Texte intégral
* Propos préliminaires de M. Mehdi Houas :
Je voudrais souhaiter la bienvenue à Frédéric Lefebvre, ministre du Tourisme, comme moi, du Commerce, comme moi, et de lArtisanat. Nous avons des portefeuilles qui sont équivalents, nous avons partagé beaucoup de points communs et je pense que nous avons pas mal de pages dhistoire à écrire en commun. Je voudrais le remercier très chaleureusement davoir accepté de venir nous témoigner son amitié et son soutien, remercier Boris Boillon, lambassadeur de France en Tunisie, et remercier toute la délégation qui est arrivée avec Monsieur le Ministre.
Je voudrais leur dire combien le tourisme est important pour notre pays, combien il pèse dans notre activité économique et combien il est important, après cette révolution qui a transposé la Tunisie dun monde à un autre, dun monde où le droit nétait pas respecté, un monde où les libertés nexistaient pas, à un monde où nous avons signé toutes les conventions internationales de respect des droits universels et où nous avons acquis le droit de siéger à la table des grands pays qui respectent les droits les plus élémentaires.
Nous avons maintenant comme responsabilité de relancer notre économie pour permettre de transformer cet essai et cet essai sera transformé le jour où des élections libres et démocratiques auront lieu. La date a été annoncée pour juillet prochain. Nous avons, dans le cadre du ministère que joccupe, une responsabilité importante à assumer puisque le tourisme a toujours été une tradition en Tunisie, le tourisme a toujours pesé sur le secteur économique tunisien, le tourisme représente près de 7% du PIB et fait vivre plus de 400.000 familles en emplois directs ou indirects. Et puis, le tourisme a toujours été limage que la Tunisie avait envie de montrer au monde extérieur. Monsieur le Ministre, merci encore une fois dêtre venu nous voir, avec les mains pleines.
* Propos préliminaires de M. Frédéric Lefebvre :
Merci, cher Mehdi Houas, Monsieur le Ministre. Merci à Slim Chaker qui ma accueilli tout à lheure à laéroport. Je veux vous dire, aux uns et aux autres, que ce nest pas la première fois que je viens en Tunisie. Jy suis venu quand jétais très jeune, avec mon épouse. Jen ai gardé de merveilleux souvenirs. Jen ai même gardé un tableau peint sur du verre par un jeune Tunisien, qui est encore chez moi et auquel jattache beaucoup de prix.
Quand jai foulé le sol tunisien, Slim Chaker qui était à mes côtés peut en témoigner, je lui ai fait part de mon émotion. Cela a été un moment de grande émotion. Je veux vous dire ladmiration et le respect que jai pour le peuple tunisien. Ce qui sest passé et ce qui se passe aujourdhui fait de la Tunisie une nation pionnière, comme on le voit avec les mouvements qui naissent dans des régions proches. Il y a un peuple qui a relevé la tête, un peuple qui a montré sa dignité, qui a montré sa force aussi. Je lai dit tout à lheure à Mehdi et je le redis : des millions de Français vous regardent avec beaucoup dadmiration et de respect. Cest une des raisons pour lesquelles je suis particulièrement heureux, particulièrement fier dêtre avec vous aujourdhui.
Christine Lagarde et Laurent Wauquiez sont venus il y a quelques jours. Je suis venu, moi, travailler concrètement sur un sujet que Mehdi et moi partageons quasiment en tous points puisque nous avons des portefeuilles qui sont très proches. Il mesure comme moi combien il est essentiel de mêler lartisanat, le tourisme et le commerce parce que cela constitue un élément de force pour développer le tourisme.
Il y a des sujets sur lesquels nous nous sommes dit que nous allions travailler. Jai dailleurs invité Mehdi a venir à Paris et nous allons mettre en place des groupes de travail sur un certain nombre de sujets. Je le dis avec beaucoup dhumilité, nous avons parlé par exemple du classement des hôtels. La France vient à peine de changer son classement hôtelier puisque nous nétions pas aux normes internationales. Alors tout ce que nous pourrons faire pour vous aider à aller un peu plus vite et éviter un certain nombre de points de blocage, nous essayerons de le faire ensemble.
Et puis jai vu, de Paris, ce que vous aviez lancé en matière de communication sur le tourisme. Enfin libre de bronzer !. Je veux dire aux millions de Français aujourdhui que cette émotion que jai vécue, cest le moment quils viennent en Tunisie pour la vivre eux aussi. Jai rencontré des acteurs du tourisme et je suis venu moi-même avec M. Chikli, du Centre détudes des tours opérateurs français (CETO), ainsi que M. Colson, responsable des agences de voyage (SNAV) qui sont des partenaires historiques de la Tunisie. Ce que je veux vous dire, cest quil y a une vraie mobilisation en France, au-delà du gouvernement, au-delà de moi-même, pour essayer de participer à ce mouvement et vous aider à réussir, sur le tourisme, à changer les choses.
