilleurs du monde, même s'il est forcément perfectible, on se dit que l'on a des atouts pour continuer à en faire l'un des meilleurs systèmes dans dix ans.
Bien sûr, cela nécessite des évolutions, des adaptations et des efforts, mais je crois qu'il y a un maître mot : la confiance, que les professionnels de santé retrouvent la confiance. Je pense que les professionnels de santé aiment leur métier, adorent leur métier, mais qu'ils doutent de l'avenir de leur métier. Je pense que nous avons besoin de nous mettre à votre place pour comprendre comment remettre de la confiance.
D'autre part, et je veux le dire aussi très clairement l'actualité nous parle d'un médicament, de beaucoup de médicaments, et je veux là aussi remettre de la confiance, j'y reviendrai.
I. Redonner confiance dans notre système de santé, c'est d'abord garantir l'accès de tous à des soins de qualité.
Penser aux patients, parler aux patients, parler de la qualité, c'est la garantie que nous ne faisons pas fausse route. Notre objectif essentiel, c'est de nous poser en permanence la question suivante : comment allons-nous garantir l'égalité d'accès aux soins, comment faire en sorte que chacun puisse être bien soigné ?
Vous le savez, l'un des grands enjeux de cette année sera la médecine de proximité. Aussitôt les hospitaliers se disent : « ça y est, il n'y a que la médecine de proximité cette année ». Pas du tout ! Pour être bien équilibré il faut marcher sur deux jambes : il y a l'hôpital et il y a la médecine de proximité. Ce serait une erreur terrible de penser que dans le domaine de la santé on ne doit avoir qu'une seule priorité, et on oublie tout le reste !
En ce qui concerne la médecine de proximité, il y a des choses urgentes à faire. Un rapport très complet a été remis par Elisabeth Hubert au Président de la République. Un rapport comme celui-ci, comme tout autre mais surtout celui-ci, n'est pas fait pour rester dans les tiroirs, il doit être mis en oeuvre sans tarder. L'enjeu, c'est que les Français puissent trouver des professionnels de santé, des médecins, près de chez eux.
Pour réussir, je pense que la concertation est essentielle. Mais la concertation doit être suivie de décisions. Nous avons réuni le 6 janvier avec Nora Berra tous les acteurs, parce que je pense qu'il n'y a pas de politique de modernisation de notre système de santé sans que chacun n'y adhère. Nous voulons faire simple et vite pour redonner confiance à la médecine de proximité. Nous allons multiplier les rencontres, pas pour céder à la « réunionite », mais tout simplement parce qu'il faut décider au fur et à mesure des choix pour maintenant comme pour l'avenir.
Première priorité, nous le savons, c'est la simplification, parce que je pense qu'il est essentiel de savoir redonner du temps médical - et d'ailleurs pas seulement pour la médecine de proximité, à l'hôpital aussi. Je pense qu'aujourd'hui il y a une aspiration forte des professionnels de santé à se décharger des tâches administratives qui s'empilent au fur et à mesure sans qu'on leur demande leur avis, plutôt qu'à soigner des patients ou à prendre du temps pour soi et sa famille. Nous prendrons un certain nombre de décisions très rapidement, notamment dans les relations des professionnels avec les organismes comme les caisses, de la même façon que je veille aussi à ce qu'il y ait les meilleures relations possibles entre les professionnels de santé et les ARS.
Notre autre priorité, ce sera d'augmenter l'offre de santé dans les zones où l'accès aux soins est plus difficile, en particulier les zones rurales. Nous voulons donc faciliter les regroupements, parce que nous sommes persuadés aujourd'hui que si les professionnels de santé doivent pouvoir avoir le choix, il faut aussi qu'on puisse leur offrir un exercice regroupé : cela répond à une vraie demande des professionnels, et pas seulement des jeunes. Nous voulons donc miser sur la création de maisons de santé pluridisciplinaires : il y a des moyens financiers pour cela, il y a une volonté politique pour cela, il nous faut des outils de gestion administrative qui permettent de respecter la place de chacun et l'exercice libéral.
Nous voulons également donner envie aux médecins seniors de rester en activité un peu plus longtemps qu'ils n'en avaient l'intention au départ, afin d'assurer au mieux la transition avec les jeunes qui vont arriver dans le monde de la santé.
Concernant les modes de rémunération, je pense que quand vous avez un édifice qui tient, il ne faut pas s'attaquer aux piliers. La médecine libérale a des piliers : il y a la liberté d'installation, la liberté de prescription, et la rémunération avec le paiement à l'acte. L'acte est un principe fondateur. Si l'on y touche, on déstabilise l'ensemble de la médecine libérale parce qu'on touche à la confiance.
En revanche je pense que, comme l'a proposé Elisabeth Hubert, il y a un deuxième niveau, celui de la rémunération forfaitaire : pas à la place, en plus, pour financer certaines activités ou certaines contraintes. Mais encore une fois, ces deux piliers sont complémentaires, pas alternatifs. Enfin, le troisième pilier est celui des objectifs de santé publique, de la qualité et de l'efficience. Si les partenaires conventionnels souhaitent placer, par exemple, la question des CAPI dans la convention, c'est ici qu'ils trouveraient leur place.
