Texte intégral
JEAN-MICHEL APHATIE Peut-on parler ce matin de catastrophe nucléaire au Japon ?
ERIC BESSON On est sur le chemin, la situation sest considérablement dégradée cette nuit, elle sest aggravée, cest une certitude. Si je comprends bien ce qui sest passé hier, lexplosion très forte du réacteur numéro 3 a non seulement provoqué des dégâts matériels, mais elle a aussi touché les forces, les pompiers qui interviennent sur le site, humainement et matériellement, et considérablement amoindri les capacités de réaction de nos amis japonais.
JEAN-MICHEL APHATIE Et cest la preuve que lon narrive pas à maîtriser quand un accident se produit dans une centrale nucléaire, lénergie nucléaire et ses conséquences.
ERIC BESSON Cest en tout cas la preuve que lorsquon construit une centrale sur une zone extrêmement sismique et que le pire scénario arrive, cest-à-dire un séisme de magnitude 9 plus un tsunami qui, si on comprend bien ce que nous expliquent maintenant les Japonais, qui avaient prévu une barrière anti-tsunami de dix mètres à proximité de cette centrale, et il semble que la vague qui a touché la centrale était de 14, certains disent même 17 mètres, ça veut dire que malgré les précautions immenses quils croyaient avoir prises, le pire peut effectivement arriver.
JEAN-MICHEL APHATIE Angela MERKEL, chancelière allemande, citée dans LE FIGARO ce matin : « ce qui se passe au Japon change la situation en Allemagne, aussi, nous ne pouvons pas faire comme si de rien nétait » ; en France, on fait comme si de rien nétait, Eric BESSON ?
ERIC BESSON On ne peut pas dire ça, parce que dès la conception de nos centrales, en exploitation et lorsquil y a des procédures de révision, systématiquement, tous les risques sont intégrés, et notamment
JEAN-MICHEL APHATIE On est plus fort que les autres
ERIC BESSON Non, je ne dis pas cela, mais on a une exigence de sûreté qui est extrême, lAutorité de sûreté nucléaire est en France considérée par nos homologues étrangers, par les ministres étrangers, que je rencontre, comme lAutorité la plus exigeante, donc personne ne dit, et moi, je ne suis pas capable de dire : le risque zéro nexiste pas, le risque nexiste pas. En France, de toute façon, il ny a pas de risque zéro en matière industrielle et singulièrement pas en matière nucléaire. Nous, tout ce que nous pouvons dire, cest que nous prenons toutes les précautions possibles pour que ce type de risque nexiste pas, jajoute mais ça, cest géographique et géologique à la fois que lextrême concentration dun risque de séisme magnitude 9 et dun tsunami équivalent à celui du Japon ne peut toucher la France dans ces conditions, pour des raisons qui nont rien à voir avec la volonté humaine.
JEAN-MICHEL APHATIE Les associations denvironnement, les responsables dassociations denvironnement qui ont rencontré le président de la République hier souhaitent que soit organisé un Grenelle du nucléaire ; faut-il le faire, Eric BESSON, et y êtes-vous prêt ?
ERIC BESSON Je ne sais pas ce que veut dire exactement un Grenelle du nucléaire
JEAN-MICHEL APHATIE Se poser les questions qui peut-être se posent
ERIC BESSON Mais les questions ont été posées, jai moi-même participé il y a quelques années à lAssemblée nationale, à un grand débat sur lavenir du nucléaire, lorsque jétais député, et cest quelque chose qui revient régulièrement. Maintenant, ne fermons pas la porte, bien évidemment, londe de choc de ce qui est en train de se passer au Japon va toucher lEurope et la France, et il y aura, quelles quen soient les formes, un débat autour de notre production énergétique et notre production nucléaire. Maintenant, il faut aller jusquau bout, il faut que ceux qui prônent la sortie du nucléaire disent exactement comment ils entrevoient cela, et surtout, quelles seraient les conséquences économiques, financières, sociales pour les Français ; je rappelle quand même que 80% de notre électricité est dorigine nucléaire, que ça contribue à lindépendance énergétique de la France, en tout cas, une indépendance partielle énergétique de la France, et que ça nous permet davoir une électricité 40% moins chère que dans le reste de lUnion européenne, même si les Français qui nous écoutent ont déjà limpression quelle est dun prix élevé.
JEAN-MICHEL APHATIE Mais si tout cela est vrai, langoisse est quand même importante, et on a limpression quand même parfois dêtre confronté à une forme darrogance de la part des industriels du nucléaire
ERIC BESSON Je ne crois pas
JEAN-MICHEL APHATIE Et de ceux qui défendent le nucléaire
ERIC BESSON Je ne crois pas, lhistoire du lobby nucléaire est un mythe absolu, en tout cas, sil existe, moi, je ne lai pas rencontré
JEAN-MICHEL APHATIE Vraiment ? Cest vrai ?
