Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Le monde n'est pas nécessairement plus dangereux, mais il est devenu plus instable, et par conséquent plus imprévisible.
En quelques dizaines d'années, de nouvelles menaces et de nouveaux risques sont apparus, menaces terroristes comme Al-Qaïda au Maghreb islamique, par exemple, risques de nature intentionnelle comme les attaques informatiques, ou non intentionnelle comme les crises sanitaires ou écologiques, amplifiées par la dégradation de la biosphère.
Dans ce contexte, le Livre Blanc a affirmé l'ambition française d'être capable de réagir, d'anticiper et de peser sur les évolutions internationales. Cette ambition a conduit à la définition d'une stratégie de sécurité nationale s'articulant, vous le savez-bien, autour des cinq fonctions stratégiques dont les forces de défense et de sécurité doivent avoir la maîtrise : la connaissance et l'anticipation, la prévention, la dissuasion, la protection et l'intervention.
Cette stratégie influe directement sur les modalités de nos engagements opérationnels actuels, et sur la politique de défense que j'entends mener durant les 13 mois qui viennent.
Avant toute chose, je tiens à vous remercier de votre invitation. C'est l'occasion pour moi d'évoquer avec vous la situation en Côte d'Ivoire et la protection de nos ressortissants, qui fait l'objet de la plus grande vigilance de notre part.
La Côte d'Ivoire, d'abord, dont nous suivons heure par heure l'évolution de la situation.
- Je voudrais, tout d'abord, vous faire un rappel de la situation.
L'attaque éclair lancée par les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) au cours de la semaine dernière a brutalement renversé la situation. 96 heures seulement ont suffi pour bousculer les Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire (FDSCI), loyales à Laurent Gbagbo, sur l'ex-ligne de confrontation et rejoindre Abidjan. Les brefs combats ont systématiquement permis de donner l'avantage aux FRCI qui, sous l'impulsion de leurs commandants de groupements tactiques (GT) ont toujours relancé l'action pour entretenir leur dynamique.
Cependant, en arrivant sur Abidjan, les FRCI, fatiguées et loin de leurs bases, sont tombées sur les unités les plus combatives des FDSCI. Aussi, la bataille d'Abidjan, un moment envisagée comme rapide, à l'image de la progression fulgurante du début de la semaine, s'est installée dans la durée.
Après 96 heures de combats entre FRCI et FDSCI dans la ville, la situation était indécise. Les combats se sont poursuivis autour des lieux institutionnels, symboles du pouvoir : à la base navale, au studio de la RTI, à la caserne d'Agban, à la résidence de M. Gbagbo et au palais présidentiel. Les forces fidèles à Laurent Gbagbo ont tiré avec des mortiers et à partir de blindés terrorisant la population.
L'avance rapide des FRCI a accéléré le processus de ralliement massif des FDSCI sur Abidjan qui ont, pour la plupart, abandonné leur poste, créant un vide sécuritaire rapidement comblé par des bandes de pillards. Les exactions des miliciens la nuit dans les quartiers ont causé d'après l'ONU des dizaines de morts dans Abidjan.
Comme vient de le rappeler le ministre d'Etat, Alain Juppé, la France compte environ 12 200 ressortissants en Côte d'Ivoire, dont 11 800 à Abidjan.
Il fallait agir rapidement pour que cessent cette insécurité et ces violations constantes des résolutions du conseil de sécurité des Nations-Unies.
- Dans quelles conditions sommes-nous alors intervenus ?
Devant la dégradation de la situation le Président de la République a, tout d'abord, autorisé le renforcement du dispositif Licorne pour garantir la protection de nos concitoyens. Des unités en renfort ont été mises en place à Abidjan en provenance de notre dispositif prépositionné au Gabon et au Tchad, et aussi de France pour quelques modules spécialisés dans l'accueil et la gestion des ressortissants. Les effectifs de Licorne sont, ainsi, passés dans le week-end de 980 à 1 700 environ.
Le Président de la République a, ensuite, décidé, dimanche, de regrouper les ressortissants français pour assurer au mieux leur sécurité. Deux points de regroupement ont été activés lundi matin : au nord des ponts, à l'ambassade déjà protégée par un peloton de gendarmerie et des unités de Licorne, et au sud à l'Hôtel « Le Wafou ».
