Allocution de M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération, sur la situation économique et politique du Tchad, le processus de démocratisation et le rôle du Tchad dans la région, Paris le 3 juillet 1997.

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Circonstance : Visite officielle en France de M. Idriss Deby, Président de la République du Tchad-dîner offert par M. Charles Josselin

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Monsieur le Président de la République,
Vous voilà enfin à Paris en visite officielle ! Ces deux seuls mots, "visite officielle", qui relèvent d'un vocabulaire classique en matière de relations internationales, prennent, dans le cas du Tchad, le relief particulier que donne la nouveauté.

Votre visite, Monsieur Le Président, marque en effet de façon très claire la fin de décennies de turbulences et l'entrée de votre pays dans une ère nouvelle, un itinéraire au long duquel la France a accompagné le peuple tchadien avec constance et fidélité. Que de chemin parcouru en effet depuis que des forces étrangères imposaient leur loi à N'Djamena, où différents chefs de faction se disputaient le pouvoir les armes à la main ! Le Tchad a recouvré sa souveraineté pleine et entière, retrouvé son intégrité territoriale et s'est doté d'un système démocratique à peu près complet. Ces progrès étonnants, étonnants car je me souviens qu'au début de l'année 1996, de nombreux Cassandre prédisaient encore que le chemin vers la démocratie dans lequel s'engageait votre pays ne pouvait s'accomplir sans une recrudescence de troubles, voire une nouvelle guerre civile. Ces progrès, dis-je, sont dus en premier lieu à la sagesse et à la maturité du peuple tchadien qui a manifesté à cinq reprises son attachement aux institutions dont il se dotait en se rendant massivement et pacifiquement aux urnes.

Mais ce succès est à mettre tout autant à votre crédit, Monsieur le Président, car vous avez su conduire à leur terme, avec fermeté et détermination, toutes les étapes d'un processus semé d'obstacles : Conférence nationale souveraine, recensement des électeurs, élaboration et approbation par référendum d'une nouvelle Constitution, élections présidentielles à deux tours et enfin, au début de cette année, en janvier et février, élections législatives. Les réformes que vous avez prévues instaurant certaines formes de décentralisation devraient prochainement compléter ce palmarès. Et je ne doute pas que le renforcement de l'Etat de droit que vous avez programmé concoure à la mission de réconciliation nationale que vous vous êtes assignée.

Vous venez donc aujourd'hui en France, Monsieur le Président, non seulement paré de l'onction de légitimité que confère le suffrage universel, mais également à la tête d'un pays stabilisé, normalisé, je dirais apaisé.

Pour la première fois sans doute, la France n'accueille plus en la personne du chef de l'Etat tchadien un interlocuteur avec qui débattre en priorité des problèmes internes de son pays, mais un partenaire dont l'avis et le rôle sont précieux dans la recherche de solutions aux crises qui secouent le continent, en particulier l'Afrique centrale. Le Tchad a vécu une expérience ô combien douloureuse, mais dont les enseignements peuvent être fort utiles pour ses voisins. Nul plus que lui n'est en mesure de donner aux différentes forces qui s'affrontent dans tel ou tel pays des conseils de modération et de prudence. Comme vous l'avez si bien souligné récemment dans un hebdomadaire, "on ne sort pas comme cela de la guerre civile, on met des années et des années à se reconstruire.

Naguère zone de troubles, votre pays contribue désormais de manière significative à la stabilité de la région, notamment en République Centrafricaine où le contingent tchadien joue au sein de la MISAB un rôle important dans le maintien de la sécurité et la surveillance des accords de Bangui. Nul ne saurait davantage s'en féliciter que la France.
Monsieur le Président,
Le Tchad revient de loin ! Le chemin parcouru au-delà de tous les soubresauts et accidents de parcours, est une leçon d'espoir pour ceux qui parfois se prennent à douter de la capacité des pays africains à surmonter leurs divisions ethniques et les rivalités personnelles dans la recherche d'un intérêt national qui soit bénéfique à l'ensemble des populations qui les composent. Mais de nombreux exemples dans l'histoire de l'humanité montrent que tout succès en la matière reste fragile et demande à être sans cesse consolidé pour ne pas donner prise à ceux qui sont mus par d'autres ambitions que cet intérêt national.

Non content d'avoir su, par une amélioration de la qualité de sa gestion économique, satisfaire aux principales exigences d'un programme d'ajustement rigoureux mais nécessaire, grâce à quoi il a retrouvé la confiance des bailleurs de fonds, le Tchad se trouve aujourd'hui à l'aube d'une prospérité nouvelle grâce aux perspectives prometteuses de l'exploitation de ses ressources pétrolières dès le début du prochain millénaire. Le pétrole est une chance pour un pays, mais il peut être aussi un risque et un danger. Qu'il gaspille cette manne, qu'il en fasse mauvais usage, que les fruits n'en soient pas équitablement répartis, et la poule aux ufs d'or (noir) engendrera relâchements, abandons et discordes. Raison de plus pour applaudir des deux mains aux engagements que vous avez pris de promouvoir au Tchad une démocratie ouverte, "consensuelle, participative", et d'organiser une gestion rationnelle et transparente du flux de revenus nouveaux que le sous-sol de votre pays va générer.
Monsieur le Président,
Comme vous le savez, la France a de tous temps été aux côtés du Tchad. Elle l'a été pour le défendre contre les agressions extérieures, elle l'a été pour l'aider à surmonter ses divisions intérieures, elle l'a été pour accompagner son processus de transition vers la démocratie, elle l'a été et l'est toujours pour l'assister dans le redressement de son économie et l'engagement d'un véritable développement en faveur des populations. Je puis vous assurer aujourd'hui que les liens d'amitié si forts ainsi créés entre Français et Tchadiens à travers une histoire commune, une coopération à tous les niveaux, une connaissance et une appréciation réciproques, perdureront à l'avenir, et que je m'emploierai, pour ma part, et, j'espère avec votre aide, à les renforcer.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 novembre 2001)