Interview de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat au commerce extérieur au quotidien "Dunya" le 25 mars 2011, sur les relations économiques franco-turques.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage en Turquie le 25 mars 2011

Média : Dunya

Texte intégral

Q - Pourriez-vous faire une évaluation du commerce bilatéral franco-turc ? Comment évaluez-vous les potentialités offertes la Turquie pour la France ? Quelles sont les opportunités d’investissement en France pour les entreprises turques ?
Je connais très bien la Turquie, ce grand pays ami et allié que j’aime beaucoup et que je suis très heureux de retrouver pour la première fois en en tant que Secrétaire d’état chargé du Commerce extérieur. Ma visite intervient au lendemain de la visite historique du Président Nicolas Sarkozy en Turquie, une visite centrée sur le G20, mais qui comportait naturellement une forte dimension économique, compte tenu de la croissance remarquable de nos relations commerciales ces dernières années.
Nos échanges bilatéraux, presque équilibrés, se portent très bien, avec un commerce bilatéral de 11,7 Mds € en 2010. Nous nous sommes fixés un objectif ambitieux de 15 Mds € à atteindre en 2012 et nous sommes sur la bonne voie pour y parvenir. Nos ventes ont progressé de 20% entre 2007 et 2010, ce qui fait de la Turquie désormais le 11ème client de la France dans le monde et le 3ème hors Union européenne et Suisse, à égalité avec la Russie, après les Etats-Unis et la Chine.
Nos bons résultats sont notamment le fruit de l’action déterminée de nos entreprises. Les sociétés françaises croient en la Turquie. Les 400 entreprises françaises implantées en Turquie y emploient 100.000 personnes et font vivre près de 500.000 citoyens turcs. Elles sont aussi très présentes dans le quotidien des Turcs et elles continuent d’investir en Turquie pour y occuper des positions de tout premier rang : Renault est devenue la première entreprise exportatrice de Turquie en 2010, Axa la première compagnie d’assurance, et notre pays est ainsi devenu le 2ème investisseur étranger en Turquie en terme de flux en 2009 et 2010 et le troisième en termes de stock..
La bonne santé de l’économie turque, la 17ème économie du monde, est porteuse de nombreuses potentialités pour les entreprises françaises. Le dynamisme de nos entreprises et les perspectives de croissance de l’économie turque devraient nous conduire à nous fixer un objectif plus ambitieux encore.
Les échanges entre la France et la Turquie sont essentiellement composés de produits industriels, en particulier dans le domaine des transports (avion, automobile métro, tramway). Nous voulons nous renforcer dans ce secteur mais aussi développer davantage nos échanges notamment dans le domaine des produits agricoles et des industries agro-alimentaires.
De notre côté, nous souhaitons accueillir davantage d’investissements turcs en France.. Selon l’Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII), une trentaine de groupes turcs sont implantés en France et emploient près de 1.000 salariés. C’est pour remédier à ce déséquilibre entre nos investissements respectifs que l’AFII a ouvert, en juin 2010, un bureau à Istanbul.
35 nouveaux projets d’investissements turcs en France ont déjà été identifiés et un centre d’affaires turcophone a été ouvert à Paris-Roissy à la fin 2010. Ces projets d’investissements concernent plusieurs secteurs d’activité (agroalimentaire, automobile, matériel médical, etc.).
Je suis convaincu du potentiel élevé des investissements turcs en France. La France est le 2ème pays qui attire le plus d’investissements étrangers créateurs d’emplois en Europe : aux entreprises turques de tirer parti de l’attractivité de notre pays.
Q - Que faudrait-il faire pour augmenter le commerce bilatéral ?
Pour augmenter et améliorer notre commerce bilatéral, nous devons multiplier les visites entre hommes d’affaires et continuer à accroître la part des PME françaises dans nos échanges bilatéraux. Il nous faut également approfondir les coopérations notamment dans les domaines de l’eau, de l’énergie et des transports. Les perspectives de grands contrats, notamment dans les domaines spatial, aéronautique et ferroviaire pourraient également permettre d’améliorer nos échanges avec la Turquie.
Dans le domaine aéronautique, Turkish Airlines a commandé à Airbus, depuis 2009, 46 appareils dans le cadre du renouvellement de sa flotte. Airbus s’est aussi efforcé de renforcer sa coopération industrielle avec l’industrie aéronautique turque. Depuis décembre 2008, cette dernière est associée, en qualité de partenaires à risques, aux programmes de l’Airbus A350.