Nos ressortissants peuvent aussi rejoindre le camp de Port Bouët et l'aéroport Félix Houphouët Boigny. Il y a donc, à l'heure actuelle, 4 zones de regroupement activées.
Le camp de Port Bouët accueille environ 1 500 ressortissants. Au total, nous avons accueilli sur les emprises françaises plus de 2 300 personnes dont environ 1 000 Français. Sur la base du volontariat, 868 ressortissants français et étrangers ont pu bénéficier de nos avions pour rejoindre Dakar, Accra ou Lomé. Les Libanais rapatriés hier à Beyrouth ont d'ailleurs largement salué l'aide de la France et le courage de nos soldats.
Pour mettre fin à l'utilisation des armes lourdes contre la population civile par les forces de M. Laurent GBAGBO, le Secrétaire général des Nations Unies a demandé le soutien des forces françaises à ces opérations. La résolution 1975, votée à l'unanimité le 30 mars dernier, par le Conseil de sécurité demande, en effet, expressément à l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) d'empêcher de telles exactions.
Le Président de la République a répondu, lundi, positivement à cette demande et autorisé les forces françaises, agissant conformément au mandat que leur a donné le Conseil de sécurité, à participer aux opérations conduites par l'ONUCI en vue de la protection des civils. Conformément à son mandat de protection des civils, l'ONUCI a donc engagé des actions visant à neutraliser les armes lourdes utilisées contre les populations civiles et les personnels des Nations Unies à Abidjan.
Lundi 4 avril, en fin d'après-midi, des éléments de l'ONUCI ont lancé une action de force contre des armements lourds qui menacent la population civile. En liaison avec l'ONUCI, des moyens aéromobiles de la force Licorne ont été engagés pour traiter plusieurs objectifs militaires.
L'action coordonnée de l'ONUCI et de Licorne, qui a commencé en fin d'après-midi, visait à neutraliser :
- des détachements de véhicules blindés, équipés de canon ou de lance-roquettes, qui menacent la population ;
- des armes lourdes positionnées dans des casernes.
A 19h00, heure de Paris, l'ONUCI a débuté l'intervention. 2 hélicoptères armés MI 24 de l'ONUCI ont neutralisés 2 lance-roquettes BM 21, des stocks de munitions et provoqué de fortes explosions et un incendie significatif.
A 19h15, LICORNE a, ensuite, mobilisé sa composante aéromobile, 2 hélicoptères antichars Gazelle (HAC) et 2 hélicoptères Gazelle d'appui protection (HAP) équipés d'un canon 20 m/m, un hélicoptère de manuvre Puma canon (HM) pour 4 raids successifs qui ont pris fin vers une heure du matin.
Le bilan global des tirs ONUCI et Licorne est de : 3 véhicules de combat lance-roquettes, 4 blindés, 2 blindés légers, une vingtaine de pick-ups, un bateau, 4 canons anti-aériens, des antennes, des stocks de munitions.
A aucun moment, l'infrastructure n'a été prise pour cible (sauf les antennes de la radio-télévision). Les effets militaires attendus ont été réalisés.
Les Forces républicaines ont exploité ces frappes et ont relancé leur offensive dans la nuit vers les derniers bastions de Laurent Gbagbo dans les quartiers du Plateau et de Cocody. Confrontées à des résistances importantes, avec des forces retranchées et bien armées, les FRCI n'ont pas atteints leurs objectifs et ne se sont pas emparé de la présidence, dans laquelle M. Gbagbo reste enfermé.
Hier matin encore, une nouvelle tentative d'assaut a échoué, bloquée par la résistance farouche du dernier carré autour de M. Gbagbo.
Hier matin, l'ambassade du Japon a été investie par des miliciens libériens pro-Gbagbo qui ont installé une mitrailleuse et des mortiers sur le toit. Leurs tirs ont visé plusieurs emprises diplomatiques dont celle d'Inde, d'Israël, de Grande Bretagne et d'Iran. Huit personnes, dont l'ambassadeur du Japon, se sont enfermées à l'intérieur de l'ambassade. Le secrétaire général des nations Unies, saisie par le représentant japonais, a demandé que l'ONUCI saisisse sans délai la force Licorne pour intervenir d'urgence afin de porter secours aux diplomates japonais et fasse cesser les tirs sur les populations civiles environnantes.
