Texte intégral
M. Darmon et G. Tabard.- M. Darmon : Bonjour, ravi de vous retrouver. É. Besson, bonjour.
Bonjour M. Darmon.
M. Darmon : Ministre de lIndustrie. Il y a donc ce sondage Harris Interactive qui place M. Le Pen en tête dans tous les cas de figure et donc, voilà, en testant et qui met D. Strauss-Kahn et N. Sarkozy battus. Vous avez souvent dit que N. Sarkozy sera réélu en 2012 et encore plus fortement quen 2007. Est-ce que vous y croyez toujours ?
On est encore loin de lélection présidentielle. En 14 mois, il peut se passer beaucoup de choses. Maintenant, si la question est : est-ce que je crois toujours à la réélection de N. Sarkozy sil est candidat, la réponse est oui. Mais il ne faut pas que ce soit de la méthode Coué en même temps. Cest un pronostic personnel. Maintenant il y a un certain nombre de travaux devant nous. Le président de la République nous a dit en début dannée 2011, en nous souhaitant ses voeux, il nous a dit : « ne vous préoccupez pas de lélection présidentielle ; préoccupez-vous de la vie quotidienne des Français, travaillez, menez des réformes. » Chacun a sa feuille de route ; moi je connais la mienne en politique industrielle.
M. Darmon : On va lévoquer, absolument, oui.
On aura le temps de débattre de la campagne de 2012 et je crois quil est toujours dans le même état desprit.
M. Darmon : Alors si on sintéresse quelques instants quand même à ce sondage, à ce quil signifie, à cette onde de choc quil place dans la classe politique, M. Le Pen pour la première fois en tête de lélection présidentielle quest-ce que cela enseigne ? Quest-ce que cela signifie ? Le décrochage de N. Sarkozy à droite ?
Dabord cest la traduction des inquiétudes dun certain nombre de nos compatriotes à légard de grands mouvements internationaux ou nationaux. Une frange des Français a peur de la mondialisation, a peur de la construction européenne, a peur que lidentité française se dissolve dans le libéralisme européen, dans la mondialisation. Une autre part des Français a peur de létranger, de lislam, dun certain nombre de conditions de lintégration en France. Les Républicains, quest-ce quils doivent faire ? Regarder, écouter ces inquiétudes mais y répondre de façon irréprochable, jallais dire saine dun point de vue républicain, ne pas jouer, ne pas instrumentaliser mais ne pas nier non plus ces difficultés. La deuxième chose, cest que cest aussi le reflet de la médiocrité de nos débats politiques et de nos polémiques. Ça fait des mois et des mois que lon vit avec laffaire Bettencourt devenue malheureusement pour lui laffaire Woerth. Et puis deux mois quon a vécu avec les vacances dune ministre en Tunisie, etc.
M. Darmon : Mais ce sont des réalités.
Oui, ce sont peut-être des réalités, encore quelles mériteraient dêtre nuancées, mais on nest pas obligé den faire la Une de notre actualité politique. Lorsque vous regardez les questions dactualité le mardi et le mercredi, entre les préoccupations des Français - chômage, emploi, logement, sécurité, etc - et la place qui a été accordée lors des questions dactualité à ces affaires avec, pardon de le dire, un acharnement du groupe socialiste, un acharnement ad hominem portant sur un certain nombre de personnes, je crois quil y a disproportion entre les faits et la place quon leur a accordée. Et quand on véhicule lidée que tout est égal, que les politiques sen mettent plein les poches, que tous pourris, etc, on sait qui en profite.
M. Darmon : Alors dans ce sondage également, on voit que D. Strauss-Kahn est celui qui quand il est testé arrive à qualifier la gauche pour le second tour - cest le seul qui le fait - est-ce que cela veut dire au fond que cest une opération pour montrer que vote utile, obligatoire, D. Strauss-Kahn sauveur des socialistes ?
Dabord moi je ne veux pas disqualifier le sondage. Il est ce quil est, cest-à-dire une photographie à un instant donné. Jai vu quil y a eu débat méthodologique sur la façon dont il avait été fait. En tout cas, prenons-le comme un indicateur dun mouvement qui est sans doute incontestable, même sil ne faut pas extrapoler : M. Le Pen, selon moi, ne sera pas au second tour de lélection présidentielle et on a 14 mois pour le démontrer. Pour ce qui concerne D. Strauss-Kahn, moi contrairement à vous cest plutôt le très faible - dabord le fait quil arrive aussi jallais dire second derrière M. Le Pen - et le très faible écart qui le sépare de ses deux concurrents potentiels, ou deux de ses concurrents potentiels à lintérieur du Parti socialiste, M. Aubry et F. Hollande, qui ma marqué parce que D. Strauss-Kahn est auréolé notamment de par sa distance, le fait quil nait pas les mains dans le cambouis, quil est aux États-Unis à la tête du FMI, dune espèce de vague, vogue sondagière extrêmement importante. À larrivée, on voit que sur une intention de vote de premier tour, lécart est significatif, ce qui veut dire pour parler clairement, au moment où nous parlons selon ce sondage, avec les précautions à prendre, les deux partis de gouvernement sont dans un mouchoir de poche.
