Texte intégral
Monsieur le député,
Monsieur le maire,
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs,
Mesdames et messieurs les habitants du quartier de Montchovet,
1. Je voudrais vous donner tout de suite mon sentiment, celui du Ministre délégué à la ville, et également, très simplement, celui de l'homme, qui, après la démolition de cette barre, ne peut pas s'empêcher d'être envahi d'une sorte de tristesse.
Ce sont des murs qu'on détruits, des logements vétustes et abandonnés depuis longtemps, mais ce sont les femmes et les hommes qui me viennent à l'esprit.
C'est la vie des milliers de stéphanois qui ont habité dans ces lieux et qui les ont marqués d'une empreinte indélébile.
Je pense à ces femmes et à ces hommes qui sont venus ici, remplis d'espoir, parce que ces logements représentaient pour eux une formidable chance. Ils avaient l'eau courante, une cuisine, une salle de bain. La barre, alors prestigieuse, tenait lieu de mirage et représentait le progrès.
Je pense à ces familles d'immigrés qui ont contribué à la richesse de notre pays et qui ont vécu ici, parce que plus personne ne voulait y vivre, que le chômage rongeait la ville comme le pays tout entier, et que les plus pauvres se trouvaient rejetés sur les bords de la ville.
de cette muraille qui a représenté pour les habitants, pendant de nombreuses années, à la fois leur seul horizon et leur abri.
J'ai bien entendu que les habitants ont aimé et aiment leur quartier. Ils y ont élevé leurs enfants en luttant au quotidien contre tous les dangers, toutes les injustices. Ils ont tout fait pour sauver cette muraille qui avait valeur de monument. Certains éprouvent sans doute un sentiment d'échec et d'impuissance, ce qui rend le moment que nous venons de vivre encore plus difficile.
Alors voyez-vous, cette page d'histoire qui se tourne dans un nuage de fumée, ce béton qui s'écroule sur lui-même en quelques secondes, ne saurait donc nous réjouir et me laisse en effet un sentiment de vide.
C'est pourquoi, je voudrais que vous ne vous mépreniez pas sur le sens de ma visite.
Ce n'est pas l'aspect spectaculaire de l'événement qui m'a décidé à venir ici aujourd'hui, même si on ne peut nier qu'il y a là une puissance visuelle qui frappe l'imagination.
Pour moi, comme pour l'ensemble des acteurs, ces quelques secondes ne sauraient " foudroyer " la mémoire du quartier, ne saurait nous faire oublier ses habitants.
J'ai lu attentivement les "murmures de muraille" que les enfants de l'école Montchovet et du collège Jean Dasté ont écrit dans un fascicule que j'ai trouvé touchant et profond.
J'ai bien compris leur souhait qu'au mot douloureux et violent de "dynamite", on puisse très vite en substituer un autre, un mot voisin dans la prononciation, mais bien vivant et plein de promesse, le mot : "dynamique".
Je suis venu pour cela. Pour vous dire que je ne suis pas le ministre de la démolition des villes. Je voudrais être plutôt celui de leur renaissance.
2. Parce que, c'est là toute la richesse de l'événement que nous partageons aujourd'hui, je pense profondément que la ville c'est le mouvement même, que c'est le changement et qu'on ne saurait opposer la ville du passé à la ville du futur, pas plus qu'il ne convient de se refugier dans une vision conservatrice et frileuse du développement urbain.
Autrement dit, la démolition de la muraille aujourd'hui n'est pas un geste d'urbanisme négatif.
Comme certains d'entre vous l'ont exprimé tout à l'heure, lorsque nous nous sommes rencontrés, j'ai la conviction que cet acte décisif marque une étape et que, à partir de l'irréparable, il convient de concevoir un projet de ville, tourné vers une organisation de l'espace et de la vie sociale qui rende aux habitants l'énergie et l'espoir.
C'est le cas ailleurs en France, dans d'autres villes, parce que le gouvernement est conscient de la nécessité de mettre en oeuvre un ambitieux programme de renouvellement urbain.