Hier soir, le Président de la République a donné son accord pour une opération d'extraction. Cette opération était très délicate car l'ambassade du Japon est située à proximité de la résidence de Laurent Gbagbo et nos forces étaient sous la menace des blindés de sa garde prétorienne.
Nos forces sont entrées en action vers 23h00 (heure de Paris) et ont extrait l'ambassadeur du Japon et ses sept collaborateurs. Au cours de cette action deux blindés ont du être détruits. En réaction à cette opération, deux pick-up armés ont tenté de pénétrer dans la résidence de France en tirant. Ils ont été détruits.
Je précise bien que le seul but de cette opération était de libérer l'ambassadeur du Japon et ses collaborateurs et en aucun cas d'attaquer la résidence de Laurent Gbagbo.
La situation dans Abidjan se dégrade fortement. Au nord des ponts, la situation sécuritaire ne permet plus d'effectuer des opérations de protection des ressortissants dans des conditions sécuritaires suffisantes. Les ressortissants sont invités à rester confinés chez eux. Dans les quartiers populaires d'Abidjan, comme à Youpougon et Deux Plateaux, l'insécurité règne. Le reste du pays est globalement calme.
Il appartient à l'ONUCI de remplir son rôle de protection des populations et au président Ouattara d'assumer pleinement ses responsabilités, en particulier en matière de sécurité.
- En conclusion, je voudrais souligner deux points.
Tout d'abord, nous avons pu réagir et renforcer l'opération Licorne très rapidement grâce à nos forces prépositionnées.
Pour assurer la sécurité de nos ressortissants, le ministère de la défense déploie près de 9 700 hommes et femmes :
- 4 800 engagés au sein des forces de présence
- 2 160 engagés au sein de nos forces de souveraineté à la Réunion et Mayotte,
- et 2 530 engagés dans le cadre d'opérations extérieures
Notre premier objectif est la prévention. C'est l'une des missions essentielles de nos forces de présence. D'une part, elles contribuent à la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélienne. D'autre part, elles mènent de nombreuses actions de formation au profit d'unités africaines qui s'engagent dans des opérations de maintien de la paix. Notre ambition n'est pas seulement d'aider l'Afrique à bâtir son propre système de sécurité collective, mais aussi de soutenir les pays qui souhaitent faire respecter leur souveraineté, gage supplémentaire de sécurité pour nos ressortissants.
Notre deuxième objectif est d'être prêt à intervenir en cas de menace sur la sécurité de nos compatriotes, à travers notre dispositif militaire permanent ou à travers l'engagement de nos forces dans le cadre d'opérations sur le continent.
Au cours des 20 dernières années, nos militaires ont, ainsi, été engagés dans 25 opérations d'évacuation et permis d'exfiltrer 33 500 personnes, dont 50% d'Européens, de zones de crise ou de guerre. Je pense à l'évacuation de 8 000 ressortissants français et étrangers en novembre 2004 au plus fort de la crise ivoirienne. Je pense aussi à l'invasion de N'Djamena par les forces rebelles en février 2008. Les forces françaises avaient alors évacué plus de 1 400 ressortissants français et occidentaux vers le Gabon, sous les feux ennemis, sans qu'aucun blessé ne soit à déplorer.
Enfin, j'ajoute que nos militaires n'ont pas vocation à s'ingérer dans les affaires intérieures de la Côte d'Ivoire. Notre priorité est de contribuer à maintenir le niveau de violence au plus bas, afin d'éviter une nouvelle descente aux enfers de la Côte d'Ivoire. J'espère que cette crise trouvera une issue rapide. Ce pays mérite mieux. Mais des jours difficiles attendent le président Ouattara car il lui faudra refaire l'unité et reconstruire ce pays totalement déchiré.
En ce qui concerne la Libye, maintenant.
- Vous le savez, la France s'est rapidement mobilisée.
Il s'agissait d'éviter un massacre des populations et de répondre à l'appel de la Ligue arabe visant à établir une zone d'exclusion aérienne afin de protéger les civils contre le risque d'attaques par les moyens offensifs du Colonel Kadhafi.
Je suis allé à la rencontre des forces françaises engagées dans cette opération sur les bases aériennes de Saint-Dizier, de Solenzara, de Souda en Crête aux côtés du Qatar ou sur le porte-avions Charles de Gaulle.