M. Darmon : Parce quau Parti socialiste, le candidat qui a été désigné ou qui gagne dans la primaire, cest toujours le candidat des sondages, pas celui du programme. On le sait. Donc là au fond, est-ce que ça ne règle pas le problème ?
Ça, on verra et je ny suis plus, donc ce nest pas - je ne suis pas le plus légitime pour le commenter, dautant quil y a cette histoire des primaires et cette façon dorganiser que je ne connais pas bien et qui peut influer sur le choix. Le hiatus pour linstant pour le Parti socialiste est que, alors quon nous explique que le Gouvernement est impopulaire, que le président de la République est impopulaire et que donc normalement la force démocratique dalternance doit engranger à 14 mois de lélection présidentielle, ce type de sondage reflète quoi ? Que le Parti socialiste à mon avis, plutôt que de se réjouir des difficultés du Gouvernement devrait se préoccuper de lui. A-t-il un candidat ? un projet ? une stratégie dalternance ? À lévidence, quand on Journaux et invités du matin - Dept. Revues de presse - 01 42 75 54 41 https://rpa.applications.pm.gouv.fr/journaux_et_invites.php3?date=201... 25 sur 30 08/03/2011 11:25 regarde ce sondage et plus globalement quand on écoute les Français, je ne le crois pas.
M. Darmon : Vous avez évoqué donc les préoccupations des Français que reflète ce sondage, mais aussi est-ce que cela ne signifie pas que M. Le Pen maintenant repose lagenda politique, médiatique ? Le débat se réorganise autour du Front National, comme il y a quelques années, avant que N. Sarkozy ne récupère une partie des électeurs.
Je ne le crois pas. Les questions sur lesquelles nous sommes - organisation de la mondialisation, lutte contre la volatilité des matières premières, réorganisation du système monétaire international, pour ce qui me concerne essayer avec nos partenaires européens de faire émerger une politique industrielle européenne, etc - je pourrais prendre la liste des chantiers que chacun de mes collègues ministres a en portefeuille.
M. Darmon : Oui mais le débat sur la laïcité, islam, discours de Grenoble, sécurité, ce sont des thématiques que le Front National a préempté et ce sont eux qui ont posé lagenda.
Mais non, ce sont des préoccupations des Français. Les questions de sécurité ne sont pas une invention du Gouvernement ou du président de la République.
M. Darmon : Ce nest pas le propos.
Cest une préoccupation de vie quotidienne. Lorsquil y a un certain nombre de dysfonctionnements, lorsquil y a des faits tragiques, des crimes ou des délits, etc, si vous ne donnez pas le sentiment que vous y répondez fermement, oui là il y a un espace pour tous les démagogues. Donc il ne faut pas confondre le furoncle, le traitement et la maladie. Sil y a un problème dinsécurité, cest au Gouvernement dapporter des solutions ; cest lorsquil y a le sentiment de laxisme ou dimpunité que vous laissez un terreau favorable potentiel au Front National. Il ne faut pas inverser les choses.
M. Darmon : Alors avant que G. Tabard nous rejoigne et approfondisse ces questions avec vous, une dernière question. Vous avez évoqué D. Strauss-Kahn, sa distance. Est-ce que vous partagez les propos de L. Wauquiez dans ce quil dit : il nest pas dans losmose avec les territoires, faisant écho aussi à ce qua dit C. Jacob, D. Strauss-Kahn pas le candidat de la France profonde. Vous êtes daccord avec cette approche ?
Cest un coup de griffe, vous pouvez le juger de bon goût, de mauvais goût, mais il ne doit pas porter à polémique et surtout par rapport à ce quavait dit C. Jacob, ne pas entamer la petite musique de lantisémitisme. Parce que lantisémitisme ou le racisme sont des faits suffisamment graves et il ne faut sonner le tocsin quà bon droit. Dans la circonstance, on peut juger de lopportunité mais au fond quest-ce quils disent ? D. Strauss-Kahn est éloigné des préoccupations des Français, il vit à Washington et il ne connaît pas la réalité.
