Déclaration de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat au commerce extérieur sur les opportunités commerciales de la France avec le monde arabe, Paris le 27 janvier 2011.

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Circonstance : Séminaire de la Chambre de commerce franco-arabe, à Paris le 27 janvier 2011 (projet de discours)

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Hervé,
Messieurs les Directeurs généraux, cher Christophe,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Vous m'avez fait l'honneur de me confier le mot d'ouverture de votre séminaire, presque deux mois après la célébration du 40ème anniversaire de la Chambre de commerce franco-arabe en présence du Président de la République. Je vous en remercie. Je sais que je n'aurai pas besoin de vous apporter un catalogue de preuves pour vous convaincre de la sincérité de mon attachement au monde arabe. Par atavisme, sans aucun doute. Par conviction aussi.
Conviction que s'y trouve la clef de la stabilité du monde. De l'émancipation du peuple tunisien au dossier nucléaire iranien en passant par la reconstruction de l'Irak et bien sûr le conflit israélo-palestinien, sans oublier l'unité du Liban : le monde arabe, dont vous me permettrez de retenir une acception volontairement large, est bien la principale inconnue de l'équation occidentale en ce début de XXIème siècle. La prospérité de nos sociétés, en Europe comme aux Etats-Unis, ne peut se concevoir durablement sans une résolution pacifique de ces terrains d'affrontement, à la lisière de l'Occident et de l'Orient. C'est dans cette perspective que le Président de la République a lancé l'Union pour la Méditerranée, pour faire de ce grand espace d'échanges que forment l'Europe, l'Afrique du Nord, le Proche et le Moyen-Orient, un objet politique partagé.
Mon autre conviction, qui me ramène cette fois à mes fonctions de Ministre du commerce extérieur, c'est que le monde arabe est un terrain d'expérimentation privilégié pour un nouveau partenariat économique avec la France et l'Europe.
Témoignage vivant de la longue relation d'amitié franco-arabe, mais aussi de la vitalité économique de la région, les échanges de biens avec l'Afrique du Nord, le Moyen Orient et le Golfe représentent, avec 50 milliards d'euros, pas moins de 15% de l'ensemble des échanges commerciaux de la France. Le monde arabe est même à vrai dire l'une des rares bonnes nouvelles que j'ai pu trouver parmi les grandes masses de notre balance commerciale depuis ma prise de fonctions. Avec près de 7 Mds euros, le Proche et le Moyen Orient représentent en effet les deux principaux postes excédentaires d'un commerce extérieur qui avoisine les - 50 Mdseuros.
Ne comptez pas sur moi pour vous dire que la proximité politique et l'amitié des peuples nous garantissent une rente commerciale éternelle! Bien au contraire, ma philosophie en tant que ministre du commerce extérieur, celle qui a inspiré le plan d'actions que je présenterai à l'ensemble de la communauté française de l'export le 10 février, c'est la culture de la vérité et c'est l'envie de gagner.
La vérité, sur notre commerce avec le monde arabe, c'est un mélange d'acquis solides et un risque réel de perte de vitesse. Invitation chiffrée à la vigilance : en 2010, selon des données provisoires, nos exportations vers le Proche et le Moyen Orient auraient augmenté de seulement 7,6% par rapport à 2009, quand nos exportations globales rebondissaient de + 13,2%. Aux Emirats Arabes Unis et en Arabie saoudite, où j'ai effectué mes deux premiers déplacements à l'étranger en 2011, nos parts de marché n'ont cessé de s'effriter au cours des dernières années, pour tourner aujourd'hui autour de 3 à 3,5%. Un mouvement qui fait de nous un partenaire commercial parmi d'autres, le 8ème fournisseur du Royaume, le 9ème des Emirats. Les sous-traitants d'hier sont les concurrents d'aujourd'hui : nos entreprises font désormais face aux Chinois, aux Coréens, aux Indiens, en plus des concurrents plus traditionnels, les Allemands, les Américains, les Espagnols. Voilà la nouvelle donne.
