Point de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur la réélection de M. Kofi Annan, l'action de l'ONU en Afrique et les relations entre la France et le Nigéria, Abuja, Nigéria, le 28 juin 2001.

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Circonstance : Voyage de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, au Nigéria, le 28 juin 2001

Texte intégral

Q - Que pense la France de la réélection de Kofi Annan ?
R - Nous en sommes très heureux. Nous l'avons souhaitée, nous y étions favorables et nous l'avions déjà félicité. Nous pensons qu'il a fait un travail formidable qui fait honneur à l'Afrique toute entière et que c'est certainement l'un des meilleurs secrétaires généraux qu'ait eu l'ONU. Et nous continuerons à coopérer avec lui avec beaucoup de confiance.
Q - Que va faire la France pour alléger la dette du Nigeria ?
R - En ce qui concerne la question de la dette, la France est, je crois, le pays occidental le plus sensible à cette question. Et, d'ailleurs, le mouvement d'allégement de la dette a été lancé par la France au sein du G7 à la fin des années 80. Mais, je dois avoir l'honnêteté de rappeler que l'allégement de la dette, quelle qu'en soit la forme, fait nécessairement l'objet de négociations difficiles entre pays créditeurs. Les critères de décision du Club de Paris, par exemple, sont extrêmement précis. Et en tant que président du Club de Paris, nous sommes tenus à une stricte neutralité. Et pendant l'entretien avec le président Obasanjo ce matin, je lui ai dit que nous nous comporterions selon un principe de neutralité sympathique.
Q - Que faire pour que l'ONU soit moins inefficace en Afrique ?
R - J'ai eu l'occasion de rappeler dans la discussion de ce matin que quand les Nations unies ont été créées, il y a eu un double principe. Un principe de démocratie exprimé par l'Assemblée générale et un principe d'efficacité et de responsabilités exprimé par le Conseil de sécurité. C'était la condition pour que l'ONU ne soit pas aussi impuissante et aussi catastrophique que l'avait été la Société des nations. Cela étant dit, la France est favorable depuis plusieurs années à une réforme du Conseil de sécurité qui devrait être plus représentatif des réalités du monde d'aujourd'hui. Il faut à l'évidence d'autres grands pays qui deviennent membres permanents. Nous connaissons bien sûr les arguments que le Nigeria met en avant en ce qui le concerne et, en effet, il y a beaucoup d'arguments. Mais ce n'est pas la France toute seule qui peut désigner les nouveaux membres permanents. Cela fait partie de la négociation générale. En tous cas, depuis des années, il y a eu des obstacles à cette réforme mais ils ne sont jamais venus de la France.
Q - Mais sur la dette qu'allez-vous faire de concret ?
R - Je ne peux pas vous dire tellement plus qu'en réponse à la première question. Je comprends très bien que le Nigeria fasse tout pour alléger ce fardeau. Naturellement, cela doit s'inscrire dans une politique économique d'ensemble dans laquelle l'allégement de la dette permet de faire des réformes et de moderniser le système économique. Si j'étais nigérian, je défendrais certainement ce point de vue. Les pays créditeurs, eux, sont obligés de décider selon des critères objectifs et de défendre leur propres intérêts, même s'ils sont généreux et ouverts. Je ne peux que vous le redire, compte tenu des réalités et des contraintes, la France fait le mieux possible en ce qui la concerne. Et il ne se passe pas de réunion sans que la France essaie d'améliorer l'effort international à ce sujet.
Q - La France a toujours soutenu le Nigeria ? Que peut-on faire de plus sur la dette notamment ?
R - On ne peut pas dire que la France a toujours soutenu le Nigeria. On n'a jamais été contre, mais l'histoire fait qu'on n'avait pas beaucoup de relations. Et tout ce qui se passe depuis quelques années entre la France et le Nigeria, est nouveau. C'est une politique nouvelle, voulue au plus haut niveau politique des deux côtés, et qui est tournée vers l'avenir. Quant à la question dont vous parlez, dont on a dit un mot, en effet, ce n'est pas quelque chose qui se négocie entre ministres des Affaires étrangères. Ce serait plus facile peut-être. Cela relève du ministre des Finances et surtout des institutions financières compétentes. Mais les deux présidents ont lancé un mouvement. Ils se battent pour le construire, pour lui donner un contenu par étapes : coopération économique, dialogue politique sur toute la région et sur les grands problèmes, coopération au plus près des réalités humaines. Le programme que nous avons lancé ce matin va se développer dans ce sens, donc, sur tous les problèmes, sans exception. La compréhension mutuelle entre la France et le Nigeria se développera et donnera des résultats progressivement tangibles
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juillet 2001)