Texte intégral
C'est à la demande du Secrétaire général des Nations unies que les choses se sont accélérées le dimanche 10 avril. Les attaques continues à l'arme lourde que les troupes restées fidèles à l'ancien président Laurent Gbagbo exerçaient à l'encontre non seulement des populations civiles mais aussi des lieux occupés par Alassane Ouattara, ainsi que les menaces et les agressions contre des personnels diplomatiques et contre l'ambassade de France, ont conduit le Secrétaire général à demander l'intervention des forces de l'ONUCI et, en soutien, de la Force Licorne.
C'est assurément un soulagement pour le peuple ivoirien et la condition préalable d'un retour à la paix dans ce pays, que nous appelons bien évidemment de nos vux. C'est aussi, apparemment, l'impression ressentie aujourd'hui dans l'agglomération d'Abidjan. C'est également une victoire pour la démocratie en Afrique, où onze élections présidentielles doivent se tenir cette année. C'est enfin l'affirmation de l'autorité des Nations Unies et de la communauté internationale.
Factuellement, l'opération a été lancée le dimanche 10 avril par l'engagement de deux hélicoptères MI-24 d'équipage ukrainien de l'ONUCI sur le palais présidentiel. Afin de viser les armes lourdes, précisément des véhicules blindés et des dépôts de munitions, quatre hélicoptères Gazelle ont pris le relais, par vagues successives sur l'enceinte de la résidence du président de la République ivoirienne, sur le palais présidentiel, qui est le lieu du pouvoir, sur les casernes d'Agban, de Treichville et d'Akouedo, sur la base navale, sur les PC du CeCOS et de la gendarmerie. Ces opérations ont été interrompues par un important orage entre 22 heures et 23 heures 10 et se sont arrêtées à 4 heures du matin.
Lundi 11 avril au matin, à la demande de l'ONUCI, la Force Licorne a pris position sur le boulevard de France, afin d'isoler la partie sud du quartier de Cocody, qui forme une sorte de presqu'île sur laquelle se trouve la résidence présidentielle, ainsi que celle, mitoyenne, de l'ambassadeur de France. Cette prise de position d'un détachement Licorne fort d'une compagnie de chasseurs et d'un escadron, soit une trentaine de véhicules et un peu moins de 200 hommes, a permis d'éviter que des forces et des armes lourdes ne viennent reprendre position là où l'intervention de l'ONUCI les avait neutralisées. Cette présence sur le boulevard de France a accéléré l'évolution militaire de la situation car les troupes bloquées dans le quadrilatère de la résidence du président ont été isolées du reste des forces. Certains éléments, en se dirigeant vers le boulevard de France, ont pris contact avec la Force Licorne et, assez rapidement, après quelques échanges mais sans véritable combat, se sont rendus. Les forces françaises sont restées dans cette position de cordon et ont laissé passer vers le sud les Forces républicaines de la Côte d'Ivoire, les FRCI, qui se trouvaient au nord et qui avaient tenté la veille dans la nuit une première intervention à hauteur du boulevard Mitterrand. Ce sont ces dernières qui ont attaqué la résidence du président de la République, qui était occupée par M. Laurent Gbagbo et par les hommes qui lui étaient restés fidèles.
Parallèlement nous observions, au sud du pont, dans le quartier de Treichville, la reddition d'environ 200 membres de la garde républicaine, qui étaient restés sous les ordres de l'ancien président. Très rapidement, la Force Licorne qui était demeurée en position d'attente a accueilli des combattants effectuant également leur reddition et l'on a compté près de 300 prisonniers sur le boulevard de France. Les prisonniers du Sud ont été transférés à l'ONUCI à la hauteur des ponts qui étaient gardés par des éléments jordaniens ; ceux qui se sont rendus à la hauteur du boulevard de France ont été transférés immédiatement sous la garde du bataillon togolais, qui a accompagné à tout instant la Force Licorne positionnée sur le boulevard de France.
Je confirme que les troupes des FRCI ont conduit seules l'assaut de la Présidence et ont procédé, après des négociations, à l'arrestation de Laurent Gbagbo. À ce propos, il est désormais inévitable - on peut s'en plaindre ou s'en féliciter - que des images soient rapidement disponibles. Sans doute celles que nous avons pu voir hier soir à la télévision ont-elles été filmées par des combattants eux-mêmes ou par ceux qui les accompagnaient.
Laurent Gbagbo a ainsi été détenu à 15 heures 08, heure de Paris, et, dans les conditions que la presse a relatées, conduit à l'hôtel du golf où il est sous la garde de l'ONUCI.
Tels sont les faits, dans leur simplicité et dans leur réalité.
Je ferai simplement deux commentaires. Le premier pour souligner que les forces françaises sont intervenues, c'est une évidence, à la demande de l'ONUCI, et que leur professionnalisme, leur sérieux, leur présence notoire et solide ont évité que les violences et les affrontements ne s'étendent à l'extérieur du quartier de Cocody et ont permis d'opérer l'arrestation de l'ancien président en évitant des règlements de comptes inutiles et des affrontements meurtriers qui n'avaient plus de sens dès lors que le dénouement était parfaitement inéluctable pour les partisans de M. Gbagbo, en raison même de l'isolement que la force Licorne avait organisé.
Je rappelle par ailleurs que cette affaire s'est terminée par l'intervention des FRCI et que, à ce jour, les services publics, en particulier la gendarmerie, l'armée et la police, de l'agglomération d'Abidjan ont fait acte, si ce n'est d'allégeance, du moins de mise à disposition du président élu. On peut donc espérer que ce dernier bénéficiera progressivement et rapidement de la remise en ordre d'un système d'état de droit s'appuyant sur la présence de ces forces, dans un pays où l'encadrement ne manque pas mais que le désarroi dans le commandement a évidemment paralysé depuis plusieurs mois.
Q - A propos de l'avenir de la force Licorne ?
