Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur la politique d'insertion et le rsa, Paris le 25 janvier 2011.

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Circonstance : Journée nationale du RSA et des pactes territoriaux pour l'insertion à Paris le 25 janvier 2011

Texte intégral

Monsieur le président de la commission insertion de l'Assemblée des départements de France (ADF), cher René-Paul Savary,
Monsieur le président du conseil général de la Mayenne, cher Jean Arthuis,
Monsieur le préfet de l'Essonne, cher Pierre Lambert,
Mesdames, messieurs les élus,
Mesdames, messieurs les présidents,
Mesdames, messieurs les directeurs,
Mesdames, messieurs les acteurs - bénévoles ou salariés,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureuse de clôturer cette journée car l'insertion est au coeur de la loi rSa.
Avoir un emploi, ce n'est pas seulement participer à la création de richesses dans son pays.
Avoir un emploi, c'est avoir une place dans la société et se sentir utile pour soi-même comme pour les autres.
C'est ce défi de l'emploi que nous devons relever collectivement pour bâtir une société plus juste et plus harmonieuse pour les bénéficiaires du rSa en recherche d'emploi ou qui ont un emploi faiblement rémunéré.
Nous ne devons laisser personne au bord du chemin et notre pacte républicain doit s'adresser à tous.
Pour cela - et je sais que Marie-Anne Montchamp vous l'a dit aussi ce matin -, nous devons remettre le travail au centre de nos politiques sociales et défendre une politique d'insertion ambitieuse.
Qu'est-ce que l'insertion ?
Les travaux du Grenelle de l'insertion ont permis de préciser cette notion.
L'insertion, ce sont d'abord des principes d'action :
- c'est une politique construite avec les professionnels et les acteurs de terrain, mais aussi avec les bénéficiaires. C'est une innovation introduite par la loi rSa ;
- c'est un référent unique qui accompagne les bénéficiaires. La simplification permet une plus grande efficacité et, là encore, il s'agit d'une innovation ;
- c'est une logique de droits et de devoirs renforcée.
L'insertion, ce n'est pas un secteur, mais c'est une politique et des modes opératoires.
La politique d'insertion se veut une politique territoriale et concertée dans laquelle chacun a sa place.
Décidée dans le cadre des travaux d'amélioration et de simplification du rSa initiés par Marc-Philippe Daubresse, cette journée est une occasion privilégiée de réunir l'ensemble des acteurs pour favoriser les échanges et le partage d'expériences.
Les travaux particulièrement féconds qui l'ont émaillée mettent au jour plusieurs facteurs-clés de succès pour une politique d'insertion réussie :
- cette politique d'insertion doit faire l'objet d'une réelle volonté politique (I) ;
- elle doit s'adapter au plus près des besoins des bénéficiaires et des territoires et être intégrée par l'Etat (II) ;
- elle doit être évaluée et impliquer tous les acteurs (III).
Premier facteur-clé de succès : la politique d'insertion doit être portée par une solide volonté politique et une mobilisation des acteurs des territoires.
Une solide volonté politique, d'abord.
Il s'agit, dans chaque territoire, de faire du retour à l'emploi une priorité partagée, notamment à travers le pacte territorial d'insertion.
La politique d'insertion doit bénéficier d'un portage politique fort. Je veux rendre hommage ici aux 40 présidents de conseils généraux qui se sont emparés de cette question et qui, d'ores et déjà, sont impliqués dans les travaux d'élaboration ou de mise en oeuvre de leur PTI, ou sur le point de s'engager.
Autour de ces conseils généraux, toutes les bonnes volontés doivent se fédérer.
Cela ne concerne pas uniquement les départements dans lesquels le taux de chômage avoisine les 20% ou, à l'inverse, les départements où les choses sont plus faciles.
Votre présence massive aujourd'hui témoigne de l'intérêt que vous portez à l'insertion et je m'en réjouis.
Vous pouvez compter sur moi, dans mes fonctions de Ministre des solidarités et de la cohésion sociale, pour me faire l'ambassadrice inlassable des PTI à chaque fois que cela sera nécessaire.
