Texte intégral
Je suis là avec mes secrétaires d'Etat pour vous dire pourquoi j'ai demandé à revenir dans cette maison, qui réunit le travail et l'emploi au nom du pragmatisme, et aussi pourquoi j'ai demandé à m'occuper avec Nora Berra du domaine de la santé. Alors il y a « le travail c'est la santé » bien sûr, le plan santé au travail... Mais c'est tout simplement parce que j'ai le sentiment que moins d'un an avant les élections présidentielles, dans ce ministère, il est possible d'être utile aux Français jusqu'au bout.
Je pense qu'on n'est pas sur de grands textes qu'il faudrait absolument faire voter, mais qu'il est possible de mettre en oeuvre des mesures simples, des mesures pragmatiques, des mesures avec un fort levier d'efficacité. Et je suis persuadé que si les élections sont dans la tête de beaucoup de responsables politiques, dans la tête de nos concitoyens c'est simple, très simple : est-ce que nos enfants auront des emplois ? Et en matière de santé, est-ce que je dois faire confiance au système ? Est-ce que je peux vraiment avoir confiance dans le médicament que je prends tous les matins ? Et est-ce que je pourrai voir un médecin, que j'habite à la campagne ou que j'habite un quartier difficile ? Je pense que le rôle de la politique, c'est simple : les Français se posent des questions, est-ce qu'on sait apporter une réponse ? Les Français ont des problèmes, est-ce que les réponses que nous apportons sont de nature à y répondre ? Les Français sont paraît-il le peuple le plus pessimiste d'Europe, encore que là-dessus j'aie un regard assez différent de ce que disent les sondages. Est-ce que nous savons proposer une réponse ? Et l'enjeu pour moi, avec Nora Berra et Nadine Morano - que je veux excuser car elle a dû repartir dans sa ville pour des raisons familiales - c'est d'être avec vous pour apporter ces réponses-là.
C'est tout simplement de se dire : au-delà de l'année et demie qui est devant nous, et à travers cette décennie, qu'allons-nous faire pour notre système de santé ? On a un des meilleurs systèmes de santé au monde, même si nous avons bien conscience qu'il est perfectible. Et je dis aussi, on a 2,7 millions de chômeurs, est-ce qu'à la fin de cette décennie, on est capable de travailler suffisamment efficacement pour pouvoir aller vers une société du plein emploi ? C'est cela l'enjeu. C'est l'emploi des jeunes, l'emploi des seniors, en même temps aussi l'accès des travailleurs handicapés sur le marché de l'emploi, et puis bien évidemment faire en sorte qu'on ne soit pas exclu du marché du travail, c'est la question du chômage de longue durée, voire même de très longue durée. Voilà les objectifs qu'on doit se fixer à l'échelle d'une décennie. Et pour cela je tiens à le dire, parce que j'ai maintenant de l'expérience après mon passage dans différents ministères, un ministre ne peut pas réussir seul. Il y a bien sûr ceux avec lesquels je travaille directement, je pense à Nadine Morano, à Nora Berra : elles ont de l'expérience et ça compte. Il y a aussi nos équipes, nos cabinets ministériels, et je remercie particulièrement Marguerite d'avoir accepté de nous rejoindre, dans cette mission ô combien éprouvante - déjà de travailler avec moi !- et puis aussi dans ce ministère. Et puis vous : je vous demanderai de bien vouloir transmettre tous ces voeux pour la nouvelle année à l'ensemble de nos collaborateurs, ma chère Emmanuelle.
Je dis « nos collaborateurs » parce que j'ai toujours eu conscience qu'un ministre, c'est le patron de son administration, et qu'il doit être derrière son administration, mais aussi aux côtés, pardon, devant son administration, l'administration au niveau central comme au niveau déconcentré. Et j'ai toujours en mémoire ce qui m'a marqué lors d'une réunion avec des organisations syndicales, ce devait être en 2005, où un syndicaliste m'a dit : « M. le Ministre, qu'est-ce que ça veut dire aujourd'hui être agent de l'Etat dans le domaine sanitaire et médico-social ? ». Cette question ne m'a jamais quitté, parce que si nous voulons justement relever les défis que je viens de vous indiquer, il faut savoir répondre à cette question. Qu'est-ce que c'est travailler pour l'Etat dans le domaine de l'emploi et du travail ? Qu'est-ce que c'est travailler pour l'Etat dans le domaine sanitaire et médico-social ? Et si on sait tracer cette perspective-là, qui est une perspective profondément républicaine à mon sens, oui je pense qu'il est possible que si motivation il y a, il est possible que cette motivation devienne aussi une implication et un engagement supplémentaire, j'ai la faiblesse de croire à cela.
Celui qui vous dit cela est aussi le maire d'une commune qui compte 60 000 habitants, qui compte 1000 agents, et c'est la même logique : chercher à entraîner, chercher à mobiliser, et nous avons des agents, nous avons dans nos directions des hommes et des femmes qui ne sont pas là par hasard, qui croient en ce qu'ils font et qui savent qu'ils ne sont pas dans des ministères comme les autres. Je ne prendrai qu'un seul exemple. Les ministères sont tous passionnants, mais quand même, la santé, 64 millions de Français, qui sont concernés chaque matin par les décisions que nous pouvons prendre, cela a du sens, cela crée une responsabilité supplémentaire.