R - Outre le soutien à l'action de l'ONUCI, la force Licorne avait d'abord pour mission de protéger l'importante communauté de plus de 12.000 ressortissants français qui se trouve dans l'agglomération d'Abidjan, à laquelle se sont naturellement associés nombre de ressortissants d'autres communautés étrangères. Nous avons en particulier exfiltré l'ambassadeur du Japon et nous sommes intervenus au bénéfice d'autres représentations diplomatiques. La très importante et active communauté libanaise d'Abidjan, forte de plus de 80.000 personnes, s'est très largement appuyée sur le soutien et l'accueil apportés par la force Licorne à nos ressortissants. Sur les 5.500 personnes abritées au camp de Port-Bouët, la moitié seulement détenait un passeport français, les autres étant soit des ressortissants européens, soit des membres de la communauté libanaise.
La présence de la force Licorne est ancienne puisqu'elle remonte à des accords de 2003, indépendamment de l'accord bilatéral qui a été signé en 1960, au moment de l'indépendance.
Le président de la République l'a dit clairement, cette force a vocation à revenir rapidement de 1.700 à 980 hommes, soit les effectifs qui étaient les siens avant la crise. Dans le respect de nos accords bilatéraux, nous devons tout aussi rapidement passer au dispositif prévu par le Livre blanc et mis en uvre par la loi de programmation militaire en ce qui concerne le pré positionnement des forces françaises à l'étranger. Deux points d'appui permanents, Djibouti et Libreville, ont été retenus. Nous avons en outre encore des forces au Tchad, dans le cadre du dispositif Épervier, ainsi qu'au Sénégal où elles sont en voie de diminution importante et où ne demeureront que des forces de coopération. La Côte d'Ivoire, où les accords bilatéraux seront réexaminés avec le nouvel exécutif, sera aussi, je l'espère, un lieu de coopération, mais pas de séjour permanent. La Force Licorne a donc vocation à disparaître et le stationnement des troupes à se réduire à la présence d'unités de coopération, d'instruction et de formation, bref, pour prendre un mot à la mode, de monitoring.
Telle est la volonté du gouvernement français, qui se traduira dans les faits au fur et à mesure de l'émergence d'un État de droit. La Côte d'Ivoire a été déchirée depuis dix ans par une instabilité chronique, en particulier ces cinq dernières années, dans l'attente d'élections qui ont enfin eu lieu. Mais ce pays est riche de cadres civils et militaires bien formés. Il appartient à l'État ivoirien de restaurer la confiance, les hommes sont disponibles et le pardon des offenses est assurément le meilleur fondement d'une démocratie apaisée. Tel a été le sens des deux interventions du président Alassane Ouattara à la télévision ivoirienne : son appel à l'unité nationale, suppose en contrepartie, dès lors que les institutions ont vocation à servir la continuité de l'État ivoirien, que l'on renonce à poursuivre les personnes, à l'exception bien sûr des responsables de crimes de guerre et de délits avérés.
Je rappelle que Laurent Gbagbo est resté au pouvoir alors que son mandat était achevé et que le résultat de l'élection d'Alassane Ouattara avait été reconnu par les autorités internationales. MM. Myard et Lecoq ont évoqué les pro et les anti Gbagbo. De fait il a été élu, il a exercé son mandat de président, puis il a été battu mais avec un score honorable. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'il ait des partisans, à la différence de certains régimes dont on s'est aperçu après la chute du mur de Berlin, qu'ils ne bénéficiaient que du seul soutien des apparatchiks. Simplement, Laurent Gbagbo et son entourage n'ont pas voulu comprendre que lorsqu'il y a un résultat électoral, il faut en tenir compte
Je veux ensuite remercier Lionel Luca d'avoir exprimé le sentiment - j'en suis certain unanime - de la représentation nationale : ce qui va sans dire va tellement mieux en le disant ! Je crois qu'il est bon pour un grand pays qui a une grande armée de dire de temps en temps du bien de ceux qui risquent leur vie non seulement dans cette opération mais aussi de façon constante : pour m'être rendu avant-hier matin à l'hôpital Percy auprès de nos blessés d'Afghanistan, je puis vous dire que certains de ces jeunes gens ne joueront plus jamais au football Notre armée n'appartient ni à la majorité ni à l'opposition, elle est le bien de la République et cette dernière peut être fière de son patrimoine humain.
Bien évidemment, Monsieur Lecoq, les pro Gbagbo ne sont peut-être pas les seuls à avoir commis des exactions. La Côte d'Ivoire est un pays complexe et y aura bien sûr des procédures. Il appartient aux autorités ivoiriennes de saisir la Cour pénale internationale dont l'action peut être complémentaire de celle de la justice nationale. Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a créé une commission d'enquête internationale, qui va s'efforcer de rassembler le maximum d'informations et dont je forme le vu qu'elle soit impartiale.
Vous avez raison, Monsieur Vandewalle, de souligner l'importance de la question des forces de sécurité. À cette heure, se sont mis à la disposition du président élu, le directeur de la gendarmerie, le directeur de la police, le chef d'état-major des armées, le chef d'état-major de l'armée de terre. Par ailleurs, des patrouilles de gendarmeries ivoiriennes et françaises vont circuler dans Abidjan pour bien montrer qu'un État de droit s'instaure.
Je rappelle toutefois que la Force Licorne avait deux missions seulement, dont la première était de protéger nos compatriotes. Nous avons d'ailleurs vécu cette crise en direct parce que les télécommunications ont toujours fonctionné et que nous connaissons tous dans nos circonscriptions des familles qui ont ainsi été informées en permanence de la situation de nos coopérants, de nos industriels, de nos commerçants, de nos enseignants, de nos militaires, etc. Il y a d'ailleurs eu de nombreux appels d'Abidjan vers la France puis de la France vers la force Licorne, afin de veiller à ce que nos compatriotes ne soient pas isolés.
Je réponds à ce propos à la question de M. Boucheron : selon les informations dont je dispose à cet instant, à l'exception cruelle des quatre étrangers dont deux Français qui ont été enlevés au Novotel, il n'y a pas eu de blessés ou de disparus de nationalité française identifiés. Je suis toutefois prudent car nous n'avons pas pu patrouiller de façon systématique dans les quartiers nord d'Abidjan.
Les forces ivoiriennes de sécurité se mettent donc en place, mais la vocation de Licorne n'est pas d'assurer la sécurité à Abidjan et en Côte d'Ivoire. Nous n'en avons d'ailleurs pas les moyens dans un pays dont la surface équivaut aux deux tiers de celle de la France.