Nos capacités militaires réactives et surtout des hommes et des femmes bien équipés et bien entraînés qui servent remarquablement les couleurs de la France nous ont permis d'être au rendez-vous de notre volonté politique.
- Où en sommes-nous ?
Après plus de deux semaines de conflit et plus de 500 missions aériennes réalisées conformément aux résolutions 1970 et 1973 des Nations Unies, la situation sur le terrain a considérablement changé. Nous avons évité des massacres de civils et le rapport de forces s'est modifié. Tout d'abord, j'observe le délitement et l'évaporation de l'entourage proche du colonel Kadhafi.
L'OTAN estime avoir détruit 30% de son potentiel militaire, mais il lui reste de nombreuses armes qui justifient le maintien d'une pression forte, notamment autour des sites où se déroulent les principaux combats, sur les infrastructures militaires et sur les approvisionnements de ses forces.
Avec nos partenaires britanniques et tous les Alliés, et avec l'appui des Etats-Unis, nous sommes déterminés, nous sommes confiants dans nos forces et nous avons les capacités de poursuivre notre mission.
- Nous savons que l'issue de la crise sera politique.
C'est pourquoi en parallèle aux opérations militaires, nous soutenons avec nos partenaires la solution politique que portera le CNT. Celui-ci a publié une Charte politique pour une nouvelle Libye basée sur un état de droit et des principes démocratiques. La coalition n'a pas à se substituer aux Libyens pour définir leur avenir politique, elle est là pour leur donner les moyens de pouvoir de choisir leur futur régime politique. Ce que nous disons, et ceci a été unanimement partagé à la Conférence tenue à Londres, c'est que Kadhafi a perdu toute légitimité, que ses agissements contre son peuple sont passibles de la Cour Pénale Internationale et qu'il doit partir.
Vous le voyez, nos Forces armées sont pleinement mobilisées pour assurer la sécurité des Français en Côté d'Ivoire, en Libye, et partout dans le monde.
Je voudrais, ici, devant vous, leur rendre un hommage appuyé pour leur professionnalisme, leur sens de l'engagement et leur parfaite maîtrise de la violence face à des situations particulièrement complexes et à des provocations répétées.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 11 avril 2011
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Le monde n'est pas nécessairement plus dangereux, mais il est devenu plus instable, et par conséquent plus imprévisible.
En quelques dizaines d'années, de nouvelles menaces et de nouveaux risques sont apparus, menaces terroristes comme Al-Qaïda au Maghreb islamique, par exemple, risques de nature intentionnelle comme les attaques informatiques, ou non intentionnelle comme les crises sanitaires ou écologiques, amplifiées par la dégradation de la biosphère.
Dans ce contexte, le Livre Blanc a affirmé l'ambition française d'être capable de réagir, d'anticiper et de peser sur les évolutions internationales. Cette ambition a conduit à la définition d'une stratégie de sécurité nationale s'articulant, vous le savez-bien, autour des cinq fonctions stratégiques dont les forces de défense et de sécurité doivent avoir la maîtrise : la connaissance et l'anticipation, la prévention, la dissuasion, la protection et l'intervention.
Cette stratégie influe directement sur les modalités de nos engagements opérationnels actuels, et sur la politique de défense que j'entends mener durant les 13 mois qui viennent.
Avant toute chose, je tiens à vous remercier de votre invitation. C'est l'occasion pour moi d'évoquer avec vous la situation en Côte d'Ivoire et la protection de nos ressortissants, qui fait l'objet de la plus grande vigilance de notre part.
La Côte d'Ivoire, d'abord, dont nous suivons heure par heure l'évolution de la situation.
- Je voudrais, tout d'abord, vous faire un rappel de la situation.
L'attaque éclair lancée par les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) au cours de la semaine dernière a brutalement renversé la situation. 96 heures seulement ont suffi pour bousculer les Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire (FDSCI), loyales à Laurent Gbagbo, sur l'ex-ligne de confrontation et rejoindre Abidjan. Les brefs combats ont systématiquement permis de donner l'avantage aux FRCI qui, sous l'impulsion de leurs commandants de groupements tactiques (GT) ont toujours relancé l'action pour entretenir leur dynamique.
Cependant, en arrivant sur Abidjan, les FRCI, fatiguées et loin de leurs bases, sont tombées sur les unités les plus combatives des FDSCI. Aussi, la bataille d'Abidjan, un moment envisagée comme rapide, à l'image de la progression fulgurante du début de la semaine, s'est installée dans la durée.
