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Je suis heureux de pouvoir vous réunir ici, rue de Valois, dans ce ministère qui est votre maison, quelques jours après l'annonce de la sélection et oserai-je dire encore dans l'ivresse du bonheur- pour les équipes des films retenus - d'être embarqués pour cette 64 e édition du Festival de Cannes. Je me contente d'imaginer ce bonheur faute de l'avoir jamais éprouve, mais je sais que plusieurs d'entre vous l'ont déjà connu, et ont sans doute un plaisir intact à le connaître à nouveau.
L'esprit de cette rencontre est de féliciter et remercier tous ceux qui ont prêté leur concours actif à l'existence de ces films : leurs réalisateurs, leurs comédiens, leurs techniciens, leurs producteurs et distributeurs, les chaînes de télévision coproductrices, sans oublier, bien sûr, le Centre national du cinéma et de l'image animée, dont je salue le sémillant President, Eric Garandeau, dont ce sera cette année, le premier Festival. Et nous serons evidemment présents le 15 mai pour le traditionnel cocktail Cannois du CNC qui permet de dresser l'état des lieux du cinéma en France.
A la veille d'un évènement aussi prestigieux et séculaire que le Festival International du Film, on a toujours la tentation de se prêter à l'exercice de mémoire, et je me suis donc projeté 50 ans en arrière, en 1961. Cette année-là, on prête à André Malraux le fait d'avoir empêché la sélection de "L'année dernière à Marienbad" d'Alain Resnais, film pourtant tellement emblématique d'un renouveau du cinéma, puisquil consacrait l'alliance de la nouvelle vague et du nouveau roman. Les plus grands ministres ont aussi le droit à l'erreur...
Il se trouve que jai passé, il y a quelques jours, un moment dune rare intensité en me rendant sur le tournage du dernier film dAlain Resnais, joliment intitulé Vous navez encore rien vu
1961, c'est aussi la présence de Jean-Paul Belmondo dans deux films à Cannes: aux côtés de l'admirable Sophia Loren dans La Ciociara de Vittorio de Sica (qui vaut à lactrice le prix d'interpretation féminine) et dans un autre film italien, La viaccia de Mauro Bolognini, aux côtés de Claudia Cardinale.
Cétait lépoque rêvée où les films européens navaient pas vraiment de nationalité, et pour seule patrie le cinéma; les acteurs, quelle que soit leur langue d'origine, y évoluaient naturellement, dun pays à lautre. Le 64è Festival a bien raison de rendre hommage cette année à ce très grand acteur de renommée internationale- quest Jean-Paul Belmondo.
Bernardo Bertolucci sera l'autre hommage du Festival, et l'on regrette tous que Maria Schneider ne soit plus là pour le partager avec lui.
Le choix des présidents de jurys est cette année encore remarquable :
le Président du jury, d'abord, Robert De Niro, celui que le public français apprécie tant, le « compagnon de route » de Martin Scorsese, qui saura sans doute marquer les choix du jury d'une indépendance farouche.
Je note aussi que la Corée est très présente cette année avec la présidence de Bong Joon-Ho pour la Caméra d'Or et de Lee Chan Dong, l'auteur du magnifique « Poetry », pour la « Semaine de la critique »
Quand à Michel Gondry qui préside le jury de la cinéfondation, l'extraordinaire dispositif de fabrique de films qu'il a conçu pour le Centre Pompidou il y a quelques semaines, le désigne naturellement pour cette fonction de découverte de nouveaux talents.
Enfin, Emir Kusturica, qui va présider le jury dUn certain regard, dans un remarquable entretien télévisé la semaine dernière disait que Cannes demeure aujourdhui le seul événement susceptible de porter un film, quel quil soit, sur la scène du monde entier. Cest très vrai et cest infiniment précieux.
Lon ne dira jamais assez combien ce magique pouvoir de renommée internationale est le fruit du travail de Gilles Jacob, de Thierry Frémaux et de leurs équipes, ainsi que des sections parallèles qui apportent aussi leur part douverture sur le monde. Et je salue en particulier la Semaine de la critique et toute son équipe qui fête en 2011 son cinquantième anniversaire.
Cette année encore, les sélections reflètent la diversité des lieux, des genres et des sources de création du cinéma. Je suis notamment sensible à la présence de pays comme lEgypte, la Tunisie et le Japon car je suis convaincu de la nécessite de promouvoir la diversité des images et des cinémas, comme je lai rappelé à loccasion du dernier Fespaco, à Ouagadougou. Jai dailleurs une pensée particulière en ce jour pour la population burkinabée que jai vu il a quelques semaines encore en liesse lors de la cérémonie de clôture du Festival qui réunissait un public nombreux et joyeux dans le stade de Ouagadougou.
Le « Fonds sud Cinéma » contribue assurément à cette diversité ; mais nous ne devons pas nous priver dune réflexion sur dautres outils. En proposant les regards du monde, cest notre propre regard sur le monde qui est appelé à se transformer. Cest aussi lune des missions du Festival. J'aurai l'occasion de m'exprimer sur ce point à Cannes.
Cette 64e édition du festival est aussi marquée par la présence de très grands noms : dAlmodovar à Terence Mallick, des frères Dardenne à Nanni Moretti.
Mais je ne voudrais pas oublier la diversité du cinéma français présent dans la sélection, et dont tous vous témoignez aujourdhui, dAlain Cavalier, de retour, 25 ans après le bouleversant Thérèse, à la prometteuse Maïwenn. Je ne peux pas tous les citer. Mais votre présence à tous traduit la diversité des styles, des écritures, des langages ; elle révèle la vitalité et la diversité du cinéma français. Hors compétition, vous laurez noté, la vie politique occupera une place non négligeable dans la thématique du cinéma français !
Le patrimoine cinématographique auquel Cannes contribue à donner une nouvelle vie sera aussi à lhonneur, avec « Cannes classics». Le Festival rendra ainsi hommage à Méliès dont nous célébrons le 150è anniversaire de la naissance cette année, avec une très surprenante restauration numérique du « Voyage dans la lune », et il y aura également un hommage au cinéma ultramarin, dans le cadre de lannée des outre-mers.
Je voudrais finir en soulignant la visibilité du cinéma européen, avec la présence de réalisateurs de talent comme le déroutant Ari Kaurismaki, le baroque Paolo Sorrentino, linimitable Nanni Moretti, le troublant Lars Von Trier. A loccasion de mes nombreux déplacements à Bruxelles, jai soutenu devant mes homologues et devant les Commissaires en charge de ces sujets limportance dun financement pérenne et consolidé du programme MEDIA. Il en va de lavenir de la diversité culturelle en Europe, il en va aussi de lambition européenne en matière dindustrie et de création cinématographique, qui a un patrimoine immense, un passé cinématographique incomparable, et dont le rôle du politique est dassurer lavenir et la créativité.
Merci à tous davoir répondu à cette invitation, et vraiment bravo à chacun dentre vous !
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 20 avril 2011