Sur les 10.000 hommes que compte l'ONUCI, 2.500 seulement sont déployés à Abidjan et les autres se trouvent donc à l'extérieur, mais il n'est pas certain que cela soit suffisant pour empêcher des règlements de comptes locaux. Espérons que l'existence de la commission d'enquête des Nations unies fera comprendre aux uns et aux autres que rien ne pourra être dissimulé à l'observation internationale.
Non, Monsieur Loncle, nous ne sommes pas allés au-delà du mandat et je ne partage d'ailleurs pas le point de vue, plus bienveillant, de M. Gorce pour qui cela aurait été justifié parce que nous poursuivions une juste cause. Nous sommes intervenus dans le cadre du mandat et sur des demandes expresses. Ne vous privez donc pas de la joie de constater que le système a fonctionné normalement : le président de la République, chef des armées, a informé le Secrétaire général des Nations unies et n'a pris d'autre initiative que d'appliquer les instructions de ce dernier. M'insérant au sein de la filière hiérarchique, j'ai naturellement exécuté les ordres. Pour sa part, le ministre d'État, ministre des affaires étrangères, a accompli un travail remarquable, de même que l'ensemble des diplomates, en particulier notre ambassadeur en Côte d'Ivoire, qui s'est efforcé avec constance et obstination de rapprocher les points de vue et d'éviter l'affrontement généralisé que nous redoutions dans Abidjan.
Je crois, Monsieur Loncle, que vous êtes mal informé : il ne faut pas confondre le palais présidentiel et la résidence présidentielle. C'est dans cette dernière, où il n'y avait pas un seul soldat français, que la reddition de Laurent Gbagbo a été reçue par des soldats des FRCI. Mais, si nous avions la certitude que pour de fortes raisons de politique nationale et internationale, les FRCI se montreraient respectueuses de l'ancien président, tel n'était pas le cas dans un certain nombre de casernes ainsi qu'au palais présidentiel, qui est le lieu du pouvoir et le siège de l'administration et où Laurent Gbagbo ne se trouvait plus depuis des semaines. C'est là qu'un officier de formation française a remis son arme à un officier français qui accompagnait les forces de l'ONUCI. Ne mélangeons donc pas les faits : je suis absolument formel, Laurent Gbagbo s'est rendu à des Ivoiriens.
L'article 35 de la Constitution française oblige à l'information, il n'oblige pas au débat. Cette obligation a été respectée et le Premier ministre a rencontré les représentants de l'ensemble des groupes parlementaires, que je remercie de s'être rendu disponibles.
Lionel Luca a mille fois raison : «la reddition ne vaut pas réconciliation». Mais l'avenir de la Côte d'Ivoire appartient aux Ivoiriens. Tous les responsables se connaissent, ils peuvent mesurer ce qu'ont coûté la division, l'affrontement, l'ébauche d'une guerre civile qui, heureusement, ne s'est pas généralisée. La volonté de parvenir à une paix des braves semble partagée par tous ceux qui sont attachés à la réussite de leur pays. Ce qui est finalement absurde, c'est d'avoir refusé pendant des mois de reconnaître un vote : en démocratie, il n'est pas déshonorant de perdre des élections, nous le savons tous, et cela ne mérite pas de remettre en cause l'État de droit De ce point de vue, à l'exemple du Tchad, qu'a évoqué M. Gorce, je préfère pour ma part celui du Niger où l'opposant est en passe d'être élu président de la République. Ce précédent confirmera que la démocratie est un bien partagé par ceux qui gagnent comme par ceux qui perdent les élections.
Si nous étions les seuls gardiens des alternances politiques en Afrique, vous pourriez légitimement vous demander si nous en avons les moyens et la légitimité. Mais, dans l'affaire ivoirienne, nous n'avons fait qu'exercer le mandat de l'ONUCI, c'est-à-dire des Nations unies. Je me réjouis que ces dernières considèrent, au titre de la résolution de 2005, que des résultats électoraux ne sauraient être arbitrés par des armes lourdes. C'est donc le Conseil de sécurité qui exerce cette responsabilité et nous sommes les partenaires d'un projet international : nous ne sommes pas les seuls à porter le fardeau lourd mais honorable de la démocratie dans le monde.
M. Boucheron nous a dit que les trois objectifs avaient été atteints et je le remercie de l'hommage qu'il a rendu aux militaires. J'ajoute que, quand la politique, donc les ordres, sont clairs, il leur est plus facile d'accomplir leur mission.
Yves Fromion a évoqué à juste titre le déséquilibre du budget : les OPEX sont budgétées à hauteur de 900 millions d'euros au titre de 2011. Nous aurons des rendez-vous parlementaires si ce montant devait être dépassé car nous ne saurions financer les OPEX au détriment de la formation et de l'équipement indispensables à notre armée. C'est en tout cas le point de vue du ministre de la défense, que je tenterai de faire partager à l'ensemble du gouvernement, ce qui sera plus facile avec le soutien du Parlement
Bien sûr, il faut aider la Côte d'Ivoire à se relever, mais ce n'est plus l'affaire de la défense, à l'exception des missions de coopération pour la formation des cadres de l'armée, de la marine et de la gendarmerie.
Je m'inscris en faux contre l'affirmation de M. Dufau selon laquelle il n'y aurait pas eu d'armes lourdes dans la résidence où demeurait Laurent Gbagbo. Les deux derniers blindés étaient équipés de canons de 20mm, dont les tirs ont entièrement détruit cinq des sept premiers pick-up des FRCI qui sont entrés dans la résidence par la brèche ouverte. Les forces en présence étaient donc incontestablement déséquilibrées, c'est pourquoi il y avait un devoir absolu de neutraliser ces armes lourdes - non pas que les armes légères soient satisfaisantes, je leur préfère toujours le bulletin de vote
Je crois avoir déjà répondu sur le TPI et sur la commission d'enquête internationale du Conseil des droits de l'homme des Nations unies.
L'intervention en Libye est d'une nature différente, elle ne répond pas aux mêmes résolutions des Nations unies. Mais, là encore, la France n'intervient que pour mettre en uvre ces résolutions. Nous ne sommes pas un pays isolé, de va-t-en guerre, qui décrète le bien et le mal ; nous sommes un partenaire des Nations unies. Depuis 1945 et grâce au général de Gaulle, nous sommes membres permanents du Conseil de sécurité et cela ne va pas sans un certain sens des responsabilités, auquel nous ne manquons en aucune occasion, lorsque les tensions l'exigent, pas plus d'ailleurs que le Royaume-Uni, l'autre pays européen membre permanent du Conseil de sécurité.