Dans le domaine spatial, une société française est positionnée pour le lancement de deux satellites de communication que l’opérateur Turksat vient de commander au japonais Melco.
Dans le domaine ferroviaire, enfin, un appel d’offres est actuellement en cours pour les infrastructures ferroviaires de 53 km de ligne à grande vitesse sur le parcours Ankara Istanbul, l’offre française s’est placée dans le cadre de consortiums.
Q - Est-ce qu’il y a une possibilité pour les entreprises turques et françaises de faire des coopérations dans des pays tiers ? Dans quels pays et dans quels secteurs ?
C’est l’un des mes objectifs de mon déplacement en Turquie. Des succès existent déjà : Saint Gobain s’est associé avec Sisecam pour la fabrication de verre plat en Egypte et en Russie, Aéroport de Lyon a noué un partenariat avec Limak pour la concession/rénovation de l’aéroport de Pristina, Thales est partenaire d’Aselsan pour l’équipement en radars de la marine du Turkménistan et de TAV pour l’équipement des aéroports de Doha, Kiev et Varsovie. Nous devons accompagner ces expériences réussies et les développer, en nous appuyant sur une quinzaine de grands groupes turcs actifs à l’international, au Proche et Moyen Orient et dans les Balkans notamment, et en faisant valoir nos complémentarités. C’est le cas en Irak, comme le montre l’exemple du consortium Alstom/Tefken pour la mise en place d’une centrale thermique dans la région de Karbala. Les entreprises turques sont très compétitives dans le secteur de la construction et sont absentes des grands biens d’équipements industriels à forte plus value technologique, sur lesquels la France pourrait se positionner.
Dans les Balkans, la France pourrait rechercher une coopération avec la Turquie sur le métro de Belgrade, projet pour lequel la France et la Serbie sont sur le point d’établir un partenariat stratégique. Des opportunités existent également dans le domaine des concessions aéroportuaires : outre le projet franco-turc pour l’aéroport de Pristina au Kosovo, l’aéroport de Nice attend les résultats de l’appel d’offres auquel elle s’est présentée avec la société turque Limak dans le cadre de l’extension de l’aéroport de Zagreb.
Q - Les PME sont de plus en plus importantes dans nos relations bilatérales. Que peuvent faire les PME de nos pays respectifs ? Quelles sont les opportunités d’investissement pour les PME françaises et turques ?
Plus de 6.000 exportateurs français, des PME dans leur écrasante majorité, travaillent chaque année sur la Turquie. Hors secteur automobile, la très grande majorité du commerce turc dirigé vers la France est aussi le résultat de l’action de PME / PMI turques. C’est un fait : les tissus industriels de nos deux pays, composés très largement de PME se ressemblent et se rejoignent.
Il y a donc beaucoup à faire ensemble. Notre objectif commun d’arriver à un montant total de 15 Mds EUR d’échanges à fin 2012 ne pourra être atteint qu’en mobilisant encore davantage les PME turques et françaises.
L’Agence pour le développement International des entreprises françaises, Ubifrance, présent dans 46 pays, a en charge, sous mon autorité, l’accompagnement des PME françaises à l’international. En Turquie, elle a, depuis janvier 2009, réalisé plus de 700 accompagnements d’entreprises françaises, via notamment l’organisation annuelle d’une vingtaine d’opérations collectives (Pavillons français sur les Salons turcs, rencontres d’acheteurs et de partenaires turcs, colloque et séminaires techniques, Forums d’affaires…) et travaille en très étroite coopération avec les institutions de Turquie (DEIK, TIM, Invest in Turkey, Chambres de commerce et d’industrie, associations professionnelles…) et bien sûr directement avec les acteurs privés.
C’est un dialogue d’entreprises qu’il s’agit ici de nourrir et d’animer, avec un fil rouge : développer des partenariats et des relations gagnant-gagnant entre les entreprises de nos deux pays. C’est à cette fin qu’Ubifrance organisera en novembre prochain, avec ses partenaires de ce que l’on appelle « l’Equipe de France de l’Export » (la Chambre de Commerce franco-turque d’Istanbul, les conseillers du commerce extérieur de la France, les Chambres de commerce et d’Industrie de France…) et avec des partenaires turcs, un grand Forum régional d’Affaires, qui doit réunir, sur deux jours, entreprises françaises, entreprises venues de pays du Sud de la Méditerranée et entreprises turques, à l’image du Forum bilatéral organisé en juin 2010 et qui avait été un grand succès pour tous.
Source http://www.ambafrance-tr.org, le 4 avril 2011