2. L'histoire de la muraille est en effet exemplaire de ce qui s'est passé dans de nombreux lieux.
Cette histoire se confond avec l'histoire de la ville industrielle. Elle en illustre toutes les contradictions et manifeste à quel point les enjeux en sont complexes.
C'est après la guerre, en 1953 que commence une nouvelle phase de l'histoire des formes urbaines stéphanoises. Elle fait partie d'un programme national d'industrialisation lancé par la Ministère de la Reconstruction et du Logement dans plusieurs villes françaises : Saint-Etienne, Angers, Bron Parilly, Boulogne, Le Havre, Pantin.
Il s'agissait de produire à moindre coût des logements de meilleure qualité, aérés, sains et modernes. Le chantier de Saint-Etienne fut un chantier pilote et le paradoxe veut que les premiers habitants furent triés sur le volet.
Beaulieu III - Montchovet et la muraille de Chine sont construits en 1964.
Les premières difficultés se font sentir dès 1966 !
Que s'est-il donc passé pour que la situation se dégrade si vite ?
C'est la conjonction de plusieurs causes, la conjugaison malheureuse, d'erreurs sans doute, mais aussi d'événements imprévisibles :
D'abord une mauvaise conception architecturale qui, comme le voulait la mode de l'époque, a prévu une dalle et enterré en quelque sorte l'entrée, provoquant ainsi un fort sentiment d'insécurité.
L'arrivée brutale de la crise et du chômage qui ont fermé les usines et appauvri les habitants.
La fuite de classes moyennes ensuite vers les communes périphériques parce qu'elles ont voulu vivre en pavillons. Cela a entraîné la vacance de nombreux logements et l'arrivée de populations plus pauvres, provoquant l'effet ghetto.
Et bien sûr, des défaillances dans les attributions des logements ainsi que l'absence d'un entretien convenable des lieux au quotidien.
C'est pourquoi le quartier de Montchovet a été inscrit dès les début de la politique de la ville en Développement social des quartiers, selon la formule de l'époque. C'est, il faut le noter, à la suite d'une forte mobilisation des habitants et des associations locales.
La Visite impromptue de François Mitterrand, le 10 août 83, a accéléré les projets de réhabilitation.
Mais, les efforts entrepris n'ont pas été suffisants.
Certains pensent qu'il s'agit de l'échec de la politique de la ville. Mais que seraient devenus nos quartiers populaires sans elle, sans cette politique de solidarité ?
Sans doute était-il difficile, il y a vingt ans de tout prévoir, en même temps qu'on inventait des concepts qui nous aident aujourd'hui : je pense à la participation des habitants, à la gestion de proximité, à la mixité sociale, par exemple.
Alors, c'est vrai, des erreurs ont été faites. La gestion du temps a été défectueuse. Tout s'est fait dans l'urgence : urgence de la construction, urgence de la réhabilitation, alors que la ville se construit lentement et qu'elle ne peut se bousculer ni se brutaliser.
Nous devons tirer les leçons de l'histoire. Tel est le rôle de la mémoire des faits, tel est l'indispensable travail sur lequel nous devons appuyer notre action future. Au temps de la souffrance, celui de la ville en crise, doit succéder celui d'une ville qui pense son avenir avec une tranquille détermination.
La politique de la ville nouvelle, la nouvelle génération des contrats de ville que nous mettons en place, se nourrit des tâtonnements passés pour mieux organiser une société digne, une société du changement grâce à des technologies nouvelles, grâce à la croissance, grâce à l'emploi retrouvé.
La politique de la ville doit savoir aussi changer d'époque et entraîner dans le sillage de une qualité de vie reconquise tous les habitants des quartiers populaires.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont uvré en cherchant, en se battant, ceux qui ont cru aux projets successifs, car ils étaient sincères.
Je tiens à remercier ceux qui ont compris combien il est difficile de réparer, de reloger et qui l'ont fait, avec toute la patience, les dialogues et l'écoute nécessaires.
Je tiens aussi à rendre hommage à un couple d'habitants Monsieur et Madame Garnier qui ont milité avec une énergie farouche pour faire de ce quartier un lieu de vie digne des habitants.