C'est à juste titre que Jacques Myard a insisté sur la nécessité absolue de récupérer les armes pour rétablir l'État de droit. Le président Wade a suggéré à son homologue ivoirien d'offrir une prime pour chaque arme restituée.
Je laisse en revanche à Jacques Myard la responsabilité de ses propos quant à une manipulation médiatique. Il est vrai toutefois que les Français sont conservateurs et que, quand bien même les Ivoiriens avaient choisi massivement un autre candidat, beaucoup sont restés attachés à Laurent Gbagbo, qu'ils avaient soutenu pendant si longtemps. C'est sans doute une spécificité de notre pays : nous avions les derniers communistes, nous avons les derniers gbagbistes
Concernant les 400 millions d'aide, ceux-ci prennent la forme d'un prêt d'urgence, que complète une aide de 180 millions de l'Union européenne. Rien n'est prévu dans ce cadre pour les équipements militaires et pour la gendarmerie. Votre question est cependant tout à fait pertinente, Monsieur Folliot, car la restauration de l'État de droit est un préalable au développement économique.
Monsieur Lamy, le mandat de l'ONUCI vient à échéance en juin ; il devra donc être renouvelé. À cette occasion, il y aura un débat du Conseil de sécurité et la France considère qu'il s'agira d'une date importante pour prendre ses propres décisions concernant la Force Licorne. C'est donc vraisemblablement à partir du mois de juin que nous appliquerons un programme qui tiendra naturellement compte du projet des Nations unies, dont je forme le veut qu'il consiste à maintenir une présence afin que l'État de droit puisse être progressivement restauré avec un partenariat extérieur.
M. Boisserie a évoqué la protection des intérêts français. Nos grandes entreprises, Monsieur Asensi, ont bien évidemment tout intérêt au développement de la Côte d'Ivoire, qui est un pays riche avec, en effet, une population trop pauvre, mais c'est un problème général du développement. Je le répète, ce développement suppose d'abord la restauration de l'État de droit : on ne travaille pas dans de bonnes conditions lorsque les risques politiques et militaires sont trop lourds. Au-delà, nous avons demandé la levée des sanctions : elle est effective depuis le 12 avril en ce qui concerne la circulation portuaire et la filière cacao. Mme Lagarde examine avec les grandes entreprises françaises les plus impliquées dans le pays, en particulier le groupe Total, ce qu'il est possible de proposer immédiatement en termes d'investissements et de reprise d'activité. Mais il appartiendra au président Ouattara, qui est un économiste reconnu, de nous dire exactement ce qu'il entend obtenir comme aide des entreprises européennes et françaises.
À cette aide économique s'ajoute bien évidemment l'aide humanitaire, au bénéfice de laquelle la France a d'ores et déjà mobilisé 2 millions d'euros, versés aux ONG. Pour sa part, l'Union européenne a porté son aide humanitaire à 30 millions. L'urgence humanitaire est réelle : 800.000 à 900.000 personnes ont été déplacées ; sur les 5 millions habitants d'Abidjan, un million ont quitté la ville ; 135.000 Ivoiriens ont trouvé refuge hors du pays, principalement au Libéria.
J'indique à M. Guilloteau que moins de 2.700 des 12.000 Français sont passés par Port-Bouët et que 1.500 ont rejoint les capitales voisines d'Accra, Cotonou, Dakar et Lomé, certains en attente, d'autres pour regagner la France. La majorité de nos compatriotes d'Abidjan a fait preuve d'un grand sang-froid : nombreux sont ceux qui ont accueilli avec sympathie la formation d'un possible repli à Port-Bouët, mais sans l'utiliser.
À notre connaissance, Madame Adam, il n'y a pas eu d'intervention de sociétés militaires privées comme celles que l'on observe dans le sillage de l'armée américaine en Irak. En revanche, des gardiennages locaux armés, improvisés et rémunérés, ont été organisés par quartier, par rue ou par commerce, à l'initiative d'entreprises ou de particuliers. Lors de l'enlèvement au Novotel, les quatre gardiens assurant la protection à l'entrée de l'établissement ont été abattus par les agresseurs.
Vous avez par ailleurs raison : le budget des OPEX en loi de finances initiales est effectivement de 630 millions, c'est la tendance qui est de 900 millions et nous aurons donc rendez-vous en fin d'année comme tous les ans sur le sujet.
Bien évidemment, aussi pertinent soit-il, un Livre blanc doit être en permanence réexaminé. Je confirme que les points d'appui en Afrique sont Djibouti et Libreville : il n'y a pas de changement et Licorne n'est donc pas appelée à perdurer. Si un accord bilatéral prévoit la formation de gendarmes et de militaires, nous avons toutefois vocation à assurer cette coopération, comme nous le faisons avec d'autres pays d'Afrique, avec d'autres partenaires comme le Canada au Mali. C'est dans ce cadre que certains hommes pourraient demeurer sur le territoire ivoirien.
Nous ne contrôlons pas les prisonniers, qui sont remis soit à l'ONUCI soit aux FRCI, et je ne puis donc répondre à la question de Damien Meslot sur la présence de mercenaires.
Il me semble, Monsieur Dupré, que la notoriété, la transparence et l'information directe constituent la meilleure protection de l'intégrité physique de Laurent Gbagbo et de ses proches. On peut ne pas apprécier les commentaires de tel ou tel journaliste, mais leur travail et le fait que tout soit connu sont positifs pour la sécurité des personnes : le crime discret, ignoré de tous, est de moins en moins possible et je m'en réjouis. Nous voulions éviter les règlements de comptes locaux à Abidjan ; c'est la raison pour laquelle les forces françaises ont isolé les zones de combat et confiné dans un espace maîtrisé ceux qui étaient déterminés à se battre. Mais je n'ai pas d'autre réponse à ce propos car nous n'avons pas vocation à être les gendarmes de la Côte d'Ivoire.
J'indique à M. Guilloteau que les forces spéciales ne sont intervenues que pour l'exfiltration de l'ambassadeur du Japon, et en aucun cas lors des autres opérations.