Voilà pourquoi ce sont des ministères passionnants, exigeants, ça je le sais bien. Je n'ai pas de hiérarchie à faire entre les deux : ce sont des ministères où j'ai conscience, nous avons conscience, d'avoir une obligation de résultat : le chômage, il faut qu'il ait baissé à la fin de cette année 2011, c'est une question de confiance. Et au moment, permettez-moi de vous le dire - il n'y a aucune référence politique à cela, juste un constat européen - au moment où on voit des poussées de populisme sans pareil, dues à la crise très dure qui nous a frappés, il faut remettre de la confiance. Et dans le domaine aussi de la santé, on le voit bien, c'est le mot confiance qui est essentiel.
Il ne s'agit pas pour moi de déclamer le mot « confiance » à toutes les phrases, mais tout simplement de travailler à restaurer cette confiance : en matière d'emploi, il faut continuer à avancer, et en matière de santé, il faut de la confiance. Nous le savons, 2010 a été une année de réformes, de réformes importantes. Je ne dis pas qu'en 2011 il n'y aura pas des réformes ou des lois ; je n'oublie pas que déjà, à la fin du mois de janvier, le texte sur la médecine du travail sera aussi au rendez-vous, mais je sais bien que l'heure n'est plus forcément aux lois qui mobilisaient pendant 9 mois nos énergies pour la concertation, la préparation, pendant plus de 9 mois pour la discussion et après la mise en oeuvre : une fin de quinquennat, ce n'est pas un début de quinquennat, on doit avoir la même implication, mais on doit chercher des mesures encore un fois, je le répète, simples, efficaces et rapides.
Je n'oublierai pas non plus chacune des directions, mais si je commences à les citer, on va dire « il n'est pas sympa le ministre, il ne nous a pas cités », et je sais que même si ce ne sera que pendant un an, je ne veux rien oublier du travail que vous accomplissez les uns et les autres, j'ai juste un seul regret, depuis maintenant quasiment deux mois que j'ai pris mes fonctions, c'est de ne pas avoir pu suffisamment aller à votre rencontre, chez vous, pas forcément dans mon bureau, et pouvoir échanger, le plus librement possible avec les agents, au niveau de l'administration centrale comme au niveau des directions déconcentrées.
J'irai aussi beaucoup sur le terrain parce qu'avec l'expérience, je crois à une gestion ministérielle de proximité : je crois qu'il y a beaucoup de décisions qui peuvent se penser, se préparer derrière un bureau, il y a beaucoup de choses qui peuvent se faire aussi à l'Assemblé et au Sénat, mais je pense que c'est sur le terrain qu'on peut montrer le plus clairement possible l'engagement et peut-être même trouver la voie d'une efficacité renforcée, et j'y crois profondément.
Ce que je voudrais dire également c'est qu'en matière de santé, on a beaucoup dit : « Xavier Bertrand, vous êtes le ministre des médecins libéraux », donc de la médecine de proximité qui sera un de nos chantiers. J'ai bien une logique, c'est que je marche sur deux jambes, la médecine de proximité oui, l'hôpital également.
Je pense qu'en matière de santé, s'il n'y a qu'une seule priorité, on se trompe. Il y a les professionnels de santé, les médecins libéraux, on s'aperçoit qu'il y a aussi le système sanitaire, le système du médicament ; et avec Didier Houssin, Annie Podeur et toutes celles et ceux qui sont concernés, c'est aussi la question de la grippe. Vous voyez, sur tous ces sujets, nous n'avons pas le droit d'être monocentrés. Et les plans de santé publique, comme le disait Nora. Tout est important pour nos concitoyens et toutes les directions, sans exception, sont également mobilisées.
Et je n'oublie pas non plus que nous allons mettre en oeuvre la réforme des retraites, il ne faut pas oublier les décrets, et surtout le service après le vote, j'y crois profondément. Et je tiens à dire que je suis toujours aussi engagé pour avancer la date des pensions de retraites dans notre pays, parce que les loyers en général sont réglés au tout début du mois, les retraites sont versées le 9 ou le 10 du mois, et je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas remédier à ce décalage, pourquoi, comme me le disait une dame, il est aussi difficile de changer ce système. Je veux toujours changer le système. Je lis la presse le matin et j'ai vu la position de la CNAV qui ne m'a pas foncièrement étonné, mais personne ne sera étonné que je garde la même logique d'action.