3. Mais, désormais, quels projets sous les gravats ?
Cette question rédigée par de jeunes architectes a le mérite d'être claire et directe. Démolir en effet n'est pas LA solution, pas la seule, pas d'abord.
Le projet est la clé.
Les grands projets de ville que le gouvernement a décidés ont comme objectif de refaire la ville en tenant compte bien sûr de la diversité des situations locales et en suivant des stratégies différenciées.
C'est l'occasion pour moi de tenir en quelque sorte le discours de la méthode auquel je tiens pour penser la ville de demain.
On pourrait parler d'une fusée à trois étages.
C'est vrai, refaire la ville, c'est oser démolir ce qui doit l'être. Cela suppose donc de reloger et souvent de reconstruire en tenant compte d'un certain nombre de critères de façon à ce que les immeubles ne soient plus surdimensionnés, que la mixité sociale soit respectée, que le désir des habitants soit pris en compte.
Refaire la ville, c'est souvent réhabiliter c'est-à-dire restructurer, c'est dédensifier et savoir réimplanter, par exemple, des logements sociaux au centre ville dans des petits immeubles. Et pourquoi pas l'accession à la propriété pour les habitants des quartiers populaires ?
Enfin, et sans doute d'abord, refaire la ville c'est tout simplement exiger que l'on respecte la demande des habitants les plus modestes comme on respecte celle des plus riches, c'est faire en sorte qu'ils aient des cages d'escalier propres, des ascenseurs qui marchent, des logements salubres et insonorisés, des espaces extérieurs agréables.
Penser la ville, c'est réconcilier ceux qui la construisent avec ceux qui y vivent et donc c'est prendre en compte une dimension incontournable : la solidarité.
Mais l'habitat réussi n'est pas la seule condition d'une ville harmonieuse. Les grands projets de ville nécessitent une mobilisation collective des services de l'Etat. Sans une école de qualité centrée sur des projets d'égalité pour tous les enfants, sans transports efficaces facilitant la mobilité des habitants, sans lieux culturels, sans services publics de proximité, sans viviers d'entreprises, les villes ne peuvent retenir leurs habitants.
C'est donc avec un projet ambitieux et qui concerne la ville tout entière, que les quartiers revivront. Et c'est bien sûr avec les habitants, tous les habitants.
4. Monsieur le maire, monsieur le député, mesdames et messieurs les acteurs, soyez assurés que vous trouverez l'Etat à vos côtés pour vous aider dans votre ambition.
Je demande donc qu'on apporte tout l'appui nécessaire aux projets dont j'ai eu connaissance et qui visent à conserver la mémoire de la vie si riche de cette cité.
Je veux citer aujourd'hui, pour leur rendre hommage, le projet de Cédérom de Monsieur Gérard Di Cicco, directeur de l'école primaire Monchovet dont l'objectif est de rassembler les documents qu'il a collectés durant plusieurs années pour en conserver la trace et pour continuer à mener le débat sur des projets de ville véritablement interactifs.
Je veux parler du projet de l'association " Les robins des villes " afin que les habitants après cette démolition puisse continuer à réfléchir et à organiser leur façon propre de vivre ensemble.
Et bien sûr tous les autres projets que je ne connais pas et qui sont les ferments du passage réussi entre la ville d'hier et celle de demain.
Le quartier de Monchovet est un réservoir d'énergie. Les initiatives nombreuses et originales pour donner du travail aux jeunes, pour faire de Monchovet le quartier de l'avenir de la ville de Saint-Etienne sont déjà en train de naître.
Je serai particulièrement heureux de les voir prendre vie et qu'ils puissent être présentés lors du prochain Festival international de la ville à Créteil en septembre prochain, afin que des échanges aient lieu avec d'autres acteurs venus d'autres villes de France et d'Europe qui ont connu les mêmes expériences.