S'agissant des élections, outre le Niger, on peut citer la Guinée où l'opposant a été élu. Certes, tout ne se passe pas à merveille, mais c'est le début d'une alternance démocratique.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 avril 2011
C'est assurément un soulagement pour le peuple ivoirien et la condition préalable d'un retour à la paix dans ce pays, que nous appelons bien évidemment de nos vux. C'est aussi, apparemment, l'impression ressentie aujourd'hui dans l'agglomération d'Abidjan. C'est également une victoire pour la démocratie en Afrique, où onze élections présidentielles doivent se tenir cette année. C'est enfin l'affirmation de l'autorité des Nations Unies et de la communauté internationale.
Factuellement, l'opération a été lancée le dimanche 10 avril par l'engagement de deux hélicoptères MI-24 d'équipage ukrainien de l'ONUCI sur le palais présidentiel. Afin de viser les armes lourdes, précisément des véhicules blindés et des dépôts de munitions, quatre hélicoptères Gazelle ont pris le relais, par vagues successives sur l'enceinte de la résidence du président de la République ivoirienne, sur le palais présidentiel, qui est le lieu du pouvoir, sur les casernes d'Agban, de Treichville et d'Akouedo, sur la base navale, sur les PC du CeCOS et de la gendarmerie. Ces opérations ont été interrompues par un important orage entre 22 heures et 23 heures 10 et se sont arrêtées à 4 heures du matin.
Lundi 11 avril au matin, à la demande de l'ONUCI, la Force Licorne a pris position sur le boulevard de France, afin d'isoler la partie sud du quartier de Cocody, qui forme une sorte de presqu'île sur laquelle se trouve la résidence présidentielle, ainsi que celle, mitoyenne, de l'ambassadeur de France. Cette prise de position d'un détachement Licorne fort d'une compagnie de chasseurs et d'un escadron, soit une trentaine de véhicules et un peu moins de 200 hommes, a permis d'éviter que des forces et des armes lourdes ne viennent reprendre position là où l'intervention de l'ONUCI les avait neutralisées. Cette présence sur le boulevard de France a accéléré l'évolution militaire de la situation car les troupes bloquées dans le quadrilatère de la résidence du président ont été isolées du reste des forces. Certains éléments, en se dirigeant vers le boulevard de France, ont pris contact avec la Force Licorne et, assez rapidement, après quelques échanges mais sans véritable combat, se sont rendus. Les forces françaises sont restées dans cette position de cordon et ont laissé passer vers le sud les Forces républicaines de la Côte d'Ivoire, les FRCI, qui se trouvaient au nord et qui avaient tenté la veille dans la nuit une première intervention à hauteur du boulevard Mitterrand. Ce sont ces dernières qui ont attaqué la résidence du président de la République, qui était occupée par M. Laurent Gbagbo et par les hommes qui lui étaient restés fidèles.
Parallèlement nous observions, au sud du pont, dans le quartier de Treichville, la reddition d'environ 200 membres de la garde républicaine, qui étaient restés sous les ordres de l'ancien président. Très rapidement, la Force Licorne qui était demeurée en position d'attente a accueilli des combattants effectuant également leur reddition et l'on a compté près de 300 prisonniers sur le boulevard de France. Les prisonniers du Sud ont été transférés à l'ONUCI à la hauteur des ponts qui étaient gardés par des éléments jordaniens ; ceux qui se sont rendus à la hauteur du boulevard de France ont été transférés immédiatement sous la garde du bataillon togolais, qui a accompagné à tout instant la Force Licorne positionnée sur le boulevard de France.
Je confirme que les troupes des FRCI ont conduit seules l'assaut de la Présidence et ont procédé, après des négociations, à l'arrestation de Laurent Gbagbo. À ce propos, il est désormais inévitable - on peut s'en plaindre ou s'en féliciter - que des images soient rapidement disponibles. Sans doute celles que nous avons pu voir hier soir à la télévision ont-elles été filmées par des combattants eux-mêmes ou par ceux qui les accompagnaient.
Laurent Gbagbo a ainsi été détenu à 15 heures 08, heure de Paris, et, dans les conditions que la presse a relatées, conduit à l'hôtel du golf où il est sous la garde de l'ONUCI.
Tels sont les faits, dans leur simplicité et dans leur réalité.
Je ferai simplement deux commentaires. Le premier pour souligner que les forces françaises sont intervenues, c'est une évidence, à la demande de l'ONUCI, et que leur professionnalisme, leur sérieux, leur présence notoire et solide ont évité que les violences et les affrontements ne s'étendent à l'extérieur du quartier de Cocody et ont permis d'opérer l'arrestation de l'ancien président en évitant des règlements de comptes inutiles et des affrontements meurtriers qui n'avaient plus de sens dès lors que le dénouement était parfaitement inéluctable pour les partisans de M. Gbagbo, en raison même de l'isolement que la force Licorne avait organisé.
Je rappelle par ailleurs que cette affaire s'est terminée par l'intervention des FRCI et que, à ce jour, les services publics, en particulier la gendarmerie, l'armée et la police, de l'agglomération d'Abidjan ont fait acte, si ce n'est d'allégeance, du moins de mise à disposition du président élu. On peut donc espérer que ce dernier bénéficiera progressivement et rapidement de la remise en ordre d'un système d'état de droit s'appuyant sur la présence de ces forces, dans un pays où l'encadrement ne manque pas mais que le désarroi dans le commandement a évidemment paralysé depuis plusieurs mois.
Q - A propos de l'avenir de la force Licorne ?
R - Outre le soutien à l'action de l'ONUCI, la force Licorne avait d'abord pour mission de protéger l'importante communauté de plus de 12.000 ressortissants français qui se trouve dans l'agglomération d'Abidjan, à laquelle se sont naturellement associés nombre de ressortissants d'autres communautés étrangères. Nous avons en particulier exfiltré l'ambassadeur du Japon et nous sommes intervenus au bénéfice d'autres représentations diplomatiques. La très importante et active communauté libanaise d'Abidjan, forte de plus de 80.000 personnes, s'est très largement appuyée sur le soutien et l'accueil apportés par la force Licorne à nos ressortissants. Sur les 5.500 personnes abritées au camp de Port-Bouët, la moitié seulement détenait un passeport français, les autres étant soit des ressortissants européens, soit des membres de la communauté libanaise.
