Texte intégral
PATRICK COHEN Que se passe-t-il en Côte-D'ivoire ce matin ? Laurent GBAGBO continue de négocier sa réédition ?
GERARD LONGUET Il se passe exactement ce que vous avez annoncé à vos auditeurs, Laurent GBAGBO négocie sa réédition, ou plus exactement son départ politique, parce qu'en effet, il se souvient qu'il a été élu il y a longtemps, en 2010, qu'il a pendant 5 ans oublié d'organiser des élections présidentielles, mais il considère qu'il a été battu aux élections et qu'il n'a été « que » battu aux élections. D'ailleurs, il ne considère pas qu'il ait été battu.
PATRICK COHEN Donc il voudrait rester un opposant de l'intérieur. Vous confirmez qu'il a demandé de pouvoir rester à Abidjan, à bénéficier de sa résidence privée à Cocody sous protection de l'ONU ?
GERARD LONGUET Pour être honnête, la France n'est pas au coeur de cette négociation.
PATRICK COHEN Ça ne passe pas par Paris ?
GERARD LONGUET Ça passe par les Nations Unies, par l'ONUCI, par les interlocuteurs que GBAGBO accepte, et nous n'avons pas vocation à négocier le maintien ou le départ de Laurent GBAGBO, ce n'est pas notre rôle.
PATRICK COHEN Mais à vos yeux, Laurent GBAGBO peut-il rester dans son pays ?
GERARD LONGUET Je vais vous dire. Tout ce qui peut amener la paix dans ce pays complexe qu'est la Côte-D'ivoire est le bienvenu. Le maintien de Laurent GBAGBO c'est sans doute une source d'ambiguïté et, pour le nouvel Etat, un risque. Après tout ce sont à eux d'assumer l'ampleur de ce risque, ce n'est pas à nous de juger comment la paix entre les ivoiriens doit s'organiser.
PATRICK COHEN Mais vous dites, si GBAGBO reste dans son pays, il y a un risque.
GERARD LONGUET Par définition, quand on en vient à régler des conflits à la 12-7, manifestement il y a un risque. Quand on pousse ses compatriotes à s'armer contre une force animée par un président reconnu, il y a un risque, c'est le moins qu'on puisse dire. Quand on laisse se dégrader la situation à Abidjan, où des bandes de pillards menacent, ont séquestré, ont même embarqué deux otages, il y a un risque, c'est le moins qu'on puisse dire.
PATRICK COHEN Etes-vous conscient Gérard LONGUET, puisqu'on parle de risque
GERARD LONGUET En général, oui.
PATRICK COHEN Que l'engagement français n'est pas, lui non plus, sans risque, qu'il va laisser des traces en Côte-D'ivoire en faisant de OUATTARA le protégé de la France ?
GERARD LONGUET Je pense exactement le contraire. Je pense que le risque majeur eut été, pour l'opinion française et pour l'opinion ivoirienne, que la force Licorne reste les bras croisés au moment où, par exemple, 12 000 de nos compatriotes d'une part, des dizaines de milliers de non-ivoiriens, je pense à la communauté libanaise extrêmement importante à Abidjan, des centaines de milliers d'ivoiriens qui ont fait le choix d'un camp ou d'un autre, ou qui ne sont d'ailleurs d'aucun camp, pouvaient être menacés par une fin de règle apocalyptique, c'est-à-dire des bandes contrôlées par personne, et qui cherchaient, qui de l'argent, qui des armes, qui des petits avantages, pour organiser sa fuite. Les Nations Unies
PATRICK COHEN Mais l'intervention française ne se limite pas à la protection des civils.
GERARD LONGUET Les Nations Unies avaient une clé de voûte, la clé de voûte c'était de montrer qu'il n'y avait pas de solution par la force et qu'un pouvoir ne pouvait pas se maintenir avec comme seule légitimité des tirs de mortiers sur des populations civiles, des tirs de chars sur des populations civiles, et pourquoi pas des tirs de canons sur des populations civiles. Ce que l'ONUCI, qui est sur le terrain, a fait, c'est de demander, par l'intermédiaire de son secrétaire général, par le secrétaire général des Nations Unies, que les français puissent appuyer les deux malheureux hélicoptères MI-24 dont disposait l'ONUCI, et qui sont d'ailleurs armés par équipages ukrainiens. Nous l'avons fait, et nous n'avons fait que cela. Et nous n'avons fait que cela.
