Déclaration de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports, sur l'arbitrage sportif, le statut et les dispositifs fiscaux des arbitres et la violence dans le sport, Paris le 11 mars 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 26ème assemblée de l'Association française du corps arbitral multisports à Paris le 11 mars 2011

Texte intégral


J’ai beaucoup d’admiration pour les arbitres. L’arbitrage est une activité qui demande tellement de passion, de dévouement et d’humilité. Il en faut de la passion pour passer ses week-ends à sillonner la France afin de permettre à des jeunes, à des sportifs, de jouer ensemble dans le respect des règles et des autres.
Il faut beaucoup d’humilité pour accepter de se dire qu’un bon match est un match où l’on ne parle pas de l’arbitre. On ne choisit pas l’arbitrage pour être dans la lumière. Le revers de la médaille, c’est qu’on oublie souvent que l’arbitre est le rouage, certes discret, mais indispensable de toute compétition sportive. Or, c’est bien grâce aux 200 000 arbitres français que des millions de compétitions sportives se déroulent chaque année.
Il faut du dévouement pour rappeler la règle et la faire respecter. Il faut du dévouement pour continuer de le faire malgré les attaques et les remises en cause. Car la réalité est là. Les arbitres subissent des pressions de toute part et tout le monde se sent légitime pour critiquer leur autorité. Leurs décisions sont sans cesse contestées par les médias, les dirigeants de clubs, les entraîneurs, les joueurs et le public. Nous devons tous condamner ces dérives, car, si nous n’y remédions pas, votre quotidien va s’inscrire dans un état permanent de remises en cause ponctué d’agressions.
Car il faut le dire, la vie d’un arbitre, c’est cela : 5 000 agressions d’arbitres par an dans les matches amateurs de football (sur 700 000 matches observés). Dans plus de 85% des cas, il s’agit d’agressions verbales. Pour ce qui est du football professionnel, sur la saison 2009/2010, 8 entraîneurs de ligue 1 et 10 entraîneurs de ligue 2 ont été condamnés par la commission disciplinaire de la LFP pour des propos injurieux ou des gestes intimidants à l’égard d’arbitres.
Bien sûr, il peut y avoir des erreurs. C’est le propre de l’humain que de commettre des erreurs. Et la multiplication des caméras dans les stades permet aujourd’hui au monde entier de décortiquer en détail chacune des actions des joueurs. Mais l’arbitre doit prendre sa décision dans l’instant sans zoom ni ralenti possible. Et cette décision ne souffre aucune contestation. Tous doivent la respecter et ceux qui ne sont pas d’accord doivent se taire. Cela vaut pour les dirigeants, pour les entraîneurs, pour les joueurs et pour les commentateurs. Car toute critique donne ensuite caution aux comportements violents des supporters. Or, aucune erreur ne justifie que l’on ait recours à la violence. Nous devons être intransigeants sur ce point.
2. Beaucoup d’arbitres souffrent de cette situation, souffrent de ce manque de respect. C’est pourquoi le Gouvernement avait souhaité apporter des réponses législatives.
Le grand mérite de la loi HUMBERT du 23 octobre 2006 a été de reconnaître que les arbitres accomplissent une mission de service public.
Ce statut vous a apporté une protection. Les sanctions pénales qui s’appliquent aux faits de violence à l’encontre des personnes exerçant une mission de service public sont particulièrement lourdes : 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende pour des menaces de mort, 3 à 5 ans d’emprisonnement et de 45 à 75 000 € d’amende pour des violences ayant entraîné une incapacité de travail, etc.
Il vous a apporté une indépendance. Le statut de travailleur indépendant permet d’éviter tout lien de subordination avec la fédération.
Il vous a apporté enfin une reconnaissance. Dire que les arbitres accomplissent une mission de service public, c’est reconnaître que, sans leur engagement, il n’y aurait plus de compétitions sportives. Et de cette reconnaissance découlent des exonérations fiscales et sociales des indemnités qui sont versées aux arbitres (abattement sur les 5 020 premiers euros).
Ces trois grandes avancées avaient également comme but de répondre à une crise des vocations. Entre 2000 et 2006, vous estimiez que plus de 20 000 arbitres sur les 150 000 en activité avaient quitté la profession. Aujourd’hui, avec 200 000 arbitres en activité, on peut dire que la loi a contribué à redresser la barre.