Mais, je le rappelle, le PTI, c'est une responsabilité collective et partagée.
Peut-on se contenter que seulement 1 département sur 2 ait à ce jour conclu un PTI ? Bien évidemment non !
C'est pourquoi, dans les 60 départements où cette démarche n'a pas encore abouti, je souhaite que le représentant de l'État prenne l'initiative d'identifier les points de blocage aux côtés des présidents de conseils généraux afin d'impulser un nouvel élan.
La politique d'insertion doit donc être portée par une solide volonté politique, mais elle doit aussi mobiliser l' ensemble des acteurs des territoires.
Outre les associations, les communes, les syndicats et les institutions, ces acteurs, ce sont aussi les employeurs et les entreprises. Ce sont bien eux, en effet, qui recrutent les bénéficiaires.
Les lignes ont bougé, même s'il reste encore beaucoup à faire. Les entreprises doivent continuer à se mobiliser et je sais pouvoir compter sur le MEDEF et les autres organisations.
Je crois que l'on vous a présenté les premiers travaux du collectif Alerte ce matin sur l'intégration dans l'entreprise et sur l'accompagnement dans l'emploi.
Je souhaite que l'on puisse faire la meilleure utilisation de ces recommandations et poursuivre le développement des groupements des employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ).
Je pense également à toutes les actions facilitant le recrutement et la formation portées par les différents acteurs. Je souligne aussi l'engagement des conseils régionaux.
Rendre l'emploi possible, c'est faire coïncider les aptitudes et les capacités au travail d'une personne avec une situation professionnelle, même s'il faut parfois adapter le chemin pour y parvenir. Ce n'est pas Pôle Emploi qui me démentira.
Nous devons aussi soutenir le rapprochement entre les entreprises et les structures chargées de l'insertion par l'activité économique. Là encore, le maître mot est « décloisonnement ».
Je sais que les associations et les acteurs des différentes institutions s'y emploient. Mais il faut aller plus loin et plus vite.
Chacun l'aura compris, la véritable innovation du PTI, c'est d'associer tous les acteurs de l'insertion pour améliorer et structurer la gouvernance territoriale.
Aux côtés des départements, l'Etat entend assumer toutes ses responsabilités et il sera présent dans l'ensemble des actions dont il a la charge.
Ainsi, les agences régionales de santé, les DIRECTE, Pôle Emploi, les CAF, les MSA et les préfectures ont vocation à participer, chacun dans son domaine, aux travaux du PTI.
Deuxième facteur-clé de succès : pour mener une politique d'insertion réussie, nous devons adapter nos dispositifs, les rendre plus souples, pour être au plus près des réalités locales.
Comme vous l'avez évoqué tout au long de cette journée et comme les différents retours d'expérience l'ont bien montré, les outils doivent d'abord être adaptés aux besoins des bénéficiaires du rSa et répondre à leurs attentes.
Pour cela, il faut leur assurer un accompagnement personnalisé dès l'entrée dans le dispositif.
Cela permet de faciliter leurs démarches, de faire émerger leur projet, de les aider à faire face à leurs difficultés sociales ou leurs difficultés de santé.
La loi a instauré un droit à l'accompagnement par un référent unique. Elle prévoit une meilleure articulation entre les experts du secteur social et ceux du secteur professionnel.
Car l'insertion professionnelle doit pour certains bénéficiaires être couplée avec un accompagnement social.
Pourquoi le nier ? Ce n'est pas simple. Des expérimentations sont en cours avec Pôle Emploi pour faciliter cette articulation entre l'emploi et le social dans plus de20 départements.
Mais, désormais, dans chaque département, les bénéficiaires disposent d'un référent unique. C'est un élément essentiel qui garantit la qualité de leur accompagnement.
Les outils doivent également tenir compte des spécificités du territoire, des bassins d'emplois.
Il appartient à chaque territoire de définir ses axes de travail, ses priorités pour s'adapter aux situations locales. Chaque territoire doit interroger l'impact de ses choix et de ses indicateurs. En un mot, chaque territoire doit se demander quelle est la meilleure politique d'insertion à mettre en oeuvre.