PATRICK COHEN Que cela, mais c'est bien l'engagement français qui a fait basculer le rapport de forces en faveur des forces de soutien à OUATTARA.
GERARD LONGUET Non, ce qui a fait basculer le rapport des forces c'est le fait que la communauté internationale, et en particulier la communauté africaine de contact, a soutenu et reconnu le président OUATTARA, qu'en 4 jours il est parti de ses bases du Nord jusqu'aux portes d'Abidjan. Aucune population n'a contesté la venue de cette nouvelle équipe du président élu et reconnu par la communauté internationale. Et vous avez tout à fait raison, au dernier moment il y a, en quelque sorte, un dernier carré qui s'arc-boute sur des moyens matériels lourds, c'est-à-dire des chars, des mortiers, et à ce moment-là c'est très simple. Ou on laisse la population victime de ces affrontements, ou bien, avec les moyens dont dispose l'ONUCI, renforcée par les moyens de Licorne, on calme le jeu, et c'est ce qui se passe actuellement. On est en période d'observation, souhaitons que cette période d'observation se dénoue rapidement et que l'organisation ivoirienne, qui existe, il y a une gendarmerie, il y a une police, il y a les sapeurs pompiers, se disent il y a un nouveau patron, on obéit et puis voilà, ça marche.
PATRICK COHEN Engagement français tout de même décisif, c'est ce que dit un responsable de l'ONU, le secrétaire général adjoint de l'ONU ce matin encore dans les colonnes du FIGARO. Le soutien des troupes françaises était nécessaire
GERARD LONGUET Nous n'aurions pas pu rester les bras croisés devant la perspective, en effet, d'un massacre.
PATRICK COHEN Expliquez-nous, Gérard LONGUET, tout de même, ce changement de doctrine. Pendant des semaines, en pleine révolution tunisienne, alors que BEN ALI faisait tirer dans la foule, on nous a expliqué, le président, le gouvernement, que la France ne devait pas s'ingérer dans les affaires intérieures, et nous voilà engagés sur deux fronts, en Libye et Côte- D'ivoire.
GERARD LONGUET C'est exact. Dans les deux cas, Libye et Côte-D'ivoire, la France est engagée sur un mandat des Nations Unies. Nous ne sommes pas un pays de va-t-en-guerre, nous sommes un pays qui participe à ce qui est en train d'émerger dans le monde et qui est plutôt rassurant, une sorte d'action de sécurité conduite par les Nations Unies. Elle ne le fait pas partout, on lui a reproché, à juste titre, de ne pas l'avoir fait par le passé. Nous avons des résolutions du Conseil de sécurité pour la Libye, nous avons la résolution 1975 pour la Côte-D'ivoire, lorsque nous en avons les moyens, et à proportion des moyens dont on dispose, nous participons à la mise en oeuvre d'une action de paix internationale conduite par les Nations Unies.
PATRICK COHEN C'est une sorte de coïncidence ces deux fronts, ces deux théâtres d'opérations ?
GERARD LONGUET Non, le monde si vous voulez, le monde reste tragique, il y a malheureusement, sur un univers de 6 milliards d'êtres humains, des zones de non-droit, il se trouve que dans certaines zones de non-droit la France est en mesure d'aider les Nations Unies, nous le faisons. Nous le faisons là où nous sommes en mesure, là où on n'est pas en mesure, malheureusement, nous sommes extérieurs, nous ne sommes pas concernés. Mais à partir du moment où on a les moyens d'être utile, pourquoi, diable, ne pas être utile au bénéfice des Nations Unies pour une mise en oeuvre de paix.
PATRICK COHEN La France le fait sur ces deux fronts sans que le président de la République ait jugé utile d'expliquer aux Français sa décision, de s'adresser aux citoyens. Vous ne pensez pas qu'il y a un devoir d'explications de la part du chef de l'Etat, chef des Armées ?