Ainsi, au souffle de la dynamite, se substituera le bruit beaucoup plus fort de la parole des habitants, parole sans laquelle il n'y a pas de cité, sans laquelle il n'y a pas de ville.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 13 juin 2000)
Monsieur le maire,
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs,
Mesdames et messieurs les habitants du quartier de Montchovet,
1. Je voudrais vous donner tout de suite mon sentiment, celui du Ministre délégué à la ville, et également, très simplement, celui de l'homme, qui, après la démolition de cette barre, ne peut pas s'empêcher d'être envahi d'une sorte de tristesse.
Ce sont des murs qu'on détruits, des logements vétustes et abandonnés depuis longtemps, mais ce sont les femmes et les hommes qui me viennent à l'esprit.
C'est la vie des milliers de stéphanois qui ont habité dans ces lieux et qui les ont marqués d'une empreinte indélébile.
Je pense à ces femmes et à ces hommes qui sont venus ici, remplis d'espoir, parce que ces logements représentaient pour eux une formidable chance. Ils avaient l'eau courante, une cuisine, une salle de bain. La barre, alors prestigieuse, tenait lieu de mirage et représentait le progrès.
Je pense à ces familles d'immigrés qui ont contribué à la richesse de notre pays et qui ont vécu ici, parce que plus personne ne voulait y vivre, que le chômage rongeait la ville comme le pays tout entier, et que les plus pauvres se trouvaient rejetés sur les bords de la ville.
de cette muraille qui a représenté pour les habitants, pendant de nombreuses années, à la fois leur seul horizon et leur abri.
J'ai bien entendu que les habitants ont aimé et aiment leur quartier. Ils y ont élevé leurs enfants en luttant au quotidien contre tous les dangers, toutes les injustices. Ils ont tout fait pour sauver cette muraille qui avait valeur de monument. Certains éprouvent sans doute un sentiment d'échec et d'impuissance, ce qui rend le moment que nous venons de vivre encore plus difficile.
Alors voyez-vous, cette page d'histoire qui se tourne dans un nuage de fumée, ce béton qui s'écroule sur lui-même en quelques secondes, ne saurait donc nous réjouir et me laisse en effet un sentiment de vide.
C'est pourquoi, je voudrais que vous ne vous mépreniez pas sur le sens de ma visite.
Ce n'est pas l'aspect spectaculaire de l'événement qui m'a décidé à venir ici aujourd'hui, même si on ne peut nier qu'il y a là une puissance visuelle qui frappe l'imagination.
Pour moi, comme pour l'ensemble des acteurs, ces quelques secondes ne sauraient " foudroyer " la mémoire du quartier, ne saurait nous faire oublier ses habitants.
J'ai lu attentivement les "murmures de muraille" que les enfants de l'école Montchovet et du collège Jean Dasté ont écrit dans un fascicule que j'ai trouvé touchant et profond.
J'ai bien compris leur souhait qu'au mot douloureux et violent de "dynamite", on puisse très vite en substituer un autre, un mot voisin dans la prononciation, mais bien vivant et plein de promesse, le mot : "dynamique".
Je suis venu pour cela. Pour vous dire que je ne suis pas le ministre de la démolition des villes. Je voudrais être plutôt celui de leur renaissance.
2. Parce que, c'est là toute la richesse de l'événement que nous partageons aujourd'hui, je pense profondément que la ville c'est le mouvement même, que c'est le changement et qu'on ne saurait opposer la ville du passé à la ville du futur, pas plus qu'il ne convient de se refugier dans une vision conservatrice et frileuse du développement urbain.
Autrement dit, la démolition de la muraille aujourd'hui n'est pas un geste d'urbanisme négatif.
Comme certains d'entre vous l'ont exprimé tout à l'heure, lorsque nous nous sommes rencontrés, j'ai la conviction que cet acte décisif marque une étape et que, à partir de l'irréparable, il convient de concevoir un projet de ville, tourné vers une organisation de l'espace et de la vie sociale qui rende aux habitants l'énergie et l'espoir.
C'est le cas ailleurs en France, dans d'autres villes, parce que le gouvernement est conscient de la nécessité de mettre en oeuvre un ambitieux programme de renouvellement urbain.
