Texte intégral
Q - On lévoquait dans le journal de BFM TV : vous revenez de Genève, vous avez croisé là-bas, plus que croisé, vous étiez avec Hillary Clinton pour cette réunion des Nations unies à propos de la Libye - on va parler de la Libye. Cétait votre place plutôt que celle dAlain Juppé ?
R - La diplomatie française, cest un travail déquipe. Et pourquoi est-ce que jy étais ? Parce que le but, cétait de voir si les positions de lEurope et des Etats-Unis sur Kadhafi sont les mêmes. Cétait donc une réunion de travail entre des collègues européens et Hillary Clinton.
Q - Alain Juppé prend son temps à Bordeaux, cest son choix. Il est indépendant finalement cet Alain Juppé ?
R - Je vais vous donner mon sentiment personnel.
Q - Allez, mon cher Laurent Wauquiez. Allez-y !
R - Je trouve quil y a une certaine élégance de sa part là-dessus. La vie politique française, cest beaucoup de précipitation et dagitation. La diplomatie, cela demande un peu de recul. Et quAlain Juppé prenne son temps, je trouve que cela a une certaine élégance.
Q - Alors on va finir avec ça.
R - Oui.
Q - «Il sera moins présent à Bordeaux» - cest ce qua dit François Fillon. Réponse dAlain Juppé : «Je fais confiance surtout à moi-même pour organiser mon emploi du temps». Au moins, cest clair.
R - Oui, mais Alain Juppé il occupait quel poste juste avant ? Ministre de la Défense. Il a su concilier cela avec ses responsabilités de maire de Bordeaux. Il est très attendu sur le poste de ministre des Affaires étrangères et il faut bien se rappeler que, quand il y était, de 1993 à 1995, cela a été un des âges dor de la diplomatie française, une des périodes où vraiment on a fait face à des crises majeures en Europe et où cela a bien fonctionné. Donc, on lattend pour assurer la bonne marche de notre diplomatie.
Q - Cela marchait moins bien ces derniers temps parce que cétait géré de lElysée si je comprends bien, Laurent Wauquiez, non ? Il faut un homme indépendant à la tête de la diplomatie française, Laurent Wauquiez ?
R - On a besoin dun esprit libre et en même temps, il ne faut pas se tromper. La diplomatie française, et cela a toujours été sa force, cest un continuum : cest-à-dire il faut quil y ait une continuité depuis le premier rédacteur du Quai dOrsay
Q - Un pont, quoi. Un pont entre les deux rives de la Seine.
R - Oui, un pont entre le premier rédacteur du Quai qui apporte des idées, jusquau président de la République. Et cest cette continuité quil faut tenir absolument : il ne peut pas y avoir dopposition.
Q - «Mon peuple madore, il mourrait pour me protéger» : vous avez vu la dernière déclaration et interview de Kadhafi. Mais quallez-vous faire ? Quest-ce que vous vous êtes dit hier tous ensemble, lEurope, les Etats-Unis, aux Nations unies ? Quallez-vous faire de Kadhafi ?
R - Dabord, notre approche repose sur deux idées simples. La politique en Libye doit marcher sur deux jambes.
Pour linstant, dans lurgence, la première idée : pression maximale, et notamment de lUnion européenne, sur Kadhafi pour le pousser dehors. Et la deuxième : la situation humanitaire.
Q - On va revenir sur la situation humanitaire, mais comment le pousser dehors ? Comment ?
R - Dabord, premièrement : le gel complet des avoirs. Deuxièmement : lembargo sur les armes.
Q - Cest décidé ?
R - Exactement. Embargo sur les armes et sur tout le matériel de répression.
Troisièmement : interdiction de visas pour le circonscrire.
Parallèlement à cela, on a saisi - et cest une première - la Cour pénale internationale de façon unanime.
Cela nétait jamais arrivé dans la diplomatie internationale. La Chine est daccord, la Russie a été daccord, les Etats-Unis ont été daccord, les pays de lUnion européenne sont daccord. Donc cela signifie quaujourdhui Kadhafi est sous le coup dun mandat de la Cour pénale internationale où il devra rendre compte de ce quil fait.
Ensuite, se pose la question de jusquoù il va tenir.
Q - Quil démissionne ou quil meure, quoi ; cest ce que vous dites ?