GERARD LONGUET Le devoir d'explications il est conduit alors, je suis en désaccord total avec vous. Sur la résolution 1973 concernant la Libye, c'est au contraire le président de la République qui a été à l'origine de cela et il a eu l'occasion de le dire. Son ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, Alain JUPPE, l'a largement commentée, et à juste titre, il est en charge de la politique étrangère de la France. Et en ce qui concerne la Côte-D'ivoire, le président de la République est en tout fidèle à son engagement. Licorne protège les Français, et le cas échéant, si l'ONU le demande, donne un coup de main à l'ONU dans le cadre d'une demande formelle. Cette demande formelle a été exprimée, nous l'avons fait.
PATRICK COHEN Vous avez peut-être entendu hier la mise en garde du député socialiste Jean-Marie LE GUEN, « il y a du BUSH chez SARKOZY. C'est une posture dangereuse. Il ne faudrait pas que la France devienne, dans le monde, un petit Satan comme l'ont été les Etats-Unis. »
GERARD LONGUET Cela n'a strictement rien à voir. Je vous rappelle que le président BUSH a décidé, proprio motu, avec l'appui d'ailleurs du Premier ministre anglais de l'époque, l'intervention en Irak, que l'opinion française et le président de la République de l'époque, Jacques CHIRAC, avaient condamnée. Nous sommes dans une logique complètement différente. Là nous sommes des partenaires de Nations Unies, nous avons un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, nous prenons des décisions, et lorsque des décisions sont prises, nous en appliquons pour la part de responsabilité qui nous revient. La France n'est pas l'alpha et l'oméga dans le monde, mais pourquoi accepterions-nous d'avoir les bras croisés, lorsque manifestement nous pouvons rendre service. Nous rendons service en Libye en assurant, en gros, 25% de la présence aérienne de la coalition. En Côte-D'ivoire nous avions 980 hommes, nous avons renforcé, en période de crise, pour les monter à 1500, cela reste dans très en deçà des capacités de projection extérieure de notre Armée.
PATRICK COHEN La Libye où la guerre s'enlise. Les insurgés accusent la coalition de ne pas assez protéger les civils à Misrata, c'est la troisième ville du pays, elle a été bombardée pendant 7 heures par les forces pro- KADHAFI.
GERARD LONGUET Je comprends totalement l'impatience des insurgés et je voudrais simplement rappeler que, là encore, la coalition intervient dans le cadre d'une résolution des Nations Unies, que cette résolution a pour objet d'empêcher, par la voie aérienne, des frappes militaires, il se trouve que la voie aérienne a ses propres limites. Nous avons fait, alors sur Misrata, une information importante. La ville, c'est un port, la ville est assiégée, la coalition a considéré que des bateaux des insurgés, partant de Bengazi, et livrant de la nourriture à Misrata, pouvaient naviguer et apporter ces livraisons. Vous allez me dire c'est une banalité. Non. Parce que, précédemment, la lecture de l'embargo était qu'aucun bateau ne pouvait alimenter aucune ville. Aujourd'hui nous avons ré-ouvert la circulation à Tobrouk et à Bengazi, et donc des bateaux de Bengazi vont pouvoir, nonobstant le fait qu'il y a une marine kadhafiste, vont pouvoir livrer Misrata, et pourquoi pourront-ils livrer Misrata, parce que la coalition empêchera toute action de force de la marine kadhafiste. Donc le problème, la situation de Misrata est en effet une situation extrêmement difficile, je crois que les insurgés sont extrêmement courageux, ils ont une résistance, une opiniâtreté, une détermination, nous allons faire en sorte que par, entre eux, entre libyens, je dis bien entre libyens, le secours vienne de Bengazi et qu'à aucun moment les moyens militaires kadhafistes puissent empêcher ce secours.
PATRICK COHEN Il n'y a pas d'enlisement en Libye ?
GERARD LONGUET Il y a un rapport de forces fondé sur la solidité de notre conviction. Notre conviction c'est qu'on ne peut pas accepter qu'un pouvoir règle les problèmes par la force. A partir du moment où on décide de ne pas aller sur terre, il est évident que c'est plus long, mais qui veut, aujourd'hui, aller sur terre en Libye ? Aucun pays de la coalition.