Je sais que vous avez mal vécu le rapport de la Cour des comptes qui dénonce un effet d’aubaine. Pour ma part, je ne crois pas que cela soit vrai. Au regard de l’ensemble des services rendus par le corps arbitral, le coût du dispositif n’est pas élevé : coût annuel de 522€ par arbitre (90 000 arbitres concernés). Si les arbitres veulent préserver ce statut, il faut qu’ils soient exemplaires en déclarant tout dépassement du montant de la franchise. De même les fédérations sportives doivent être vigilantes quant au suivi et au respect de cette déclaration par les arbitres.
3. Mais la reconnaissance ne doit pas venir que d’un dispositif fiscal. C’est surtout de la reconnaissance des fédérations, des joueurs ou encore du public que les arbitres ont besoin. Cela implique de se remobiliser plus largement sur la question des valeurs et du respect dans le sport. Tout l’enjeu aujourd’hui est de rétablir un respect mutuel entre tous les acteurs présents sur le terrain, les joueurs, les arbitres, les entraîneurs et les dirigeants de clubs.
Et nous devons nous mobiliser pour défendre les arbitres qui, en tant que figures d’autorité, sont les premières cibles de ceux qui font fi des valeurs du sport. En 2006, on estimait que, sur les 4 000 à 5 000 arbitres qui décidaient d’arrêter chaque année, 60 % le faisaient en raison de la violence.
Depuis mon arrivée au ministère des Sports, j’ai donc engagé plusieurs actions afin de redonner pleinement au sport sa dimension éducative et sociale et mettre un terme aux phénomènes de violence et de discrimination.
J’ai ainsi souhaité que l’attribution des subventions aux clubs amateurs repose désormais sur un principe de civi-conditionnalité. Pour pouvoir bénéficier d’un soutien de l’Etat, les clubs devront désormais adopter un projet éducatif comprenant notamment une charte éthique. Bien évidemment, ils seront accompagnés par les services de l’Etat et leur fédération dans cette démarche. C’est essentiel, car les clubs sont en première ligne pour transmettre les valeurs et enseigner les bons comportements à nos jeunes. Ils sont le meilleur relais pour mettre fin aux débordements inacceptables que l’on observe lors des matches amateurs.
Nous poursuivons par ailleurs notre collaboration avec les associations de lutte contre les discriminations (LICRA, SOS homophobie, bientôt Ni Putes Ni Soumises) pour mener des actions de prévention avec les fédérations. Les arbitres ne sont pas les seuls à faire l’objet d’insultes ou d’agressions et c’est l’ensemble des violences qui doivent disparaître de nos terrains.
Il est vraiment nécessaire de pacifier l’ambiance dans les stades. C’est une certitude. Trop de comportements sont en effet inacceptables. Ce sont les sifflets du public à chaque fois que l’arbitre sanctionne l’équipe à domicile. Ce sont les gestes obscènes, les menaces, les noms d’oiseaux fusant des tribunes, mais aussi des bancs des entraîneurs et des joueurs.
Comme vous le savez, un travail important a été réalisé dans le cadre de l’élaboration du livre vert du supportérisme. Nous allons dès cette année mettre en œuvre ses principales recommandations, à commencer par la création d’un comité du supportérisme. Je l’installerai dès le mois prochain. Sachez que je pense, comme Robin LEPROUX, qu’il est possible de pacifier nos tribunes et de remplir les stades avec un public qui respecte les valeurs du sport. Et la première de ces valeurs, c’est le respect : le respect des règles, de l’arbitre, de ses adversaires, et finalement de soi-même.
Je veux que les arbitres soient respectés, reconnus, mis en valeur. Il est essentiel de faire reconnaître par tous leur engagement : tout ce temps et cette énergie consacrés pour permettre aux sportifs de vivre des moments de sport et d’émotion.
Je suis prête à vous aider et à mobiliser l’ensemble des acteurs du sport pour avancer sur la question du respect. C’est ce que j’ai fait mercredi en réunissant tous les acteurs du football. La signature d’une charte déontologique entre les dirigeants de clubs et les arbitres ainsi que la mise en place d’une rencontre annuelle entre les arbitres et les présidents de clubs constitueront un premier pas vers plus de respect et de compréhension mutuels. La réunion de mercredi a montré que le maintien d’un dialogue entre tous les acteurs est essentiel.
Bien sûr, il faudra aller plus loin. Vous m’avez parlé, Monsieur VAJDA, de règlements internationaux imposant un protocole de fin de match au cours duquel joueurs et arbitres se serrent la main. Je dois avouer que cela m’intéresse. Cela peut paraître un détail. Mais c’est grâce à ces détails symboliques que l’on arrivera à changer les comportements et à pacifier l’ambiance de nos compétitions sportives.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 15 mars 2011