Ainsi, le groupe daffichage mondialement connu Decaux ma adressé un courrier que jai remis à Mehdi Houas tout à lheure. Il se propose dans ce courrier de discuter avec vos équipes des conditions dune campagne qui sera gratuite pour relayer la campagne que vous êtes en train de construire aujourdhui en Tunisie. À travers cette campagne, vous pourrez vous adresser à la fois aux Français et aux Européens puisque Roissy, par exemple, est lun des principaux hubbs par lesquels passent les touristes dEurope. Il y donc là une possibilité de valoriser une campagne qui a retenu mon attention parce que je crois vraiment que les Français, si attachés eux-mêmes à la Révolution quils ont vécue, auront à cur de venir partager son histoire avec le peuple tunisien.
Par ailleurs, il y a dautres sujets sur lesquels nous avons décidé de travailler. Sur la partie tourisme, jaurai loccasion tout à lheure de visiter un centre de formation financé par lAgence française de développement (AFD). Il faut, sur un certain nombre de sujets, que nous développions cette idée de renforcer nos liens en matière de formation. Il y a déjà beaucoup de choses, me disait Mehdi, qui ont été enclenchées au niveau du tourisme et nous allons essayer denclencher des choses sur lartisanat.
Peut-être quun certain nombre dentre vous ont vu que le président de la République française était hier dans un centre dapprentissage, en Seine-Saint-Denis, présidé par un garçon formidable qui sappelle M. Toulmet. Nadine Morano, ministre de lApprentissage, et moi même avons donné à M. Toulmet une mission qui comporte un échange de savoir-faire avec les pays du Maghreb. Nous avons convenu avec Mehdi quil rencontrera Patrick Toumet à loccasion de son passage en France pour voir comment on peut essayer de travailler là dessus.
Moi-même, ministre du Tourisme depuis quelques mois seulement, je suis en train dessayer de changer les choses en profondeur. Il y a beaucoup de sujets sur lesquels je ne viens pas vous donner de leçons. Sur laccueil, par exemple, jai réuni hier matin tous les acteurs français de laccueil en matière touristique pour que nous signions une charte afin de changer les choses, parce que nous avons évidemment beaucoup de progrès à faire. Nous en avons fait sur le classement hôtelier, il y a quelques mois, et nous travaillons sur laccueil aujourdhui.
Sur les questions de tourisme, dartisanat et de commerce, notre idée, cest dessayer de monter un séminaire commun, peut-être avant lété, pour essayer de voir comment nous pouvons nous enrichir de nos expériences respectives puisque Mehdi comme moi essayons de bouger un certain nombre de choses dans ce secteur.
Je répondrai évidemment à toutes vos questions. La France, vous lavez compris, entend se tenir au côté du peuple tunisien, dans un secteur essentiel qui concerne tellement demplois et dans lequel une chute brutale dans les semaines et les mois qui viennent serait une catastrophe. Nous allons donc nous donner ensemble les moyens de redresser les choses pour obtenir des résultats rapidement.
Question : Tout ce quon vient découter est très beau mais tout cela, cest politique. Or, certains tours opérateurs français indiquent encore à ce jour à travers leurs réseaux que la Tunisie est une destination touristique à haut risque. Que pouvons-nous attendre de la part du ministère tunisien pour bloquer ce genre de message ? Il y a aussi des tours opérateurs français qui demandent aux opérateurs tunisiens, hôteliers ou agences de voyage, de brader leurs prix jusquà 50%.
Réponse de M. Mehdi Houas : Je vais commencer à répondre. Encore une fois, je dis que ce pays est formidable et quil sest transformé à une allure extraordinaire. Il y a deux mois, ce genre de questions franches et directes nétait pas possible et aujourdhui cest possible, ce qui permet davancer beaucoup plus vite dans le débat. Je vous en remercie.
Je pense que la visite de M. le Ministre et de sa délégation est en elle-même une première réponse apportée à ceux qui, fatalement, vont essayer de profiter de la situation.
La deuxième réponse que nous allons apporter en partenariat - et le cadeau que nous fait Decaux va y contribuer - cest de communiquer sur le vrai visage de la Tunisie. Nous en parlions tout à lheure en réunion, lidée, ce nest pas de montrer une Tunisie masquée, comme on le faisait auparavant, avec la plage, le soleil et rien dautre. Aujourdhui, il sagit de montrer la Tunisie telle quelle est parce que nous sommes persuadés quelle est magnifique. Elle a gardé ses plages, son soleil et en plus elle a un peuple formidable, digne, qui a réussi à la transformer à une allure extraordinaire et cest cette communication que nous allons véhiculer.
