Déclaration de Mme Nadine Morano, ministre de l'apprentissage et de la formation professionnelle, sur la lutte contre l'illettrisme et l'exclusion sociale, Paris le 28 mars 2011.

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Circonstance : Journée de lutte contre l'illettrisme à Paris le 28 mars 2011

Texte intégral


Je tiens à vous remercier pour vos contributions et pour la qualité de chacune de vos interventions. Elles ont illustré avec justesse et précision le combat que vous menez tous, chaque jour, contre le fléau de l’illettrisme.
J’ai écouté avec attention chacune de vos prises de parole. J’ai ainsi pu mesurer votre engagement et apprécier la diversité des solutions que vous avez su mettre en oeuvre pour accompagner les salariés et les demandeurs d’emploi.
Je le rappelle, la lutte contre l’illettrisme est l’affaire de tous : Etat, partenaires sociaux, entreprises, associations professionnelles, mais aussi les Régions. Leur rôle est central dans la lutte contre l’illettrisme à destination des publics qui sont les plus fragilisés.
En matière de lutte contre l’illettrisme, nous avons tous évidemment une responsabilité légale puisque cet objectif est une composante à part entière de la formation professionnelle tout au long de la vie. Il va de soi qu’un salarié qui possède la pleine maîtrise des savoirs des bases sera un salarié plus confiant, plus autonome, plus polyvalent et plus efficace pour son entreprise.
Mais nous avons surtout une responsabilité morale à l’égard de toutes ces personnes qui se trouvent privées de toute possibilité d’évolution professionnelle et parfois même, de toute possibilité d’insertion sur le marché du travail. Derrière chaque personne en situation d’illettrisme, il y a un véritable drame humain. Notre pays s’honore de faire de cette question une préoccupation nationale, loin de tout clivage partisan.
Aujourd’hui, ensemble, nous avons fait un pas supplémentaire pour répondre à cette double responsabilité. Mais comme je vous le disais au début de cette séance de travail, il faut aller encore plus loin.
Pour y parvenir, je veux poursuivre le plan d’action volontariste que j’ai déjà engagé et qui s’articule autour de cinq axes principaux :
- Mieux connaitre pour mieux agir, parce que la réalité de l’illettrisme reste encore largement méconnue ;
- Mieux repérer les situations d’illettrisme parce que c’est aux individus que nous devons nous adresser ;
- Sensibiliser le plus grand nombre d’acteurs parce que nous ne serons efficaces que si nous sommes rassemblés derrière cet objectif
- Former davantage de personnes en situation d’illettrisme aux compétences de base
- Et déployer un effort particulier à destination des demandeurs d’emplois pour favoriser leur insertion professionnelle
Il faut mieux connaitre l’illettrisme pour mieux agir
Vous le savez, sur la période 2000/2005, une vaste enquête a été menée pour mieux connaître l’illettrisme en France. Cette première enquête IVQ a porté sur un échantillon représentatif de 10 000 personnes âgées de 18 à 65 ans.
Aujourd’hui, il est temps de relancer cette enquête pour bénéficier d’informations plus fiables et vraiment actualisées.
Je vous l’annonce, une seconde enquête IVQ va donc être lancée dès cette année. Elle conservera les indicateurs de la première enquête et ses résultats seront exploités, comme en 2005, par l’ANLCI.
Dès la fin de l’année, on pourra donc commencer à comparer les résultats des deux enquêtes et, pour la première fois, on pourra surtout mesurer de façon précise et détaillée l’évolution de l’illettrisme dans notre pays.
Il faut désormais systématiser ces démarches, car mieux connaitre l’étendue des besoins est une condition essentielle pour briser le tabou de l’illettrisme !
Je veux aussi mieux repérer les situations d’illettrisme pour mieux y faire face
Pour pouvoir proposer des formations de base à des salariés, il faut avant être en mesure de repérer les personnes en situation d’illettrisme.
L’illettrisme n’est pas une fatalité. La formation professionnelle doit être mobilisée comme une deuxième chance de renouer avec les savoirs de base pour gagner en autonomie et en confiance. La formation est un levier pour accompagner les changements.
Ceux qui sont en situation de repérer les difficultés et d’informer, sans juger, sur les solutions qui existent, ont une responsabilité particulière et doivent donc s’impliquer dans le repérage de l’illettrisme.
Il faut davantage mobiliser les acteurs de terrain et en particulier les entreprises.