R - Ce qui est important pour nous surtout, cest que son départ, quelle que soit la forme que cela prenne, ne se traduise pas par un bain de sang.
Q - Vous pensez quun pays pourrait laccueillir ? Non ? Ce nest plus possible maintenant puisque la Cour pénale internationale est saisie.
R - En tout cas, ce quil y a de clair, cest que où quil aille, il devra rendre des comptes et cela doit être bien clair. Et vraiment jinsiste là-dessus parce que je crois que, sur la Libye, on a un devoir dexemplarité.
Q - Mais Laurent Wauquiez, la sixième flotte américaine croise en Méditerranée. Est-ce que des navires français sapprochent des côtes libyennes aussi ? Des navires militaires, je parle de navires militaires.
R - On va se parler franchement sur les approches, et notamment les approches américaines et les approches européennes. Il y a en ce moment un débat de savoir si on doit mettre en place une opération aérienne pour interdire le survol du territoire libyen.
Q - Oui. Zone dexclusion aérienne dans le ciel libyen.
R - Cest cela, ce quon appelle, ce quHillary Clinton appelle la «no flying zone». Dans ce cadre-là, quelle est notre analyse ?
Dabord la première chose : comment ce serait perçu ? LOTAN met en place une opération militaire au-dessus de la Libye. Est-ce que cela ne peut pas être caricaturé ? Est-ce que cela ne peut pas se retourner contre nous en disant : voilà, lOccident agresse parce quil y a du pétrole en Libye ? Cest la première chose à laquelle on doit être attentif : quel signal politique serait envoyé si on met en place cette zone dinterdiction de survol ?
La deuxième chose : la Libye fait deux fois la taille de la France. Est-ce quon est capable de mettre en place une zone dinterdiction aérienne rapidement et qui soit efficace ?
Et puis la troisième chose, cest que, nous, il faut quon reste dans le cadre du droit et dans le respect du droit international. Donc si cela devait être mis en place, cela ne peut être que sur la base dune résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - Les Etats-Unis y sont favorables.
R - Les Etats-Unis y sont favorables. Nous, notre position, cest que ce nest pas la priorité. La priorité, cest de couper les avoirs, de couper les vivres, de couper les ressources disponibles de Kadhafi. Pourquoi ? Parce que le principal risque, cest quil utilise cet argent pour se payer des mercenaires et que cela lui permette de tenir la guerre.
Donc, ce quon doit faire, cest couper le robinet. Dabord, un, sassurer que largent du pétrole ne va pas à Kadhafi, et, deux, jinsiste beaucoup sur ce point, faire en sorte quil ne puisse pas vendre des avoirs et notamment des stock-options qui lui permettent ensuite de se payer une armée de mercenaires. Et sur ce point-là, la France est favorable à ce que lUnion européenne aille un peu plus loin que, pour linstant, ce qui est prévu.
Q - Cest-à-dire ?
R - Par exemple : le gouvernement libyen ou lEtat libyen possède des participations dans tel ou tel groupe européen ; lobjectif cest de sassurer quil ne puisse pas vendre ses participations et récupérer par le biais des stock-options cet argent pour pouvoir ensuite se payer des mercenaires.
Et donc on pousse une initiative européenne qui nous permette vraiment de contrôler tous les circuits dalimentation financiers qui pourraient nourrir la guerre en Libye.
Q - Sommet extraordinaire de lUnion européenne avant la fin de la semaine ?
R - En tout cas, cela fait partie de propositions qui ont été faites par la France.
Q - Je le sais. Soutenu par Catherine Ashton.
R - Oui, on travaille, on a un bon lien en ce moment là-dessus.
Q - Alors, cest Van Rompuy qui doit décider ?
R - Exactement, il est chargé de la coordination.
Q - Qui est chargé de la coordination. Cela va se faire ou pas ?
R - Je me suis entretenu de ce sujet hier avec la Présidence hongroise. Tout le monde est partisan.
Q - Donc il y aura un sommet extraordinaire avant la fin de la semaine de lUnion européenne ?
R - Cest à M. Van Rompuy de trouver le calendrier et le moment.
Q - Au début de la semaine prochaine au plus tard ? Il y aura un sommet ?
R - Oui, en tout cas, cest le souhait et la proposition de la France. Après pour lEurope, cest à vingt-sept que les décisions se prennent.
