Texte intégral
Clément Janequin, maître du chant polyphonique, compositeur du roi Henri II, chansonnier vedette rivalisant avec les plus éminents compositeurs flamands et bourguignons : voilà un hommage on ne peut plus naturel pour établissement dédié à la musique et à la danse, dont le siège se trouve dans une ancienne Manufacture darmes. De toutes ses chansons et ses compositions, cest en effet La Guerre ou la Bataille de Marignan qui a été la plus remarquée et écoutée, suscitant la curiosité par sa capacité à transcrire les bruits du combat et le fracas des armes.
Nous voici donc aujourdhui réunis, loin des « Cris de Paris » chers à Clément Janequin, pour inaugurer un lieu dapprentissage, un lieu de transmission des pratiques artistiques dans le domaine de la musique et de la danse. Cela revêt à mes yeux une signification extrêmement forte, car je fais du développement des pratiques artistiques, sous toutes leurs formes, lune de mes priorités daction. Je suis en effet convaincu des relations étroites qui existent entre la vigueur de la scène culturelle et de la création et ce quun spécialiste des publics comme Jean Galard appelle le « regard instruit ».
Lun ne va pas sans lautre. Et la démocratisation culturelle, le développement de nouveaux publics sont, depuis sa création, au coeur même des politiques suivies par le ministère que jai lhonneur de servir. A lheure de la réalité numérique, de limmédiateté comme horizon, de la « société des écrans », chacun mesure limportance du contact avec le professeur, avec linstrument, avec la barre, limportance du travail collectif également, de ce temps exigeant de la répétition et des essais qui précède celui de laudition ou de lentrée en scène.
Je tiens à saluer tout particulièrement lengagement de la Ville et de la Communauté dagglomération du Pays chatelleraudais pour la culture. Dans un contexte économique local difficile, vous avez fait le choix de la culture sous toutes ses formes, Monsieur le Député-maire, vous et votre adjointe à la culture, Maryse Lavrard. Tout au long de cette visite et de nos échanges, jai pu constater la diversité des domaines dans lesquels vous vous êtes engagés : la lecture publique, le théâtre, le patrimoine et la mémoire, avec la restauration du théâtre ou le label de Pays dart et dhistoire que vous sollicitez.
La nouvelle implantation du conservatoire traduit pleinement votre ambition et le sens de votre action, à laquelle je tiens à rendre hommage.
Situé dans les bâtiments rénovés de lex-Manufacture darmes créée en 1820 par ordonnance royale, ce lieu de formation et de pratique artistique est au coeur dun véritable « forum des savoirs culturels et loisirs » dans la ville. Aux côtés de lEcole nationale de cirque qui bénéficie dune reconnaissance de mon Ministère depuis 1996 et qui a formé de nombreux élèves ayant pu accéder aux meilleures écoles supérieures de cette discipline où nous bénéficions dune reconnaissance internationale aux côtés du Musée de lautomobile et de la moto, des Archives de larmement, de lécole de la deuxième chance, le nouveau Conservatoire Clément Janequin incarne une ambition pour lavenir.
Le bâtiment réhabilité de 3600 m2 doit en effet permettre au Conservatoire à rayonnement départemental dassurer ses missions dans de meilleures conditions. La très large palette denseignements, proposés en musique comme en danse, contribuera à cette nouvelle étape au service de la création et du développement culturel des territoires.
Nouveau bâtiment certes, mais aussi nouveau directeur : et je me réjouis à cet égard que larrivée récente du directeur, M. Jérôme Chrétien, qui traduit par son profil même le lien entre musique et danse, coïncide avec cette nouvelle étape dans la vie de cette Manufacture qui fut tout au long du XXe siècle le coeur battant de la ville, là où les cheminées en brique incarnaient les « temples de la modernité » ou les lieux de cette religion du progrès qui a animé le XXe siècle. A lheure où la concurrence internationale et la crise financière font peser de lourdes hypothèques sur lavenir du tissu industriel, je crois à une politique volontariste en faveur de lemploi culturel et de la création de filières dexcellence dans le domaine de la formation. Cest le sens du « pôle culturel « créé ici dans ce lieu symbole de lâge manufacturier et de la culture industrielle.
