Extraits d'un entretien de M. Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes, à Europe 1 le 21 février 2011, notamment sur la situation politique en Libye.

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Média : Europe 1

Texte intégral

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Q - La Libye, avec cette répression qui a fait plus de 200 morts, est-ce que l'on a beaucoup de ressortissants français en Libye ?
R - Notre vraie préoccupation c'est d'assurer la sécurité des Français en Libye, 750 personnes qui sont aujourd'hui sur le territoire libyen, et qui sont dispersées sur l'ensemble de ce territoire.
Q - L'objectif est de les rapatrier ?
R - Pour l'instant, il n'y a pas de menace directe, l'ambassade, à notre demande, a fait un énorme travail pour essayer d'organiser leur sécurité. Je peux vous donner, par exemple, une information inédite : on a attendu que l'opération soit correctement réalisée, on a rapatrié une trentaine de Français, qui étaient sur Benghazi, donc le lieu, le foyer principal des tensions, qui travaillaient à l'hôpital et qu'on a ramenés sur Tripoli à travers un vol spécial. Par ailleurs, dans le même temps, on a essayé d'organiser les choses pour que la fermeture des écoles françaises soit faite maintenant ; encourager les Français et les amis qui sont à Tripoli, qui sont sur l'ensemble du territoire libyen de pouvoir revenir en France, et globalement notre message, c'est surtout pas de risque.
Q - La Libye se fait menaçante vis-à-vis de l'Europe, en nous accusant d'encourager la révolution. Est-ce que vous encouragez la révolution ?
R - Bien évidemment que non. Notre ligne de conduite a toujours été la même sur tous ces sujets. La première chose importante à nos yeux, c'est le respect de l'autonomie du débat interne de chaque pays.
Q - Donc, vous ne demandez pas à Kadhafi de partir ?
R - On ne fait aucune ingérence. Par contre, il faut qu'on demande toujours et avec la même force, la même détermination de toute l'Union européenne... hier soir, les débats que nous avons eus pendant toute la soirée étaient très clairs. C'est une condamnation totale des violences de l'usage disproportionnée de la force et de ce qui est inacceptable.
Q - La France a joué un rôle important pour rendre Kadhafi respectable il y a deux ans. Aujourd'hui, l'histoire montre qu'on a eu tort avec cette répression sanglante ?
R - Non, ce qui est clair et que vous avez d'ailleurs souligné, c'est qu'en ce moment il y a le risque d'une espèce de chantage d'Etat : si jamais vous ne faites pas ça...on verra...vous allez voir, par rapport à l'immigration, etc. Il n'y a pas de pressions politiques.
Q - Mais est-ce que nous on a eu tort de rendre Kadhafi respectable il y a deux ans ?
R - Vous savez, de même que, quand il y a M. Moubarak ou quand il y a M. Kadhafi, ou quand il y avait l'ancien régime tunisien, l'obligation de l'ensemble des pays de l'Union européenne c'est de travailler avec les pays et avec les gouvernements qui sont en place. Mais quand c'est une révolution qui s'ouvre, quand c'est une autre espérance qui peut se lever, le travail de l'Union européenne c'est, tout en évitant l'ingérence, de clairement rappeler nos valeurs : les droits de l'Homme, la liberté de la presse, la démocratie. Et nos valeurs aussi, c'est d'inciter les gouvernements à faire les réformes dont ont besoin les pays et les peuples dans ces territoires.
Q - Demain vous allez en Tunisie avec Christine Lagarde. Michèle Alliot-Marie, elle, ne sera pas là. Elle est persona non grata ?
R - Non, pas du tout. J'y vais pour une raison très simple : l'Union européenne va être un des leviers majeurs pour aider la Tunisie. Je crois profondément à cette responsabilité de l'Europe dans cette période. Si on veut réunir les deux rives de la Méditerranée, être aux côtés des Tunisiens, des Egyptiens, c'est par le biais de l'Union européenne qu'on doit travailler.
Q - Sans M. Alliot-Marie ?
R - Pas sans M. Alliot-Marie, Michèle a énormément travaillé sur toute cette période de transition, en ce moment elle est au Brésil sur un déplacement qui est fondamental pour nous, avec beaucoup d'intérêts stratégiques aussi. C'est une équipe, et évidemment je lui rendrai compte de tout ce qu'on a fait, on travaille ensemble. Mais là, surtout, ce dont on a besoin ce n'est pas tellement notre petite cuisine française, il y a des enjeux majeurs qui se jouent en Tunisie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 février 2011