Source Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 avril 2011
GERARD LONGUET Il se passe exactement ce que vous avez annoncé à vos auditeurs, Laurent GBAGBO négocie sa réédition, ou plus exactement son départ politique, parce qu'en effet, il se souvient qu'il a été élu il y a longtemps, en 2010, qu'il a pendant 5 ans oublié d'organiser des élections présidentielles, mais il considère qu'il a été battu aux élections et qu'il n'a été « que » battu aux élections. D'ailleurs, il ne considère pas qu'il ait été battu.
PATRICK COHEN Donc il voudrait rester un opposant de l'intérieur. Vous confirmez qu'il a demandé de pouvoir rester à Abidjan, à bénéficier de sa résidence privée à Cocody sous protection de l'ONU ?
GERARD LONGUET Pour être honnête, la France n'est pas au coeur de cette négociation.
PATRICK COHEN Ça ne passe pas par Paris ?
GERARD LONGUET Ça passe par les Nations Unies, par l'ONUCI, par les interlocuteurs que GBAGBO accepte, et nous n'avons pas vocation à négocier le maintien ou le départ de Laurent GBAGBO, ce n'est pas notre rôle.
PATRICK COHEN Mais à vos yeux, Laurent GBAGBO peut-il rester dans son pays ?
GERARD LONGUET Je vais vous dire. Tout ce qui peut amener la paix dans ce pays complexe qu'est la Côte-D'ivoire est le bienvenu. Le maintien de Laurent GBAGBO c'est sans doute une source d'ambiguïté et, pour le nouvel Etat, un risque. Après tout ce sont à eux d'assumer l'ampleur de ce risque, ce n'est pas à nous de juger comment la paix entre les ivoiriens doit s'organiser.
PATRICK COHEN Mais vous dites, si GBAGBO reste dans son pays, il y a un risque.
GERARD LONGUET Par définition, quand on en vient à régler des conflits à la 12-7, manifestement il y a un risque. Quand on pousse ses compatriotes à s'armer contre une force animée par un président reconnu, il y a un risque, c'est le moins qu'on puisse dire. Quand on laisse se dégrader la situation à Abidjan, où des bandes de pillards menacent, ont séquestré, ont même embarqué deux otages, il y a un risque, c'est le moins qu'on puisse dire.
PATRICK COHEN Etes-vous conscient Gérard LONGUET, puisqu'on parle de risque
GERARD LONGUET En général, oui.
PATRICK COHEN Que l'engagement français n'est pas, lui non plus, sans risque, qu'il va laisser des traces en Côte-D'ivoire en faisant de OUATTARA le protégé de la France ?
GERARD LONGUET Je pense exactement le contraire. Je pense que le risque majeur eut été, pour l'opinion française et pour l'opinion ivoirienne, que la force Licorne reste les bras croisés au moment où, par exemple, 12 000 de nos compatriotes d'une part, des dizaines de milliers de non-ivoiriens, je pense à la communauté libanaise extrêmement importante à Abidjan, des centaines de milliers d'ivoiriens qui ont fait le choix d'un camp ou d'un autre, ou qui ne sont d'ailleurs d'aucun camp, pouvaient être menacés par une fin de règle apocalyptique, c'est-à-dire des bandes contrôlées par personne, et qui cherchaient, qui de l'argent, qui des armes, qui des petits avantages, pour organiser sa fuite. Les Nations Unies
PATRICK COHEN Mais l'intervention française ne se limite pas à la protection des civils.
GERARD LONGUET Les Nations Unies avaient une clé de voûte, la clé de voûte c'était de montrer qu'il n'y avait pas de solution par la force et qu'un pouvoir ne pouvait pas se maintenir avec comme seule légitimité des tirs de mortiers sur des populations civiles, des tirs de chars sur des populations civiles, et pourquoi pas des tirs de canons sur des populations civiles. Ce que l'ONUCI, qui est sur le terrain, a fait, c'est de demander, par l'intermédiaire de son secrétaire général, par le secrétaire général des Nations Unies, que les français puissent appuyer les deux malheureux hélicoptères MI-24 dont disposait l'ONUCI, et qui sont d'ailleurs armés par équipages ukrainiens. Nous l'avons fait, et nous n'avons fait que cela. Et nous n'avons fait que cela.
