Texte intégral
Jai beaucoup dadmiration pour les arbitres. Larbitrage est une activité qui demande tellement de passion, de dévouement et dhumilité. Il en faut de la passion pour passer ses week-ends à sillonner la France afin de permettre à des jeunes, à des sportifs, de jouer ensemble dans le respect des règles et des autres.
Il faut beaucoup dhumilité pour accepter de se dire quun bon match est un match où lon ne parle pas de larbitre. On ne choisit pas larbitrage pour être dans la lumière. Le revers de la médaille, cest quon oublie souvent que larbitre est le rouage, certes discret, mais indispensable de toute compétition sportive. Or, cest bien grâce aux 200 000 arbitres français que des millions de compétitions sportives se déroulent chaque année.
Il faut du dévouement pour rappeler la règle et la faire respecter. Il faut du dévouement pour continuer de le faire malgré les attaques et les remises en cause. Car la réalité est là. Les arbitres subissent des pressions de toute part et tout le monde se sent légitime pour critiquer leur autorité. Leurs décisions sont sans cesse contestées par les médias, les dirigeants de clubs, les entraîneurs, les joueurs et le public. Nous devons tous condamner ces dérives, car, si nous ny remédions pas, votre quotidien va sinscrire dans un état permanent de remises en cause ponctué dagressions.
Car il faut le dire, la vie dun arbitre, cest cela : 5 000 agressions darbitres par an dans les matches amateurs de football (sur 700 000 matches observés). Dans plus de 85% des cas, il sagit dagressions verbales. Pour ce qui est du football professionnel, sur la saison 2009/2010, 8 entraîneurs de ligue 1 et 10 entraîneurs de ligue 2 ont été condamnés par la commission disciplinaire de la LFP pour des propos injurieux ou des gestes intimidants à légard darbitres.
Bien sûr, il peut y avoir des erreurs. Cest le propre de lhumain que de commettre des erreurs. Et la multiplication des caméras dans les stades permet aujourdhui au monde entier de décortiquer en détail chacune des actions des joueurs. Mais larbitre doit prendre sa décision dans linstant sans zoom ni ralenti possible. Et cette décision ne souffre aucune contestation. Tous doivent la respecter et ceux qui ne sont pas daccord doivent se taire. Cela vaut pour les dirigeants, pour les entraîneurs, pour les joueurs et pour les commentateurs. Car toute critique donne ensuite caution aux comportements violents des supporters. Or, aucune erreur ne justifie que lon ait recours à la violence. Nous devons être intransigeants sur ce point.
2. Beaucoup darbitres souffrent de cette situation, souffrent de ce manque de respect. Cest pourquoi le Gouvernement avait souhaité apporter des réponses législatives.
Le grand mérite de la loi HUMBERT du 23 octobre 2006 a été de reconnaître que les arbitres accomplissent une mission de service public.
Ce statut vous a apporté une protection. Les sanctions pénales qui sappliquent aux faits de violence à lencontre des personnes exerçant une mission de service public sont particulièrement lourdes : 2 ans demprisonnement et 30 000 damende pour des menaces de mort, 3 à 5 ans demprisonnement et de 45 à 75 000 damende pour des violences ayant entraîné une incapacité de travail, etc.
Il vous a apporté une indépendance. Le statut de travailleur indépendant permet déviter tout lien de subordination avec la fédération.
Il vous a apporté enfin une reconnaissance. Dire que les arbitres accomplissent une mission de service public, cest reconnaître que, sans leur engagement, il ny aurait plus de compétitions sportives. Et de cette reconnaissance découlent des exonérations fiscales et sociales des indemnités qui sont versées aux arbitres (abattement sur les 5 020 premiers euros).
Ces trois grandes avancées avaient également comme but de répondre à une crise des vocations. Entre 2000 et 2006, vous estimiez que plus de 20 000 arbitres sur les 150 000 en activité avaient quitté la profession. Aujourdhui, avec 200 000 arbitres en activité, on peut dire que la loi a contribué à redresser la barre.
Je sais que vous avez mal vécu le rapport de la Cour des comptes qui dénonce un effet daubaine. Pour ma part, je ne crois pas que cela soit vrai. Au regard de lensemble des services rendus par le corps arbitral, le coût du dispositif nest pas élevé : coût annuel de 522 par arbitre (90 000 arbitres concernés). Si les arbitres veulent préserver ce statut, il faut quils soient exemplaires en déclarant tout dépassement du montant de la franchise. De même les fédérations sportives doivent être vigilantes quant au suivi et au respect de cette déclaration par les arbitres.
