Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur la production et la création dans le cinéma français, Paris le 18 avril 2011.

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Circonstance : Présentation de la sélection française du Festival de Cannes à Paris le 18 avril 2011

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Je suis heureux de pouvoir vous réunir ici, rue de Valois, dans ce ministère qui est votre maison, quelques jours après l'annonce de la sélection et oserai-je dire encore dans l'ivresse du bonheur- pour les équipes des films retenus - d'être embarqués pour cette 64 e édition du Festival de Cannes. Je me contente d'imaginer ce bonheur faute de l'avoir jamais éprouve, mais je sais que plusieurs d'entre vous l'ont déjà connu, et ont sans doute un plaisir intact à le connaître à nouveau.
L'esprit de cette rencontre est de féliciter et remercier tous ceux qui ont prêté leur concours actif à l'existence de ces films : leurs réalisateurs, leurs comédiens, leurs techniciens, leurs producteurs et distributeurs, les chaînes de télévision coproductrices, sans oublier, bien sûr, le Centre national du cinéma et de l'image animée, dont je salue le sémillant President, Eric Garandeau, dont ce sera cette année, le premier Festival. Et nous serons evidemment présents le 15 mai pour le traditionnel cocktail Cannois du CNC qui permet de dresser l'état des lieux du cinéma en France.
A la veille d'un évènement aussi prestigieux et séculaire que le Festival International du Film, on a toujours la tentation de se prêter à l'exercice de mémoire, et je me suis donc projeté 50 ans en arrière, en 1961. Cette année-là, on prête à André Malraux le fait d'avoir empêché la sélection de "L'année dernière à Marienbad" d'Alain Resnais, film pourtant tellement emblématique d'un renouveau du cinéma, puisqu’il consacrait l'alliance de la nouvelle vague et du nouveau roman. Les plus grands ministres ont aussi le droit à l'erreur...
Il se trouve que j’ai passé, il y a quelques jours, un moment d’une rare intensité en me rendant sur le tournage du dernier film d’Alain Resnais, joliment intitulé ”Vous n’avez encore rien vu”…
1961, c'est aussi la présence de Jean-Paul Belmondo dans deux films à Cannes: aux côtés de l'admirable Sophia Loren dans ”La Ciociara” de Vittorio de Sica (qui vaut à l’actrice le prix d'interpretation féminine) et dans un autre film italien, ”La viaccia” de Mauro Bolognini, aux côtés de Claudia Cardinale.
C’était l’époque rêvée où les films européens n’avaient pas vraiment de nationalité, et pour seule patrie le cinéma; les acteurs, quelle que soit leur langue d'origine, y évoluaient naturellement, d’un pays à l’autre. Le 64è Festival a bien raison de rendre hommage cette année à ce très grand acteur – de renommée internationale- qu’est Jean-Paul Belmondo.
Bernardo Bertolucci sera l'autre hommage du Festival, et l'on regrette tous que Maria Schneider ne soit plus là pour le partager avec lui.
Le choix des présidents de jurys est cette année encore remarquable :
le Président du jury, d'abord, Robert De Niro, celui que le public français apprécie tant, le « compagnon de route » de Martin Scorsese, qui saura sans doute marquer les choix du jury d'une indépendance farouche.
Je note aussi que la Corée est très présente cette année avec la présidence de Bong Joon-Ho pour la Caméra d'Or et de Lee Chan Dong, l'auteur du magnifique « Poetry », pour la « Semaine de la critique »
Quand à Michel Gondry qui préside le jury de la cinéfondation, l'extraordinaire dispositif de fabrique de films qu'il a conçu pour le Centre Pompidou il y a quelques semaines, le désigne naturellement pour cette fonction de découverte de nouveaux talents.
Enfin, Emir Kusturica, qui va présider le jury d’”Un certain regard”, dans un remarquable entretien télévisé la semaine dernière disait que Cannes demeure aujourd’hui le seul événement susceptible de porter un film, quel qu’il soit, sur la scène du monde entier. C’est très vrai et c’est infiniment précieux.
L’on ne dira jamais assez combien ce magique pouvoir de renommée internationale est le fruit du travail de Gilles Jacob, de Thierry Frémaux et de leurs équipes, ainsi que des sections parallèles qui apportent aussi leur part d’ouverture sur le monde. Et je salue en particulier la Semaine de la critique et toute son équipe qui fête en 2011 son cinquantième anniversaire.
Cette année encore, les sélections reflètent la diversité des lieux, des genres et des sources de création du cinéma. Je suis notamment sensible à la présence de pays comme l’Egypte, la Tunisie et le Japon car je suis convaincu de la nécessite de promouvoir la diversité des images et des cinémas, comme je l’ai rappelé à l’occasion du dernier Fespaco, à Ouagadougou. J’ai d’ailleurs une pensée particulière en ce jour pour la population burkinabée que j’ai vu il a quelques semaines encore en liesse lors de la cérémonie de clôture du Festival qui réunissait un public nombreux et joyeux dans le stade de Ouagadougou.
Le « Fonds sud Cinéma » contribue assurément à cette diversité ; mais nous ne devons pas nous priver d’une réflexion sur d’autres outils. En proposant les regards du monde, c’est notre propre regard sur le monde qui est appelé à se transformer. C’est aussi l’une des missions du Festival. J'aurai l'occasion de m'exprimer sur ce point à Cannes.
Cette 64e édition du festival est aussi marquée par la présence de très grands noms : d’Almodovar à Terence Mallick, des frères Dardenne à Nanni Moretti.
Mais je ne voudrais pas oublier la diversité du cinéma français présent dans la sélection, et dont tous vous témoignez aujourd’hui, d’Alain Cavalier, de retour, 25 ans après le bouleversant Thérèse, à la prometteuse Maïwenn. Je ne peux pas tous les citer. Mais votre présence à tous traduit la diversité des styles, des écritures, des langages ; elle révèle la vitalité et la diversité du cinéma français. Hors compétition, vous l’aurez noté, la vie politique occupera une place non négligeable dans la thématique du cinéma français !
Le patrimoine cinématographique auquel Cannes contribue à donner une nouvelle vie sera aussi à l’honneur, avec « Cannes classics». Le Festival rendra ainsi hommage à Méliès dont nous célébrons le 150è anniversaire de la naissance cette année, avec une très surprenante restauration numérique du « Voyage dans la lune », et il y aura également un hommage au cinéma ultramarin, dans le cadre de l’année des outre-mers.
Je voudrais finir en soulignant la visibilité du cinéma européen, avec la présence de réalisateurs de talent comme le déroutant Ari Kaurismaki, le baroque Paolo Sorrentino, l’inimitable Nanni Moretti, le troublant Lars Von Trier. A l’occasion de mes nombreux déplacements à Bruxelles, j’ai soutenu devant mes homologues et devant les Commissaires en charge de ces sujets l’importance d’un financement pérenne et consolidé du programme MEDIA. Il en va de l’avenir de la diversité culturelle en Europe, il en va aussi de l’ambition européenne en matière d’industrie et de création cinématographique, qui a un patrimoine immense, un passé cinématographique incomparable, et dont le rôle du politique est d’assurer l’avenir et la créativité.
Merci à tous d’avoir répondu à cette invitation, et vraiment bravo à chacun d’entre vous !
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 20 avril 2011