Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à La Chaîne Info LCI le 8 avril 2011, sur le départ de Jean-Louis Borloo de l'UMP et la situation de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER Jean-Louis BORLOO quitte l'UMP. Êtes-vous surprise, déçue, inquiète, en colère ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Moi, ce n'était pas ma préférence. Je pense qu'il vaut mieux vivre sa diversité à l'intérieur de la famille que de partir sur un projet individuel, mais c'est son choix, et son choix est libre.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce qu'il vous avait mise dans la confidence ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET On en a parlé, c'était mardi matin, à l'occasion du déplacement qu'a fait le président de la République, il était sur place pour le lancement du Canal Seine Nord Europe.
 
CHRISTOPHE BARBIER Dans la Somme.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Dans la somme. Et il m'avait laissé entendre que c'était son projet, oui.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que ce n'est pas le virage droitier de l'UMP, sur l'immigration, sur la laïcité, qui lui a ouvert un espace et il s'engouffre dedans.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il y a toujours eu, et c'est le projet depuis l'origine, de la diversité à l'intérieur de l'UMP, avec des sensibilités assez variées. Elle a été créée comme ça l'UMP, c'est une fusion de vraiment de sensibilités historiques différentes à droite. Vous vous souvenez, en 2002, c'était ça le projet. Donc, c'est pas nouveau. Moi, je pense que ce projet il reste valable et que c'est intéressant, c'est riche de vivre cette diversité-là. Bon, ben, Jean-Louis, manifestement n'a plus envie, a envie de faire autre chose. Maintenant, encore une fois, c'est sa liberté, vraiment.
 
CHRISTOPHE BARBIER Donc, ce matin, il n'y a plus d'UMP, au moins il n'y a pas plus de U dans l'UMP, il n'y a plus d'union.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Si ! Parce qu'il n'y avait pas que les radicaux et les autres. Il y a une grande diversité de famille à l'intérieur de l'UMP. On a les chrétiens démocrates, on a les républicains sociaux. Il y a des gens très variés à l'intérieur de l'UMP. Peut-être d'ailleurs que on devrait le rendre plus lisible, d'une certaine manière. Le fait que vous posiez la question, moi, me surprend presque.
 
CHRISTOPHE BARBIER Il y a un peu trop de lignes uniques ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Moi, je vis l'UMP comme étant une grande diversité. CHRISTOPHE BARBIER Et il n'y a pas assez de mise en scène de cette diversité ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non, je pense qu'il n'y a pas de ligne unique l'intérieur, il y a vraiment des grands débats. En revanche, peut-être que dans l'expression et dans la mise en scène on ne la laisse pas assez transparaître.
 
CHRISTOPHE BARBIER Jean-Louis BORLOO dit, « la sécurité, l'immigration, ce ne sont pas les priorités des Français ». A-t-il raison ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Moi, je pense que ça fait partie de la palette de priorités, mais il est certain que en ce moment, notamment les enjeux économiques et sociaux, et la question du pouvoir d'achat en particulier, sont au coeur des discussions des problèmes. Ca, ça fait aucun doute pour moi.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors, vous connaissez bien Jean-Louis BORLOO, vous avez travaillé avec lui. Est-ce qu'il est capable d'être président de la République ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ecoutez, moi, je crois que… moi, j'ai un candidat en 2012, je ne sais pas s'il sera candidat, mais je l'espère, c'est Nicolas SARKOZY. Donc, je ne vais pas aller faire la promotion de commentaires sur d'autres possibles candidats puisque Jean-Louis BORLOO a annoncé qu'il voulait être candidat.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors, je vous pose la question à l'envers…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Donc, c'est pas mon sujet. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, je ne crois pas… voilà. Ce n'est pas ce que souhaite personnellement.
 
CHRISTOPHE BARBIER Je pose la question à l'envers, on le connaît Jean-Louis BORLOO, est-ce qu'il n'est pas un peu trop brouillon, un peu trop imaginatif pour correspondre à la fonction de président de la République ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais, enfin, pour moi, finalement, c'est pas une question qui se pose aujourd'hui d'une certaine manière. Je veux dire, je comprends que Jean-Louis ait envie de, au moment de lancer un nouveau parti, de lancer cet imaginaire-là, cette idée-là, parce que c'est compliqué de lancer un nouveau parti sans dire qu'il y a une possibilité de candidature et qu'on peut même gagner. En France, l'élection présidentielle elle est tellement au coeur du système que pour lancer une initiative politique tout de suite il faut être candidat à la présidence de la République, sinon quelque part vous n'êtes pas crédible, vous n'existez pas. D'ailleurs, d'autres en feront l'expérience. C'est un des problèmes, je pense, de Nicolas HULOT en ce moment, pour faire vivre la problématique écologie, il dit, voilà, il faut être candidat à la présidence de la République. Maintenant, ces candidatures sont plus ou moins pertinentes. Je trouve qu'à droite il y en a une qui l'est vraiment, c'est celle du président de la République.
 