Je l'ai dit, la médecine de ville est une priorité mais cela nous amène à dire que ce ne sont pas les seuls médecins généralistes qui sont concernés, les spécialistes aussi, et l'ensemble des professionnels de santé.
Si nous avons un système de santé remarquable, c'est aussi parce que nous avons des hôpitaux remarquables, et quand je dis hôpitaux remarquables je n'oublie pas non plus les cliniques privées et les PSPH. Je veux saluer ce que font l'ensemble des acteurs du service public hospitalier dans notre pays. Nous allons poursuivre la mise en oeuvre de la loi Hôpital, patients, santé, territoire qui a été portée par Roselyne Bachelot. L'ensemble des décrets est en train d'être publié.
Cette réforme, c'est la réponse à un certain nombre de maux bien connus de notre système de santé : la centralisation, le cloisonnement entre les soins ambulatoires, les soins hospitaliers et le secteur médico-social, l'insuffisante coordination entre les différents acteurs du système de soins. L'enjeu, c'est bien de faciliter l'accès aux soins pour tous. Pour les personnels, et je pense notamment aux praticiens hospitaliers, j'aurai l'occasion avec Nora Berra au mois de février de faire de nouvelles propositions.
Je parlais de décloisonnement, c'est le rôle des Agences régionales de santé (ARS). Aujourd'hui, le parcours du patient est beaucoup plus complexe qu'avant, beaucoup plus diversifié : le patient va du public au privé, de la ville à l'hôpital, du médecin généraliste au spécialiste... L'ARS permet d'avoir une vision d'ensemble du système de santé et cela permet de faciliter considérablement le parcours du patient.
En parlant de professionnels de santé, j'ai une pensée particulière pour les paramédicaux : nous n'avons pas encore pu rencontrer l'ensemble des acteurs paramédicaux, ils ne sont pas oubliés pour autant. Sans les paramédicaux, la chaîne de soins n'est pas complète ; sans eux, qui sont par leur pratique si proches du patient, de ses souffrances, le soin est inabouti, il est incomplet. Je tiens à ce que leur rôle soit mieux reconnu. Nous avons déjà fait des choses pour revaloriser leur formation dans le cadre de la réforme LMD : c'était un engagement du Président de la République et nous le tiendrons.
II. Redonner confiance dans notre système de santé, c'est aussi redonner confiance dans le circuit du médicament et renforcer la veille et la sécurité sanitaires.
Nous nous sommes, avec Nora Berra, saisis du dossier du Mediator dès notre prise de fonctions.
Depuis le départ, notre priorité va aux patients qui y ont été exposés. Nous avons demandé à l'AFSSAPS et à l'Assurance Maladie d'inviter les patients qui ont pris du Mediator à consulter leur médecin traitant. Nous avons attiré l'attention des médecins sur la nécessité de procéder au dépistage de valvulopathie et d'hypertension artérielle pulmonaire chez les patients ayant pris ce produit.
Si l'on veut retrouver la confiance dans le circuit du médicament et plus largement encore, il faut que toute la lumière soit faite sur cette affaire sanitaire extrêmement grave.
Demain soir je vais réunir à nouveau le comité de suivi des patients, pour voir comment nous pouvons être le plus efficaces possible pour la meilleure prise en charge possible. Samedi prochain, nous recevrons le rapport de l'IGAS. Ce que nous voulons comprendre, c'est comment le Mediator a pu rester sur le marché pendant trente-trois ans et comment il a pu entraîner la mort d'autant de personnes dans notre pays : 500 personnes dit-on, sachant que certaines estimations font des projections bien supérieures.
Je veux le dire sans ambages, je crois qu'il y a eu des défaillances graves dans le fonctionnement de notre système du médicament et nous n'hésiterons pas à prendre des mesures urgentes, radicales s'il le faut.
Je pense aussi qu'il faudra aller plus loin sur un certain nombre de sujets : sur le renforcement de la pharmacovigilance bien sûr, mais je crois aussi sur la question des conflits d'intérêts, des déclarations d'intérêt pour qu'il n'y ait pas de confusion, pour qu'il n'y ait pas de doute dans l'esprit de nos concitoyens. Je pense que l'ensemble des conventions qui ont été signées par l'industrie pharmaceutique doivent être rendues publiques. Et en ce qui concerne les déclarations d'intérêt, il faut aller plus loin encore. Je pense qu'il est indispensable qu'il y ait des déclarations d'intérêt de la part des membres de cabinet ministériel, qu'ils s'occupent du médicament ou pas, pour qu'il n'y ait aucune confusion. C'est ce que j'ai l'intention de proposer à Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, qui préside une mission sur les conflits d'intérêt. Je pense qu'il faut aller loin, tout simplement parce que la confiance aujourd'hui est loin et qu'il faut retrouver cette confiance
III. Redonner confiance dans notre système de santé, c'est enfin faire progresser les grands enjeux de santé publique.
Nora Berra les a détaillés tout à l'heure. C'est dans cet esprit que nous allons poursuivre les grands plans de santé publique lancés par le Président de la République, dont le plan cancer.