La présence de la force Licorne est ancienne puisqu'elle remonte à des accords de 2003, indépendamment de l'accord bilatéral qui a été signé en 1960, au moment de l'indépendance.
Le président de la République l'a dit clairement, cette force a vocation à revenir rapidement de 1.700 à 980 hommes, soit les effectifs qui étaient les siens avant la crise. Dans le respect de nos accords bilatéraux, nous devons tout aussi rapidement passer au dispositif prévu par le Livre blanc et mis en uvre par la loi de programmation militaire en ce qui concerne le pré positionnement des forces françaises à l'étranger. Deux points d'appui permanents, Djibouti et Libreville, ont été retenus. Nous avons en outre encore des forces au Tchad, dans le cadre du dispositif Épervier, ainsi qu'au Sénégal où elles sont en voie de diminution importante et où ne demeureront que des forces de coopération. La Côte d'Ivoire, où les accords bilatéraux seront réexaminés avec le nouvel exécutif, sera aussi, je l'espère, un lieu de coopération, mais pas de séjour permanent. La Force Licorne a donc vocation à disparaître et le stationnement des troupes à se réduire à la présence d'unités de coopération, d'instruction et de formation, bref, pour prendre un mot à la mode, de monitoring.
Telle est la volonté du gouvernement français, qui se traduira dans les faits au fur et à mesure de l'émergence d'un État de droit. La Côte d'Ivoire a été déchirée depuis dix ans par une instabilité chronique, en particulier ces cinq dernières années, dans l'attente d'élections qui ont enfin eu lieu. Mais ce pays est riche de cadres civils et militaires bien formés. Il appartient à l'État ivoirien de restaurer la confiance, les hommes sont disponibles et le pardon des offenses est assurément le meilleur fondement d'une démocratie apaisée. Tel a été le sens des deux interventions du président Alassane Ouattara à la télévision ivoirienne : son appel à l'unité nationale, suppose en contrepartie, dès lors que les institutions ont vocation à servir la continuité de l'État ivoirien, que l'on renonce à poursuivre les personnes, à l'exception bien sûr des responsables de crimes de guerre et de délits avérés.
Je rappelle que Laurent Gbagbo est resté au pouvoir alors que son mandat était achevé et que le résultat de l'élection d'Alassane Ouattara avait été reconnu par les autorités internationales. MM. Myard et Lecoq ont évoqué les pro et les anti Gbagbo. De fait il a été élu, il a exercé son mandat de président, puis il a été battu mais avec un score honorable. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'il ait des partisans, à la différence de certains régimes dont on s'est aperçu après la chute du mur de Berlin, qu'ils ne bénéficiaient que du seul soutien des apparatchiks. Simplement, Laurent Gbagbo et son entourage n'ont pas voulu comprendre que lorsqu'il y a un résultat électoral, il faut en tenir compte
Je veux ensuite remercier Lionel Luca d'avoir exprimé le sentiment - j'en suis certain unanime - de la représentation nationale : ce qui va sans dire va tellement mieux en le disant ! Je crois qu'il est bon pour un grand pays qui a une grande armée de dire de temps en temps du bien de ceux qui risquent leur vie non seulement dans cette opération mais aussi de façon constante : pour m'être rendu avant-hier matin à l'hôpital Percy auprès de nos blessés d'Afghanistan, je puis vous dire que certains de ces jeunes gens ne joueront plus jamais au football Notre armée n'appartient ni à la majorité ni à l'opposition, elle est le bien de la République et cette dernière peut être fière de son patrimoine humain.
Bien évidemment, Monsieur Lecoq, les pro Gbagbo ne sont peut-être pas les seuls à avoir commis des exactions. La Côte d'Ivoire est un pays complexe et y aura bien sûr des procédures. Il appartient aux autorités ivoiriennes de saisir la Cour pénale internationale dont l'action peut être complémentaire de celle de la justice nationale. Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a créé une commission d'enquête internationale, qui va s'efforcer de rassembler le maximum d'informations et dont je forme le vu qu'elle soit impartiale.
Vous avez raison, Monsieur Vandewalle, de souligner l'importance de la question des forces de sécurité. À cette heure, se sont mis à la disposition du président élu, le directeur de la gendarmerie, le directeur de la police, le chef d'état-major des armées, le chef d'état-major de l'armée de terre. Par ailleurs, des patrouilles de gendarmeries ivoiriennes et françaises vont circuler dans Abidjan pour bien montrer qu'un État de droit s'instaure.
Je rappelle toutefois que la Force Licorne avait deux missions seulement, dont la première était de protéger nos compatriotes. Nous avons d'ailleurs vécu cette crise en direct parce que les télécommunications ont toujours fonctionné et que nous connaissons tous dans nos circonscriptions des familles qui ont ainsi été informées en permanence de la situation de nos coopérants, de nos industriels, de nos commerçants, de nos enseignants, de nos militaires, etc. Il y a d'ailleurs eu de nombreux appels d'Abidjan vers la France puis de la France vers la force Licorne, afin de veiller à ce que nos compatriotes ne soient pas isolés.
Je réponds à ce propos à la question de M. Boucheron : selon les informations dont je dispose à cet instant, à l'exception cruelle des quatre étrangers dont deux Français qui ont été enlevés au Novotel, il n'y a pas eu de blessés ou de disparus de nationalité française identifiés. Je suis toutefois prudent car nous n'avons pas pu patrouiller de façon systématique dans les quartiers nord d'Abidjan.
Les forces ivoiriennes de sécurité se mettent donc en place, mais la vocation de Licorne n'est pas d'assurer la sécurité à Abidjan et en Côte d'Ivoire. Nous n'en avons d'ailleurs pas les moyens dans un pays dont la surface équivaut aux deux tiers de celle de la France.
Sur les 10.000 hommes que compte l'ONUCI, 2.500 seulement sont déployés à Abidjan et les autres se trouvent donc à l'extérieur, mais il n'est pas certain que cela soit suffisant pour empêcher des règlements de comptes locaux. Espérons que l'existence de la commission d'enquête des Nations unies fera comprendre aux uns et aux autres que rien ne pourra être dissimulé à l'observation internationale.