ERIC BESSON Il faut me dire où il loge, je rencontre des industriels et des autorités qui parlent, qui vous disent en privé exactement, heure par heure, depuis 48h, quelle est la potentialité du risque, ce quils savent, ce quils ne savent pas, en ce moment même, la structure du réacteur numéro 2, la structure de confinement est visiblement entamée, et donc il y a des radionucléides qui séchappent, et donc un seuil de radioactivité qui devient maintenant extrêmement inquiétant, eh bien, quand vous discutez, ce qui était mon cas, au téléphone, il y a quelques minutes, avant dentrer dans ce studio, avec les spécialistes, ils nont rien darrogant, ils ne vous disent pas : la catastrophe est désormais inéluctable, ils disent que cest un chemin de crête dangereux sur lequel nous sommes, et ils vous décrivent les différents scénarii, personnellement, je ne rencontre pas darrogance chez eux.
JEAN-MICHEL APHATIE Vous avez dit, vous, samedi, Eric BESSON, cest un accident grave, ce nest pas une catastrophe nucléaire, vous regrettez davoir dit ça ?
ERIC BESSON Non, je ne regrette pas, parce que, il y avait des précisions qui restent valables, samedi, à 17h, nous étions dans un accident grave et pas une catastrophe nucléaire, et jai dit en même temps ce que serait la catastrophe nucléaire, la perte
JEAN-MICHEL APHATIE Et vous dites que nous sommes sur le chemin de la catastrophe, nous ny sommes pas déjà dans la catastrophe nucléaire au Japon ?
ERIC BESSON Je ne sais pas, cest minute par minute, on verra dans quelques heures, mais javais dit : la catastrophe, ce serait la perte de la structure de confinement du réacteur, il semble que nous sommes en train daller vers ça, avec émissions dans latmosphère de quantités de matériels de fission radioactifs ; nous sommes peut-être maintenant sur ce chemin, samedi, à 17h, nous ny étions pas. Et puis, pour ce qui concerne Tchernobyl, nous navons pas le temps visiblement
JEAN-MICHEL APHATIE Je ny ai pas fait référence
ERIC BESSON Je vous indique
JEAN-MICHEL APHATIE Volontairement, je ny ai pas fait référence
ERIC BESSON Oui, mais je vous indique quand même que ce nest pas
JEAN-MICHEL APHATIE Nous le savons
ERIC BESSON Ça peut être une catastrophe nucléaire, mais ce nest pas le scénario de Tchernobyl.
JEAN-MICHEL APHATIE Carlos GHOSN, PDG de RENAULT, sest lourdement trompé, laffaire despionnage chez RENAULT se transforme en escroquerie interne. Carlos GHOSN a-t-il encore la crédibilité suffisante pour diriger la grande entreprise quil dirige ?
ERIC BESSON Avant de parler de Carlos GHOSN, ayons ensemble une pens??e pour les salariés et leurs familles, les excuses de RENAULT étaient indispensables, parce quils ont été touchés dans leur honneur dans cette Département Veille et Ressources dinformations 01.42.75.54.58 16 affaire, et cest bien que le président de RENAULT ait présenté tout de suite ses excuses publiques. Pour le reste, vous avez vu quil y a un audit qui a été dabord, il y a lenquête judiciaire qui se poursuit, qui sont les vrais coupables et responsables, ni vous ni moi ne le savons à cette heure-ci, deuxièmement, il y a un audit interne par une personnalité externe qui a été demandé, diligenté, et qui va permettre de connaître les responsabilités exactes dans lentreprise. Ce qua dit Carlos GHOSN hier, cétait très important, cest une étape indispensable, et il a bien fait en plus de renoncer à une partie importante de sa rémunération, mais ça nest pas la fin de cette histoire interne.
JEAN-MICHEL APHATIE Le degré dincompétence dans cette affaire est incroyable, disait la DCRI, citée hier dans LES ECHOS, lEtat est actionnaire à 15% de RENAULT, incompétence
ERIC BESSON On peut être surpris, cest le moins que lon puisse dire, en même temps, vous me permettrez en tant que ministre de lIndustrie, au regard des enjeux innovations, emplois ce que représente RENAULT avec PEUGEOT dans lindustrie française, de ne pas chercher, moi, à déstabiliser en plus RENAULT.
JEAN-MICHEL APHATIE Mais qui cest qui a déstabilisé RENAULT ?
ERIC BESSON Cest pour ça que je vous ai dit « en plus ».