Après 96 heures de combats entre FRCI et FDSCI dans la ville, la situation était indécise. Les combats se sont poursuivis autour des lieux institutionnels, symboles du pouvoir : à la base navale, au studio de la RTI, à la caserne d'Agban, à la résidence de M. Gbagbo et au palais présidentiel. Les forces fidèles à Laurent Gbagbo ont tiré avec des mortiers et à partir de blindés terrorisant la population.
L'avance rapide des FRCI a accéléré le processus de ralliement massif des FDSCI sur Abidjan qui ont, pour la plupart, abandonné leur poste, créant un vide sécuritaire rapidement comblé par des bandes de pillards. Les exactions des miliciens la nuit dans les quartiers ont causé d'après l'ONU des dizaines de morts dans Abidjan.
Comme vient de le rappeler le ministre d'Etat, Alain Juppé, la France compte environ 12 200 ressortissants en Côte d'Ivoire, dont 11 800 à Abidjan.
Il fallait agir rapidement pour que cessent cette insécurité et ces violations constantes des résolutions du conseil de sécurité des Nations-Unies.
- Dans quelles conditions sommes-nous alors intervenus ?
Devant la dégradation de la situation le Président de la République a, tout d'abord, autorisé le renforcement du dispositif Licorne pour garantir la protection de nos concitoyens. Des unités en renfort ont été mises en place à Abidjan en provenance de notre dispositif prépositionné au Gabon et au Tchad, et aussi de France pour quelques modules spécialisés dans l'accueil et la gestion des ressortissants. Les effectifs de Licorne sont, ainsi, passés dans le week-end de 980 à 1 700 environ.
Le Président de la République a, ensuite, décidé, dimanche, de regrouper les ressortissants français pour assurer au mieux leur sécurité. Deux points de regroupement ont été activés lundi matin : au nord des ponts, à l'ambassade déjà protégée par un peloton de gendarmerie et des unités de Licorne, et au sud à l'Hôtel « Le Wafou ».
Nos ressortissants peuvent aussi rejoindre le camp de Port Bouët et l'aéroport Félix Houphouët Boigny. Il y a donc, à l'heure actuelle, 4 zones de regroupement activées.
Le camp de Port Bouët accueille environ 1 500 ressortissants. Au total, nous avons accueilli sur les emprises françaises plus de 2 300 personnes dont environ 1 000 Français. Sur la base du volontariat, 868 ressortissants français et étrangers ont pu bénéficier de nos avions pour rejoindre Dakar, Accra ou Lomé. Les Libanais rapatriés hier à Beyrouth ont d'ailleurs largement salué l'aide de la France et le courage de nos soldats.
Pour mettre fin à l'utilisation des armes lourdes contre la population civile par les forces de M. Laurent GBAGBO, le Secrétaire général des Nations Unies a demandé le soutien des forces françaises à ces opérations. La résolution 1975, votée à l'unanimité le 30 mars dernier, par le Conseil de sécurité demande, en effet, expressément à l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) d'empêcher de telles exactions.
Le Président de la République a répondu, lundi, positivement à cette demande et autorisé les forces françaises, agissant conformément au mandat que leur a donné le Conseil de sécurité, à participer aux opérations conduites par l'ONUCI en vue de la protection des civils. Conformément à son mandat de protection des civils, l'ONUCI a donc engagé des actions visant à neutraliser les armes lourdes utilisées contre les populations civiles et les personnels des Nations Unies à Abidjan.
Lundi 4 avril, en fin d'après-midi, des éléments de l'ONUCI ont lancé une action de force contre des armements lourds qui menacent la population civile. En liaison avec l'ONUCI, des moyens aéromobiles de la force Licorne ont été engagés pour traiter plusieurs objectifs militaires.
L'action coordonnée de l'ONUCI et de Licorne, qui a commencé en fin d'après-midi, visait à neutraliser :
- des détachements de véhicules blindés, équipés de canon ou de lance-roquettes, qui menacent la population ;
- des armes lourdes positionnées dans des casernes.
A 19h00, heure de Paris, l'ONUCI a débuté l'intervention. 2 hélicoptères armés MI 24 de l'ONUCI ont neutralisés 2 lance-roquettes BM 21, des stocks de munitions et provoqué de fortes explosions et un incendie significatif.