Alors pour esquisser une réponse à la question générale qui vous est posée aujourd'hui, « Quelles opportunités pour la France ? », je voudrais vous soumettre deux idées.
La première, c'est que les marchés qui s'ouvrent dans le monde arabe sont absolument considérables. J'ai pu le vérifier en Arabie saoudite lundi : la pression démographique conjuguée à la sage volonté des autorités de diversifier leur assise économique au-delà des seuls hydrocarbures, génère des besoins d'investissement colossaux. Rendez-vous compte : la seule Arabie saoudite s'apprête à investir d'ici à 2015 plus de 400 milliards de dollars dans l'industrie et les grandes infrastructures. 400 Mds $, l'équivalent du PIB saoudien, investis sur 5 ans ! Autre exemple frappant, en Egypte cette fois : les autorités égyptiennes ont programmé, sur la période 2009-2013, près de 150 Mds de dollars pour construire de nouvelles infrastructures et moderniser les équipements existants. Le monde arabe est tout à la fois une formidable zone de développement économique et social, et un formidable relais de croissance pour nos exportations et pour les emplois qui en dépendent, à condition que nous sachions nous adapter.
C'est la deuxième idée. Nos entreprises ne peuvent plus se comporter comme si elles étaient en terrain conquis. Nous ne sommes plus dans une simple relation exclusive fournisseur-client. Nos amis méritent d'être traités avec le respect dû aux partenaires. Nos produits sont souvent à la pointe, la référence en termes de qualité et de fiabilité, les avions, les centrales thermiques et nucléaires, les stations de traitement des eaux usées,... Nous avons d'ailleurs enregistré récemment de nombreux succès dans le monde arabe, pour ne prendre que quelques exemples : le TGV Tanger-Casablanca au Maroc, la livraison d'appareils ATR en Syrie, d'Airbus aux Emirats, l'arrivée de la 3G Orange en Jordanie, l'entrée d'Areva T& D au Liban,... Nous avons aussi essuyé des revers douloureux, y compris sur nos secteurs de prédilection, avec la perte des premiers réacteurs nucléaires émiriens au profit de la Corée. Nos entreprises doivent aborder ces nouveaux marchés avec confiance, confiance dans le made-in France, mais aussi avec humilité, humilité face à la revendication légitime de nos partenaires de viser le meilleur rapport qualité-prix.
Et face à la complexité croissante des projets, il faut être capable, je ne cesse de le dire, d'aligner partout où cela est possible une offre française intégrée, bâtie autour d'une locomotive de grands groupes moteurs entraînant dans leur sillage un maximum de PME sous-traitantes basées en France. Je comprends parfaitement les nouvelles contraintes d'optimisation des coûts dans la compétition internationale, qui imposent parfois de recourir à des prestataires locaux. Mais de grâce, à qualité et à prix de revient comparables, jouons la carte de l'emploi en France, privilégions nos PME. Que les PME occupent aujourd'hui plus de la moitié des actifs en France, qu'elles concentrent près de 42% de la valeur ajoutée, mais qu'elles ne réalisent que 25% de nos exportations ... je ne m'y résous pas.
Le monde arabe, de par les interrogations, parfois la méfiance qu'il peut susciter auprès de nos petits entrepreneurs, exige justement un effort tout particulier d'accompagnement dans la durée. C'est ce que j'ai demandé à Ubifrance à Riyadh, dont je viens d'inaugurer la nouvelle mission économique. C'est ce que je demanderai systématiquement à l'ensemble de notre équipe de France à l'export, le réflexe PME.
Mesdames et Messieurs, dans cette nouvelle ère prometteuse qui s'ouvre pour les relations économiques franco-arabes, je sais que je pourrai compter sur le dynamisme de la Chambre de commerce et sur l'engagement personnel de son Président. Pour ouvrir le monde arabe à nos entreprises, et notamment aux plus petites d'entre elles. Mais aussi pour attirer vers la France les fonds souverains du Golfe, les investissements du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient, au service de l'emploi dans notre pays.
Je vous souhaite une excellente journée de réflexions et de débats. Merci de votre attention.
Source http://www.ccfranco-arabe.org, le 11 février 2011