JEAN-MICHEL APHATIE En plus. Eric BESSON, pour une interview difficile, complexe. On est sur le chemin de la catastrophe nucléaire, a-t-il dit, au Japon.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 21 mars 2011
ERIC BESSON On est sur le chemin, la situation sest considérablement dégradée cette nuit, elle sest aggravée, cest une certitude. Si je comprends bien ce qui sest passé hier, lexplosion très forte du réacteur numéro 3 a non seulement provoqué des dégâts matériels, mais elle a aussi touché les forces, les pompiers qui interviennent sur le site, humainement et matériellement, et considérablement amoindri les capacités de réaction de nos amis japonais.
JEAN-MICHEL APHATIE Et cest la preuve que lon narrive pas à maîtriser quand un accident se produit dans une centrale nucléaire, lénergie nucléaire et ses conséquences.
ERIC BESSON Cest en tout cas la preuve que lorsquon construit une centrale sur une zone extrêmement sismique et que le pire scénario arrive, cest-à-dire un séisme de magnitude 9 plus un tsunami qui, si on comprend bien ce que nous expliquent maintenant les Japonais, qui avaient prévu une barrière anti-tsunami de dix mètres à proximité de cette centrale, et il semble que la vague qui a touché la centrale était de 14, certains disent même 17 mètres, ça veut dire que malgré les précautions immenses quils croyaient avoir prises, le pire peut effectivement arriver.
JEAN-MICHEL APHATIE Angela MERKEL, chancelière allemande, citée dans LE FIGARO ce matin : « ce qui se passe au Japon change la situation en Allemagne, aussi, nous ne pouvons pas faire comme si de rien nétait » ; en France, on fait comme si de rien nétait, Eric BESSON ?
ERIC BESSON On ne peut pas dire ça, parce que dès la conception de nos centrales, en exploitation et lorsquil y a des procédures de révision, systématiquement, tous les risques sont intégrés, et notamment
JEAN-MICHEL APHATIE On est plus fort que les autres
ERIC BESSON Non, je ne dis pas cela, mais on a une exigence de sûreté qui est extrême, lAutorité de sûreté nucléaire est en France considérée par nos homologues étrangers, par les ministres étrangers, que je rencontre, comme lAutorité la plus exigeante, donc personne ne dit, et moi, je ne suis pas capable de dire : le risque zéro nexiste pas, le risque nexiste pas. En France, de toute façon, il ny a pas de risque zéro en matière industrielle et singulièrement pas en matière nucléaire. Nous, tout ce que nous pouvons dire, cest que nous prenons toutes les précautions possibles pour que ce type de risque nexiste pas, jajoute mais ça, cest géographique et géologique à la fois que lextrême concentration dun risque de séisme magnitude 9 et dun tsunami équivalent à celui du Japon ne peut toucher la France dans ces conditions, pour des raisons qui nont rien à voir avec la volonté humaine.
JEAN-MICHEL APHATIE Les associations denvironnement, les responsables dassociations denvironnement qui ont rencontré le président de la République hier souhaitent que soit organisé un Grenelle du nucléaire ; faut-il le faire, Eric BESSON, et y êtes-vous prêt ?
ERIC BESSON Je ne sais pas ce que veut dire exactement un Grenelle du nucléaire
JEAN-MICHEL APHATIE Se poser les questions qui peut-être se posent
ERIC BESSON Mais les questions ont été posées, jai moi-même participé il y a quelques années à lAssemblée nationale, à un grand débat sur lavenir du nucléaire, lorsque jétais député, et cest quelque chose qui revient régulièrement. Maintenant, ne fermons pas la porte, bien évidemment, londe de choc de ce qui est en train de se passer au Japon va toucher lEurope et la France, et il y aura, quelles quen soient les formes, un débat autour de notre production énergétique et notre production nucléaire. Maintenant, il faut aller jusquau bout, il faut que ceux qui prônent la sortie du nucléaire disent exactement comment ils entrevoient cela, et surtout, quelles seraient les conséquences économiques, financières, sociales pour les Français ; je rappelle quand même que 80% de notre électricité est dorigine nucléaire, que ça contribue à lindépendance énergétique de la France, en tout cas, une indépendance partielle énergétique de la France, et que ça nous permet davoir une électricité 40% moins chère que dans le reste de lUnion européenne, même si les Français qui nous écoutent ont déjà limpression quelle est dun prix élevé.
JEAN-MICHEL APHATIE Mais si tout cela est vrai, langoisse est quand même importante, et on a limpression quand même parfois dêtre confronté à une forme darrogance de la part des industriels du nucléaire
ERIC BESSON Je ne crois pas
JEAN-MICHEL APHATIE Et de ceux qui défendent le nucléaire
ERIC BESSON Je ne crois pas, lhistoire du lobby nucléaire est un mythe absolu, en tout cas, sil existe, moi, je ne lai pas rencontré
JEAN-MICHEL APHATIE Vraiment ? Cest vrai ?