Aujourdhui, je pense que le message que nous apporte Frédéric Lefebvre nest pas un message politique. Il sest déplacé en visite officielle, avec les professionnels du tourisme et je crois quà son retour les médias français vont constater que la Tunisie daujourdhui, dans le domaine touristique, est loin, loin dêtre une destination à haut risque. La sécurité des touristes est parfaitement garantie et cela cest une réponse claire, nette et concrète.
Réponse de M. Frédéric Lefebvre : Merci de votre question parce quelle va me permettre de vous dire comment jai voulu quon construise ce voyage. Et je remercie Boris Boillon de lavoir conçu de cette façon. Je voulais évidemment travailler en réunion et je voulais aller sur le terrain ensuite. Pourquoi je voulais être sur le terrain ? Parce que je voulais rencontrer et je vais le faire des touristes français. Je voulais rencontrer aussi des acteurs du tourisme en Tunisie.
Croyez-moi, les patrons des fédérations qui sont venus avec moi ont bien entendu le message que vous venez de passer. Sur ce point, nous avons eu une discussion tout à lheure, avec notamment notre représentant des agences de voyage, et je vais me permettre den dévoiler quelques éléments. Il a dit exactement ce que affirmiez tout à lheure sur le bradage des prix. Il faut que vous compreniez que la logique dans laquelle nous sommes ne consiste surtout pas, justement, à vous demander de brader. Au contraire ! Toute la démarche que nous sommes en train dessayer de construire et sur laquelle nous nous sommes donné un calendrier, puisque Mehdi Houas viendra avant la fin du mois de mars et que le séminaire dont je parlais tout à lheure aura lieu avant lété, en Tunisie, indique le contraire.
Je suis venu aussi avec un certain nombre de représentants de la presse et des médias français qui sont friands de voir la réalité sur le terrain puisque, le 12 février dabord et le 15 février ensuite, nous avons levé toutes les interdictions sur la côte qui est, vous le savez, la destination touristique des Français. Ce nest quand même pas rien, la Tunisie est la première destination hors Europe du peuple français avec 1.400.000 touristes. En 2010, il y avait dailleurs eu une augmentation assez sensible, de lordre de 3 à 4%, par rapport à 2009.
Ensemble, nous pouvons travailler sur la façon de valoriser le patrimoine grâce à lartisanat et grâce à la culture, comme je le fais en France avec le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. Nous sommes en train de travailler tous les deux sur ce point, y compris avec des équipements touristiques et hôteliers liés directement à notre patrimoine, comme ont pu le faire certains de nos voisins. Je pense aux Espagnols qui lont fait avec les paradors. Il se trouve que Mehdi Houas réfléchit à la même chose. Nous allons donc travailler sur tout cela.
Mehdi disait tout à lheure que la Tunisie portait un masque et quelle ne la plus. Je crois que cest cela limportant, que les Français puissent découvrir la Tunisie au delà de ce quils voyaient avant. Je vous ai dit que lorsque jétais venu adolescent, javais acheté une uvre avec des couleurs merveilleuses à un jeune qui peignait dans la rue. Limportant, ce nest pas seulement que les touristes se retrouvent parqués dans des hôtels, sur le bord des plages, avec le soleil, sans voir la vie. Ce qui est intéressant, cest de développer une autre forme de tourisme et cest à cela que nous allons essayer de travailler tous les deux.
Je suis venu pour essayer de donner de lécho en France à ce que vous êtes en train de faire, pour que mes compatriotes mesurent ce qui est en train de se passer et sachent que le tourisme en Tunisie va évoluer. Vous savez, nous avons le même problème, nous en avons parlé tous les deux. Vous, vous avez été dépassé en matière de tourisme par le Maroc. Nous, nous avons été dépassés par les Espagnols. Nous avons des problématiques à peu près identiques. Cest-à-dire que la France est numéro un en fréquentation mais en chiffre daffaires nous ne sommes plus que numéro trois et les Espagnols sont devant nous ; Vous, vous avez des touristes qui dépensent moins en Tunisie quils dépensent dans dautres pays. Alors nous sommes dans la même logique.
Je ne sais pas si je vous ai totalement rassuré mais nous sommes vraiment dans cette volonté de trouver des chemins et de se nourrir lun lautre de nos expériences.
Question : Nous, nous avons besoin davoir accès libre en France, parce que le tourisme est aussi laffaire des journalistes. Seriez-vous partant, en tant que ministère, pour organiser un forum avec tous les intervenants du tourisme ? Est-ce que la presse sera présente dans votre programme ? Comment convaincre, côté français et côté tunisien, sans la presse ?