Dans les départements, je sais combien vous êtes mobilisés, sur le terrain, pour construire et faire vivre le PTI.
Par exemple, comme vous avez pu le constater sur les stands, le conseil général du Morbihan a choisi comme axe du PTI d'accompagner la consolidation des projets de création d'entreprises par les bénéficiaires du rSa. Il a aussi proposé un axe dédié aux jeunes.
A cet engagement comme à tous les autres, je veux rendre l'hommage appuyé qu'il mérite. Je veux saluer les initiatives innovantes que vous avez mises en oeuvre, car cela représente une somme de travail importante.
Vous vous êtes ainsi emparés des marges de manoeuvre que vous confère le dispositif et vous avez su inventer la méthodologie adaptée à votre territoire. Vous avez montré qu'il n'existe pas une seule manière de construire un PTI, mais que c'est à chaque territoire d'inventer ce qu'il lui correspond le mieux, en fonction de ses attentes et de ses besoins.
Mais ce devoir d'adaptabilité des dispositifs aux spécificités des territoires et des bénéficiaires n'a de sens que si l' Etat laisse aux acteurs suffisamment de marges de manoeuvre . Pour cela, il doit veiller à adapter ses dispositifs, à les rendre plus pragmatiques et plus souples.
De manière générale, l'Etat doit être à l'écoute, prendre en compte les besoins, apporter son expertise, mettre en oeuvre les actions et tirer tous les enseignements du terrain pour ajuster ou faire évoluer ses politiques au plus près des besoins.
Je souhaite que la collaboration repose sur des bases solides : des diagnostics partagés et des engagements respectés.
En toute hypothèse, la souplesse doit prédominer, car c'est l'esprit de la loi.
C'est par exemple le cas avec les contrats uniques d'insertion, avec lesquels il semble exister des difficultés.
Nous allons travailler avec Xavier Bertrand à des pistes d'amélioration, notamment pour débloquer certaines situations ou donner des instructions aux préfets.
De la même manière, sur l'aide personnalisée au retour à l'emploi (APRE), il faudra, tout en respectant la loi, que les territoires s'autorisent plus de latitudes. Car, je le rappelle, c'est un dispositif qui a été conçu précisément pour être très souple et très pragmatique.
D'ailleurs, une circulaire a été adressée aux services déconcentrés pour permettre davantage de souplesse.
A quoi cela sert-il pour un bénéficiaire de retrouver un emploi s'il n'a pas de quoi amorcer la pompe, c'est-à-dire se rendre à son travail et faire garder ses enfants, par exemple ?
Là encore, il faut réfléchir à des solutions de terrain adaptées aux spécificités territoriales.
En effet, les bénéficiaires habitant en zones rurales n'ont sans doute pas les mêmes postes de dépenses que les bénéficiaires résidant en ville.
Pour les premiers, l'APRE pourra financer l'essence pour un véhicule ou bien un permis de conduire, tandis que pour les seconds elle servira plutôt à financer des solutions de transports en commun.
Quoi qu'il en soit, cette aide doit rester dans le champ de la reprise d'activité. A chaque territoire de trouver la souplesse nécessaire.
Troisième facteur-clé de succès : la politique d'insertion doit impliquer tous les acteurs et faire l'objet d'une évaluation.
Le Président de la République l'a rappelé récemment lors de son intervention devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) : notre pays doit se doter d'une véritable culture de l'évaluation.
Nous devons intégrer dans nos pratiques cette culture systématique de l'évaluation, qui permet de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, à l'aune des faits et non pas des postures.
Pour vérifier l'efficience de la politique d'insertion arrêtée, des indicateurs doivent être définis dans les PTI et une instance de pilotage doit être constituée.
C'est par exemple ce qu'ont prévu les départements du Pas de Calais, de la Marne, du Bas Rhin, du Gard et beaucoup d'autres.
Par ailleurs, les personnes concernées doivent être partie prenante des dispositifs conçues pour elles.
Quoi de plus naturel ?
Il faut que l'on puisse concevoir, construire et évaluer les pratiques d'insertion avec les bénéficiaires, à partir de leur expérience du vécu.
C'est un grand chantier que nous devons ainsi initier.