ERIC BESSON Il faut me dire où il loge, je rencontre des industriels et des autorités qui parlent, qui vous disent en privé exactement, heure par heure, depuis 48h, quelle est la potentialité du risque, ce quils savent, ce quils ne savent pas, en ce moment même, la structure du réacteur numéro 2, la structure de confinement est visiblement entamée, et donc il y a des radionucléides qui séchappent, et donc un seuil de radioactivité qui devient maintenant extrêmement inquiétant, eh bien, quand vous discutez, ce qui était mon cas, au téléphone, il y a quelques minutes, avant dentrer dans ce studio, avec les spécialistes, ils nont rien darrogant, ils ne vous disent pas : la catastrophe est désormais inéluctable, ils disent que cest un chemin de crête dangereux sur lequel nous sommes, et ils vous décrivent les différents scénarii, personnellement, je ne rencontre pas darrogance chez eux.
JEAN-MICHEL APHATIE Vous avez dit, vous, samedi, Eric BESSON, cest un accident grave, ce nest pas une catastrophe nucléaire, vous regrettez davoir dit ça ?
ERIC BESSON Non, je ne regrette pas, parce que, il y avait des précisions qui restent valables, samedi, à 17h, nous étions dans un accident grave et pas une catastrophe nucléaire, et jai dit en même temps ce que serait la catastrophe nucléaire, la perte
JEAN-MICHEL APHATIE Et vous dites que nous sommes sur le chemin de la catastrophe, nous ny sommes pas déjà dans la catastrophe nucléaire au Japon ?
ERIC BESSON Je ne sais pas, cest minute par minute, on verra dans quelques heures, mais javais dit : la catastrophe, ce serait la perte de la structure de confinement du réacteur, il semble que nous sommes en train daller vers ça, avec émissions dans latmosphère de quantités de matériels de fission radioactifs ; nous sommes peut-être maintenant sur ce chemin, samedi, à 17h, nous ny étions pas. Et puis, pour ce qui concerne Tchernobyl, nous navons pas le temps visiblement
JEAN-MICHEL APHATIE Je ny ai pas fait référence
ERIC BESSON Je vous indique
JEAN-MICHEL APHATIE Volontairement, je ny ai pas fait référence
ERIC BESSON Oui, mais je vous indique quand même que ce nest pas
JEAN-MICHEL APHATIE Nous le savons
ERIC BESSON Ça peut être une catastrophe nucléaire, mais ce nest pas le scénario de Tchernobyl.
JEAN-MICHEL APHATIE Carlos GHOSN, PDG de RENAULT, sest lourdement trompé, laffaire despionnage chez RENAULT se transforme en escroquerie interne. Carlos GHOSN a-t-il encore la crédibilité suffisante pour diriger la grande entreprise quil dirige ?
ERIC BESSON Avant de parler de Carlos GHOSN, ayons ensemble une pens??e pour les salariés et leurs familles, les excuses de RENAULT étaient indispensables, parce quils ont été touchés dans leur honneur dans cette Département Veille et Ressources dinformations 01.42.75.54.58 16 affaire, et cest bien que le président de RENAULT ait présenté tout de suite ses excuses publiques. Pour le reste, vous avez vu quil y a un audit qui a été dabord, il y a lenquête judiciaire qui se poursuit, qui sont les vrais coupables et responsables, ni vous ni moi ne le savons à cette heure-ci, deuxièmement, il y a un audit interne par une personnalité externe qui a été demandé, diligenté, et qui va permettre de connaître les responsabilités exactes dans lentreprise. Ce qua dit Carlos GHOSN hier, cétait très important, cest une étape indispensable, et il a bien fait en plus de renoncer à une partie importante de sa rémunération, mais ça nest pas la fin de cette histoire interne.
JEAN-MICHEL APHATIE Le degré dincompétence dans cette affaire est incroyable, disait la DCRI, citée hier dans LES ECHOS, lEtat est actionnaire à 15% de RENAULT, incompétence
ERIC BESSON On peut être surpris, cest le moins que lon puisse dire, en même temps, vous me permettrez en tant que ministre de lIndustrie, au regard des enjeux innovations, emplois ce que représente RENAULT avec PEUGEOT dans lindustrie française, de ne pas chercher, moi, à déstabiliser en plus RENAULT.
JEAN-MICHEL APHATIE Mais qui cest qui a déstabilisé RENAULT ?
ERIC BESSON Cest pour ça que je vous ai dit « en plus ».
JEAN-MICHEL APHATIE En plus. Eric BESSON, pour une interview difficile, complexe. On est sur le chemin de la catastrophe nucléaire, a-t-il dit, au Japon.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 21 mars 2011