Réponse de M. Frédéric Lefebvre : Je vous réponds oui. Cest exactement lidée de ce séminaire. La réunion avec les professionnels, tours opérateurs et agences de voyage des deux pays qui travaillent ensemble depuis longtemps, nous venons de la faire. Si on se revoit avant lété, ce nest pas pour faire la même chose. Cest au contraire pour quil y ait des gens de la société civile tunisienne et des gens de la société civile française qui viennent et qui échangent : des artisans, des professionnels du tourisme, des patrons dhôtel, des chauffeurs de taxi, cest-à-dire les gens qui font la réalité du tourisme tous les jours. Cest exactement dans cet esprit que nous voulons construire ce rendez-vous.
Jajoute je crois que Christine Lagarde, lorsquelle est venue, vous la dit que lun des éléments essentiels dans le plan de soutien de la France à la Tunisie, cest notre volonté dapprendre à échanger avec la société civile tunisienne, y compris avec la totalité des formations politiques. À lambassade, cest aujourdhui inscrit dans les plans pour les jours qui viennent et les semaines qui viennent.
Vous êtes ici très nombreux et vous voyez que jai plaisir à discuter avec vous, les journalistes. Je ne demande que cela car vous êtes les relais de ce que nous sommes en train de faire. En France, on dit quil y a le savoir-faire et le faire-savoir. Avec du savoir-faire sans le faire savoir, on a du mal à atteindre sa cible. Aujourdhui, si on veut changer les choses, il faut à la fois que le peuple français et le peuple tunisien mesurent que lon veut changer les choses.
Question : Ne pensez-vous pas que la promotion de la destination Tunisie nécessite un travail en profondeur en faisant appel, peut-être, à la Fédération française des agences de voyage pour mettre en valeur et mettre en évidence la destination Tunisie. Jai eu loccasion de constater que lorsque les Français quittent lEurope, leur destination préférée est la Tunisie mais cela na bizarrement jamais été une destination mise en valeur dans les guides touristiques. Ils viennent en Tunisie parce que cest moins cher mais pas forcément parce quil y a dautres arguments.
En ce qui concerne le contrat qui pourrait être signé avec J-C Decaux, qui est le numéro un mondial, je pense, de laffichage urbain, et qui possède un réseau très étendu dans le monde, est-ce que la campagne sera limitée au sol français ou et-ce que lon pourra profiter du réseau international de J-C Decaux ?
Réponse de M. Mehdi Houas : Sur laffichage, je précise que nous navons pas signé un contrat avec Decaux. Cest Decaux qui nous offre gracieusement une campagne daffichage sur Paris. Le protocole que nous allons signer va consister à définir les modalités de cet affichage, le contenu étant à notre charge. Est-ce quil est indélicat de lui demander délargir le cercle ? Nous allons essayer dexpliquer que notre ambition est plus grande et quil ya dautres aéroports, au Moyen-Orient, dans lesquels Decaux est présent et où lon pourrait peut-être élargir la cible.
Réponse de M. Slim Chaker : Le véritable travail sur limage de la Tunisie sera un travail de long terme qui sera fait après les élections, par des agences spécialisées. Si vous voulez travailler sur limage dun pays, il y a plusieurs paramètres à mettre en place : la bonne gouvernance, lhistoire du pays, la culture de ce pays, les droits de lhomme, la liberté, la démocratie. Il y a tout cela à mettre en place. Cest donc un travail qui met à contribution toutes les composantes de la société tunisienne : société civile, partis politiques, professeurs duniversité, etc., pour que chacun dentre nous se reconnaisse dans cette image. Cela ne sert absolument à rien de construire une image si chaque Tunisien et chaque Tunisienne ne se reconnaît pas dans cette image.
Réponse de M. Frédéric Lefebvre : À moi de vous répondre. Vous me demandez sil nest pas nécessaire daméliorer la manière dont la France vend à mes compatriotes la destination Tunisie. Je nai pas dit : on va construire en France une campagne avec les professionnels pour définir comment il faut que nous vendions la Tunisie mais je viens au contraire avec un partenaire, qui est Decaux, et qui dit : joffre à la Tunisie le moyen dexprimer la manière dont elle veut, elle, vendre la destination Tunisie. Cest cela, le changement. Cest vous qui allez communiquer avec la population française à travers une campagne. Cest un moyen de vous donner la parole en France, à travers cet espace que Decaux, vous offre pour que vous fassiez passer ce vent de liberté et cette émotion qui soufflent en Tunisie.
Tout ce que nous voulons construire ensuite vise justement à changer limage de la destination pour que toute la dimension, si importante, de votre histoire, de votre patrimoine, de votre culture, de vos artisans, de votre art, qui nest pas suffisamment mise en valeur aujourdhui, puisse lêtre. Cest pour cela que nous voulons tenir ce séminaire, pour changer de type de tourisme. Nous allons chercher sur quels atouts la Tunisie peut sappuyer pour vendre son tourisme. Nous allons agir un peu en parallèle sur la manière de vendre, nous la destination France et vous la destination Tunisie.