M. Darmon : Il aurait pu dire Paris, il aurait pu dire Lyon, la France est un pays citadin aussi.
Bien sûr, mais il vit à Washington et ça nest pas loffenser que de le rappeler. Il ne faut pas avoir la sensibilité unilatérale. Lorsque M. Aubry a parlé à propos du président de la République, elle la comparé à B. Madoff, autrement dit un escroc financier international qui vit aujourdhui dans une cellule sous les verrous, ça na pas suscité la même polémique que la phrase de C. Jacob - quil faut dailleurs replacer dans le contexte.
M. Darmon : Définition des bobos.
« Le Parti socialiste est un parti de bobos et dailleurs au fond ce que représente D. Strauss-Kahn, ce nest pas la France des terroirs que moi jaime ». Cest de bon goût ou pas, je vous laisse juge.
M. Darmon : L. Wauquiez la plus serré quand il était au Puy-en-Velay en disant : « Washington, ce nest pas le Puy-en-Velay, ce nest pas là ».
Oui, mais quest-ce quil dit ? Il y a ceux qui sont enracinés dans la vie quotidienne, dans les terroirs, etc, et il y a ceux qui vivent à Washington. Parlons clairement : moi, je ne laurais pas dit comme cela, mais je ne pense pas pour autant quon puisse parler dune attaque ad hominem insupportable. D. Strauss-Kahn ne peut pas sattendre après être venu sur le plateau de France 2 expliquer quau fond le FMI était lantenne sociale de la gouvernance mondiale que la majorité lui laisse tranquillement empocher le beurre et largent du beurre, cest-à-dire le bénéfice dêtre lartisan de la rigueur financière parce que cest son métier et venir à Paris donner des leçons de social. Cest quand même normal quun certain nombre de ministres de la majorité ait répondu à cette inélégance par quelques coups de griffe.
M. Darmon : Alors on continue avec G. Tabard. Bonjour.
G. Tabard : Bonjour.
M. Darmon : Sur donc les questions didentité nationale et débat laïcité.
G. Tabard : À propos de ce débat, je voudrais rebondir sur une de vos réponses à Michael sur le sondage concernant M. Le Pen. Vous avez dit à propos de la percée de la présidente du Front National : la réponse que nous devons apporter, nous les Républicains. Précision sémantique : à vos yeux, M. Le Pen est-elle Républicaine ou non ?
Non. Non, je concède que cela mérite débat. Pour moi, quelle est la frontière du populisme, de la démagogie et donc de lextrême droite ? Cest de donner le sentiment - et ça sest toujours vérifié dans lhistoire - quune catégorie ou quune ethnie est la responsable - une catégorie, corporatisme, ou une ethnie ; cest clair - est responsable de tous les maux ou engendre les maux dune société. Et avec quelques précautions oratoires, parce que ce nest pas exactement le même registre que son père - elle est plus prudente, plus entre guillemets modernes par certains côtés...
G. Tabard : Elle ne respecte pas la démocratie ? Les règles des institutions ?
Si, mais je viens de vous dire ce quest ma définition. Ce sont les étrangers, les immigrés qui restent le fer de lance et les boucs émissaires de tout ce quelle - cest toujours létranger : cest Bruxelles, cest lEurope et ce sont les immigrés. Pour moi, cest la caractéristique historique de ce quest lextrême droite en France et en Europe.
G. Tabard : Alors autre question par rapport à ce sondage. Est-ce que la conséquence pour la droite, cest quil faut éviter toute autre candidature que celle de N. Sarkozy ? En clair, est-ce quil faut dissuader Villepin, Borloo, H. Morin de se présenter ?
Dissuader, dabord un certain nombre dentre eux ont leur libre arbitre et ils choisiront ce quils pensent devoir faire. Maintenant on ne peut pas parler de risque de 21 avril et ne pas sinterroger sur les conditions dans lesquelles le seul 21 avril que lon connaisse, cest-à-dire celui de 2002, sest produit. Il est vraisemblable que si J.-P. Chevènement et Madame Taubira à lépoque avaient renoncé à leur candidature, L. Jospin aurait été au second tour et on aurait eu un duel traditionnel.
G. Tabard : Il faut éviter la multiplication des candidatures à droite ?
Mais je pense que la question va se poser des deux côtés, cest-à-dire si on considère quil y a risque - moi je suis un peu plus prudent, on est à 14 mois et pas à 14 jours de lélection présidentielle - le sondage quon commente abondamment, peut-être excessivement, sil était à 14 jours de lélection présidentielle le premier tour, là cétait inquiétant.
G. Tabard : Vous, vous le souhaitez ?
Quoi ?
