Interview de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, à "RTL" le 28 mars 2011, sur l'énergie nucléaire incontournable pour la France, sur l'analyse des résultats des élections cantonales de mars 2011.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE Confirmez-vous que le réacteur numéro 2 de la centrale de Fukushima est en train de fondre ?

ERIC BESSON Je ne le sais pas. Je sais que la situation est extrêmement critique, extrêmement sérieuse, et je vois bien que l’opérateur, TEPCO, n’a pas réussi depuis 8 jours à stabiliser la situation et...

JEAN-MICHEL APHATIE Il est dépassé par les évènements, TEPCO ?

ERIC BESSON ... nous avons des relâchements de radionucléide importants, et on a du mal à savoir quelle est très exactement la situation. On en saura peut-être un petit peu plus dans les heures qui viennent, parce que TEPCO, pour la première fois, je m’en réjouis, il y a 36 heures, a demandé l’appui des industriels français concernés, en la circonstance, EDF, AREVA et le CEA. Je trouve que c'est une bonne nouvelle qu’il le fasse.

JEAN-MICHEL APHATIE Une bonne nouvelle et mauvais signe, TEPCO dépassé par la situation.

ERIC BESSON TEPCO en difficultés. Quand il y aura le retour d’expérience, on en saura plus sue ce qu’auront été ces 8 jours exactement.

JEAN-MICHEL APHATIE Cette catastrophe est-elle une déstabilisation pour l’industrie nucléaire ?

ERIC BESSON Elle est une difficulté pour l’ensemble de l’industrie nucléaire et l’ensemble de l’industrie française. Je vais, cet après midi, recevoir tous les industriels qui sont implantés au Japon, pour faire avec eux le point de la situation. Vous savez que dans le secteur de l’automobile, le secteur de l’électronique, pour les composants, nous avons beaucoup d’approvisionnements en provenance du Japon, je vais faire le point avec les industriels pour voir comment nous pouvons gérer cette phase de transition difficile pour eux.

JEAN-MICHEL APHATIE Ça n'est pas plus qu’une difficulté pour l’industrie nucléaire, ce qui se passe à Fukushima ?

ERIC BESSON C'est une difficulté objective à laquelle nous avons déjà répondu. Je vous signale que lundi dernier, il y a une semaine, j’ai présenté, à Bruxelles, une proposition sur la façon dont nous devions organiser les tests de sûreté de tourte les centrales existantes, je l’ai présenté au nom de la France, et que vendredi, les chefs d’Etats et de gouvernements ont adopté la résolution française, les propositions françaises. Ça veut dire : tout pour la sûreté, aller vers ce que l’on appelle la troisième génération, la sûreté absolue. Maintenant, si votre question est : pouvons-nous, en France, et en Europe, nous passer du nucléaire, mais réponse, personnelle, est : non.

JEAN-MICHEL APHATIE Ça n’était pas ma question, mais nous avons votre réponse, Eric BESSON.

ERIC BESSON Oui, mais elle est tellement implicite, que j’ai voulu aller au devant de vos désirs.

JEAN-MICHEL APHATIE Alors, maintenant, répondez à mes désirs. Quelle analyse, quelles raisons, d’après vous, expliquent la défaite de l’UMP aux élections cantonales ces deux dimanches derniers ?

ERIC BESSON Je crois d’abord qu’il y a, et Alain DUHAMEL y faisait allusion à juste titre, un mécontentement général de tout les Européens, et même dans le monde. L’onde de choc de la crise touche tous les gouvernements. Regardez la situation d’Angela MERKEL, de Barack OBAMA, de José Luis ZAPATERO, de José SOCRATES au Portugal, de Gordon BROWN qui a disparu de la scène politique, l’onde de choc de la crise que nous avons connue il y a deux ans et demi, a touché tous les gouvernements.

JEAN-MICHEL APHATIE Alain disait aussi qu’il y avait une spécificité française dans le mécontentement.

ERIC BESSON Il y a une spécificité française.

JEAN-MICHEL APHATIE Alors, parlons-en.

ERIC BESSON Il y a une spécificité française, les Français, effectivement, doutent de la mondialisation, ils doutent de l’Europe. Pour une partie d’entre eux, ils ont peur, de l’étranger, de l’islam, d’un certain nombre de questions qui ont été abordées ces derniers jours et il faut réintroduire, redonner confiance. Moi je vois deux objectifs prioritaires : l’emploi et la République. L’emploi, parce qu’à l’évidence, le vote Front national peut être juxtaposé à la carte du chômage et de la pauvreté en France, il y a un lien évident entre social et Front national, malheureusement, au regard de ces élections, et deuxièmement, la République, parce que je crois que nous devons réintroduire un pacte républicain auquel adhèrent les Français, fait d’un équilibre scrupuleux, exigeant, entre des droits et des devoirs, et que là est là est la clef, il n’y a pas à aller « draguer » quelques valeurs que ce soit du Front national, il y a réaffirmer un axe républicain, une orientation républicaine stricte, parfois très exigeante.

JEAN-MICHEL APHATIE Pensez-vous que les déclarations de Claude GUEANT, auxquelles justement Alain faisait allusion, vous ont aidé où ont plutôt aidé le Front national ?

ERIC BESSON Je ne sais pas. Ce n'est pas des déclarations de Claude GUEANT qui importent, ce qui importe ce sont les ...

JEAN-MICHEL APHATIE C'est ma question en tout cas.

