Entretien de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, à LCI le 11 avril 2011, sur l'action des militaires français en Côte d'Ivoire.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

Q - Première question qui porte sur l’action des militaires français, le ministère de la Défense nous dit que les militaires français de la Licorne étaient en soutien, pas plus ?
R - Les militaires français ont une mission bien précise qu’ils exercent dans le cadre d’une résolution votée par le Conseil de sécurité, et voilà exactement comment depuis quelques jours nos militaires sont là pour à la fois protéger les ressortissants français et les opérations qui sont menées par l’ONUCI. Je rappelle qu’hier une lettre très ferme du Secrétaire général de l’ONUCI, adressée au président du Conseil de sécurité, a fait la liste des attaques et décrit les actions commises ces derniers jours par les troupes de M. Gbagbo, en explicitant sa demande d’intervention telle qu’elle s’est déroulée ce matin. Les soldats français de la force Licorne étaient à leur place ce matin comme les autres jours.
Q - À leur place, c’est-à-dire tout de même près du palais présidentiel en soutien des hommes d’Alassane Ouattara, qui sont allés chercher Laurent Gbagbo ?
R - À leur place, cela veut dire que ce sont les soldats des forces républicaines de M. Ouattara qui sont rentrés dans la résidence et que les forces françaises elles-mêmes n’y ont pas pénétré, c’est ce que cela veut dire. Les forces ivoiriennes étaient devant et en soutien - pour la destruction des chars et autres matériels destructeurs - l’ONUCI et la force Licorne. On est là dans le cadre, encore une fois, d’un mandat international qui a pour objet de détruire des armes lourdes avec lesquelles on tue des personnes et on en menace d’autres depuis des jours et des jours. Il n’y a pas eu d’inversion dans l’ordre de présence des forces à l’entrée de la résidence, ce ne sont pas les forces de l’ONUCI et les Français qui étaient devant les forces républicaines du président de la Côte d’Ivoire, mais à leur place elles ont simplement neutralisé ce qui devait l’être pour permettre l’entrée des forces républicaines de M. Ouattara.
Q - On a entendu, il y a quelques instants, Ali Coulibaly, l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, rendre un hommage extrêmement appuyé à l’action de la France. Ne craignez-vous pas quand même des réflexions, dans les jours, les semaines qui viennent, sur le thème de «la puissance coloniale est toujours là en Côte d’Ivoire comme dans beaucoup de pays d’Afrique noire francophone» ?
R - Je pense que cette vision est aujourd’hui dépassée. Certes des nostalgiques, ou des gens qui veulent nuire, nous ferons encore une fois le même discours sur le même thème de la puissance coloniale mais cela ne résiste pas à l’analyse des faits et à l’analyse des actions menées par nos forces présentes en Côte d’Ivoire. Elles étaient présentes exclusivement pour assurer la sécurité des ressortissants français et nous pouvons mettre au défi quiconque pour prouver le contraire depuis le mois de novembre dernier. Je pense qu’il serait temps maintenant d’en finir avec ce discours et que l’on considère que l’Afrique et les pays africains sont majeurs, vaccinés et qu’ils sont tout à fait capables eux-mêmes - on vient d’en avoir la preuve - d’organiser leur propre sécurité et leur propre défense. Rien ne les empêche, par ailleurs, dans un cadre légal et en toute transparence, comme cela se passe, d’avoir des accords de défense avec d’autres pays et parmi ceux-ci, il peut y avoir la France, mais pas exclusivement et forcément la France.
Q - Oui, parce que c’est la question que je posais à l’ambassadeur il y a quelques instants. Sans l’appui de la force Licorne en l’occurrence, aurait-il été possible d’en venir à cette issue aussi rapidement, on a vu ces derniers jours que les hommes d’Alassane Ouattara butaient sur la résistance de Laurent Gbagbo ?
R - Écoutez les forces françaises ont scrupuleusement respecté les prescriptions contenues dans la résolution qui a été votée par le Conseil de sécurité des Nations unies et par conséquent nous n’avons jamais outrepassé ce qui était à la fois la ligne de conduite décidée par le président de la République et deuxièmement le respect de nos engagements internationaux. Je rappelle que dans cette affaire c’est la conclusion d’un processus porté par la communauté internationale qui est passée par l’organisation des élections acceptées par les différents acteurs de la vie politique ivoirienne, dont M. Gbagbo d’ailleurs, et que aujourd’hui, c’est parce que M. Gbagbo n’a pas voulu reconnaitre les résultats que les forces du président de la République élu de Côte d’Ivoire, ce sont mobilisées et la communauté internationale a pris les moyens nécessaires pour détruire les chars, les mortiers…
Q - … et arrêter Laurent Gbagbo…
R - … et arrêter Laurent Gbagbo.
Q - Oui, cela on avait compris.
R - Oui, mais c’est tout de même simple à comprendre.
Q - Dernière question Henri de Raincourt, apparemment Laurent Gbagbo et son épouse sont à l’hôtel du Golf gardés par des gendarmes de l’ONU, ils seraient en bonne santé. Il y a un flou sur la suite des événements, évidemment le peuple ivoirien est souverain mais avez-vous des informations ? Certaines sources disent qu’ils seront jugés on ne sait pas par qui ? Des tribunaux ivoiriens ? La CPI ? Avez-vous tout simplement des informations ?
R - Je voudrais vous dire qu’en cet instant ma première préoccupation est d’abord le sort des victimes, des milliers de victimes, des morts qui tous ces derniers mois ont une fois de plus jonché le sol ivoirien qui pourtant a déjà payé ces dernières années en grande partie à cause de M. Gbagbo un très large tribut à la violence et cela me parait beaucoup plus important car si on peut par cette action ramener la paix, la sérénité et envisager un développement de la Côte d’Ivoire. Quant au sort de M. Gbagbo et de sa famille, il relève exclusivement de décisions qui appartiennent au peuple ivoirien, je ne saurais en la matière avoir la moindre opinion.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 avril 2011