Interview de Mme Nadine Morano, ministre de l'apprentissage et de la formation professionnelle, à LCI le 22 mars 2011, sur le climat politique et le vote contre le Front National dans le cadre des élections cantonales 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral


 
 
 
CHRISTOPHE BARBIER Il faut voter contre le Front National, c’est la consigne de François FILLON, comment jugez-vous cette manière qu’a eue le Premier ministre de se démarquer du président sur la fameuse consigne du ni-ni, ni alliance avec le FN, ni Front Républicain ?
 
NADINE MORANO Notre position a toujours été constante, tant à l’UMP que par le passé au RPR. Ni accord avec le Front National, lutter contre le Front National, voter contre le Front National. Donc, le Premier ministre est resté dans cette stratégie de dire, de faire barrage au Front National.
 
CHRISTOPHE BARBIER Pas de différence avec Nicolas SARKOZY qui est dans la liberté de vote lui plus.
 
NADINE MORANO De faire obstacle au Front National c'est la ligne qu’a toujours défendu Nicolas SARKOZY, en revanche, d’avoir une ligne politique nationale qui consiste à dire eh bien écoutez, on fait un Front Républicain partout, c'est-à-dire qu’on vous appelle à voter pour le Parti socialiste, ça crédibiliserait l’idée véhiculée par Marine LE PEN que l’UMPS c’est un dispositif, c’est un système qui existe en France et ça, nous ne le voulons pas. Parce que l’UMP et le Parti socialiste ça n’est pas la même chose, nous n’avons pas les mêmes idées, nous n’avons pas le même programme et regardez aussi, l’électorat aurait du mal à comprendre alors que le PS est très souvent virulent, critique à notre égard, de dire, eh bien écoutez, on vous appelle à voter pour le Parti socialiste.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous dites dans LIBERATION ce matin : il faut éclairer sans contraindre. Mais éclairer les électeurs, c’est peut-être leur dire, soit vous restez vous, soit vous voter blanc, soit vous votez PS, point barre !
 
NADINE MORANO Mais il faut arrêter de prendre les Français pour des imbéciles. Je veux dire, aller voter c’est un engagement personnel qui engage un destin collectif, on est bien d’accord. Donc nous avons un devoir de les éclairer et de leur dire, voilà quelle est notre position. Nous sommes contre le Front National, il n’y aura ni accord, il y aura ni soutien et ceux qui soutiendraient un candidat du Front National serait exclu de notre mouvement. Donc nous sommes clairs et constants sur cette position, mais en même temps, avoir une stratégie qui consisterait à faire croire que le Parti socialiste et l’UMP c'est la même chose, eh bien ça n’est pas tenable, ça n'est pas normal et les électeurs sont assez grands, assez matures pour faire leur propre choix. Et donc ils ont plusieurs solutions, soit ils peuvent aller voter pour le candidat du Parti socialiste, soit ils peuvent s’abstenir, soit ils peuvent voter blanc. C'est leur responsabilité individuelle.
 
CHRISTOPHE BARBIER Invités du 22/03/2011 Département Veille et Ressources d’informations – 01.42.75.54.58 3 Par exemple chez vous en Meurthe-et-Moselle, il y a trois duels PS – FN. Les trois socialistes ils sont éligibles, vous pourriez voter pour eux ou vous n’en voulez pas du tout ?
 
NADINE MORANO Alors ce n’est pas d’abord dans ma circonscription...
 
CHRISTOPHE BARBIER Non mais c’est votre département.
 
NADINE MORANO Nous en avons discuté avec les candidats qui ne souhaitent pas faire un appel au vote du candidat du Parti socialiste, donc ils laisseront le libre choix, la libre responsabilité des électeurs de choisir qui ils veulent.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous reconnaissez quand même qu’il y a une crise à l’UMP entre ceux qui disent vote blanc, comme Xavier BERTRAND...
 
NADINE MORANO Non, il y a une liberté...
 
CHRISTOPHE BARBIER ... ceux qui disent votre PS...
 
NADINE MORANO Monsieur BARBIER, il y a une liberté, il y a une ligne de conduite nationale, c’est-à-dire, pas de soutien au Front National, mais pas de Front Républicain national, ce qui veut dire que nous respectons la liberté de choix, localement. Si un candidat de l’UMP souhaite apporter son soutien au candidat du Parti socialiste, il le fera.
 
CHRISTOPHE BARBIER Ceux qui disent clairement, il faut voter PS contre le FN, n’importe où, ils se construisent une personnalité sur le dos de leur famille politique comme le dit le président ?
 
NADINE MORANO C’est leur choix, c'est leur liberté. Mais encore une fois, ça tend à crédibiliser que l’UMPS eh bien c'est une réalité et je pense que c'est une erreur de laisser crédibiliser cette idée.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que le score du Front National dimanche dernier, ne montre pas que Nicolas SARKOZY est en échec depuis le début de son mandat, qu’il y a eu la crise économique et qu’il faut peut-être offrir à la droite un autre candidat à la présidentielle ?
 