Non, Monsieur Loncle, nous ne sommes pas allés au-delà du mandat et je ne partage d'ailleurs pas le point de vue, plus bienveillant, de M. Gorce pour qui cela aurait été justifié parce que nous poursuivions une juste cause. Nous sommes intervenus dans le cadre du mandat et sur des demandes expresses. Ne vous privez donc pas de la joie de constater que le système a fonctionné normalement : le président de la République, chef des armées, a informé le Secrétaire général des Nations unies et n'a pris d'autre initiative que d'appliquer les instructions de ce dernier. M'insérant au sein de la filière hiérarchique, j'ai naturellement exécuté les ordres. Pour sa part, le ministre d'État, ministre des affaires étrangères, a accompli un travail remarquable, de même que l'ensemble des diplomates, en particulier notre ambassadeur en Côte d'Ivoire, qui s'est efforcé avec constance et obstination de rapprocher les points de vue et d'éviter l'affrontement généralisé que nous redoutions dans Abidjan.
Je crois, Monsieur Loncle, que vous êtes mal informé : il ne faut pas confondre le palais présidentiel et la résidence présidentielle. C'est dans cette dernière, où il n'y avait pas un seul soldat français, que la reddition de Laurent Gbagbo a été reçue par des soldats des FRCI. Mais, si nous avions la certitude que pour de fortes raisons de politique nationale et internationale, les FRCI se montreraient respectueuses de l'ancien président, tel n'était pas le cas dans un certain nombre de casernes ainsi qu'au palais présidentiel, qui est le lieu du pouvoir et le siège de l'administration et où Laurent Gbagbo ne se trouvait plus depuis des semaines. C'est là qu'un officier de formation française a remis son arme à un officier français qui accompagnait les forces de l'ONUCI. Ne mélangeons donc pas les faits : je suis absolument formel, Laurent Gbagbo s'est rendu à des Ivoiriens.
L'article 35 de la Constitution française oblige à l'information, il n'oblige pas au débat. Cette obligation a été respectée et le Premier ministre a rencontré les représentants de l'ensemble des groupes parlementaires, que je remercie de s'être rendu disponibles.
Lionel Luca a mille fois raison : «la reddition ne vaut pas réconciliation». Mais l'avenir de la Côte d'Ivoire appartient aux Ivoiriens. Tous les responsables se connaissent, ils peuvent mesurer ce qu'ont coûté la division, l'affrontement, l'ébauche d'une guerre civile qui, heureusement, ne s'est pas généralisée. La volonté de parvenir à une paix des braves semble partagée par tous ceux qui sont attachés à la réussite de leur pays. Ce qui est finalement absurde, c'est d'avoir refusé pendant des mois de reconnaître un vote : en démocratie, il n'est pas déshonorant de perdre des élections, nous le savons tous, et cela ne mérite pas de remettre en cause l'État de droit De ce point de vue, à l'exemple du Tchad, qu'a évoqué M. Gorce, je préfère pour ma part celui du Niger où l'opposant est en passe d'être élu président de la République. Ce précédent confirmera que la démocratie est un bien partagé par ceux qui gagnent comme par ceux qui perdent les élections.
Si nous étions les seuls gardiens des alternances politiques en Afrique, vous pourriez légitimement vous demander si nous en avons les moyens et la légitimité. Mais, dans l'affaire ivoirienne, nous n'avons fait qu'exercer le mandat de l'ONUCI, c'est-à-dire des Nations unies. Je me réjouis que ces dernières considèrent, au titre de la résolution de 2005, que des résultats électoraux ne sauraient être arbitrés par des armes lourdes. C'est donc le Conseil de sécurité qui exerce cette responsabilité et nous sommes les partenaires d'un projet international : nous ne sommes pas les seuls à porter le fardeau lourd mais honorable de la démocratie dans le monde.
M. Boucheron nous a dit que les trois objectifs avaient été atteints et je le remercie de l'hommage qu'il a rendu aux militaires. J'ajoute que, quand la politique, donc les ordres, sont clairs, il leur est plus facile d'accomplir leur mission.
Yves Fromion a évoqué à juste titre le déséquilibre du budget : les OPEX sont budgétées à hauteur de 900 millions d'euros au titre de 2011. Nous aurons des rendez-vous parlementaires si ce montant devait être dépassé car nous ne saurions financer les OPEX au détriment de la formation et de l'équipement indispensables à notre armée. C'est en tout cas le point de vue du ministre de la défense, que je tenterai de faire partager à l'ensemble du gouvernement, ce qui sera plus facile avec le soutien du Parlement
Bien sûr, il faut aider la Côte d'Ivoire à se relever, mais ce n'est plus l'affaire de la défense, à l'exception des missions de coopération pour la formation des cadres de l'armée, de la marine et de la gendarmerie.
Je m'inscris en faux contre l'affirmation de M. Dufau selon laquelle il n'y aurait pas eu d'armes lourdes dans la résidence où demeurait Laurent Gbagbo. Les deux derniers blindés étaient équipés de canons de 20mm, dont les tirs ont entièrement détruit cinq des sept premiers pick-up des FRCI qui sont entrés dans la résidence par la brèche ouverte. Les forces en présence étaient donc incontestablement déséquilibrées, c'est pourquoi il y avait un devoir absolu de neutraliser ces armes lourdes - non pas que les armes légères soient satisfaisantes, je leur préfère toujours le bulletin de vote
Je crois avoir déjà répondu sur le TPI et sur la commission d'enquête internationale du Conseil des droits de l'homme des Nations unies.
L'intervention en Libye est d'une nature différente, elle ne répond pas aux mêmes résolutions des Nations unies. Mais, là encore, la France n'intervient que pour mettre en uvre ces résolutions. Nous ne sommes pas un pays isolé, de va-t-en guerre, qui décrète le bien et le mal ; nous sommes un partenaire des Nations unies. Depuis 1945 et grâce au général de Gaulle, nous sommes membres permanents du Conseil de sécurité et cela ne va pas sans un certain sens des responsabilités, auquel nous ne manquons en aucune occasion, lorsque les tensions l'exigent, pas plus d'ailleurs que le Royaume-Uni, l'autre pays européen membre permanent du Conseil de sécurité.