Source http://www.ambassadefrance-tn.org, le 4 mars 2011
Je voudrais souhaiter la bienvenue à Frédéric Lefebvre, ministre du Tourisme, comme moi, du Commerce, comme moi, et de lArtisanat. Nous avons des portefeuilles qui sont équivalents, nous avons partagé beaucoup de points communs et je pense que nous avons pas mal de pages dhistoire à écrire en commun. Je voudrais le remercier très chaleureusement davoir accepté de venir nous témoigner son amitié et son soutien, remercier Boris Boillon, lambassadeur de France en Tunisie, et remercier toute la délégation qui est arrivée avec Monsieur le Ministre.
Je voudrais leur dire combien le tourisme est important pour notre pays, combien il pèse dans notre activité économique et combien il est important, après cette révolution qui a transposé la Tunisie dun monde à un autre, dun monde où le droit nétait pas respecté, un monde où les libertés nexistaient pas, à un monde où nous avons signé toutes les conventions internationales de respect des droits universels et où nous avons acquis le droit de siéger à la table des grands pays qui respectent les droits les plus élémentaires.
Nous avons maintenant comme responsabilité de relancer notre économie pour permettre de transformer cet essai et cet essai sera transformé le jour où des élections libres et démocratiques auront lieu. La date a été annoncée pour juillet prochain. Nous avons, dans le cadre du ministère que joccupe, une responsabilité importante à assumer puisque le tourisme a toujours été une tradition en Tunisie, le tourisme a toujours pesé sur le secteur économique tunisien, le tourisme représente près de 7% du PIB et fait vivre plus de 400.000 familles en emplois directs ou indirects. Et puis, le tourisme a toujours été limage que la Tunisie avait envie de montrer au monde extérieur. Monsieur le Ministre, merci encore une fois dêtre venu nous voir, avec les mains pleines.
* Propos préliminaires de M. Frédéric Lefebvre :
Merci, cher Mehdi Houas, Monsieur le Ministre. Merci à Slim Chaker qui ma accueilli tout à lheure à laéroport. Je veux vous dire, aux uns et aux autres, que ce nest pas la première fois que je viens en Tunisie. Jy suis venu quand jétais très jeune, avec mon épouse. Jen ai gardé de merveilleux souvenirs. Jen ai même gardé un tableau peint sur du verre par un jeune Tunisien, qui est encore chez moi et auquel jattache beaucoup de prix.
Quand jai foulé le sol tunisien, Slim Chaker qui était à mes côtés peut en témoigner, je lui ai fait part de mon émotion. Cela a été un moment de grande émotion. Je veux vous dire ladmiration et le respect que jai pour le peuple tunisien. Ce qui sest passé et ce qui se passe aujourdhui fait de la Tunisie une nation pionnière, comme on le voit avec les mouvements qui naissent dans des régions proches. Il y a un peuple qui a relevé la tête, un peuple qui a montré sa dignité, qui a montré sa force aussi. Je lai dit tout à lheure à Mehdi et je le redis : des millions de Français vous regardent avec beaucoup dadmiration et de respect. Cest une des raisons pour lesquelles je suis particulièrement heureux, particulièrement fier dêtre avec vous aujourdhui.
Christine Lagarde et Laurent Wauquiez sont venus il y a quelques jours. Je suis venu, moi, travailler concrètement sur un sujet que Mehdi et moi partageons quasiment en tous points puisque nous avons des portefeuilles qui sont très proches. Il mesure comme moi combien il est essentiel de mêler lartisanat, le tourisme et le commerce parce que cela constitue un élément de force pour développer le tourisme.
Il y a des sujets sur lesquels nous nous sommes dit que nous allions travailler. Jai dailleurs invité Mehdi a venir à Paris et nous allons mettre en place des groupes de travail sur un certain nombre de sujets. Je le dis avec beaucoup dhumilité, nous avons parlé par exemple du classement des hôtels. La France vient à peine de changer son classement hôtelier puisque nous nétions pas aux normes internationales. Alors tout ce que nous pourrons faire pour vous aider à aller un peu plus vite et éviter un certain nombre de points de blocage, nous essayerons de le faire ensemble.
Et puis jai vu, de Paris, ce que vous aviez lancé en matière de communication sur le tourisme. Enfin libre de bronzer !. Je veux dire aux millions de Français aujourdhui que cette émotion que jai vécue, cest le moment quils viennent en Tunisie pour la vivre eux aussi. Jai rencontré des acteurs du tourisme et je suis venu moi-même avec M. Chikli, du Centre détudes des tours opérateurs français (CETO), ainsi que M. Colson, responsable des agences de voyage (SNAV) qui sont des partenaires historiques de la Tunisie. Ce que je veux vous dire, cest quil y a une vraie mobilisation en France, au-delà du gouvernement, au-delà de moi-même, pour essayer de participer à ce mouvement et vous aider à réussir, sur le tourisme, à changer les choses.