G. Tabard : Une candidature unique.
Je pense que ça aurait une forme de cohérence mais je ne dénie pas aux centristes - au sens large du terme dailleurs, parce quil y en a beaucoup - le droit de revendiquer leur autonomie de penser et leur expression.
M. Darmon : Alors il y a la décision au sommet mais les comportements aussi à la base. Est-ce que beaucoup délus à droite ne risquent-ils pas de dire : mais il faut peut-être aussi pouvoir se rapprocher du Front National sinon on perd nos sièges, tout simplement ? Les triangulaires vont être catastrophiques.
Non. Je nai vu personne le dire, le penser et le revendiquer.
M. Darmon : Il ny a pas cette tentation qui existe sur le terrain ?
Il ny a pas de cette tentation au sein de lUMP. Il ny a pas évidemment au sein des centristes et aucun dentre nous ne laccepterait.
G. Tabard : Alors on dit souvent que chat échaudé craint leau froide. Vous avez vécu parfois dans les difficultés le fameux débat sur lidentité nationale. N. Sarkozy avait fini par lui-même reconnaître que lexpression était peut-être mal choisie. Aujourdhui avec le débat dont on ne sait plus dailleurs si cest un débat sur lislam ou la laïcité, est-ce quon ne risque pas de revivre le même problème ?
Mais le problème cest quil ne faut pas être fétichiste des débats. Il faut savoir si les questions de fond qui sont derrière ces débats sont légitimes ou pas. Moi dans ce débat quest-ce que javais cherché à dire ? Que la France est une nation fondée sur des valeurs : liberté, égalité, fraternité, laïcité, égalité homme/femme ; et quelle a un certain nombre dattributs : la langue française, lécole républicaine, un certain nombre déléments ; et quil fallait à un moment où mondialisation, communautarisme dans certains endroits, individualisme dans dautres refondaient ces valeurs, réaffirmaient quoi ? Que le pacte républicain est fondé sur un équilibre de droits et de devoirs. Enlevons le débat, puisquil a été contesté. Reste les questions de fond : est-ce que ces questions-là, ces valeurs-là, sont toujours dactualité ?
G. Tabard : Le débat qui est devant nous, alors.
Moi je persiste et signe. Le débat importe peu. Quelle est la façon quon a de communiquer ? Appelons ça débat, discussion, affermissement de nos valeurs, nécessité politique, mettons les termes que lon veut. Moi, je ne suis pas fétichiste des débats, reste que ces questions-là - comment on réussit le vivre ensemble ? Comment on réussit lintégration ? Comment on donne le sentiment à la frange des Français qui est inquiète, qui a limpression que la France se délite, comment on lui donne, on la rassure, on lui donne confiance ?
M. Darmon : É. Besson, on entend ces arguments mais aussi lorsquon entend N. Sarkozy dire à la télévision : il y a un problème avec les pratiques de lislam, la place de lislam en France, quand des milliers de musulmans en France sont totalement intégrés, est-ce quon a besoin de signaler et didentifier ce débat de cette manière-là ?
Mais on a le droit à la nuance. On peut à la fois accepter lidée que la très grande majorité des musulmans de France ne posent aucune difficulté, sont parfaitement intégrés en tant que musulmans et que lislam est la deuxième religion de France et quen même temps, les tentations communautaristes, les dérives dun certain nombre dimams, le fait quil nest pas acceptable dans la République française quune femme puisse se présenter dans un hôpital et dire je ne veux être soignée que par une femme. Tout cela ce sont des sur 30 08/03/2011 11:25 réalités quil ne faut pas nier. Il ne faut ni les nier, ni les exagérer et encore moins les instrumentaliser. Donc cest pour ça que je dis : revendiquons ensemble, collectivement le droit à la nuance sur ces sujets.
M. Darmon : É. Besson justement lautre question qui se pose, cest au fond est-ce que le vrai sujet nest pas le pouvoir dachat, léconomie ? Il nous reste un peu de temps mais le tarif social mobile que vous avez fait passer justement pour les nécessiteux qui ont besoin de cela, à quoi correspond-il ? Aider plus les classes moyennes ou les classes défavorisées ?
Ce nest pas fromage ou dessert en la circonstance. On a besoin de deux mais vous avez raison : on a désormais un tarif social de leau, du gaz, de lélectricité. On avait déjà le tarif social du téléphone fixe, 6,49 euros par mois. Désormais il y a un tarif social par convention avec les opérateurs pour tous ceux qui pensent que cest indispensable davoir un téléphone mobile. Cest 40 minutes, 40 SMS pour moins de 10 euros, enfin 10 euros maximum par mois. Moi je veux remercier les opérateurs qui ont répondu à lappel du gouvernement et qui se sont engagés et qui constatent que cette fracture numérique ne peut pas toucher les plus modestes des Français.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 11 mars 2011
Bonjour M. Darmon.