Pour nos priorités, il faut être transversal dans tous nos domaines d'action. Dans la lutte contre les fraudes, parce que je pense que dans le domaine de la protection sociale, dans le domaine du travail, comme nous sommes, nous le savons bien, avec des budgets qui sont limités, qui sont contraints, nous devons faire la chasse à celles et ceux qui prennent dans le système. Et je veux vous dire que la logique d'action qui doit être la nôtre, c'est de s'attaquer à tous les fraudeurs, qu'ils soient importants ou qu'ils occupent d'autres responsabilités : les entreprises qui utilisent du travail clandestin fraudent la société au sens large, mais aussi ses salariés. Et je pense que si vous n'attaquez pas ceux qui ont de grosses responsabilités, vous n'êtes pas légitimes pour vous en prendre à ce que certains appellent la « petite fraude », encore que je ne sais pas exactement ce que le terme « petite fraude » veut dire. Certains diront : « Ce n'est pas très important, M. le Ministre : les fraudes ? 800 euros par mois ». Mais c'est cela qui empêche d'avoir un emploi, et cette fraude-là est aussi intolérable, c'est contraire à cette valeur travail à laquelle je crois profondément.
Je l'ai dit, le moyen de réussir tout cela, c'est la mobilisation de tous les agents, je crois au dialogue social, et si nous le pratiquons aussi bien au niveau national avec les organisations, nous 'avons pas le droit de l'oublier dans notre situation.
Je sais que le temps parfois me manque pour y participer, je sais aussi que Marguerite suit beaucoup ce dialogue social avec les organisations, que les directeurs et directrices assument cela avec engagement, et aussi avec respect, je crois que le respect est important.
Et je voudrais vous dire que nous avons un autre enjeu, c'est la coordination et le décloisonnement. Il y a de nouveaux mots qui sont apparus depuis maintenant quelques mois, quelques années, ARS, Direccte : je sais ce que tout ceci a représenté pour les agents, de vrais changements, de vrais bouleversements. Certains se sont dits : mais est-ce que ça compte encore le service public ?est-ce que ça a du sens ?
Je dis oui, je dis aussi que quand on explique le mieux possible les choses, on peut mieux faire partager les enjeux, je sais que si je dois continuer à y prendre ma part, j'y prendrai ma part, mais j'insiste sur ce décloisonnement, ce décloisonnement des services : j'ai en mémoire cette rencontre qui semblait improbable dans le domaine de la santé entre les directeurs d' ARS et les syndicats de médecins libéraux. Quand je pense à ce que certains syndicats disaient des ARS, quand on a vu non seulement cette réunion, mais les fruits de cette réunion, je me dis qu'il faut vraiment multiplier les occasions de décloisonner le système : Décloisonner entre vous, vous savez le pratiquer, mais décloisonner entre tous les acteurs, c'est un des principaux maux de notre système de santé. Il y a eu des transformations importantes depuis maintenant quelques années. Je sais ce que ça veut dire comme remise en cause dans les habitudes des agents, mais je sais aussi que si nous savons leur faire partager les objectifs, oui, ils sont prêts à y adhérer.
Voilà ce que je voulais vous dire. Je crois aussi que cela vaut sur le plan international : nous aurons cette année l'occasion de présider le G8 et le G20. Je pense que les questions d'emploi, de protection sociale, peuvent avancer. Pourquoi ? Parce qu'il y a une vision française, il y a une ambition française sur ces questions-là, et que nous n'avons pas le droit de décevoir. La vision que nous voulons faire partager, c'est une vision sur laquelle nous avons du crédit, et je pense que si nous continuons à transformer notre modèle de protection sociale pour pouvoir le garder, nous serons d'autant plus crédibles pour faire valoir nos idées.
C'est un discours peut-être très ambitieux en ce début d'année, c'est aussi le discours d'un ministre très exigeant, vous le savez, et je voudrais vous dire également que si je n'ai pas souvent l'occasion de vous faire partager ces sentiments comme je viens de le faire à l'instant, je vous suis profondément reconnaissants. Nous n'avons jamais voulu que nos cabinets fassent écran et jamais je ne serai dans cette logique-là. Je vous remercie de votre franchise : vous le savez pertinemment, nous ne sommes pas là pour vous demander d'exécuter mais aussi pour vous demander de participer à l'élaboration. N'hésitez pas à remettre en cause, parfois à critiquer dans mon bureau, les idées, les remarques, je suis ouvert à toutes ces critiques, à toutes ces remarques, pour pouvoir prendre les meilleures décisions.
J'ai le sentiment, en revenant dans ce ministère avec Nora Berra et Nadine Morano, que vous nous avez accueillis, de la meilleure façon qui soit, et je voudrais vous dire merci de la plus belle façon qui soit, en vous disant tout simplement merci et mon immense reconnaissance. Je vous demande de transmettre cela à tous les agents, en vous souhaitant du fond du coeur une excellente année 2011. Elle sera pleine de travail, je le sais bien, mais vous savez aussi que ce que je vous souhaite, c'est pensez aussi à vous, pensez aussi à vos familles, pensez à vos proches, parce que c'est à eux aussi que je souhaite une excellente année.
Alors du fond du coeur, et de la part aussi du ministre de la Santé, excellente santé, excellente année 2011.
Je vous remercie.
Source http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr, le 28 janvier 2011