Ainsi, le groupe daffichage mondialement connu Decaux ma adressé un courrier que jai remis à Mehdi Houas tout à lheure. Il se propose dans ce courrier de discuter avec vos équipes des conditions dune campagne qui sera gratuite pour relayer la campagne que vous êtes en train de construire aujourdhui en Tunisie. À travers cette campagne, vous pourrez vous adresser à la fois aux Français et aux Européens puisque Roissy, par exemple, est lun des principaux hubbs par lesquels passent les touristes dEurope. Il y donc là une possibilité de valoriser une campagne qui a retenu mon attention parce que je crois vraiment que les Français, si attachés eux-mêmes à la Révolution quils ont vécue, auront à cur de venir partager son histoire avec le peuple tunisien.
Par ailleurs, il y a dautres sujets sur lesquels nous avons décidé de travailler. Sur la partie tourisme, jaurai loccasion tout à lheure de visiter un centre de formation financé par lAgence française de développement (AFD). Il faut, sur un certain nombre de sujets, que nous développions cette idée de renforcer nos liens en matière de formation. Il y a déjà beaucoup de choses, me disait Mehdi, qui ont été enclenchées au niveau du tourisme et nous allons essayer denclencher des choses sur lartisanat.
Peut-être quun certain nombre dentre vous ont vu que le président de la République française était hier dans un centre dapprentissage, en Seine-Saint-Denis, présidé par un garçon formidable qui sappelle M. Toulmet. Nadine Morano, ministre de lApprentissage, et moi même avons donné à M. Toulmet une mission qui comporte un échange de savoir-faire avec les pays du Maghreb. Nous avons convenu avec Mehdi quil rencontrera Patrick Toumet à loccasion de son passage en France pour voir comment on peut essayer de travailler là dessus.
Moi-même, ministre du Tourisme depuis quelques mois seulement, je suis en train dessayer de changer les choses en profondeur. Il y a beaucoup de sujets sur lesquels je ne viens pas vous donner de leçons. Sur laccueil, par exemple, jai réuni hier matin tous les acteurs français de laccueil en matière touristique pour que nous signions une charte afin de changer les choses, parce que nous avons évidemment beaucoup de progrès à faire. Nous en avons fait sur le classement hôtelier, il y a quelques mois, et nous travaillons sur laccueil aujourdhui.
Sur les questions de tourisme, dartisanat et de commerce, notre idée, cest dessayer de monter un séminaire commun, peut-être avant lété, pour essayer de voir comment nous pouvons nous enrichir de nos expériences respectives puisque Mehdi comme moi essayons de bouger un certain nombre de choses dans ce secteur.
Je répondrai évidemment à toutes vos questions. La France, vous lavez compris, entend se tenir au côté du peuple tunisien, dans un secteur essentiel qui concerne tellement demplois et dans lequel une chute brutale dans les semaines et les mois qui viennent serait une catastrophe. Nous allons donc nous donner ensemble les moyens de redresser les choses pour obtenir des résultats rapidement.
Question : Tout ce quon vient découter est très beau mais tout cela, cest politique. Or, certains tours opérateurs français indiquent encore à ce jour à travers leurs réseaux que la Tunisie est une destination touristique à haut risque. Que pouvons-nous attendre de la part du ministère tunisien pour bloquer ce genre de message ? Il y a aussi des tours opérateurs français qui demandent aux opérateurs tunisiens, hôteliers ou agences de voyage, de brader leurs prix jusquà 50%.
Réponse de M. Mehdi Houas : Je vais commencer à répondre. Encore une fois, je dis que ce pays est formidable et quil sest transformé à une allure extraordinaire. Il y a deux mois, ce genre de questions franches et directes nétait pas possible et aujourdhui cest possible, ce qui permet davancer beaucoup plus vite dans le débat. Je vous en remercie.
Je pense que la visite de M. le Ministre et de sa délégation est en elle-même une première réponse apportée à ceux qui, fatalement, vont essayer de profiter de la situation.
La deuxième réponse que nous allons apporter en partenariat - et le cadeau que nous fait Decaux va y contribuer - cest de communiquer sur le vrai visage de la Tunisie. Nous en parlions tout à lheure en réunion, lidée, ce nest pas de montrer une Tunisie masquée, comme on le faisait auparavant, avec la plage, le soleil et rien dautre. Aujourdhui, il sagit de montrer la Tunisie telle quelle est parce que nous sommes persuadés quelle est magnifique. Elle a gardé ses plages, son soleil et en plus elle a un peuple formidable, digne, qui a réussi à la transformer à une allure extraordinaire et cest cette communication que nous allons véhiculer.