A cet égard cest un travail exemplaire de requalification et de revitalisation dun site industriel, à limage de ce qui a pu être fait ailleurs en France à Saint-Etienne - autre grande ville manufacturière - mais aussi en Europe avec le musée Guggenheim de Bilbao, avec le Lingotto lex usine Fiat à Turin ou bien avec les manufactures de coton de Prato, en Toscane, transformées en lieux de culture dexcellence. Il ny a là ni recul, ni repli, ni amnésie : il y a bien au contraire un choix stratégique placé au service de cette « société de la connaissance » qui entend valoriser les talents européens, qui est aussi, à terme, créatrice de richesse et demplois.
Je veux aussi rappeler que cet établissement est partie prenante, avec les autres établissements de la région Poitou Charentes, de la mise en oeuvre de la réforme prévue par le législateur en 2004 réforme dite de décentralisation des enseignements artistiques. Il est lun des rares établissements dans lesquels cette réforme a pu être réalisée, puisquy sont préparés des diplômes nationaux dorientation professionnelle que seules les régions Poitou-Charentes et Nord - Pas de Calais ont mis en oeuvre. La réforme de 2004 sest heurtée à beaucoup de difficultés, elle a été lobjet de beaucoup de débats entre Etat et collectivités mais aussi entre collectivités.
Il me semble toutefois que le sujet, qui semblait inextricable au départ, a beaucoup mûri, notamment grâce à la Sénatrice Morin-Desailly, auteure dun rapport qui fait référence, mais aussi grâce au débat qui sest tenu à lautomne 2009 au Sénat sur ce sujet, à son initiative. Je ne voudrais pas oublier les travaux quont mené lEtat et les collectivités au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC). Une nouvelle réunion de travail est prévue le mois prochain sur ce sujet, je forme le voeu quelle permette davancer. Jai bon espoir que ces travaux aboutissent rapidement et que nous puissions écrire une nouvelle page de ce chantier essentiel pour les formations artistiques présentes dans les territoires.
Le débat au Sénat avait mis en lumière les enjeux de laccès du plus grand nombre à la pratique artistique, et la place quil nous faut donner aux amateurs dans les conservatoires. Il importe en effet de renforcer laccès de tous à la pratique artistique, notamment la pratique musicale. Cest pourquoi jai confié une mission au violoniste Didier Lockwood, Président du Haut-Conseil de lEducation artistique et culturelle, dont chacun connaît lengagement sur ces sujets. Jai souhaité quil me fasse des propositions sur les méthodes dapprentissage et de transmission de la musique. Je sais que les conservatoires ont beaucoup fait au cours des dernières années pour faire accéder le plus grand nombre denfants à la pratique musicale. Mais jai souhaité vérifier si nous pouvions aller plus loin, dans les méthodes de transmission, dans lutilisation de ce qui caractérise les musiques populaires - loralité, limprovisation, une approche au départ moins cérébrale de la musique - comme dans la valorisation des pratiques collectives. La musique, ne loublions jamsi, est affaire de désir et de plaisir. Je sais que Didier Lockwood a procédé à de nombreuses consultations et quil ne devrait pas tarder à me remettre le résultat de ses travaux.
Vous le voyez, Mesdames et messieurs, je suis persuadé que ce nouvel outil contribuera à faire de Châtellerault et de son territoire un véritable laboratoire pour léducation musicale. Je suis persuadé quil contribuera à renforcer encore davantage les missions de formation, de sensibilisation et de diffusion de ce Conservatoire. Pour finir, je voudrais saluer la tâche remarquable accomplie, au quotidien, par les enseignants de létablissement. Je sais quils sont fortement impliqués dans toutes les évolutions passées et à venir. Ils sont, avec les jeunes talents quils aident à sépanouir, les forces vives qui donnent à létablissement sa vitalité, son rayonnement, mais aussi sa capacité à se fixer un avenir.
Comme le dit le grand spécialiste de littérature européenne Georges Steiner dans Passion impunies, « un bon professeur est toujours malade despoir ». Cet espoir, je le partage avec vous aujourdhui.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 18 avril 2011