M. Darmon : Ministre de lIndustrie. Il y a donc ce sondage Harris Interactive qui place M. Le Pen en tête dans tous les cas de figure et donc, voilà, en testant et qui met D. Strauss-Kahn et N. Sarkozy battus. Vous avez souvent dit que N. Sarkozy sera réélu en 2012 et encore plus fortement quen 2007. Est-ce que vous y croyez toujours ?
On est encore loin de lélection présidentielle. En 14 mois, il peut se passer beaucoup de choses. Maintenant, si la question est : est-ce que je crois toujours à la réélection de N. Sarkozy sil est candidat, la réponse est oui. Mais il ne faut pas que ce soit de la méthode Coué en même temps. Cest un pronostic personnel. Maintenant il y a un certain nombre de travaux devant nous. Le président de la République nous a dit en début dannée 2011, en nous souhaitant ses voeux, il nous a dit : « ne vous préoccupez pas de lélection présidentielle ; préoccupez-vous de la vie quotidienne des Français, travaillez, menez des réformes. » Chacun a sa feuille de route ; moi je connais la mienne en politique industrielle.
M. Darmon : On va lévoquer, absolument, oui.
On aura le temps de débattre de la campagne de 2012 et je crois quil est toujours dans le même état desprit.
M. Darmon : Alors si on sintéresse quelques instants quand même à ce sondage, à ce quil signifie, à cette onde de choc quil place dans la classe politique, M. Le Pen pour la première fois en tête de lélection présidentielle quest-ce que cela enseigne ? Quest-ce que cela signifie ? Le décrochage de N. Sarkozy à droite ?
Dabord cest la traduction des inquiétudes dun certain nombre de nos compatriotes à légard de grands mouvements internationaux ou nationaux. Une frange des Français a peur de la mondialisation, a peur de la construction européenne, a peur que lidentité française se dissolve dans le libéralisme européen, dans la mondialisation. Une autre part des Français a peur de létranger, de lislam, dun certain nombre de conditions de lintégration en France. Les Républicains, quest-ce quils doivent faire ? Regarder, écouter ces inquiétudes mais y répondre de façon irréprochable, jallais dire saine dun point de vue républicain, ne pas jouer, ne pas instrumentaliser mais ne pas nier non plus ces difficultés. La deuxième chose, cest que cest aussi le reflet de la médiocrité de nos débats politiques et de nos polémiques. Ça fait des mois et des mois que lon vit avec laffaire Bettencourt devenue malheureusement pour lui laffaire Woerth. Et puis deux mois quon a vécu avec les vacances dune ministre en Tunisie, etc.
M. Darmon : Mais ce sont des réalités.
Oui, ce sont peut-être des réalités, encore quelles mériteraient dêtre nuancées, mais on nest pas obligé den faire la Une de notre actualité politique. Lorsque vous regardez les questions dactualité le mardi et le mercredi, entre les préoccupations des Français - chômage, emploi, logement, sécurité, etc - et la place qui a été accordée lors des questions dactualité à ces affaires avec, pardon de le dire, un acharnement du groupe socialiste, un acharnement ad hominem portant sur un certain nombre de personnes, je crois quil y a disproportion entre les faits et la place quon leur a accordée. Et quand on véhicule lidée que tout est égal, que les politiques sen mettent plein les poches, que tous pourris, etc, on sait qui en profite.
M. Darmon : Alors dans ce sondage également, on voit que D. Strauss-Kahn est celui qui quand il est testé arrive à qualifier la gauche pour le second tour - cest le seul qui le fait - est-ce que cela veut dire au fond que cest une opération pour montrer que vote utile, obligatoire, D. Strauss-Kahn sauveur des socialistes ?
Dabord moi je ne veux pas disqualifier le sondage. Il est ce quil est, cest-à-dire une photographie à un instant donné. Jai vu quil y a eu débat méthodologique sur la façon dont il avait été fait. En tout cas, prenons-le comme un indicateur dun mouvement qui est sans doute incontestable, même sil ne faut pas extrapoler : M. Le Pen, selon moi, ne sera pas au second tour de lélection présidentielle et on a 14 mois pour le démontrer. Pour ce qui concerne D. Strauss-Kahn, moi contrairement à vous cest plutôt le très faible - dabord le fait quil arrive aussi jallais dire second derrière M. Le Pen - et le très faible écart qui le sépare de ses deux concurrents potentiels, ou deux de ses concurrents potentiels à lintérieur du Parti socialiste, M. Aubry et F. Hollande, qui ma marqué parce que D. Strauss-Kahn est auréolé notamment de par sa distance, le fait quil nait pas les mains dans le cambouis, quil est aux États-Unis à la tête du FMI, dune espèce de vague, vogue sondagière extrêmement importante. À larrivée, on voit que sur une intention de vote de premier tour, lécart est significatif, ce qui veut dire pour parler clairement, au moment où nous parlons selon ce sondage, avec les précautions à prendre, les deux partis de gouvernement sont dans un mouchoir de poche.
