Déclaration de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports, sur les valeurs et les priorités du sport, la lutte contre le dopage et la violence dans le sport, Paris le 29 mars 2011.

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Circonstance : Installation de l'Assemblée du sport à Paris le 29 mars 2011

Texte intégral


Avant de commencer, je voudrais remercier M. Robert CALCAGNO qui nous accueille dans ces lieux somptueux. Ce choix n’est pas anodin. Ce choix est l’expression du lieu qui nous unit à l’écologie, un enjeu de société, un enjeu d’équilibre entre les hommes. Ce choix est aussi l’expression de l’amitié qui me lie au Prince Albert, une amitié fondée sur la même passion de l’écologie et du sport, et sur la même vision du sport au service de la paix. En 1912, le Prince Albert 1er déclarait que la vocation de cet institut était que les savants de toutes nations puissent y travailler en réunissant leurs efforts. Nous avons la même volonté que les défenseurs du sport puissent se retrouver, réunir leurs efforts.
Nous sommes réunis ca nous avons la chance de partager une conviction : le sport est un enjeu de société du XXIe siècle. Quelles que soient nos histoires, nos parcours, nos convictions, nous savons que le sport ne se résume pas à un débat sur les normes des équipements sportifs ou le nombre de médailles aux Jeux Olympiques. Nous savons, car nous l’avons vécu, que le sport reste l’un des derniers espaces républicains, un espace d’émancipation, d’apprentissage de la règle, de progression par l’effort, un espace de cohésion et de partage au-delà des clivages.
Nous savons que le sport rassemble les peuples à travers le monde.
Nous savons aussi que le sport, le monde du sport, les valeurs du sport sont menacées, égratignées et même parfois abîmées. Abîmées par la confusion entre le sport et le spectacle, abîmées par l’argent qui met le sport à son service, abîmées par nos petits renoncements. Pour simplifier, c’est par l’école et le sport que nous pouvons apaiser notre société, lui apprendre la tolérance et le respect. Mais pour ce faire, nous devons fixer des priorités et défendre plus clairement des principes.
Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est que nous avons hérité de plusieurs visions du sport, celle de l’éducation populaire, de Léo LAGRANGE, de Maurice HERZOG, celle du rayonnement de la France du Général de GAULLE. Nous avons hérité de plusieurs organisations et les rôles ne sont pas clairs. L’Etat défenseur des valeurs républicaines, de l’éducation libre et égale, de l’aménagement du territoire, des corrections des inégalités et du rayonnement international – un Etat toujours très présent dans le monde du sport. Les collectivités responsables du sport et investisseuses, des collectivités au coeur de la cohésion. Le mouvement sportif indépendant, acteur du bénévolat, créateur, dépendant aussi de ses instances internationales. Et naturellement, chacun attend plus de l’autre.
Ce qui me frappe, c’est que nous partageons des visions des sports, des interrogations face aux défis mais nous n’avons pas d’espaces pour nous parler. Ce qui me frappe, c’est que le sport a été au coeur du projet de reconstruction d’après guerre, du projet de rayonnement de la France des années soixante, mais le sport est absent du projet du XXIe siècle. Dans cette nouvelle société de solitude et d’aspiration à la solidarité, nous avons une voix à faire entendre, nous avons une vision du sport à porter.
Les ambitions de cette Assemblée du sport que nous avons voulue avec Denis MASSEGLIA, une Assemblée que les collectivités et les entreprises réclamaient sont simples :
- définir une politique nationale des sports, nationale parce que partagée ;
- fixer les responsabilités de chacun ;
- rendre des comptes et évaluer en permanence nos actions. Oui, c‘est une forme de démocratie participative. Je l’assume. Je ne crois qu’à la co-construction pour régler les enjeux de société ; des enjeux face auxquels nous avons l’humilité de n’avoir aucune certitude quant aux Seul le prononcé réponses à apporter, assumons dans cette Assemblée nos doutes, assumons d’engager des actions même si elles ne sont pas parfaites.
Naturellement, le rôle premier de l’Etat est la défense des règles et des valeurs du sport. La lutte contre le dopage, contre la violence, contre la corruption, contre l’homophobie est, à l’évidence, la mission de l’Etat républicain. Son rôle est aussi, et de plus en plus, de créer ces espaces de concertation, de médiation, ces espaces de dépassement des intérêts particuliers. Nos six présidents de groupe doivent en être les garants.
L’objectif de notre assemblée du sport est simple : nous débattons pour proposer jusqu’en juin ; puis nous décidons ; enfin, nous assumons dans la durée.
La méthode l’est également : cinq collèges, autant que possible représentatifs des acteurs du sport, personne ne domine l’autre, personne ne peut imposer ses idées à l’autre, personne ne peut refuser le consensus.
Je vous en conjure, offrons un débat exemplaire, sans invective, sans agressivité, sans posture, sans harangue politicienne.
Et si les élections veulent prendre en otage l’Assemblée du sport, je n’hésiterai pas à la suspendre. Je n’hésiterai pas à l’inscrire dans un décret pour attendre des temps propices au dialogue. Ma seule ambition est qu’elle me survive.
Nous devons conserver comme seule ligne d’horizon l’intérêt général, les sportifs, les amoureux du sport et je dirais surtout les aspirants au sport. Nous avons la chance de vivre dans un pays où le sport rayonne. Il rayonne par ses magnifiques athlètes qui nous honorent, qui sont les boussoles des sportifs, qui sont les héros de nos enfants. 99,5 % ont conscience de cette responsabilité et l’assument avec grandeur d’âme.
Mais, il est des actes qui nous indignent, des propos racistes, des propos homophobes ou sexistes, des actes de violence et de rébellion, des implications lamentables dans des cas de prostitution ou de viol. Ils n’ont pas leur place dans le monde du sport. Et l’Etat doit être plus exigeant sur ces enjeux d’ordre public et d’éthique.
Nous devons clarifier la question de l’argent dans le sport. Affirmer que l’argent public doit aller au sport amateur et pas au sport professionnel, sauf pour impulser des infrastructures qui participent à l’aménagement du territoire. Définir une position européenne ferme sur le fairplay financier et le salary cap. Sortir le sport d’une application étriquée de libre échange et de la libre circulation des travailleurs.
Enfin notre priorité collective est le sport de masse, plus de sport et plus de sport en club. La Nation sportive. Comment faire pour que les adultes soient plus sportifs, pour que les jeunes filles des quartiers s’émancipent par le sport, pour que les personnes en situation de handicap s’épanouissent par le sport. Ce sont des enjeux de rénovation urbaine, d’aménagement du territoire, de cohésion sociale, de santé.
A nous, à vous, d’apporter ces réponses. Le débat ne m’appartient pas. Il vous appartient.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 30 mars 2011