ERIC BESSON Oui, je sais, mais...

JEAN-MICHEL APHATIE Vous pouvez ne pas répondre à ma question, mais...

ERIC BESSON Mais je voudrais y répondre par les attentes...

JEAN-MICHEL APHATIE ... parce que je la croyais moins importante, je me trompe peut-être.

ERIC BESSON Les attentes des Français...

JEAN-MICHEL APHATIE Non, mais je vous parle des déclarations de Claude GUEANT. Claude GUEANT, par exemple, a dit : « Les Français veulent que la France reste la France », ou bien « Les Français ne se sentent plus chez eux ». Ces déclarations-là ont aidé les candidats de l'UMP ou ont desservi les candidats de l’UMP ?

ERIC BESSON Mais, vous savez, il y a une forme d’auto-flagellation chez nous. Je reviens de Tunisie, si vous entendez, il faut que la Tunisie reste la Tunisie, ça ne choque personne. Allez au Brésil, dites : il faut que le Brésil reste le Brésil, ça ne choque personne.

JEAN-MICHEL APHATIE Ce n'est pas que ça chose, ça veut dire que la France est menacée de ne plus être la France, Eric BESSON, c'est ça que ça veut dire ?

ERIC BESSON Il disait scrupuleusement que dans un certain nombre de quartiers, du fait de l’immigration illégale, les Français n’ont plus le sentiment d’être chez eux. Ça n'est pas vrai, globalement, en France, c'est incontestable dans un certain nombre de quartiers. Et je veux....

JEAN-MICHEL APHATIE Et ces déclarations-là on servi les candidats de l'UMP ou ont desservi les candidats de l’UMP ?

ERIC BESSON Je ne le sais pas. Je ne le sais pas, je ne suis pas suffisamment spécialiste pour, en une nuit, tirer les leçons du scrutin. Je vous dis simplement que, sur le fond, cette question-là sera posée et je dis que tous ceux qui croient à l’intégration, doivent défendre l’immigration légale et lutter contre l’immigration illégale qui fait beaucoup de dégâts dans notre pays et qui se retourne y compris contre les étrangers.

JEAN-MICHEL APHATIE Mais cela fait des années que vous lutter contre...

ERIC BESSON Oui, ça fait des années, oui ça fait des années, mais ce n'est pas pour autant que c'est facile, parce que, regardez ce qui se passe quand un certain nombre de migrants étrangers, en situation irrégulière viennent par exemple à Lampedusa, ils disent en même temps que c'est en France qu’ils ont envie d’aller. Alors, c'est une forme de reconnaissance de notre modèle social, mais c'est une difficulté objective, il faut essayer de la traiter lucidement, ne pas la nier, sans déraper et sans faire d’amalgame. Voilà, c'est ce qu’il faut faire.

JEAN-MICHEL APHATIE Sans déraper.

ERIC BESSON Oui, bien sûr, sans déraper. Il y a eu...

JEAN-MICHEL APHATIE Pour l’instant, il n’y a pas eu de dérapage.

ERIC BESSON Il y a eu par le passé, un certain nombre de dérapages sur ces questions, c'est l’évidence...

JEAN-MICHEL APHATIE Vous ne pensez pas à Claude GUEANT.

ERIC BESSON Non, je ne pensais pas à Claude GUEANT.

JEAN-MICHEL APHATIE L’UMP va-t-elle éclater, Eric BESSON ?

ERIC BESSON Je ne le crois pas. Je ne le crois pas. Bien évidemment, nous devons tirer les leçons d’un scrutin qui est une déception pour l'UMP. Il ne faut pas dévier d’un axe qui est très simple, ce que je vous disais à l’instant, l’emploi, la République ne peut pas se perdre dans les polémiques inutiles et faire qu’en 2011 nous répondions aux attentes de nos concitoyens.

JEAN-MICHEL APHATIE Jean-Louis BORLOO ne va pas vous quitter.

ERIC BESSON Je ne le crois pas, mais c'est à lui que ça appartient.

JEAN-MICHEL APHATIE La réélection de Nicolas SARKOZY est-elle en péril, Eric BESSON ?

ERIC BESSON Je ne le crois pas non plus, mais le dire aujourd'hui, ça paraîtrait de la forfanterie, donc je vais faire de la modestie, moi il...

JEAN-MICHEL APHATIE Alors, vous allez dire quoi ?

ERIC BESSON Pardon ?

JEAN-MICHEL APHATIE Vous allez dire quoi, alors, si vous ne faites pas de modestie ?

ERIC BESSON Eh bien ça veut dire que je pense qu’il conserve beaucoup d’atouts entre les mains et je considère qu’un certain nombre de choses qu’il fait bien, il y a dix jours le gouvernement économique de l’Europe, dont on n’a pas parlé, il y a quelques jours, alors que, hier encore Martine AUBRY disait « on n’entend pas la voix de la France », mais dans la question libyenne, qui sait si ce n'est la voix de la France, qui a mené et qui a organisé la coalition qui intervient aujourd'hui en Libye et qui empêche un dictateur de massacrer son propre peuple ?

JEAN-MICHEL APHATIE Vous aimeriez que Dominique STRAUSS-KAHN soit candidat ?

ERIC BESSON Je ne le sais pas, en tout cas ça serait un joli match.

JEAN-MICHEL APHATIE Entre ?

ERIC BESSON Entre Nicolas SARKOZY et Dominique STRAUSS-KAHN.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 28 mars 2011