Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les relations économiques entre la France et Israël, à Paris le 7 mars 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque "France - Israël, le business en partage", à Paris le 7 mars 2011

Texte intégral

Madame la Présidente de France-Israël, chère Nicole GUEDJ,
Monsieur le Secrétaire général de l’OCDE, cher Angel GURRIA,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs les représentants d’entreprises françaises et israéliennes,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais saluer votre initiative, chère Nicole GUEDJ, d’entretenir la flamme de l’économie au sein de l’amitié franco-israéliennes. Nous Français, nous savons depuis Montesquieu, que le « doux commerce » apaise les mœurs, que son effet naturel est d’apporter la paix.
En cette période bouleversée partout autour de la Méditerranée, je me félicite que, par la voie économique, la Fondation France Israël entende créer du lien entre les peuples de France et d’Israël.
Depuis l’élection du Président de la République, notre relation bilatérale a été relancée sur le plan politique avec les visites d’Etat croisées des Présidents PERES et SARKOZY, en mars et juin 2008. Surtout, le discours de Nicolas Sarkozy à la Knesset en juin dernier a inauguré une nouvelle ère de sincérité, de confiance –pourquoi ne pas le dire– retrouvée. Ce nouvel état d’esprit commence déjà à porter ses fruits. Je m’en aperçois bien dans le domaine qui me concerne au premier chef : l’économie.
Il nous reste à prolonger cet élan par le développement de projets concrets ; de part et d’autres de la Méditerranée, je sais que les attentes des entreprises sont fortes. Oui, la France et Israël ont le business en partage ; mais pas seulement. Nous partageons aussi le goût de l’entreprenariat ; et le sens de l’innovation. Deux valeurs qui fondent, selon moi, une économie moderne et compétitive.
L’économie israélienne a affiché en 2010 une sortie de crise remarquable, dans l’élan de trois années de progression de PIB, d’une inflation contenue et d’un quasi plein emploi. Israël, membre à part entière de l’OCDE depuis juin 2010, a atteint une croissance de 4 %, la première de la zone en 2010.
J’ai conscience toutefois que nos échanges commerciaux demeurent timides, la France n’étant que 10ème fournisseur d’Israël et son 9ème client : c’est trop peu ! Là encore, j’ai confiance en notre avenir de nos coopérations fructueuses. En 2010, nos exportations (1 Md€) ont connu une reprise de 15 % après la chute de 2009. Au cours des trois dernières années, malgré la crise et grâce au dynamisme de l’économie israélienne, la présence française s’est accrue. Des entreprises françaises parmi les plus emblématiques de notre savoir-faire s’y installées, à l’instar de JC Decaux ou Egis Rail ; et ont investis dans des sociétés israéliennes de pointe, comme France Télécom, Thalès ou Patrick Drahi.
Chère Nicole GUEDJ, je ne doute pas que le lancement d’Isralink, le réseau social dédié aux entreprises française et israélienne permettra de raffermir les liens, de partager les actualités du business, et d’entrer en contact avec de futurs partenaires. C’est sur ce terrain que nous nous entendons le mieux : l’audace des entrepreneurs, le pari de l’innovation.
Pour moi, le rôle de l’Etat, ce n’est pas de créer ex nihilo des richesses, c’est d’encourager ceux qui le font : les entrepreneurs. Et qu’on ne croit pas, qu’en France, les discrets aventuriers de l’entreprise se comptent sur les doigts d’une main. L’année dernière, il s’est crée en France, plus de 620 000 entreprises.
Parmi elles, le régime de l’auto-entrepreneur, inspiré du self-employed anglo-saxon, a été plébiscité par 360 000 français. Et le Gouvernement est bien décidé à encourager tous ces entrepreneurs, à les protéger aussi, et à financer leurs projets.
Une idée pour devenir un nouveau produit ou service, a besoin de carburant. L’énergie de l’entrepreneur constitue l’essentiel de ce carburant, mais –vous le savez tous– la question du financement est cruciale, dès le premier jour. Les entreprises les plus innovantes, à fort potentiel de croissance, ont également besoin de s’appuyer sur des fonds de capital-risque qui les accompagnent dès leurs premiers pas.
C’est pourquoi, dans le cadre des Investissements d’avenir, nous mettons en place un Fonds national d’amorçage, doté de 400 M€, qui viendra participer à la levée des fonds de capital-risque.
L’innovation est le moyen de rester compétitif dans le jeu de la mondialisation… Et je ne vous apprendrais rien en insistant sur le fait que la France, comme Israël, dans les années à venir, verront leur niveau de compétitivité élevé contesté partout dans le monde : par de nouveaux acteurs, par de nouveaux marchés, par de nouvelles technologies.
Quand je reçois le Président d’Intel dans mon bureau à Bercy, je ne suis pas étonnée qu’il me confie que, pour installer une nouvelle usine, il pense spontanément à 4 pays : Les Etats-Unis, la Chine, l’Inde… et Israël. En consacrant plus de 5 % de son PIB à la Recherche-Développement, Israël est un modèle devenu un véritable technopôle dans les technologies de l’information et des télécommunications, avec des starts-up dont seuls les Etats-Unis offrent l’équivalent. Une Silicon Valley du Moyen-Orient, en somme, et un modèle de réussite pour la notre pays qui aspire à bousculer ce classement !
En France, nous avons opté pour moins d’impôt –en renforçant le Crédit d’Impôt Recherche, plus de réseau –en développant les pôles de compétitivité, et de meilleurs chercheurs –avec la réforme de l’enseignement supérieur.
Sur ce terrain, je suis convaincue que nous avons beaucoup à partager, et je n’oublie pas que l’innovation était déjà au cœur de l’initiative lancée en 2005 par le Président Chirac et le Premier ministre Ariel Sharon pour pallier la méconnaissance réciproque des sociétés civiles française et israélienne.
Plus près de nous, plusieurs initiatives concrètes ont été prises par Eric BESSON lors de son déplacement à Tel-Aviv le mois dernier. Je sais que les premières fondations d’un « plan d’action » pour le renforcement de nos relations en matière d’innovation ont été posées, qu’il s’agisse d’efficacité énergétique ou de télécommunications. J’ai demandé à Eric BESSON d’organiser à l’automne prochain, au ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, des Journées de l’innovation franco-israéliennes.
J’espère qu’un grand nombre d’entreprises françaises et israéliennes seront présentes au rendez-vous. ; Car c’est notre avenir économique que nous jouons par la coopération franco-israélienne en faveur de l’innovation.
Chers amis, vue de France, Israël représente assurément un havre de stabilité et de prospérité pour tous les entrepreneurs ; une Silicon Valley aux bords de la Méditerranée, déjà associée à la coopération scientifique européenne et dont l’adhésion à l’OCDE devrait décupler les opportunités.
Pour conclure, laissez-moi vous rappeler –ou vous apprendre– cette phrase prophétique d’Hannah ARENDT à la veille de la 2nde Guerre mondiale : « Le progrès et la catastrophe sont l''avers et le revers d''une même médaille ». Cette maxime est trop souvent utilisée pour rappeler qu’il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne ; que malgré la réussite, la chute est toujours possible. Je vous invite à méditer cette pensée différemment : nous avons évité la catastrophe malgré la crise en 2009, pourquoi ne pas en profiter pour progresser collectivement 2011 et rapprocher les économies françaises et israéliennes. Décidément oui, nous avons beaucoup à partager.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 16 mars 2011