C'est à juste titre que Jacques Myard a insisté sur la nécessité absolue de récupérer les armes pour rétablir l'État de droit. Le président Wade a suggéré à son homologue ivoirien d'offrir une prime pour chaque arme restituée.
Je laisse en revanche à Jacques Myard la responsabilité de ses propos quant à une manipulation médiatique. Il est vrai toutefois que les Français sont conservateurs et que, quand bien même les Ivoiriens avaient choisi massivement un autre candidat, beaucoup sont restés attachés à Laurent Gbagbo, qu'ils avaient soutenu pendant si longtemps. C'est sans doute une spécificité de notre pays : nous avions les derniers communistes, nous avons les derniers gbagbistes
Concernant les 400 millions d'aide, ceux-ci prennent la forme d'un prêt d'urgence, que complète une aide de 180 millions de l'Union européenne. Rien n'est prévu dans ce cadre pour les équipements militaires et pour la gendarmerie. Votre question est cependant tout à fait pertinente, Monsieur Folliot, car la restauration de l'État de droit est un préalable au développement économique.
Monsieur Lamy, le mandat de l'ONUCI vient à échéance en juin ; il devra donc être renouvelé. À cette occasion, il y aura un débat du Conseil de sécurité et la France considère qu'il s'agira d'une date importante pour prendre ses propres décisions concernant la Force Licorne. C'est donc vraisemblablement à partir du mois de juin que nous appliquerons un programme qui tiendra naturellement compte du projet des Nations unies, dont je forme le veut qu'il consiste à maintenir une présence afin que l'État de droit puisse être progressivement restauré avec un partenariat extérieur.
M. Boisserie a évoqué la protection des intérêts français. Nos grandes entreprises, Monsieur Asensi, ont bien évidemment tout intérêt au développement de la Côte d'Ivoire, qui est un pays riche avec, en effet, une population trop pauvre, mais c'est un problème général du développement. Je le répète, ce développement suppose d'abord la restauration de l'État de droit : on ne travaille pas dans de bonnes conditions lorsque les risques politiques et militaires sont trop lourds. Au-delà, nous avons demandé la levée des sanctions : elle est effective depuis le 12 avril en ce qui concerne la circulation portuaire et la filière cacao. Mme Lagarde examine avec les grandes entreprises françaises les plus impliquées dans le pays, en particulier le groupe Total, ce qu'il est possible de proposer immédiatement en termes d'investissements et de reprise d'activité. Mais il appartiendra au président Ouattara, qui est un économiste reconnu, de nous dire exactement ce qu'il entend obtenir comme aide des entreprises européennes et françaises.
À cette aide économique s'ajoute bien évidemment l'aide humanitaire, au bénéfice de laquelle la France a d'ores et déjà mobilisé 2 millions d'euros, versés aux ONG. Pour sa part, l'Union européenne a porté son aide humanitaire à 30 millions. L'urgence humanitaire est réelle : 800.000 à 900.000 personnes ont été déplacées ; sur les 5 millions habitants d'Abidjan, un million ont quitté la ville ; 135.000 Ivoiriens ont trouvé refuge hors du pays, principalement au Libéria.
J'indique à M. Guilloteau que moins de 2.700 des 12.000 Français sont passés par Port-Bouët et que 1.500 ont rejoint les capitales voisines d'Accra, Cotonou, Dakar et Lomé, certains en attente, d'autres pour regagner la France. La majorité de nos compatriotes d'Abidjan a fait preuve d'un grand sang-froid : nombreux sont ceux qui ont accueilli avec sympathie la formation d'un possible repli à Port-Bouët, mais sans l'utiliser.
À notre connaissance, Madame Adam, il n'y a pas eu d'intervention de sociétés militaires privées comme celles que l'on observe dans le sillage de l'armée américaine en Irak. En revanche, des gardiennages locaux armés, improvisés et rémunérés, ont été organisés par quartier, par rue ou par commerce, à l'initiative d'entreprises ou de particuliers. Lors de l'enlèvement au Novotel, les quatre gardiens assurant la protection à l'entrée de l'établissement ont été abattus par les agresseurs.
Vous avez par ailleurs raison : le budget des OPEX en loi de finances initiales est effectivement de 630 millions, c'est la tendance qui est de 900 millions et nous aurons donc rendez-vous en fin d'année comme tous les ans sur le sujet.
Bien évidemment, aussi pertinent soit-il, un Livre blanc doit être en permanence réexaminé. Je confirme que les points d'appui en Afrique sont Djibouti et Libreville : il n'y a pas de changement et Licorne n'est donc pas appelée à perdurer. Si un accord bilatéral prévoit la formation de gendarmes et de militaires, nous avons toutefois vocation à assurer cette coopération, comme nous le faisons avec d'autres pays d'Afrique, avec d'autres partenaires comme le Canada au Mali. C'est dans ce cadre que certains hommes pourraient demeurer sur le territoire ivoirien.
Nous ne contrôlons pas les prisonniers, qui sont remis soit à l'ONUCI soit aux FRCI, et je ne puis donc répondre à la question de Damien Meslot sur la présence de mercenaires.
Il me semble, Monsieur Dupré, que la notoriété, la transparence et l'information directe constituent la meilleure protection de l'intégrité physique de Laurent Gbagbo et de ses proches. On peut ne pas apprécier les commentaires de tel ou tel journaliste, mais leur travail et le fait que tout soit connu sont positifs pour la sécurité des personnes : le crime discret, ignoré de tous, est de moins en moins possible et je m'en réjouis. Nous voulions éviter les règlements de comptes locaux à Abidjan ; c'est la raison pour laquelle les forces françaises ont isolé les zones de combat et confiné dans un espace maîtrisé ceux qui étaient déterminés à se battre. Mais je n'ai pas d'autre réponse à ce propos car nous n'avons pas vocation à être les gendarmes de la Côte d'Ivoire.
J'indique à M. Guilloteau que les forces spéciales ne sont intervenues que pour l'exfiltration de l'ambassadeur du Japon, et en aucun cas lors des autres opérations.
S'agissant des élections, outre le Niger, on peut citer la Guinée où l'opposant a été élu. Certes, tout ne se passe pas à merveille, mais c'est le début d'une alternance démocratique.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 avril 2011