CHRISTOPHE BARBIER Et celle de Nicolas HULOT, elle est pertinente pour les écologistes ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Moi, mon parcours, mon militantisme sur l'écologie, ça toujours été d'essayer de transformer les partis de gouvernement, et notamment le mien qui est l'UMP, et pas de créer à côté une structure ou un candidat, entre guillemets réservé à l'écologie, parce que à travers l'histoire politique, ça a toujours été une impasse. Souvenez-vous, entre 97 et 2002, vous aviez les écologistes au gouvernement, eh ben justement, vous, vous ne vous en souvenez pas, c'est-à-dire que vous ne vous souvenez de rien qui vous ait marqué en matière d'écologie. Il y a toujours un double problème quand vous avez un candidat ou une structure dédiée à l'écologie. Dans un premier temps, le grand parti, le parti de gouvernement, s'exonère d'avoir une réflexion sur le sujet, et même d'en parler, c'est-à-dire qu'il soustraite, et puis dans un deuxième temps le petit parti ou le petit candidat il a besoin de parle de tout pour exister, et donc lui aussi il finit par s'exonérer et à moins parler d'écologie. Donc, l'écologie elle perd deux fois. Moi, mon engagement c'est pas celui-là. C'est de transformer de l'intérieur une majorité pour réussir quelque chose comme le grenelle de l'environnement, qui est juste le mouvement le plus considérable en matière de transformation écologique qu'on ait vécu depuis plusieurs mandats, de droite et de gauche confondues.
 
CHRISTOPHE BARBIER Dernière question sur Jean-Louis BORLOO. Est-ce qu'il est l'allié involontaire de Marine LE PEN, parce que si elle fait baisser SARKOZY il peut qualifier Marine LE PEN pour le deuxième tour ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Je pense que toute stratégie qui consiste à se diviser au premier tour pour s'unir au deuxième tour, d'une manière générale toute stratégie type billard à trois bandes, de trucs un peu compliqués, etc., ne fonctionne pas. Il faut être carré, il faut être cash. Pour moi, le meilleur candidat du premier tour c'est aussi le meilleur candidat du deuxième tour, et j'ai dit lequel il était de mon point de vue. Donc, la diversité au premier tour, je crois…
 
CHRISTOPHE BARBIER …mauvaise idée.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, et puis il faut une stratégie parce que c'est un peu compliqué, c'est dès le premier tour on se pose la question de savoir quel est le meilleur candidat pour le deuxième et il faut que ce soit le meilleur candidat pour la France. Je veux dire, on n'est pas là non plus… enfin, moi, je trouve, une élection présidentielle c'est quelque chose, c'est un enjeu qui est très sérieux. Je trouve que c'est pas forcément le moment d'exprimer la plus grande diversité, la plus grande variété, mais, bon, c'est mon point de vue.
 
CHRISTOPHE BARBIER Claude GUEANT veut réduire l'immigration légale. Christine LAGARDE est sceptique, voire contre. Et vous ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Moi, je m'en tiens au projet de Nicolas SARKOZY en 2007, qui est celui qui a été approuvé et adopté par les Français, qui est passons de l'immigration subie à l'immigration choisie. Ca veut dire pas de zéro immigration, ça c'est une folie, et puis c'est pas le tempérament de la France, ça ne correspond pas de toute façon aux besoins même économiques de la France. En revanche, choisissant ensemble quels sont les flux et quel niveau d'immigration…
 
CHRISTOPHE BARBIER …mais on n'y arrive pas !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Si, si !
 
CHRISTOPHE BARBIER On n'y arrive pas, on subit.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non ! Passer de l'immigration subie à l'immigration choisie, ça veut dire accepter l'idée que on va pouvoir faire varier les choses, en discuter, modifier les curseurs. Sur les différents curseurs qui sont évoqués en ce moment, moi, il y en a dont je trouve dont on ne parle pas assez, c'est l'immigration des étudiants, qui est souvent une immigration circulaire, on vient faire des études, on peut revenir dans son pays d'origine, qui je trouve est extrêmement intéressante culturellement, même politiquement, parce qu'en fait on crée des classes dirigeantes aussi qui nous connaissent, avec lesquelles on peut échanger, derrière échange culturel, échange économique. Pour moi, il y a quelque chose de plus à faire dans cet ordre-là.
 