Q - Oui, et vous le savez, Laurent Wauquiez, mieux que moi : ce nest pas facile.
R - Oui. Ce nest pas facile mais cela marche.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mars 2011
R - La diplomatie française, cest un travail déquipe. Et pourquoi est-ce que jy étais ? Parce que le but, cétait de voir si les positions de lEurope et des Etats-Unis sur Kadhafi sont les mêmes. Cétait donc une réunion de travail entre des collègues européens et Hillary Clinton.
Q - Alain Juppé prend son temps à Bordeaux, cest son choix. Il est indépendant finalement cet Alain Juppé ?
R - Je vais vous donner mon sentiment personnel.
Q - Allez, mon cher Laurent Wauquiez. Allez-y !
R - Je trouve quil y a une certaine élégance de sa part là-dessus. La vie politique française, cest beaucoup de précipitation et dagitation. La diplomatie, cela demande un peu de recul. Et quAlain Juppé prenne son temps, je trouve que cela a une certaine élégance.
Q - Alors on va finir avec ça.
R - Oui.
Q - «Il sera moins présent à Bordeaux» - cest ce qua dit François Fillon. Réponse dAlain Juppé : «Je fais confiance surtout à moi-même pour organiser mon emploi du temps». Au moins, cest clair.
R - Oui, mais Alain Juppé il occupait quel poste juste avant ? Ministre de la Défense. Il a su concilier cela avec ses responsabilités de maire de Bordeaux. Il est très attendu sur le poste de ministre des Affaires étrangères et il faut bien se rappeler que, quand il y était, de 1993 à 1995, cela a été un des âges dor de la diplomatie française, une des périodes où vraiment on a fait face à des crises majeures en Europe et où cela a bien fonctionné. Donc, on lattend pour assurer la bonne marche de notre diplomatie.
Q - Cela marchait moins bien ces derniers temps parce que cétait géré de lElysée si je comprends bien, Laurent Wauquiez, non ? Il faut un homme indépendant à la tête de la diplomatie française, Laurent Wauquiez ?
R - On a besoin dun esprit libre et en même temps, il ne faut pas se tromper. La diplomatie française, et cela a toujours été sa force, cest un continuum : cest-à-dire il faut quil y ait une continuité depuis le premier rédacteur du Quai dOrsay
Q - Un pont, quoi. Un pont entre les deux rives de la Seine.
R - Oui, un pont entre le premier rédacteur du Quai qui apporte des idées, jusquau président de la République. Et cest cette continuité quil faut tenir absolument : il ne peut pas y avoir dopposition.
Q - «Mon peuple madore, il mourrait pour me protéger» : vous avez vu la dernière déclaration et interview de Kadhafi. Mais quallez-vous faire ? Quest-ce que vous vous êtes dit hier tous ensemble, lEurope, les Etats-Unis, aux Nations unies ? Quallez-vous faire de Kadhafi ?
R - Dabord, notre approche repose sur deux idées simples. La politique en Libye doit marcher sur deux jambes.
Pour linstant, dans lurgence, la première idée : pression maximale, et notamment de lUnion européenne, sur Kadhafi pour le pousser dehors. Et la deuxième : la situation humanitaire.
Q - On va revenir sur la situation humanitaire, mais comment le pousser dehors ? Comment ?
R - Dabord, premièrement : le gel complet des avoirs. Deuxièmement : lembargo sur les armes.
Q - Cest décidé ?
R - Exactement. Embargo sur les armes et sur tout le matériel de répression.
Troisièmement : interdiction de visas pour le circonscrire.
Parallèlement à cela, on a saisi - et cest une première - la Cour pénale internationale de façon unanime.
Cela nétait jamais arrivé dans la diplomatie internationale. La Chine est daccord, la Russie a été daccord, les Etats-Unis ont été daccord, les pays de lUnion européenne sont daccord. Donc cela signifie quaujourdhui Kadhafi est sous le coup dun mandat de la Cour pénale internationale où il devra rendre compte de ce quil fait.
Ensuite, se pose la question de jusquoù il va tenir.
Q - Quil démissionne ou quil meure, quoi ; cest ce que vous dites ?
R - Ce qui est important pour nous surtout, cest que son départ, quelle que soit la forme que cela prenne, ne se traduise pas par un bain de sang.