PATRICK COHEN Que cela, mais c'est bien l'engagement français qui a fait basculer le rapport de forces en faveur des forces de soutien à OUATTARA.
GERARD LONGUET Non, ce qui a fait basculer le rapport des forces c'est le fait que la communauté internationale, et en particulier la communauté africaine de contact, a soutenu et reconnu le président OUATTARA, qu'en 4 jours il est parti de ses bases du Nord jusqu'aux portes d'Abidjan. Aucune population n'a contesté la venue de cette nouvelle équipe du président élu et reconnu par la communauté internationale. Et vous avez tout à fait raison, au dernier moment il y a, en quelque sorte, un dernier carré qui s'arc-boute sur des moyens matériels lourds, c'est-à-dire des chars, des mortiers, et à ce moment-là c'est très simple. Ou on laisse la population victime de ces affrontements, ou bien, avec les moyens dont dispose l'ONUCI, renforcée par les moyens de Licorne, on calme le jeu, et c'est ce qui se passe actuellement. On est en période d'observation, souhaitons que cette période d'observation se dénoue rapidement et que l'organisation ivoirienne, qui existe, il y a une gendarmerie, il y a une police, il y a les sapeurs pompiers, se disent il y a un nouveau patron, on obéit et puis voilà, ça marche.
PATRICK COHEN Engagement français tout de même décisif, c'est ce que dit un responsable de l'ONU, le secrétaire général adjoint de l'ONU ce matin encore dans les colonnes du FIGARO. Le soutien des troupes françaises était nécessaire
GERARD LONGUET Nous n'aurions pas pu rester les bras croisés devant la perspective, en effet, d'un massacre.
PATRICK COHEN Expliquez-nous, Gérard LONGUET, tout de même, ce changement de doctrine. Pendant des semaines, en pleine révolution tunisienne, alors que BEN ALI faisait tirer dans la foule, on nous a expliqué, le président, le gouvernement, que la France ne devait pas s'ingérer dans les affaires intérieures, et nous voilà engagés sur deux fronts, en Libye et Côte- D'ivoire.
GERARD LONGUET C'est exact. Dans les deux cas, Libye et Côte-D'ivoire, la France est engagée sur un mandat des Nations Unies. Nous ne sommes pas un pays de va-t-en-guerre, nous sommes un pays qui participe à ce qui est en train d'émerger dans le monde et qui est plutôt rassurant, une sorte d'action de sécurité conduite par les Nations Unies. Elle ne le fait pas partout, on lui a reproché, à juste titre, de ne pas l'avoir fait par le passé. Nous avons des résolutions du Conseil de sécurité pour la Libye, nous avons la résolution 1975 pour la Côte-D'ivoire, lorsque nous en avons les moyens, et à proportion des moyens dont on dispose, nous participons à la mise en oeuvre d'une action de paix internationale conduite par les Nations Unies.
PATRICK COHEN C'est une sorte de coïncidence ces deux fronts, ces deux théâtres d'opérations ?
GERARD LONGUET Non, le monde si vous voulez, le monde reste tragique, il y a malheureusement, sur un univers de 6 milliards d'êtres humains, des zones de non-droit, il se trouve que dans certaines zones de non-droit la France est en mesure d'aider les Nations Unies, nous le faisons. Nous le faisons là où nous sommes en mesure, là où on n'est pas en mesure, malheureusement, nous sommes extérieurs, nous ne sommes pas concernés. Mais à partir du moment où on a les moyens d'être utile, pourquoi, diable, ne pas être utile au bénéfice des Nations Unies pour une mise en oeuvre de paix.
PATRICK COHEN La France le fait sur ces deux fronts sans que le président de la République ait jugé utile d'expliquer aux Français sa décision, de s'adresser aux citoyens. Vous ne pensez pas qu'il y a un devoir d'explications de la part du chef de l'Etat, chef des Armées ?