2. L'histoire de la muraille est en effet exemplaire de ce qui s'est passé dans de nombreux lieux.
Cette histoire se confond avec l'histoire de la ville industrielle. Elle en illustre toutes les contradictions et manifeste à quel point les enjeux en sont complexes.
C'est après la guerre, en 1953 que commence une nouvelle phase de l'histoire des formes urbaines stéphanoises. Elle fait partie d'un programme national d'industrialisation lancé par la Ministère de la Reconstruction et du Logement dans plusieurs villes françaises : Saint-Etienne, Angers, Bron Parilly, Boulogne, Le Havre, Pantin.
Il s'agissait de produire à moindre coût des logements de meilleure qualité, aérés, sains et modernes. Le chantier de Saint-Etienne fut un chantier pilote et le paradoxe veut que les premiers habitants furent triés sur le volet.
Beaulieu III - Montchovet et la muraille de Chine sont construits en 1964.
Les premières difficultés se font sentir dès 1966 !
Que s'est-il donc passé pour que la situation se dégrade si vite ?
C'est la conjonction de plusieurs causes, la conjugaison malheureuse, d'erreurs sans doute, mais aussi d'événements imprévisibles :
D'abord une mauvaise conception architecturale qui, comme le voulait la mode de l'époque, a prévu une dalle et enterré en quelque sorte l'entrée, provoquant ainsi un fort sentiment d'insécurité.
L'arrivée brutale de la crise et du chômage qui ont fermé les usines et appauvri les habitants.
La fuite de classes moyennes ensuite vers les communes périphériques parce qu'elles ont voulu vivre en pavillons. Cela a entraîné la vacance de nombreux logements et l'arrivée de populations plus pauvres, provoquant l'effet ghetto.
Et bien sûr, des défaillances dans les attributions des logements ainsi que l'absence d'un entretien convenable des lieux au quotidien.
C'est pourquoi le quartier de Montchovet a été inscrit dès les début de la politique de la ville en Développement social des quartiers, selon la formule de l'époque. C'est, il faut le noter, à la suite d'une forte mobilisation des habitants et des associations locales.
La Visite impromptue de François Mitterrand, le 10 août 83, a accéléré les projets de réhabilitation.
Mais, les efforts entrepris n'ont pas été suffisants.
Certains pensent qu'il s'agit de l'échec de la politique de la ville. Mais que seraient devenus nos quartiers populaires sans elle, sans cette politique de solidarité ?
Sans doute était-il difficile, il y a vingt ans de tout prévoir, en même temps qu'on inventait des concepts qui nous aident aujourd'hui : je pense à la participation des habitants, à la gestion de proximité, à la mixité sociale, par exemple.
Alors, c'est vrai, des erreurs ont été faites. La gestion du temps a été défectueuse. Tout s'est fait dans l'urgence : urgence de la construction, urgence de la réhabilitation, alors que la ville se construit lentement et qu'elle ne peut se bousculer ni se brutaliser.
Nous devons tirer les leçons de l'histoire. Tel est le rôle de la mémoire des faits, tel est l'indispensable travail sur lequel nous devons appuyer notre action future. Au temps de la souffrance, celui de la ville en crise, doit succéder celui d'une ville qui pense son avenir avec une tranquille détermination.
La politique de la ville nouvelle, la nouvelle génération des contrats de ville que nous mettons en place, se nourrit des tâtonnements passés pour mieux organiser une société digne, une société du changement grâce à des technologies nouvelles, grâce à la croissance, grâce à l'emploi retrouvé.
La politique de la ville doit savoir aussi changer d'époque et entraîner dans le sillage de une qualité de vie reconquise tous les habitants des quartiers populaires.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont uvré en cherchant, en se battant, ceux qui ont cru aux projets successifs, car ils étaient sincères.
Je tiens à remercier ceux qui ont compris combien il est difficile de réparer, de reloger et qui l'ont fait, avec toute la patience, les dialogues et l'écoute nécessaires.
Je tiens aussi à rendre hommage à un couple d'habitants Monsieur et Madame Garnier qui ont milité avec une énergie farouche pour faire de ce quartier un lieu de vie digne des habitants.