A 19h15, LICORNE a, ensuite, mobilisé sa composante aéromobile, 2 hélicoptères antichars Gazelle (HAC) et 2 hélicoptères Gazelle d'appui protection (HAP) équipés d'un canon 20 m/m, un hélicoptère de manuvre Puma canon (HM) pour 4 raids successifs qui ont pris fin vers une heure du matin.
Le bilan global des tirs ONUCI et Licorne est de : 3 véhicules de combat lance-roquettes, 4 blindés, 2 blindés légers, une vingtaine de pick-ups, un bateau, 4 canons anti-aériens, des antennes, des stocks de munitions.
A aucun moment, l'infrastructure n'a été prise pour cible (sauf les antennes de la radio-télévision). Les effets militaires attendus ont été réalisés.
Les Forces républicaines ont exploité ces frappes et ont relancé leur offensive dans la nuit vers les derniers bastions de Laurent Gbagbo dans les quartiers du Plateau et de Cocody. Confrontées à des résistances importantes, avec des forces retranchées et bien armées, les FRCI n'ont pas atteints leurs objectifs et ne se sont pas emparé de la présidence, dans laquelle M. Gbagbo reste enfermé.
Hier matin encore, une nouvelle tentative d'assaut a échoué, bloquée par la résistance farouche du dernier carré autour de M. Gbagbo.
Hier matin, l'ambassade du Japon a été investie par des miliciens libériens pro-Gbagbo qui ont installé une mitrailleuse et des mortiers sur le toit. Leurs tirs ont visé plusieurs emprises diplomatiques dont celle d'Inde, d'Israël, de Grande Bretagne et d'Iran. Huit personnes, dont l'ambassadeur du Japon, se sont enfermées à l'intérieur de l'ambassade. Le secrétaire général des nations Unies, saisie par le représentant japonais, a demandé que l'ONUCI saisisse sans délai la force Licorne pour intervenir d'urgence afin de porter secours aux diplomates japonais et fasse cesser les tirs sur les populations civiles environnantes.
Hier soir, le Président de la République a donné son accord pour une opération d'extraction. Cette opération était très délicate car l'ambassade du Japon est située à proximité de la résidence de Laurent Gbagbo et nos forces étaient sous la menace des blindés de sa garde prétorienne.
Nos forces sont entrées en action vers 23h00 (heure de Paris) et ont extrait l'ambassadeur du Japon et ses sept collaborateurs. Au cours de cette action deux blindés ont du être détruits. En réaction à cette opération, deux pick-up armés ont tenté de pénétrer dans la résidence de France en tirant. Ils ont été détruits.
Je précise bien que le seul but de cette opération était de libérer l'ambassadeur du Japon et ses collaborateurs et en aucun cas d'attaquer la résidence de Laurent Gbagbo.
La situation dans Abidjan se dégrade fortement. Au nord des ponts, la situation sécuritaire ne permet plus d'effectuer des opérations de protection des ressortissants dans des conditions sécuritaires suffisantes. Les ressortissants sont invités à rester confinés chez eux. Dans les quartiers populaires d'Abidjan, comme à Youpougon et Deux Plateaux, l'insécurité règne. Le reste du pays est globalement calme.
Il appartient à l'ONUCI de remplir son rôle de protection des populations et au président Ouattara d'assumer pleinement ses responsabilités, en particulier en matière de sécurité.
- En conclusion, je voudrais souligner deux points.
Tout d'abord, nous avons pu réagir et renforcer l'opération Licorne très rapidement grâce à nos forces prépositionnées.
Pour assurer la sécurité de nos ressortissants, le ministère de la défense déploie près de 9 700 hommes et femmes :
- 4 800 engagés au sein des forces de présence
- 2 160 engagés au sein de nos forces de souveraineté à la Réunion et Mayotte,
- et 2 530 engagés dans le cadre d'opérations extérieures
Notre premier objectif est la prévention. C'est l'une des missions essentielles de nos forces de présence. D'une part, elles contribuent à la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélienne. D'autre part, elles mènent de nombreuses actions de formation au profit d'unités africaines qui s'engagent dans des opérations de maintien de la paix. Notre ambition n'est pas seulement d'aider l'Afrique à bâtir son propre système de sécurité collective, mais aussi de soutenir les pays qui souhaitent faire respecter leur souveraineté, gage supplémentaire de sécurité pour nos ressortissants.