Je suis frappé de voir, chez nos concitoyens, nombre de préoccupations liées au cancer. Il y a eu le premier plan cancer lancé par l'ancien président de la République, Jacques Chirac, et poursuivi par Nicolas Sarkozy, mais je pense qu'il nous faut parler davantage du cancer et voir comment nous pouvons mieux répondre aux angoisses qu'il y a sur ce sujet.
Le plan Alzheimer, le plan maladies rares, la lutte contre le VIH-Sida, la lutte contre l'obésité, rien ne sera oublié, la prise en charge de la douleur non plus. La prévention du sida est évidemment essentielle : il y a quelques années, nous avions lancé avec succès l'opération « préservatif à 20 centimes ». Ce ne sont pas des politiques qui peuvent faire sourire, ce sont des politiques qui peuvent faire reculer la maladie.
La lutte contre l'obésité, je voudrais insister sur ce sujet comme l'a fait Nora, c'est plus que jamais une priorité de notre politique de santé publique. En France, le nombre d'adultes obèses a doublé en 12 ans. L'obésité, c'est un enjeu de société mais ce n'est pas une fatalité.
Je pense qu'il nous faut bien évidemment travailler dans le cadre du Plan de lutte contre l'obésité pour 2011-2013. Ce plan s'articulera avec le programme national nutrition santé qui fêtera ses dix ans cette année.
Et nous devons aussi prendre en compte la stigmatisation scolaire, les difficultés d'accès aux transports, les discriminations à l'embauche : vous comprendrez que le ministre du Travail et de l'Emploi aussi se sente particulièrement concerné.
Je voudrais également, au lendemain du 20ème anniversaire de la loi Evin, vous dire que la lutte contre le tabagisme me tient toujours à coeur. Je me suis rendu hier avec Nora Berra et Claude Evin dans un café où nous avons pu constater que l'interdiction de fumer dans les lieux publics était entrée dans les moeurs. Mais nous savons bien aussi qu'il y a des relâchements. Il n'est pas question de tolérer le moindre relâchement : la loi doit être respectée partout et par tous. J'en ai bien conscience, nous devons renforcer un certain nombre de contrôles et prendre aussi des dispositions, je le pense, au niveau européen.
Tels sont nos axes d'action pour redonner confiance dans notre système de santé. Vous n'ignorez pas que ces actions s'inscrivent dans un cadre budgétaire contraint. Nous devons tenir notre objectif de maîtrise des finances publiques : l'ONDAM doit être respecté, parce que c'est de cette façon que l'on garantira l'avenir du système de santé.
Je ne citerai pas de chiffres mais j'insisterai sur un point : avec un ONDAM à 2,9%, je sais qu'il est difficile de mener des politiques, mais je préfère que l'on respecte cet ONDAM, que l'on propose un ONDAM à 2,9% ou à 2,8%, plutôt que l'on soit un jour obligé d'imposer un ONDAM en diminution de 2,9% ou de 2,8% : ce n'est pas la même histoire et c'est pourtant ce que connaissent un certain nombre de pays. Je préfère avoir à faire des choix difficiles plutôt qu'avoir à faire un jour des choix catastrophiques et particulièrement douloureux.
C'est une exigence pour nous tous et je suis convaincu que c'est en misant sur la qualité et l'efficience, en améliorant la qualité de la relation soignant-soigné et la coordination entre les acteurs, que nous pourrons continuer à réaliser des économies et à investir dans notre système de santé.
Mesdames et Messieurs,
Si je veux que ces réformes soient efficaces, il ne suffit pas de les penser autour d'une table ou derrière un bureau, il faut de la pédagogie, il faut un travail de dialogue et de conviction. Je l'ai dit par exemple en lançant la semaine dernière la phase d'amorçage du dossier médical personnel au plan national : nous avons des outils pour améliorer la qualité des soins, mais rien ne sera fait sans vous, qui êtes des relais indispensables de notre action auprès des patients. Et je voudrais vous dire, parce que vous êtes des professionnels de santé mais qu'à un moment ou un autre vous êtes aussi des patients - et il y a d'ailleurs des associations qui sont présentes dans cette salle- que c'est bien vers les patients, vers l'ensemble de nos concitoyens, que nos efforts sont tournés. Ces derniers seront encore plus au centre de notre attention puisque 2011 sera l'année des patients et de leurs droits.
J'aurais encore mille autres choses à vous dire, mais je voudrais vous dire du fond du coeur que nous vous souhaitons une excellente année 2011, et dans ce cadre précis, avec le ministre de la Santé qui va prononcer ces mots, je vous souhaite une excellente santé : une excellente santé pour notre système de santé, cela veut dire une excellente santé pour les Français, et bien sûr une excellente santé pour vous.
Je vous remercie.
Source http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr, le 28 janvier 2011