3. Mais la reconnaissance ne doit pas venir que dun dispositif fiscal. Cest surtout de la reconnaissance des fédérations, des joueurs ou encore du public que les arbitres ont besoin. Cela implique de se remobiliser plus largement sur la question des valeurs et du respect dans le sport. Tout lenjeu aujourdhui est de rétablir un respect mutuel entre tous les acteurs présents sur le terrain, les joueurs, les arbitres, les entraîneurs et les dirigeants de clubs.
Et nous devons nous mobiliser pour défendre les arbitres qui, en tant que figures dautorité, sont les premières cibles de ceux qui font fi des valeurs du sport. En 2006, on estimait que, sur les 4 000 à 5 000 arbitres qui décidaient darrêter chaque année, 60 % le faisaient en raison de la violence.
Depuis mon arrivée au ministère des Sports, jai donc engagé plusieurs actions afin de redonner pleinement au sport sa dimension éducative et sociale et mettre un terme aux phénomènes de violence et de discrimination.
Jai ainsi souhaité que lattribution des subventions aux clubs amateurs repose désormais sur un principe de civi-conditionnalité. Pour pouvoir bénéficier dun soutien de lEtat, les clubs devront désormais adopter un projet éducatif comprenant notamment une charte éthique. Bien évidemment, ils seront accompagnés par les services de lEtat et leur fédération dans cette démarche. Cest essentiel, car les clubs sont en première ligne pour transmettre les valeurs et enseigner les bons comportements à nos jeunes. Ils sont le meilleur relais pour mettre fin aux débordements inacceptables que lon observe lors des matches amateurs.
Nous poursuivons par ailleurs notre collaboration avec les associations de lutte contre les discriminations (LICRA, SOS homophobie, bientôt Ni Putes Ni Soumises) pour mener des actions de prévention avec les fédérations. Les arbitres ne sont pas les seuls à faire lobjet dinsultes ou dagressions et cest lensemble des violences qui doivent disparaître de nos terrains.
Il est vraiment nécessaire de pacifier lambiance dans les stades. Cest une certitude. Trop de comportements sont en effet inacceptables. Ce sont les sifflets du public à chaque fois que larbitre sanctionne léquipe à domicile. Ce sont les gestes obscènes, les menaces, les noms doiseaux fusant des tribunes, mais aussi des bancs des entraîneurs et des joueurs.
Comme vous le savez, un travail important a été réalisé dans le cadre de lélaboration du livre vert du supportérisme. Nous allons dès cette année mettre en uvre ses principales recommandations, à commencer par la création dun comité du supportérisme. Je linstallerai dès le mois prochain. Sachez que je pense, comme Robin LEPROUX, quil est possible de pacifier nos tribunes et de remplir les stades avec un public qui respecte les valeurs du sport. Et la première de ces valeurs, cest le respect : le respect des règles, de larbitre, de ses adversaires, et finalement de soi-même.
Je veux que les arbitres soient respectés, reconnus, mis en valeur. Il est essentiel de faire reconnaître par tous leur engagement : tout ce temps et cette énergie consacrés pour permettre aux sportifs de vivre des moments de sport et démotion.
Je suis prête à vous aider et à mobiliser lensemble des acteurs du sport pour avancer sur la question du respect. Cest ce que jai fait mercredi en réunissant tous les acteurs du football. La signature dune charte déontologique entre les dirigeants de clubs et les arbitres ainsi que la mise en place dune rencontre annuelle entre les arbitres et les présidents de clubs constitueront un premier pas vers plus de respect et de compréhension mutuels. La réunion de mercredi a montré que le maintien dun dialogue entre tous les acteurs est essentiel.
Bien sûr, il faudra aller plus loin. Vous mavez parlé, Monsieur VAJDA, de règlements internationaux imposant un protocole de fin de match au cours duquel joueurs et arbitres se serrent la main. Je dois avouer que cela mintéresse. Cela peut paraître un détail. Mais cest grâce à ces détails symboliques que lon arrivera à changer les comportements et à pacifier lambiance de nos compétitions sportives.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 15 mars 2011