M. Darmon : Parce quau Parti socialiste, le candidat qui a été désigné ou qui gagne dans la primaire, cest toujours le candidat des sondages, pas celui du programme. On le sait. Donc là au fond, est-ce que ça ne règle pas le problème ?
Ça, on verra et je ny suis plus, donc ce nest pas - je ne suis pas le plus légitime pour le commenter, dautant quil y a cette histoire des primaires et cette façon dorganiser que je ne connais pas bien et qui peut influer sur le choix. Le hiatus pour linstant pour le Parti socialiste est que, alors quon nous explique que le Gouvernement est impopulaire, que le président de la République est impopulaire et que donc normalement la force démocratique dalternance doit engranger à 14 mois de lélection présidentielle, ce type de sondage reflète quoi ? Que le Parti socialiste à mon avis, plutôt que de se réjouir des difficultés du Gouvernement devrait se préoccuper de lui. A-t-il un candidat ? un projet ? une stratégie dalternance ? À lévidence, quand on Journaux et invités du matin - Dept. Revues de presse - 01 42 75 54 41 https://rpa.applications.pm.gouv.fr/journaux_et_invites.php3?date=201... 25 sur 30 08/03/2011 11:25 regarde ce sondage et plus globalement quand on écoute les Français, je ne le crois pas.
M. Darmon : Vous avez évoqué donc les préoccupations des Français que reflète ce sondage, mais aussi est-ce que cela ne signifie pas que M. Le Pen maintenant repose lagenda politique, médiatique ? Le débat se réorganise autour du Front National, comme il y a quelques années, avant que N. Sarkozy ne récupère une partie des électeurs.
Je ne le crois pas. Les questions sur lesquelles nous sommes - organisation de la mondialisation, lutte contre la volatilité des matières premières, réorganisation du système monétaire international, pour ce qui me concerne essayer avec nos partenaires européens de faire émerger une politique industrielle européenne, etc - je pourrais prendre la liste des chantiers que chacun de mes collègues ministres a en portefeuille.
M. Darmon : Oui mais le débat sur la laïcité, islam, discours de Grenoble, sécurité, ce sont des thématiques que le Front National a préempté et ce sont eux qui ont posé lagenda.
Mais non, ce sont des préoccupations des Français. Les questions de sécurité ne sont pas une invention du Gouvernement ou du président de la République.
M. Darmon : Ce nest pas le propos.
Cest une préoccupation de vie quotidienne. Lorsquil y a un certain nombre de dysfonctionnements, lorsquil y a des faits tragiques, des crimes ou des délits, etc, si vous ne donnez pas le sentiment que vous y répondez fermement, oui là il y a un espace pour tous les démagogues. Donc il ne faut pas confondre le furoncle, le traitement et la maladie. Sil y a un problème dinsécurité, cest au Gouvernement dapporter des solutions ; cest lorsquil y a le sentiment de laxisme ou dimpunité que vous laissez un terreau favorable potentiel au Front National. Il ne faut pas inverser les choses.
M. Darmon : Alors avant que G. Tabard nous rejoigne et approfondisse ces questions avec vous, une dernière question. Vous avez évoqué D. Strauss-Kahn, sa distance. Est-ce que vous partagez les propos de L. Wauquiez dans ce quil dit : il nest pas dans losmose avec les territoires, faisant écho aussi à ce qua dit C. Jacob, D. Strauss-Kahn pas le candidat de la France profonde. Vous êtes daccord avec cette approche ?
Cest un coup de griffe, vous pouvez le juger de bon goût, de mauvais goût, mais il ne doit pas porter à polémique et surtout par rapport à ce quavait dit C. Jacob, ne pas entamer la petite musique de lantisémitisme. Parce que lantisémitisme ou le racisme sont des faits suffisamment graves et il ne faut sonner le tocsin quà bon droit. Dans la circonstance, on peut juger de lopportunité mais au fond quest-ce quils disent ? D. Strauss-Kahn est éloigné des préoccupations des Français, il vit à Washington et il ne connaît pas la réalité.