Aujourdhui, je pense que le message que nous apporte Frédéric Lefebvre nest pas un message politique. Il sest déplacé en visite officielle, avec les professionnels du tourisme et je crois quà son retour les médias français vont constater que la Tunisie daujourdhui, dans le domaine touristique, est loin, loin dêtre une destination à haut risque. La sécurité des touristes est parfaitement garantie et cela cest une réponse claire, nette et concrète.
Réponse de M. Frédéric Lefebvre : Merci de votre question parce quelle va me permettre de vous dire comment jai voulu quon construise ce voyage. Et je remercie Boris Boillon de lavoir conçu de cette façon. Je voulais évidemment travailler en réunion et je voulais aller sur le terrain ensuite. Pourquoi je voulais être sur le terrain ? Parce que je voulais rencontrer et je vais le faire des touristes français. Je voulais rencontrer aussi des acteurs du tourisme en Tunisie.
Croyez-moi, les patrons des fédérations qui sont venus avec moi ont bien entendu le message que vous venez de passer. Sur ce point, nous avons eu une discussion tout à lheure, avec notamment notre représentant des agences de voyage, et je vais me permettre den dévoiler quelques éléments. Il a dit exactement ce que affirmiez tout à lheure sur le bradage des prix. Il faut que vous compreniez que la logique dans laquelle nous sommes ne consiste surtout pas, justement, à vous demander de brader. Au contraire ! Toute la démarche que nous sommes en train dessayer de construire et sur laquelle nous nous sommes donné un calendrier, puisque Mehdi Houas viendra avant la fin du mois de mars et que le séminaire dont je parlais tout à lheure aura lieu avant lété, en Tunisie, indique le contraire.
Je suis venu aussi avec un certain nombre de représentants de la presse et des médias français qui sont friands de voir la réalité sur le terrain puisque, le 12 février dabord et le 15 février ensuite, nous avons levé toutes les interdictions sur la côte qui est, vous le savez, la destination touristique des Français. Ce nest quand même pas rien, la Tunisie est la première destination hors Europe du peuple français avec 1.400.000 touristes. En 2010, il y avait dailleurs eu une augmentation assez sensible, de lordre de 3 à 4%, par rapport à 2009.
Ensemble, nous pouvons travailler sur la façon de valoriser le patrimoine grâce à lartisanat et grâce à la culture, comme je le fais en France avec le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. Nous sommes en train de travailler tous les deux sur ce point, y compris avec des équipements touristiques et hôteliers liés directement à notre patrimoine, comme ont pu le faire certains de nos voisins. Je pense aux Espagnols qui lont fait avec les paradors. Il se trouve que Mehdi Houas réfléchit à la même chose. Nous allons donc travailler sur tout cela.
Mehdi disait tout à lheure que la Tunisie portait un masque et quelle ne la plus. Je crois que cest cela limportant, que les Français puissent découvrir la Tunisie au delà de ce quils voyaient avant. Je vous ai dit que lorsque jétais venu adolescent, javais acheté une uvre avec des couleurs merveilleuses à un jeune qui peignait dans la rue. Limportant, ce nest pas seulement que les touristes se retrouvent parqués dans des hôtels, sur le bord des plages, avec le soleil, sans voir la vie. Ce qui est intéressant, cest de développer une autre forme de tourisme et cest à cela que nous allons essayer de travailler tous les deux.
Je suis venu pour essayer de donner de lécho en France à ce que vous êtes en train de faire, pour que mes compatriotes mesurent ce qui est en train de se passer et sachent que le tourisme en Tunisie va évoluer. Vous savez, nous avons le même problème, nous en avons parlé tous les deux. Vous, vous avez été dépassé en matière de tourisme par le Maroc. Nous, nous avons été dépassés par les Espagnols. Nous avons des problématiques à peu près identiques. Cest-à-dire que la France est numéro un en fréquentation mais en chiffre daffaires nous ne sommes plus que numéro trois et les Espagnols sont devant nous ; Vous, vous avez des touristes qui dépensent moins en Tunisie quils dépensent dans dautres pays. Alors nous sommes dans la même logique.
Je ne sais pas si je vous ai totalement rassuré mais nous sommes vraiment dans cette volonté de trouver des chemins et de se nourrir lun lautre de nos expériences.
Question : Nous, nous avons besoin davoir accès libre en France, parce que le tourisme est aussi laffaire des journalistes. Seriez-vous partant, en tant que ministère, pour organiser un forum avec tous les intervenants du tourisme ? Est-ce que la presse sera présente dans votre programme ? Comment convaincre, côté français et côté tunisien, sans la presse ?