3. Mais, désormais, quels projets sous les gravats ?
Cette question rédigée par de jeunes architectes a le mérite d'être claire et directe. Démolir en effet n'est pas LA solution, pas la seule, pas d'abord.
Le projet est la clé.
Les grands projets de ville que le gouvernement a décidés ont comme objectif de refaire la ville en tenant compte bien sûr de la diversité des situations locales et en suivant des stratégies différenciées.
C'est l'occasion pour moi de tenir en quelque sorte le discours de la méthode auquel je tiens pour penser la ville de demain.
On pourrait parler d'une fusée à trois étages.
C'est vrai, refaire la ville, c'est oser démolir ce qui doit l'être. Cela suppose donc de reloger et souvent de reconstruire en tenant compte d'un certain nombre de critères de façon à ce que les immeubles ne soient plus surdimensionnés, que la mixité sociale soit respectée, que le désir des habitants soit pris en compte.
Refaire la ville, c'est souvent réhabiliter c'est-à-dire restructurer, c'est dédensifier et savoir réimplanter, par exemple, des logements sociaux au centre ville dans des petits immeubles. Et pourquoi pas l'accession à la propriété pour les habitants des quartiers populaires ?
Enfin, et sans doute d'abord, refaire la ville c'est tout simplement exiger que l'on respecte la demande des habitants les plus modestes comme on respecte celle des plus riches, c'est faire en sorte qu'ils aient des cages d'escalier propres, des ascenseurs qui marchent, des logements salubres et insonorisés, des espaces extérieurs agréables.
Penser la ville, c'est réconcilier ceux qui la construisent avec ceux qui y vivent et donc c'est prendre en compte une dimension incontournable : la solidarité.
Mais l'habitat réussi n'est pas la seule condition d'une ville harmonieuse. Les grands projets de ville nécessitent une mobilisation collective des services de l'Etat. Sans une école de qualité centrée sur des projets d'égalité pour tous les enfants, sans transports efficaces facilitant la mobilité des habitants, sans lieux culturels, sans services publics de proximité, sans viviers d'entreprises, les villes ne peuvent retenir leurs habitants.
C'est donc avec un projet ambitieux et qui concerne la ville tout entière, que les quartiers revivront. Et c'est bien sûr avec les habitants, tous les habitants.
4. Monsieur le maire, monsieur le député, mesdames et messieurs les acteurs, soyez assurés que vous trouverez l'Etat à vos côtés pour vous aider dans votre ambition.
Je demande donc qu'on apporte tout l'appui nécessaire aux projets dont j'ai eu connaissance et qui visent à conserver la mémoire de la vie si riche de cette cité.
Je veux citer aujourd'hui, pour leur rendre hommage, le projet de Cédérom de Monsieur Gérard Di Cicco, directeur de l'école primaire Monchovet dont l'objectif est de rassembler les documents qu'il a collectés durant plusieurs années pour en conserver la trace et pour continuer à mener le débat sur des projets de ville véritablement interactifs.
Je veux parler du projet de l'association " Les robins des villes " afin que les habitants après cette démolition puisse continuer à réfléchir et à organiser leur façon propre de vivre ensemble.
Et bien sûr tous les autres projets que je ne connais pas et qui sont les ferments du passage réussi entre la ville d'hier et celle de demain.
Le quartier de Monchovet est un réservoir d'énergie. Les initiatives nombreuses et originales pour donner du travail aux jeunes, pour faire de Monchovet le quartier de l'avenir de la ville de Saint-Etienne sont déjà en train de naître.
Je serai particulièrement heureux de les voir prendre vie et qu'ils puissent être présentés lors du prochain Festival international de la ville à Créteil en septembre prochain, afin que des échanges aient lieu avec d'autres acteurs venus d'autres villes de France et d'Europe qui ont connu les mêmes expériences.
Ainsi, au souffle de la dynamite, se substituera le bruit beaucoup plus fort de la parole des habitants, parole sans laquelle il n'y a pas de cité, sans laquelle il n'y a pas de ville.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 13 juin 2000)