Pour une entreprise, un salarié formé aux compétences de base est en effet un salarié plus efficace et souvent plus motivé.
C’est pour cela que j’ai tenu à mettre, aujourd’hui, à votre disposition un document de responsabilisation des entreprises. Les employeurs ont en effet un vrai rôle à jouer pour repérer les situations d’illettrisme de leurs salariés.
Ce document, vous le trouverez sur notre site Internet (www.emploi.gouv.fr) et sur celui de l’ANLCI. Je souhaite qu’il puisse être diffusé le plus largement possible. C’est le fruit de votre travail à tous et je vous en remercie.
Je tiens aussi à sensibiliser le plus grand nombre d’acteurs à la lutte contre l’illettrisme
Cette sensibilisation d’appuiera sur les deux outils que nous allons concrétiser aujourd’hui.
Un Plan d’action commun de « prévention et de lutte contre l’illettrisme dans l’emploi » que je vais signer dans quelques minutes avec des acteurs aussi importants que :
- l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI)
- l'Association Nationale des Directeurs des Ressources Humaines (ANDRH)
- le Groupement des Acteurs et Responsables de la Formation en entreprise (GARF)
- la Conférence des Grandes Ecoles (CGE)
- le Groupe Grandes Ecoles au Féminin (GEF)
- Pôle emploi
- le Conseil National des Missions locales (CNML)
- l'Assemblée Permanente des Chambres de Métiers et de l'Artisanat (APCMA)
- l'Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d'Industrie (ACFCI)
A travers ce Plan d’action, vous vous engagez à mes côtés à conjuguer vos efforts pour mener et évaluer des actions en faveur de la prévention et de la lutte contre l’illettrisme.
Dans ce cadre, vous pourrez compter sur l’appui technique et sur l’expertise de l’ANLCI, qui a déjà développé de nombreux kits pédagogiques pour mutualiser et échanger sur les bonnes pratiques.
Concrètement, la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) et le Groupe Grandes Ecoles au Féminin (GEF) vont mener des actions spécifiques de sensibilisation à destination de leurs étudiants, qui sont les dirigeants et les managers de demain.
Les directeurs des ressources humaines, les directeurs de formation, et leurs équipes effectueront également ce travail de sensibilisation à l’illettrisme auprès des salariés.
* Je compte aussi beaucoup sur un deuxième outil, la Charte des bonnes pratiques qui va être signée, sous l’égide de mon Ministère, entre l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI) et vingt trois Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA) constitue une autre étape importante dans la mobilisation des branches professionnelles qui ont inscrit la lutte contre l’illettrisme dans leurs priorités d’action.
Ces vingt-trois partenaires reçoivent 4,5 milliards d’euros, soit 71% de la collecte totale des fonds de la formation professionnelle des entreprises.
La charte des bonnes pratiques permet de développer les actions de lutte contre l’illettrisme mises en place par les OPCA au profit de leurs entreprises adhérentes, et en particulier les actions de sensibilisation. Elle engage ses signataires à mettre en place des actions innovantes et adaptées. Elle les engage aussi à accompagner davantage les salariés dans une démarche courageuse et responsable pour sortir de l’illettrisme. Je vous félicite pour cet engagement qu’il faut poursuivre !
Très concrètement, cet engagement se traduit notamment par des actions simples de sensibilisation comme :
- inscrire les actions de lutte contre l’illettrisme dans vos priorités
- sensibiliser l’ensemble des acteurs concernés
- développer des outils de dépistage
- et surtout, évaluer l’impact des actions que vous avez financées
Je tiens donc à rendre un hommage appuyé aux vingt trois OPCA signataires de cette charte.
Cette année, au total, vous consacrez plus de 100 millions d’euros pour développer des actions de lutte contre l’illettrisme.
Je veux aussi que nous formions davantage de personnes en situation d’illettrisme aux compétences de base
Les travaux préparatoires des groupes de travail ont insisté, à juste titre, sur le besoin de s’entendre sur un cadre commun de référence à la fois simple et universel. Car pour former et répondre aux besoins des personnes en situation d’illettrisme, il faut avant tout pouvoir répondre à des questions simples : Quelles sont les compétences de base requises ? Quels sont les objectifs à atteindre pour sortir une personne de l’illettrisme ?
Nous faisons tous le même constat : il faut partir du quotidien du stagiaire pour construire des objectifs de progression à partir des situations concrètes qu’il vit, et ensuite, bâtir autour d’elles un programme de formation aux savoirs de base.