Sur le sujet, des travaux vont être lancés. Ils porteront sur les équipes pluridisciplinaires et, de manière plus générale, sur la participation. Ils devront permettre d'élaborer des recommandations pour faire vivre cette participation de manière pérenne.
Nous nous appuierons sur les travaux des départements les plus avancés. Je pense, par exemple, aux départements du Cher ou de la Savoie. Le point de vue des bénéficiaires est essentiel pour dégager des propositions au moment du diagnostic ou de l'évaluation du PTI. Le volet entraide et solidarité que propose le Cher est remarquable avec la notion de « parrains » de l'insertion qui animent des permanences pour présenter des actions d'insertion aux bénéficiaires.
Ces travaux seront examinés dans le cadre du conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), que j'ai missionné aussi sur ce thème.
Je sais qu'il reste encore beaucoup à faire pour stabiliser le dispositif. Mais, d'ores et déjà, nous pouvons être fiers du chemin parcouru car le dispositif fonctionne. Je tiens à féliciter tous les acteurs, y compris les CAF et les MSA.
Le comité d'évaluation du rSa a publié des premiers résultats encourageants sur :
- la mise en place du dispositif, le passage du RMI et de l'API au rSa ;
- le dispositif d'instruction-orientation ;
- les premiers points de vue des bénéficiaires ;
- les impacts sur la pauvreté ;
- la dynamique des mouvements au sein des composantes du rSa.
A la fin de l'année 2011, le comité rendra des résultats définitifs et nous organiserons la conférence nationale d'évaluation du rSa.
Elle permettra de mettre en débat des propositions et d'apporter les ajustements nécessaires.
Le bilan d'étape mené par Marc-Philippe Daubresse un an après le lancement du rSa a déjà permis d'apporter les premiers ajustements.
Les dix mesures ont été mises en oeuvre et, parmi celles-ci, je voudrais saluer le travail accompli pour améliorer les échanges de données informatiques entre les caisses et les conseils généraux.
Ainsi, il a été décidé la création d'un comité de pilotage des échanges d'informations. Ce comité sera chargé de remédier à toutes les difficultés constatées et d'anticiper les prochaines évolutions.
Ses missions ont été définies de manière concertée : il définira les évolutions, les « versioning », et communiquera de manière transparente auprès de l'ensemble des acteurs.
Cette mesure prévoit aussi la mise en place, dès le mois d'avril prochain, d'un extranet Cnaf et MSA pour mettre à disposition toutes les informations. Là encore, je veux rendre hommage à la collaboration exemplaire entre les départements, l'ADF, l'Etat et les caisses, qui a permis ces avancées significatives.
Opérationnel depuis 18 mois, le rSa est le fruit d'un effort collectif auquel je suis particulièrement sensible.
A toutes et à tous, je veux adresser mes remerciements.
Gageons que cette journée d'échanges donnera un nouvel élan à la politique d'insertion.
Car c'est bien ce pari-là que nous avons fait avec le rSa : être plus performants dans l'insertion des bénéficiaires et mettre en place une nouvelle régulation des politiques d'insertion.
Je le dis avec beaucoup de simplicité : je n'entends pas mener une politique de la famille, et une politique de l'enfance, et une politique de l'insertion, et une politique de lutte contre la précarité, etc.
Pourquoi élaborer des dispositifs en tuyaux d'orgue alors que les publics sont les mêmes ?
J'entends donc mener une seule politique, une politique de la population, qui prenne en compte toutes les facettes d'une même situation et qui soit territorialisée.
Ainsi, nous pourrions proposer de faire des PTI la déclinaison de cette politique de la population.
Et d'ailleurs je vous invite dès à présent à réfléchir à cette nouvelle approche transversale, qui pourrait, je pense, constituer le thème d'un prochain séminaire.
Avec mes collègues du Gouvernement, je veillerai à faciliter cette nouvelle gouvernance des politiques territoriales.
Nous poursuivrons le travail avec l'ADF pour faire en sorte que le rSa permette le retour à l'emploi du plus grand nombre. C'est pour le Gouvernement une priorité absolue.Source http://www.localtis.info, le 11 février 2011