Notre deuxième objectif est d'être prêt à intervenir en cas de menace sur la sécurité de nos compatriotes, à travers notre dispositif militaire permanent ou à travers l'engagement de nos forces dans le cadre d'opérations sur le continent.
Au cours des 20 dernières années, nos militaires ont, ainsi, été engagés dans 25 opérations d'évacuation et permis d'exfiltrer 33 500 personnes, dont 50% d'Européens, de zones de crise ou de guerre. Je pense à l'évacuation de 8 000 ressortissants français et étrangers en novembre 2004 au plus fort de la crise ivoirienne. Je pense aussi à l'invasion de N'Djamena par les forces rebelles en février 2008. Les forces françaises avaient alors évacué plus de 1 400 ressortissants français et occidentaux vers le Gabon, sous les feux ennemis, sans qu'aucun blessé ne soit à déplorer.
Enfin, j'ajoute que nos militaires n'ont pas vocation à s'ingérer dans les affaires intérieures de la Côte d'Ivoire. Notre priorité est de contribuer à maintenir le niveau de violence au plus bas, afin d'éviter une nouvelle descente aux enfers de la Côte d'Ivoire. J'espère que cette crise trouvera une issue rapide. Ce pays mérite mieux. Mais des jours difficiles attendent le président Ouattara car il lui faudra refaire l'unité et reconstruire ce pays totalement déchiré.
En ce qui concerne la Libye, maintenant.
- Vous le savez, la France s'est rapidement mobilisée.
Il s'agissait d'éviter un massacre des populations et de répondre à l'appel de la Ligue arabe visant à établir une zone d'exclusion aérienne afin de protéger les civils contre le risque d'attaques par les moyens offensifs du Colonel Kadhafi.
Je suis allé à la rencontre des forces françaises engagées dans cette opération sur les bases aériennes de Saint-Dizier, de Solenzara, de Souda en Crête aux côtés du Qatar ou sur le porte-avions Charles de Gaulle.
Nos capacités militaires réactives et surtout des hommes et des femmes bien équipés et bien entraînés qui servent remarquablement les couleurs de la France nous ont permis d'être au rendez-vous de notre volonté politique.
- Où en sommes-nous ?
Après plus de deux semaines de conflit et plus de 500 missions aériennes réalisées conformément aux résolutions 1970 et 1973 des Nations Unies, la situation sur le terrain a considérablement changé. Nous avons évité des massacres de civils et le rapport de forces s'est modifié. Tout d'abord, j'observe le délitement et l'évaporation de l'entourage proche du colonel Kadhafi.
L'OTAN estime avoir détruit 30% de son potentiel militaire, mais il lui reste de nombreuses armes qui justifient le maintien d'une pression forte, notamment autour des sites où se déroulent les principaux combats, sur les infrastructures militaires et sur les approvisionnements de ses forces.
Avec nos partenaires britanniques et tous les Alliés, et avec l'appui des Etats-Unis, nous sommes déterminés, nous sommes confiants dans nos forces et nous avons les capacités de poursuivre notre mission.
- Nous savons que l'issue de la crise sera politique.
C'est pourquoi en parallèle aux opérations militaires, nous soutenons avec nos partenaires la solution politique que portera le CNT. Celui-ci a publié une Charte politique pour une nouvelle Libye basée sur un état de droit et des principes démocratiques. La coalition n'a pas à se substituer aux Libyens pour définir leur avenir politique, elle est là pour leur donner les moyens de pouvoir de choisir leur futur régime politique. Ce que nous disons, et ceci a été unanimement partagé à la Conférence tenue à Londres, c'est que Kadhafi a perdu toute légitimité, que ses agissements contre son peuple sont passibles de la Cour Pénale Internationale et qu'il doit partir.
Vous le voyez, nos Forces armées sont pleinement mobilisées pour assurer la sécurité des Français en Côté d'Ivoire, en Libye, et partout dans le monde.
Je voudrais, ici, devant vous, leur rendre un hommage appuyé pour leur professionnalisme, leur sens de l'engagement et leur parfaite maîtrise de la violence face à des situations particulièrement complexes et à des provocations répétées.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 11 avril 2011