Texte intégral
Je tiens tout d'abord à remercier chaleureusement Mme Céline YODA KONKOBO, ministre en charge de la promotion de la femme du Burkina Faso, et Mme Aicha BAH DIALLO, vice-présidente du Forum des femmes éducatrices africaines et ancienne ministre guinéenne de l'Education, d'avoir accepté notre invitation à participer à cet atelier parallèle à la Commission de la condition de la femme.
Il nous a semblé important de consacrer cet atelier aux violences de genre en milieu scolaire et à leurs impacts sur la scolarisation des filles.
C'est, en effet, un sujet essentiel, car les violences que subissent, à l'école ou en dehors de l'école, les filles en âge de recevoir un enseignement ont un impact direct sur leur accès à une éducation sereine et complète.
Plus largement, les violences faites aux filles est la partie émergée d'un phénomène beaucoup plus important, qui prend sa source au coeur des inégalités de genre qui se manifestent dès le plus jeune âge.
Si ces inégalités s'expriment sous des formes parfois différentes dans les pays d'Europe et d'Afrique, elles n'en sont pas moins le résultat d'une réalité universellement partagée par les femmes du monde entier, et contre laquelle nous devons nous battre collectivement.
C'est pourquoi nous avons choisi d'évoquer ce sujet avec vous, Mesdames, sur les situations africaines, tandis que je donnerai mon témoignage sur la situation en France.
Quels sont les moyens mobilisés pour lutter contre les violences faites aux filles et promouvoir une éducation pour tous ? Quels sont les défis qu'il nous reste à relever, pour que chaque fille puisse bénéficier d'une éducation non sexiste et de qualité ?
L'action de la France au niveau national repose sur un constat de base : les écoles françaises ne sont pas épargnées par les phénomènes de violences, notamment à caractère sexiste ou sexuel.
La lutte contre la violence à l'école figure ainsi parmi les priorités du ministère de l'Education nationale et plus largement du Gouvernement français. Pour compléter les mesures et dispositifs de prévention, l'Éducation nationale a notamment renforcé son partenariat avec le ministère de l'Intérieur. Policiers et gendarmes interviennent dans les établissements scolaires pour faire oeuvre de pédagogie et, le cas échéant, assurer la sécurité.
Les violences subies par les filles font l'objet d'une stratégie spécifique, définie dans une convention pluriannuelle (2006-2011) qui rassemble neuf ministères, dont l'Education nationale, la Justice, l'Intérieur et le ministère dont j'ai la responsabilité, le ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale.
Dans le cadre de cette convention, nous venons de publier un guide juridique et pédagogique d'intervention en milieu scolaire, intitulé : « Comportements sexistes et violences sexuelles : prévenir, repérer, agir ».
Le sexisme et les violences sexuelles, qui se manifestent dans notre société dans son ensemble, et donc aussi à l'école, appellent une réponse très ferme. Il s'agit, avec vigilance et détermination, de transmettre une culture du respect et de l'égalité à celles et ceux qui construiront la société de demain.
Notre objectif est bien de rappeler la mission de l'école et de ses acteurs et d'aider la communauté éducative à agir efficacement face aux situations liées à des comportements sexistes, à des violences à caractère sexuel et à leurs conséquences.
Le principe de la dignité de la personne, qui inclut l'intégrité physique, impose de combattre toutes les formes de violences. Une politique de lutte contre les violences ne peut en tolérer aucune.
Ni la tradition, ni la coutume, ne peuvent justifier que des personnes ne soient plus considérées comme des sujets de droits et soient privées de leurs droits fondamentaux.
C'est pourquoi nos dispositions législatives réprimant les mariages forcés et les mutilations sexuelles féminines sont aussi rappelées dans le guide.
Au-delà de ces situations quotidiennes, un travail éducatif doit être conduit au travers :
* des programmes d'enseignement ;
* des séances obligatoires d'éducation à la sexualité ;
* des séances et des actions de prévention de la maltraitance et des violences sexuelles.
Afin de mieux assurer cette prévention, plusieurs lois et dispositifs ont été mis en place :
* un système d'alerte et de signalement des violences, élaboré en 2007, qui coordonne, dans chaque département, l'action du chef d'établissement, des travailleurs sociaux, des collectivités territoriales et des représentants de l'Etat ;
* la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, qui prévoit que les formations initiales et continues délivrées aux enseignants intègrent des éléments portant sur l'égalité des sexes, ainsi que des actions de sensibilisation aux violences faites aux femmes.
D'autres mesures ambitieuses sont en cours d'élaboration, et en particulier un Plan d'action interministériel en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, que je suis chargée de piloter. Ce plan servira de feuille de route à chaque ministère et permettra de concevoir, d'adapter et de mettre en oeuvre des programmes appropriés, ainsi que des stratégies novatrices. Il a vocation à être décliné par les décideurs locaux dans leurs domaines de compétences.
Dans le domaine de la scolarisation des filles et de la lutte contre les violences de genre à l'école, la France mène également des actions au niveau international.
Ces actions s'inscrivent dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement ; elles visent à atteindre les objectifs du cadre d'action de Dakar sur « l'éducation pour tous » et ceux du programme d'action de Pékin, issu de la 4ème conférence mondiale sur les femmes.
Dans le cadre de nos actions de soutien à « l'éducation pour tous », principalement concentrées sur l'Afrique sub-saharienne, nous accordons ainsi une attention particulière à l'accès et au maintien des filles à l'école.
Un groupe de travail international, réunissant des représentants des organisations internationales et de la société civile, a été créé pour répondre à un double objectif :
* collecter des données sur les violences de genre en milieu scolaire, pour mieux connaître et identifier ces phénomènes, et ainsi mettre en place des réponses adéquates ;
* et mener un plaidoyer en faveur d'une plus grande prise en compte des questions de genre dans les politiques éducatives et de développement.
Dans le même temps, nous organisons, avec l'aide du Réseau « Genre en Action », un atelier de travail, qui rassemblera des professionnels des questions d'éducation et de genre en Afrique de l'Ouest, pour échanger sur les constats et les pratiques de prévention et de lutte contre les violences de genre à l'école dans la sous-région ouest-africaine.
Les résultats de ces travaux seront restitués devant les ministres de l'Education africains réunis en décembre prochain.
Dans ce processus, les partenariats sont essentiels, mais je laisserai à Mme Céline YODA KONKOBO et à Mme Aicha BAH DIALLO le soin de nous en dire plus, tant sur le diagnostic que sur les actions menées en Afrique, notamment par le Forum des femmes éducatrices africaines.
En ratifiant la convention CEDEF sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, nous nous sommes engagés à assurer aux filles et aux femmes des droits égaux à ceux des garçons et des hommes en matière d'éducation.
Pour garantir la mise en oeuvre concrète de ces droits, nous devons abattre les obstacles qui subsistent, et en particulier :
* lutter sans relâche contre toutes les violences qui empêchent encore les filles de bénéficier pleinement de leur scolarité ;
* et oeuvrer à l'élimination de tous les stéréotypes de genre, à tous les niveaux et dans toutes les formes d'enseignement.
Les échanges que nous allons avoir aujourd'hui vont, j'en suis convaincue, enrichir notre réflexion d'expériences diverses, nous apporter des idées nouvelles, des exemples de bonnes pratiques.
Tous ces éléments nous aideront à agir encore plus efficacement dans cette direction.Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 25 février 2011