Pour y parvenir, j’ai tenu à ce qu’un référentiel commun soit établi. Maintenant, il faut le diffuser le plus largement possible car il offre des repères pour décrire la situation de travail. Il dresse la liste des activités types qui permettent de préciser et de classer ce que le salarié doit faire. Il rappelle également les dix compétences clés qui sont attendues pour sortir de l’illettrisme.
Former plus, mais aussi former mieux : telle doit être notre priorité d’action à tous. Vous avez, nous avons, une responsabilité particulière vis-à-vis des personnes en situation d’illettrisme, car ces difficultés, souvent vécues dans la honte et dans le secret, sont sources de souffrance. Pour elles, oser aller voir quelqu’un pour dire qu’elles rencontrent des problèmes, accepter de suivre une formation sont des décisions cruciales qui engagent toute leur personne. Je demande à l’ensemble des organismes de formation, ainsi qu’à la Fédération de la formation professionnelle, d’être tout particulièrement vigilante sur la qualité des programmes à destination des personnes en situation d’illettrisme. Nous n’avons pas le droit de les décevoir, encore moins celui de les tromper.
Il nous faut enfin déployer un effort particulier à destination des demandeurs d’emplois pour favoriser leur insertion professionnelle
Nous l’avons rappelé plusieurs fois cet après-midi, l’illettrisme est un frein considérable à l’insertion professionnelle car il rend beaucoup plus difficile les possibilités de reconversion et les démarches de recherche d’emploi.
Pour les 15% des demandeurs d’emploi en situation d’illettrisme, la formation est donc l’instrument incontournable pour permettre un retour à l’emploi réussi.
C’est pourquoi, je compte lancer deux chantiers majeurs pour améliorer l’accès au programme « Compétences clés » des demandeurs d’emploi les plus touchés par l’illettrisme.
1er chantier : il faut augmenter le nombre de conseillers formés à l’identification des situations d’illettrisme
Je me félicite que Pôle emploi et le CNML (Conseil national des missions locales) signent, aujourd’hui, le Plan d’action commun de « prévention et de lutte contre l’illettrisme dans l’emploi ». Je les invite, à cet égard, à engager rapidement les travaux nécessaires, avec tous les acteurs concernés, notamment l’UNML (Union nationale des Missions locales) pour former davantage de conseillers.
Pôle emploi a également annoncé qu’un module de sensibilisation à la détection des situations d’illettrisme soit intégré dès cette année aux formations initiales et au catalogue des formations continues des conseillers. C’est une étape cruciale dans la sensibilisation des acteurs de terrain qui vient d’être franchie.
2e chantier : Le programme compétences clé doit cibler en premier lieu les publics les plus en difficulté
Dans tout le pays, 41% des formations dispensées dans le cadre du programme « Compétences clés » bénéficient aux personnes en situation d’illettrisme. Il y a cependant de profondes disparités selon les territoires : 73% en Guadeloupe contre 17% pour le Limousin par exemple.
Dans les prochaines semaines, je vais donc transmettre des instructions aux DIRECCTE pour que le programme « Compétences clés » bénéficie davantage aux demandeurs d’emploi les plus touchés par l’illettrisme.
Cette journée de travail et d’échanges est une première étape. Et je veux, une nouvelle fois, vous remercier pour la qualité de vos témoignages et de votre engagement à mes côtés pour briser le tabou de l’illettrisme.
Nous devons à présent veiller à ce que notre mobilisation commune se poursuive et, surtout, se concrétise sur le terrain en matière de formation des personnes en situation d’illettrisme.
C’est pourquoi, j’ai voulu confier à l’ANLCI un rôle particulier pour poursuivre cet effort dans le temps. L’ANLCI va ainsi jouer un rôle d’animateur de réseau pour continuer à faire vivre le travail de cette journée.
A ma demande, Marie-Thérèse GEFFROY me fera donc très régulièrement part de l’avancée des différents chantiers que nous avons identifiés ensemble et commencés à mettre en oeuvre.
Je demande également que mes services me fassent une remontée d’information tous les trois mois pour suivre en région, au plus près des territoires et des personnes, les progrès dans cette lutte.
Je suivrai notamment avec un intérêt particulier la concrétisation et le suivi des engagements de chacun, car l’illettrisme est un mal insidieux qui mérite d’être combattu au quotidien et avec la plus grande fermeté.
Je vous remercie.
Source http://www.emploi.gouv.fr, le 13 avril 2011