CHRISTOPHE BARBIER Une nouvelle centrale nucléaire en alerte au Japon après le séisme d'hier, des fuites d'eau radioactive, Fukushima toujours pas sous contrôle, est-ce qu'il faut avoir peur ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ca ne sert à rien d'avoir peur. En revanche, il faut être extrêmement vigilant et savoir que la crise n'est pas finie. La crise n'est pas finie.
 
CHRISTOPHE BARBIER Il faut demander au Japon d'arrêter toutes ses centrales à court terme ?
 
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non.
 
CHRISTOPHE BARBIER Il y a trop de séismes, ils ne peuvent pas avoir de centrale.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Attendez, attendez, attendez, la crise n'est pas finie. La centrale de Fukushima, c'est pas tellement le séisme qui lui a posé problème, c'est le tsunami. La centrale de Fukushima elle est relativement bien résistée au séisme, elle a réagi comme il était prévu, c'est-à-dire que les barres de contrôle sont tombées, en l'occurrence elles sont remontées parce que c'est un système inversé. Elle s'est arrêtée. La réaction nucléaire à l'intérieur de la centrale s'est arrêtée, simplement il faut savoir que quand une réaction s'arrête, il faut encore la refroidir pendant longtemps, et là le tsunami est passé par là, qui a détruit les systèmes de refroidissement. Je ne suis pas sûre qu'il faille dire au Japon, et qu'on puisse d'ailleurs dire au Japon, « eh bien, c'est trop dangereux chez vous, maintenant vous arrêtez ». Non ! De toute façon, c'est pas pour nous le positionnement du moment. Le positionnement du moment c'est d'être aux côtés du Japon dans la crise et de leur offrir toute notre aide. Je vous donne trois exemples. Sur les eaux contaminées, qui est l'enjeu en ce moment à la centrale de Fukushima, il y a vraiment une expertise française et elle est auprès d'eux. Sur la robotisation, on a des robots qu'on a proposés pour agir en milieu contaminé, les Japonais viennent de nous dire que ça y est, ils les prenaient pour aller faire des prélèvements dans les puisards d'eau contaminée. Sur la décontamination et la cartographie fine des zones contaminées, parce que la zone de Fukushima, on se pose la question de savoir si c'est une crise très grave ou une catastrophe. C'est déjà une catastrophe pour la région, la région elle est contaminée.
 
CHRISTOPHE BARBIER Et en France, Martine AUBRY veut sortir du nucléaire. Est-ce que la droite n'est pas en train de prendre un combat de retard ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET D'abord, Martine AUBRY elle n'est pas claire, parce que il faut voir la différence à l'intérieur de la gauche entre sortir du tout nucléaire et tout sortir du nucléaire, et c'est pas la même chose.
 
CHRISTOPHE BARBIER Et est-ce que la droite ne devrait pas dire elle aussi « nous sortirons un jour du nucléaire » ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Attendez, qui a fait le plus dans ce pays pour les énergies renouvelables ? Regardez la courbe d'évolution des énergies renouvelables sur les vingt dernières années. La droite est, en fait, la seule à avoir fait quelque chose. On était à 10 % d'hydraulique au début du parcours de la droite, on a pour objectif 23 % d'énergies renouvelable. C'est quoi la différence ?
 
CHRISTOPHE BARBIER Et l'audit des centrales nucléaires il sera vraiment sérieux, c'est pas juste pour rassurer les gens ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ah, il sera vraiment sérieux, et surtout il sera totalement transparent. Moi, ce que je voudrais c'est que les Français puissent tout savoir de manière très compréhensible, très… voilà, la centrale à côté de chez moi elle a été dimensionnée pour résister à quels types de catastrophes, avoir une meilleure connaissance de ça. Je pense que une politique nucléaire c'est une politique qui est très engageante, qui est engageante sur la durée. Il faut vraiment pouvoir la partager. Je trouve que ça fait longtemps peut-être qu'on n'en a pas assez parlé et l'audit doit pouvoir être l'occasion de ça.
 
CHRISTOPHE BARBIER Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, merci et bonne journée.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 avril 2011