Texte intégral
Le 7 mars prochain, à minuit, la région Île-de-France et ses 12 millions d'habitants passeront à la télévision tout numérique. Le 30 novembre prochain, tous les Français, de métropole et d'Outre-mer, auront passé ce cap. C'est une étape majeure pour la modernisation de la télévision dans notre pays. Au-delà de l'avancée technologique, il s'agit d'une révolution en douceur pour tous nos concitoyens, dans leurs foyers, dans leurs habitudes quotidiennes.
L'objectif qui nous réunit tous aujourd'hui - ministres, pouvoirs publics, élus locaux, professionnels, bénévoles - pour réussir le passage à la télévision tout numérique m'invite à prendre un temps de recul, pour revenir aux fondements, à l'origine de ce projet.
Ces énergies rassemblées aujourd'hui nous rappelle à quel point la télévision occupe une place centrale dans notre manière de voir le monde, de partager des émotions, inscrites à l'intersection de nos mémoires individuelles, familiales et collectives. Le passage à la télévision tout numérique nous rappelle à quel point la « petite lucarne », la « folle du logis » comme l'ont décrit certain, est un média vivant dont la capacité à transmettre et à relier se renouvelle très vite, au gré des évolutions technologiques et de l'inspiration de ceux qui créent, écrivent, produisent et diffusent ses programmes.
Les technologies numériques sont à l'évidence des sources de progrès majeurs dans tous les domaines de la Culture et de la Communication. C'est le cas pour l'accès à nos patrimoines, qu'il soit audiovisuel ou qu'il s'agisse du livre ; cela concerne aussi l'amélioration de l'offre audiovisuelle elle-même, en termes de contenus comme de qualité de réception. D'une manière générale, l'accélération et la mise en cohérence des politiques du numérique constituent, comme vous le savez, l'une des grandes priorités de l'action de mon Ministère.
Au coeur de ces priorités figure un média qui m'est cher entre tous : la télévision. Et je suis particulièrement heureux d'assumer les fonctions qui sont les miennes à un moment où nous connaissons une transition majeure pour un média roi, qui a encore de très beaux jours devant lui.
Cette transition vers le numérique, c'est avant tout un enrichissement inédit, qualitatif et quantitatif, de l'offre audiovisuelle ; c'est également la promesse de nouveaux services, que ce soit via la télévision de rattrapage, la vidéo à la demande ou l'interactivité. Le passage à la télévision tout numérique, c'est aussi un grand moment démocratique pour les Français, comme seuls les médias de masse peuvent en produire, puisqu'il concerne chaque foyer. C'est enfin un fort engagement social pour l'État, qui veille à garantir l'accès de tous à cette télévision embellie, enrichie et rajeunie, qui vit, avec le passage de l'analogique au numérique, une mue aussi importante que le passage du noir et blanc à la couleur.
Dans le monde des médias de masse, le saut technologique est parfois source d'inquiétude. Aux préoccupations des premières expérimentations a succédé un passage réussi qui concerne désormais treize régions de France. Le 8 mars prochain, comme vous le savez tous ici, ce projet va franchir un cap majeur. En effet, la région Ile-de-France et ses 12 millions d'habitants constitue non seulement un défi technique et humain mais aussi une étape hautement symbolique avec l'extinction de tout signal analogique de télévision depuis la Tour Eiffel. Plus d'un siècle après les premières diffusions TSF, la dame de fer basculera à son tour dans l'ère numérique et passera le relai aux régions qui suivront.
A quelques jours de ce grand saut francilien dans le numérique, les choses s'annoncent bien, comme nous l'a rappelé le GIP France Télé Numérique :
- la couverture numérique frôlera les 99 % de la population francilienne le 8 mars ;
- le taux des foyers encore dépendants de la réception analogique est très faible (autour de 4 %) ;
- la connaissance du passage à la télévision tout numérique par les franciliens est particulièrement forte (plus de 97 %).
Le rôle de l'État dans ces phases de transition, qui sont aussi sociales et culturelles que technologiques, c'est bien sûr de s'assurer que personne ne soit laissé sur le bord du chemin. C'est, pour le Ministère de la Culture et de la Communication, garantir l'accès de chacun aux nouveaux savoirs tout autant qu'au divertissement.
Le passage au numérique est pour la télévision française une chance unique de développer simultanément l'offre de télévision et la qualité des moyens de communication. Avec la TNT, c'est un paysage audiovisuel pluraliste qui se dessine, plus riche en programmes puisque les téléspectateurs se voient offrir gratuitement plus de chaînes, de meilleure qualité tant pour le son que pour l'image, avec la possibilité d'accéder à de nouveaux services. C'est la généralisation d'une offre audiovisuelle enrichie et gratuite, et plus généralement la multiplication des services sur l'ensemble des plateformes, qu'elles soient gratuites ou payantes. C'est le triplement de l'offre des chaînes nationales gratuites en métropole, qui passe ainsi de 6 à 19 chaînes totalement gratuites : cette multiplication des chaînes profite ainsi au plus grand nombre, elle n'est plus l'apanage des seules offres soumises à abonnement, que ce soit via le câble, le satellite ou la télévision par ADSL.
La multiplication des chaînes est aussi bénéfique pour la création audiovisuelle française, notamment en raison de la contribution des chaînes de la TNT à la création. A cet effet, j'ai adapté depuis deux ans l'ensemble des décrets qui organisent la contribution à la production des chaînes de télévision ; j'y ai adjoint les nouveaux « services de médias audiovisuels à la demande », de manière à garantir le maintien de notre dispositif de soutien à la création à l'occasion du passage au tout numérique.