M. Darmon : Il aurait pu dire Paris, il aurait pu dire Lyon, la France est un pays citadin aussi.
Bien sûr, mais il vit à Washington et ça nest pas loffenser que de le rappeler. Il ne faut pas avoir la sensibilité unilatérale. Lorsque M. Aubry a parlé à propos du président de la République, elle la comparé à B. Madoff, autrement dit un escroc financier international qui vit aujourdhui dans une cellule sous les verrous, ça na pas suscité la même polémique que la phrase de C. Jacob - quil faut dailleurs replacer dans le contexte.
M. Darmon : Définition des bobos.
« Le Parti socialiste est un parti de bobos et dailleurs au fond ce que représente D. Strauss-Kahn, ce nest pas la France des terroirs que moi jaime ». Cest de bon goût ou pas, je vous laisse juge.
M. Darmon : L. Wauquiez la plus serré quand il était au Puy-en-Velay en disant : « Washington, ce nest pas le Puy-en-Velay, ce nest pas là ».
Oui, mais quest-ce quil dit ? Il y a ceux qui sont enracinés dans la vie quotidienne, dans les terroirs, etc, et il y a ceux qui vivent à Washington. Parlons clairement : moi, je ne laurais pas dit comme cela, mais je ne pense pas pour autant quon puisse parler dune attaque ad hominem insupportable. D. Strauss-Kahn ne peut pas sattendre après être venu sur le plateau de France 2 expliquer quau fond le FMI était lantenne sociale de la gouvernance mondiale que la majorité lui laisse tranquillement empocher le beurre et largent du beurre, cest-à-dire le bénéfice dêtre lartisan de la rigueur financière parce que cest son métier et venir à Paris donner des leçons de social. Cest quand même normal quun certain nombre de ministres de la majorité ait répondu à cette inélégance par quelques coups de griffe.
M. Darmon : Alors on continue avec G. Tabard. Bonjour.
G. Tabard : Bonjour.
M. Darmon : Sur donc les questions didentité nationale et débat laïcité.
G. Tabard : À propos de ce débat, je voudrais rebondir sur une de vos réponses à Michael sur le sondage concernant M. Le Pen. Vous avez dit à propos de la percée de la présidente du Front National : la réponse que nous devons apporter, nous les Républicains. Précision sémantique : à vos yeux, M. Le Pen est-elle Républicaine ou non ?
Non. Non, je concède que cela mérite débat. Pour moi, quelle est la frontière du populisme, de la démagogie et donc de lextrême droite ? Cest de donner le sentiment - et ça sest toujours vérifié dans lhistoire - quune catégorie ou quune ethnie est la responsable - une catégorie, corporatisme, ou une ethnie ; cest clair - est responsable de tous les maux ou engendre les maux dune société. Et avec quelques précautions oratoires, parce que ce nest pas exactement le même registre que son père - elle est plus prudente, plus entre guillemets modernes par certains côtés...
G. Tabard : Elle ne respecte pas la démocratie ? Les règles des institutions ?
Si, mais je viens de vous dire ce quest ma définition. Ce sont les étrangers, les immigrés qui restent le fer de lance et les boucs émissaires de tout ce quelle - cest toujours létranger : cest Bruxelles, cest lEurope et ce sont les immigrés. Pour moi, cest la caractéristique historique de ce quest lextrême droite en France et en Europe.
G. Tabard : Alors autre question par rapport à ce sondage. Est-ce que la conséquence pour la droite, cest quil faut éviter toute autre candidature que celle de N. Sarkozy ? En clair, est-ce quil faut dissuader Villepin, Borloo, H. Morin de se présenter ?
Dissuader, dabord un certain nombre dentre eux ont leur libre arbitre et ils choisiront ce quils pensent devoir faire. Maintenant on ne peut pas parler de risque de 21 avril et ne pas sinterroger sur les conditions dans lesquelles le seul 21 avril que lon connaisse, cest-à-dire celui de 2002, sest produit. Il est vraisemblable que si J.-P. Chevènement et Madame Taubira à lépoque avaient renoncé à leur candidature, L. Jospin aurait été au second tour et on aurait eu un duel traditionnel.
G. Tabard : Il faut éviter la multiplication des candidatures à droite ?
Mais je pense que la question va se poser des deux côtés, cest-à-dire si on considère quil y a risque - moi je suis un peu plus prudent, on est à 14 mois et pas à 14 jours de lélection présidentielle - le sondage quon commente abondamment, peut-être excessivement, sil était à 14 jours de lélection présidentielle le premier tour, là cétait inquiétant.
G. Tabard : Vous, vous le souhaitez ?
Quoi ?
G. Tabard : Une candidature unique.
Je pense que ça aurait une forme de cohérence mais je ne dénie pas aux centristes - au sens large du terme dailleurs, parce quil y en a beaucoup - le droit de revendiquer leur autonomie de penser et leur expression.