Réponse de M. Frédéric Lefebvre : Je vous réponds oui. Cest exactement lidée de ce séminaire. La réunion avec les professionnels, tours opérateurs et agences de voyage des deux pays qui travaillent ensemble depuis longtemps, nous venons de la faire. Si on se revoit avant lété, ce nest pas pour faire la même chose. Cest au contraire pour quil y ait des gens de la société civile tunisienne et des gens de la société civile française qui viennent et qui échangent : des artisans, des professionnels du tourisme, des patrons dhôtel, des chauffeurs de taxi, cest-à-dire les gens qui font la réalité du tourisme tous les jours. Cest exactement dans cet esprit que nous voulons construire ce rendez-vous.
Jajoute je crois que Christine Lagarde, lorsquelle est venue, vous la dit que lun des éléments essentiels dans le plan de soutien de la France à la Tunisie, cest notre volonté dapprendre à échanger avec la société civile tunisienne, y compris avec la totalité des formations politiques. À lambassade, cest aujourdhui inscrit dans les plans pour les jours qui viennent et les semaines qui viennent.
Vous êtes ici très nombreux et vous voyez que jai plaisir à discuter avec vous, les journalistes. Je ne demande que cela car vous êtes les relais de ce que nous sommes en train de faire. En France, on dit quil y a le savoir-faire et le faire-savoir. Avec du savoir-faire sans le faire savoir, on a du mal à atteindre sa cible. Aujourdhui, si on veut changer les choses, il faut à la fois que le peuple français et le peuple tunisien mesurent que lon veut changer les choses.
Question : Ne pensez-vous pas que la promotion de la destination Tunisie nécessite un travail en profondeur en faisant appel, peut-être, à la Fédération française des agences de voyage pour mettre en valeur et mettre en évidence la destination Tunisie. Jai eu loccasion de constater que lorsque les Français quittent lEurope, leur destination préférée est la Tunisie mais cela na bizarrement jamais été une destination mise en valeur dans les guides touristiques. Ils viennent en Tunisie parce que cest moins cher mais pas forcément parce quil y a dautres arguments.
En ce qui concerne le contrat qui pourrait être signé avec J-C Decaux, qui est le numéro un mondial, je pense, de laffichage urbain, et qui possède un réseau très étendu dans le monde, est-ce que la campagne sera limitée au sol français ou et-ce que lon pourra profiter du réseau international de J-C Decaux ?
Réponse de M. Mehdi Houas : Sur laffichage, je précise que nous navons pas signé un contrat avec Decaux. Cest Decaux qui nous offre gracieusement une campagne daffichage sur Paris. Le protocole que nous allons signer va consister à définir les modalités de cet affichage, le contenu étant à notre charge. Est-ce quil est indélicat de lui demander délargir le cercle ? Nous allons essayer dexpliquer que notre ambition est plus grande et quil ya dautres aéroports, au Moyen-Orient, dans lesquels Decaux est présent et où lon pourrait peut-être élargir la cible.
Réponse de M. Slim Chaker : Le véritable travail sur limage de la Tunisie sera un travail de long terme qui sera fait après les élections, par des agences spécialisées. Si vous voulez travailler sur limage dun pays, il y a plusieurs paramètres à mettre en place : la bonne gouvernance, lhistoire du pays, la culture de ce pays, les droits de lhomme, la liberté, la démocratie. Il y a tout cela à mettre en place. Cest donc un travail qui met à contribution toutes les composantes de la société tunisienne : société civile, partis politiques, professeurs duniversité, etc., pour que chacun dentre nous se reconnaisse dans cette image. Cela ne sert absolument à rien de construire une image si chaque Tunisien et chaque Tunisienne ne se reconnaît pas dans cette image.
Réponse de M. Frédéric Lefebvre : À moi de vous répondre. Vous me demandez sil nest pas nécessaire daméliorer la manière dont la France vend à mes compatriotes la destination Tunisie. Je nai pas dit : on va construire en France une campagne avec les professionnels pour définir comment il faut que nous vendions la Tunisie mais je viens au contraire avec un partenaire, qui est Decaux, et qui dit : joffre à la Tunisie le moyen dexprimer la manière dont elle veut, elle, vendre la destination Tunisie. Cest cela, le changement. Cest vous qui allez communiquer avec la population française à travers une campagne. Cest un moyen de vous donner la parole en France, à travers cet espace que Decaux, vous offre pour que vous fassiez passer ce vent de liberté et cette émotion qui soufflent en Tunisie.
Tout ce que nous voulons construire ensuite vise justement à changer limage de la destination pour que toute la dimension, si importante, de votre histoire, de votre patrimoine, de votre culture, de vos artisans, de votre art, qui nest pas suffisamment mise en valeur aujourdhui, puisse lêtre. Cest pour cela que nous voulons tenir ce séminaire, pour changer de type de tourisme. Nous allons chercher sur quels atouts la Tunisie peut sappuyer pour vendre son tourisme. Nous allons agir un peu en parallèle sur la manière de vendre, nous la destination France et vous la destination Tunisie.
Source http://www.ambassadefrance-tn.org, le 4 mars 2011