Q - Vous pensez quun pays pourrait laccueillir ? Non ? Ce nest plus possible maintenant puisque la Cour pénale internationale est saisie.
R - En tout cas, ce quil y a de clair, cest que où quil aille, il devra rendre des comptes et cela doit être bien clair. Et vraiment jinsiste là-dessus parce que je crois que, sur la Libye, on a un devoir dexemplarité.
Q - Mais Laurent Wauquiez, la sixième flotte américaine croise en Méditerranée. Est-ce que des navires français sapprochent des côtes libyennes aussi ? Des navires militaires, je parle de navires militaires.
R - On va se parler franchement sur les approches, et notamment les approches américaines et les approches européennes. Il y a en ce moment un débat de savoir si on doit mettre en place une opération aérienne pour interdire le survol du territoire libyen.
Q - Oui. Zone dexclusion aérienne dans le ciel libyen.
R - Cest cela, ce quon appelle, ce quHillary Clinton appelle la «no flying zone». Dans ce cadre-là, quelle est notre analyse ?
Dabord la première chose : comment ce serait perçu ? LOTAN met en place une opération militaire au-dessus de la Libye. Est-ce que cela ne peut pas être caricaturé ? Est-ce que cela ne peut pas se retourner contre nous en disant : voilà, lOccident agresse parce quil y a du pétrole en Libye ? Cest la première chose à laquelle on doit être attentif : quel signal politique serait envoyé si on met en place cette zone dinterdiction de survol ?
La deuxième chose : la Libye fait deux fois la taille de la France. Est-ce quon est capable de mettre en place une zone dinterdiction aérienne rapidement et qui soit efficace ?
Et puis la troisième chose, cest que, nous, il faut quon reste dans le cadre du droit et dans le respect du droit international. Donc si cela devait être mis en place, cela ne peut être que sur la base dune résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - Les Etats-Unis y sont favorables.
R - Les Etats-Unis y sont favorables. Nous, notre position, cest que ce nest pas la priorité. La priorité, cest de couper les avoirs, de couper les vivres, de couper les ressources disponibles de Kadhafi. Pourquoi ? Parce que le principal risque, cest quil utilise cet argent pour se payer des mercenaires et que cela lui permette de tenir la guerre.
Donc, ce quon doit faire, cest couper le robinet. Dabord, un, sassurer que largent du pétrole ne va pas à Kadhafi, et, deux, jinsiste beaucoup sur ce point, faire en sorte quil ne puisse pas vendre des avoirs et notamment des stock-options qui lui permettent ensuite de se payer une armée de mercenaires. Et sur ce point-là, la France est favorable à ce que lUnion européenne aille un peu plus loin que, pour linstant, ce qui est prévu.
Q - Cest-à-dire ?
R - Par exemple : le gouvernement libyen ou lEtat libyen possède des participations dans tel ou tel groupe européen ; lobjectif cest de sassurer quil ne puisse pas vendre ses participations et récupérer par le biais des stock-options cet argent pour pouvoir ensuite se payer des mercenaires.
Et donc on pousse une initiative européenne qui nous permette vraiment de contrôler tous les circuits dalimentation financiers qui pourraient nourrir la guerre en Libye.
Q - Sommet extraordinaire de lUnion européenne avant la fin de la semaine ?
R - En tout cas, cela fait partie de propositions qui ont été faites par la France.
Q - Je le sais. Soutenu par Catherine Ashton.
R - Oui, on travaille, on a un bon lien en ce moment là-dessus.
Q - Alors, cest Van Rompuy qui doit décider ?
R - Exactement, il est chargé de la coordination.
Q - Qui est chargé de la coordination. Cela va se faire ou pas ?
R - Je me suis entretenu de ce sujet hier avec la Présidence hongroise. Tout le monde est partisan.
Q - Donc il y aura un sommet extraordinaire avant la fin de la semaine de lUnion européenne ?
R - Cest à M. Van Rompuy de trouver le calendrier et le moment.
Q - Au début de la semaine prochaine au plus tard ? Il y aura un sommet ?
R - Oui, en tout cas, cest le souhait et la proposition de la France. Après pour lEurope, cest à vingt-sept que les décisions se prennent.
Q - Oui, et vous le savez, Laurent Wauquiez, mieux que moi : ce nest pas facile.
R - Oui. Ce nest pas facile mais cela marche.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mars 2011