M. Darmon : Alors il y a la décision au sommet mais les comportements aussi à la base. Est-ce que beaucoup délus à droite ne risquent-ils pas de dire : mais il faut peut-être aussi pouvoir se rapprocher du Front National sinon on perd nos sièges, tout simplement ? Les triangulaires vont être catastrophiques.
Non. Je nai vu personne le dire, le penser et le revendiquer.
M. Darmon : Il ny a pas cette tentation qui existe sur le terrain ?
Il ny a pas de cette tentation au sein de lUMP. Il ny a pas évidemment au sein des centristes et aucun dentre nous ne laccepterait.
G. Tabard : Alors on dit souvent que chat échaudé craint leau froide. Vous avez vécu parfois dans les difficultés le fameux débat sur lidentité nationale. N. Sarkozy avait fini par lui-même reconnaître que lexpression était peut-être mal choisie. Aujourdhui avec le débat dont on ne sait plus dailleurs si cest un débat sur lislam ou la laïcité, est-ce quon ne risque pas de revivre le même problème ?
Mais le problème cest quil ne faut pas être fétichiste des débats. Il faut savoir si les questions de fond qui sont derrière ces débats sont légitimes ou pas. Moi dans ce débat quest-ce que javais cherché à dire ? Que la France est une nation fondée sur des valeurs : liberté, égalité, fraternité, laïcité, égalité homme/femme ; et quelle a un certain nombre dattributs : la langue française, lécole républicaine, un certain nombre déléments ; et quil fallait à un moment où mondialisation, communautarisme dans certains endroits, individualisme dans dautres refondaient ces valeurs, réaffirmaient quoi ? Que le pacte républicain est fondé sur un équilibre de droits et de devoirs. Enlevons le débat, puisquil a été contesté. Reste les questions de fond : est-ce que ces questions-là, ces valeurs-là, sont toujours dactualité ?
G. Tabard : Le débat qui est devant nous, alors.
Moi je persiste et signe. Le débat importe peu. Quelle est la façon quon a de communiquer ? Appelons ça débat, discussion, affermissement de nos valeurs, nécessité politique, mettons les termes que lon veut. Moi, je ne suis pas fétichiste des débats, reste que ces questions-là - comment on réussit le vivre ensemble ? Comment on réussit lintégration ? Comment on donne le sentiment à la frange des Français qui est inquiète, qui a limpression que la France se délite, comment on lui donne, on la rassure, on lui donne confiance ?
M. Darmon : É. Besson, on entend ces arguments mais aussi lorsquon entend N. Sarkozy dire à la télévision : il y a un problème avec les pratiques de lislam, la place de lislam en France, quand des milliers de musulmans en France sont totalement intégrés, est-ce quon a besoin de signaler et didentifier ce débat de cette manière-là ?
Mais on a le droit à la nuance. On peut à la fois accepter lidée que la très grande majorité des musulmans de France ne posent aucune difficulté, sont parfaitement intégrés en tant que musulmans et que lislam est la deuxième religion de France et quen même temps, les tentations communautaristes, les dérives dun certain nombre dimams, le fait quil nest pas acceptable dans la République française quune femme puisse se présenter dans un hôpital et dire je ne veux être soignée que par une femme. Tout cela ce sont des sur 30 08/03/2011 11:25 réalités quil ne faut pas nier. Il ne faut ni les nier, ni les exagérer et encore moins les instrumentaliser. Donc cest pour ça que je dis : revendiquons ensemble, collectivement le droit à la nuance sur ces sujets.
M. Darmon : É. Besson justement lautre question qui se pose, cest au fond est-ce que le vrai sujet nest pas le pouvoir dachat, léconomie ? Il nous reste un peu de temps mais le tarif social mobile que vous avez fait passer justement pour les nécessiteux qui ont besoin de cela, à quoi correspond-il ? Aider plus les classes moyennes ou les classes défavorisées ?
Ce nest pas fromage ou dessert en la circonstance. On a besoin de deux mais vous avez raison : on a désormais un tarif social de leau, du gaz, de lélectricité. On avait déjà le tarif social du téléphone fixe, 6,49 euros par mois. Désormais il y a un tarif social par convention avec les opérateurs pour tous ceux qui pensent que cest indispensable davoir un téléphone mobile. Cest 40 minutes, 40 SMS pour moins de 10 euros, enfin 10 euros maximum par mois. Moi je veux remercier les opérateurs qui ont répondu à lappel du gouvernement et qui se sont engagés et qui constatent que cette fracture numérique ne peut pas toucher les plus modestes des Français.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 11 mars 2011