NADINE MORANO Bien sûr que non. Vous savez, Nicolas SARKOZY a appliqué déjà lorsqu’on regarde par rapport à son programme, 80% de ses engagements. Nicolas SARKOZY est le président qui a su tenir bon dans une période de crise économique et financière où la France s’en sort beaucoup mieux que les autres, il faut le dire. Il a été le président de la crise économique et financière en France et dans un contexte européen et mondial, mais il a été aussi celui qui a été à l’initiative lorsqu’il y a eu la crise en Géorgie et lorsqu’il exerçait la présidence française de l’Union européenne. Il est en initiative encore aujourd'hui sur la Libye parce que c’est à l’initiative de la France qu’il y a eu cette résolution de l’ONU, il faut le dire, qui a permis l’exclusion aérienne en Libye pour protéger le peuple libyen...
 
CHRISTOPHE BARBIER Mais c'est un peu aventureux, on ne sait pas ce qu’on va faire sur le terrain, on ne sait pas ce qu’on a faire politiquement en Libye.
 
NADINE MORANO Ecoutez, alors si une résolution, la résolution 173 de l’ONU qui est très précise est aventureuse, excusez-moi, mais elle a été votée par le conseil de sécurité, il y a eu un accord avec la Ligue Arabe et donc l’objectif international est notre vocation qui est un devoir, est de protéger le peuple libyen qui est en train d’être exterminé par le colonel KADHAFI.
 
CHRISTOPHE BARBIER Certains commencent à dire il faut passer la main à l’OTAN, on l’entend aux Etats-Unis, on entend ça en Italie. Est-ce qu’il faut le faire ?
 
NADINE MORANO Non il y a une résolution qui a été votée au titre de l’ONU, la France a pris sa part dans les frappes ciblées aériennes, aujourd'hui c’est un succès, il faut le dire, il y a près d’un million d’habitants à Benghazi qu’il nous fallait protéger. L’opération est réussie, donc voilà. Nous sommes en train de mettre à plat l’armée du colonel KADHAFI.
 
CHRISTOPHE BARBIER Je reviens sur le terrain franco-français, est-ce que le gouvernement doit encore durcir sa politique en matière d’immigration, de sécurité, de laïcité pour répondre aux angoisses électorales que l’on a vues dimanche ?
 
NADINE MORANO Eh bien, s’agissant de la politique d’immigration, nous avons évidemment des textes déjà qui sont très contraignants. Au-delà des textes contraignants, nous avons pris, lorsque Nicolas SARKOZY était président de l’Union européenne, des dispositions à travers le pacte européen sur l’immigration pour avoir des dispositions communes aux pays européens parce que nous avons aussi l’espace Schengen. Donc l’immigration ça ne se résout pas comme le dit Marine LE PEN ou d’autres, avec un claquement de doigt. Il faut être à la fois ferme, à la fois humain et conventionné avec les pays d’origine de ces peuples.
 
CHRISTOPHE BARBIER Claude GUEANT a raison quand il dit que les Français ne se sentent plus chez eux parfois ?
 
NADINE MORANO Il peut avoir raison parce que les pratiques, depuis des d??cennies ont fait que nous avons constitué dans notre pays des ghettos et à ce titre-là, lorsque vous avez des populations qui sont totalement déséquilibrées, c’est-à-dire des populations d’origine étrangère eh bien évidemment il y a ce sentiment, c'est une réalité.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que l’UMP ne doit pas lever le pied sur tous les débats, notamment le débat sur la laïcité qui se présente ?
 
NADINE MORANO Non parce que lever le pied sur les débats, ça veut dire que nous n’avons plus d’existence réelle. Un parti politique est là pour réfléchir et encore une fois ce qui stigmatise, puisque j’entends quelquefois que nous allons stigmatiser les Musulmans, la religion musulmane, non seulement c’est faux, mais je dirais que c’est totalement l’inverse. Si nous voulons une pratique de L’islam respectueuse puisque nous avons la liberté de culte dans notre pays, nous sommes dans un pays laïc, nous ne devons pas accepter par exemple les prières dans la rue, parce que ce sont les prières dans la rue qui stigmatise l’Islam...
 
CHRISTOPHE BARBIER Eh bien construisons des mosquées !
 
NADINE MORANO Nous avons doublé déjà le nombre de places de lieu de cultes pour la religion musulmane, c'est vrai, enfin nous avons, c’est une réalité, il y a plus de lieu de cultes musulmans dans notre pays et ça c’est une nécessité, c’est clair, parce qu’il nous faut une pratique religieuse qui correspond aussi au respect de nos coutumes, de notre pacte républicain et donc nous ne pouvons pas tolérer en France ce qui n’est pas toléré par exemple en Algérie où les prières dans la rue sont interdites. Il faut le rappeler. Et les consignes sont très claires, s’il n’y a pas de lieux de culte, les gens doivent prier chez eux, mais ne doivent pas prier dans la rue. C'est comme le port de la burqa que nous avons interdit dans notre pays et qui rentre en application le mois prochain, je vous rappelle qu’à la Mecque, les femmes ont l’interdiction de circuler visage voilé !
 
CHRISTOPHE BARBIER Tout ça dit Arnaud MONTEBOURG, ça prépare une alliance UMP – Front National en 2012. Vous pouvez le rassurer ?
 
NADINE MORANO Tout ça c’est de dire qu’un parti politique s’honore à dire la vérité et à régler le problème des Français et ce dont ils parlent chez eux lorsqu’ils sont à table, eh bien moi je crois que si nous voulons garder notre cohésion nationale et respecter nos us et coutumes dans notre République, chacun doit le faire et à travers des pratiques qui sont conformes aux usages de la République et à nos, oui voilà, à nos coutumes.
 Source :  Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 22 mars 2011