GERARD LONGUET Le devoir d'explications il est conduit alors, je suis en désaccord total avec vous. Sur la résolution 1973 concernant la Libye, c'est au contraire le président de la République qui a été à l'origine de cela et il a eu l'occasion de le dire. Son ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, Alain JUPPE, l'a largement commentée, et à juste titre, il est en charge de la politique étrangère de la France. Et en ce qui concerne la Côte-D'ivoire, le président de la République est en tout fidèle à son engagement. Licorne protège les Français, et le cas échéant, si l'ONU le demande, donne un coup de main à l'ONU dans le cadre d'une demande formelle. Cette demande formelle a été exprimée, nous l'avons fait.
PATRICK COHEN Vous avez peut-être entendu hier la mise en garde du député socialiste Jean-Marie LE GUEN, « il y a du BUSH chez SARKOZY. C'est une posture dangereuse. Il ne faudrait pas que la France devienne, dans le monde, un petit Satan comme l'ont été les Etats-Unis. »
GERARD LONGUET Cela n'a strictement rien à voir. Je vous rappelle que le président BUSH a décidé, proprio motu, avec l'appui d'ailleurs du Premier ministre anglais de l'époque, l'intervention en Irak, que l'opinion française et le président de la République de l'époque, Jacques CHIRAC, avaient condamnée. Nous sommes dans une logique complètement différente. Là nous sommes des partenaires de Nations Unies, nous avons un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, nous prenons des décisions, et lorsque des décisions sont prises, nous en appliquons pour la part de responsabilité qui nous revient. La France n'est pas l'alpha et l'oméga dans le monde, mais pourquoi accepterions-nous d'avoir les bras croisés, lorsque manifestement nous pouvons rendre service. Nous rendons service en Libye en assurant, en gros, 25% de la présence aérienne de la coalition. En Côte-D'ivoire nous avions 980 hommes, nous avons renforcé, en période de crise, pour les monter à 1500, cela reste dans très en deçà des capacités de projection extérieure de notre Armée.
PATRICK COHEN La Libye où la guerre s'enlise. Les insurgés accusent la coalition de ne pas assez protéger les civils à Misrata, c'est la troisième ville du pays, elle a été bombardée pendant 7 heures par les forces pro- KADHAFI.
GERARD LONGUET Je comprends totalement l'impatience des insurgés et je voudrais simplement rappeler que, là encore, la coalition intervient dans le cadre d'une résolution des Nations Unies, que cette résolution a pour objet d'empêcher, par la voie aérienne, des frappes militaires, il se trouve que la voie aérienne a ses propres limites. Nous avons fait, alors sur Misrata, une information importante. La ville, c'est un port, la ville est assiégée, la coalition a considéré que des bateaux des insurgés, partant de Bengazi, et livrant de la nourriture à Misrata, pouvaient naviguer et apporter ces livraisons. Vous allez me dire c'est une banalité. Non. Parce que, précédemment, la lecture de l'embargo était qu'aucun bateau ne pouvait alimenter aucune ville. Aujourd'hui nous avons ré-ouvert la circulation à Tobrouk et à Bengazi, et donc des bateaux de Bengazi vont pouvoir, nonobstant le fait qu'il y a une marine kadhafiste, vont pouvoir livrer Misrata, et pourquoi pourront-ils livrer Misrata, parce que la coalition empêchera toute action de force de la marine kadhafiste. Donc le problème, la situation de Misrata est en effet une situation extrêmement difficile, je crois que les insurgés sont extrêmement courageux, ils ont une résistance, une opiniâtreté, une détermination, nous allons faire en sorte que par, entre eux, entre libyens, je dis bien entre libyens, le secours vienne de Bengazi et qu'à aucun moment les moyens militaires kadhafistes puissent empêcher ce secours.
PATRICK COHEN Il n'y a pas d'enlisement en Libye ?
GERARD LONGUET Il y a un rapport de forces fondé sur la solidité de notre conviction. Notre conviction c'est qu'on ne peut pas accepter qu'un pouvoir règle les problèmes par la force. A partir du moment où on décide de ne pas aller sur terre, il est évident que c'est plus long, mais qui veut, aujourd'hui, aller sur terre en Libye ? Aucun pays de la coalition.
Source Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 avril 2011