À cette occasion, l'offre de chaînes publiques s'est elle aussi enrichie avec la diffusion sur un canal plein des chaînes France 5 et ARTE, qui partageaient jusque-là un canal analogique commun, et la diffusion de nouvelles chaînes : France 4, France Ô, ainsi que La Chaîne Parlementaire (Assemblée Nationale et Public Sénat).
Le numérique permet également l'amélioration constante de la qualité de l'image et du son : la haute définition devient le format de référence et demain la télévision en trois dimensions, déjà en train de conquérir les salles de cinéma, pourrait se développer sur nos téléviseurs.
Le numérique, c'est aussi la dé-li-néa-risation des services. Les téléviseurs connectés font leur apparition et offrent un accès simplifié à la télévision de rattrapage, à la vidéo à la demande. Demain, l'interactivité se généralisera et donnera accès à de nouvelles formes de télévision qui restent à inventer.
Mettre fin à la diffusion analogique, c'est justement garantir l'accès de chacun à ces nouveaux services, car cet arrêt va permettre de libérer les fréquences nécessaires au développement de l'offre audiovisuelle, à la fois en nombre et en qualité. C'est aussi, en termes de développement territorial, se donner les moyens, en libérant de l'espace, de déployer - avec le haut débit mobile - l'internet dans des territoires qui, pour des raisons économiques, sont difficilement éligibles à l'internet haut débit classique.
La transition est particulièrement bien engagée. Après « les étapes de plaine » décisives comme l'Île-de-France, il restera quelques « étapes de montagne » déterminantes à accomplir. Le rôle de l'Etat, comme je l'ai dit, c'est de s'assurer que personne ne soit laissé sur le bord du chemin. Je pense en particulier aux publics peu familiers des nouvelles technologies, aux personnes âgées qui peuvent avoir besoin d'une assistance technique, aux foyers les plus modestes aussi, qui peuvent avoir besoin d'un soutien financier à l'équipement, notamment pour ceux qui habitent des zones non couvertes par la diffusion hertzienne terrestre.
Cette solidarité est bien sûr pilotée par l'État, puisque c'est là l'une de ses principales missions. C'est également l'engagement, bien sûr, de tous les acteurs concernés dans le GIP France Télé Numérique. Mais c'est aussi une solidarité vécue sur le terrain, entre voisins et entre générations, avec l'action des centaines de bénévoles qui parcourent les régions pour délivrer l'assistance technique à ceux qui en ont besoin, et que je tiens à saluer aujourd'hui. C'est aussi grâce à eux que d'ici quelques mois, 100 % des foyers français auront accès à la télévision numérique.
De son côté, le Gouvernement est loin d'être en reste, puisqu'il a prévu un effort financier majeur avec plus de 100 Meuros inscrits dans la Loi de finances de 2011, qui sont destinés à garantir l'accès de tous à la télévision numérique, notamment au travers des fonds d'aide institués :
- fonds à destination des foyers non couverts par la TNT, alloué sans condition de ressources ;
- dispositif d'assistance technique au bénéfice des foyers âgés ou handicapés ;
- aide financière à l'équipement pour les foyers à faibles ressources qui ne paient pas la contribution à l'audiovisuel public.
Je sais l'effort qui est fait, notamment par le Groupement d'intérêt public France Télé numérique, son président, M. Louis de Broissia, et son directeur général, M. Olivier Gérolami, pour aider les personnes isolées, les banlieues, les personnes les moins au fait des évolutions technologiques et des offres culturelles, et je veux leur rendre hommage.
Les opérations menées dans les régions déjà passées au tout numérique ont donné de nombreux motifs de satisfaction. Les foyers concernés se sont massivement équipés pour la réception de la TNT ; ils ont bénéficié d'un très bon niveau d'information et de compréhension du processus, et cela est dû en très grande partie à l'efficacité de l'action du Groupement d'intérêt public France télé numérique.
Les succès enregistrés ne doivent toutefois pas entraîner un relâchement de notre vigilance. Le passage au numérique a pu connaître certaines difficultés, circonscrites localement, qui ont permis aux pouvoirs publics d'en tirer des leçons pour la suite. France Télé Numérique et le CSA ont renforcé dans ce sens leur suivi technique des régions et adapté leur dispositif opérationnel sur le terrain.
La vigilance dont nous devons faire preuve concerne également l'accompagnement des personnes âgées, qui doit rester l'une des priorités des actions du groupement d'intérêt public France télé numérique. Les seniors, en maison de retraite et ailleurs, expriment en effet un fort besoin d'accompagnement et d'assistance dans le cadre de ce processus.
Une attention particulière a également pu être portée aux immeubles collectifs et les travaux d'adaptation des antennes collectives et des filtres de réception sont en bonne voie malgré l'importance du parc d'immeubles collectifs dans la région Ile-de-France.
Je sais que les équipes du Groupement d'intérêt public France télé numérique, celles du Conseil supérieur de l'audiovisuel, mais aussi les élus, les acteurs sociaux, les antennistes, les médias, l'ensemble des acteurs impliqués sont entièrement mobilisés sur ces questions, et je leur apporte tout mon soutien.
Grâce à la TNT, la petite lucarne - qu'on essaie parfois de ringardiser en regard du développement fulgurant d'Internet - mais à laquelle tous les Français sont si attachés, a un bel avenir devant elle. La popularité et la qualité des programmes viendront je l'espère encore mieux servir sa capacité à nous lier, nous informer, nous distraire et à nous faire rêver.
Plus largement, la création française sort renforcée de cette mutation majeure.
Les moments que nous vivons apparaîtront, j'en suis sûr, comme une date clef dans l'histoire de la télévision en France. Histoire que l'on redécouvrira sans doute, dans quelques années, avec surprise, comme toutes les grandes transitions technologiques réussies, que le temps recouvre si vite du silence de l'usage et des habitudes.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 25 février 2011