Texte intégral
JEAN-JEROME BERTOLUS Secrétaire dÉtat aux solidarités, ex-membre de République Solidaire, le mouvement de Dominique de VILLEPIN, et conseiller politique de lUMP. Avec moi pour vous interviewer Julien ARNAUD de Radio Classique.
JULIEN ARNAUD Bonjour.
JEAN-JEROME BERTOLUS Alors Marie-Anne MONTCHAMP, quest-ce que cest que ce bazar à droite ? La stratégie dunion au premier tour de Nicolas SARKOZY semble clairement en échec.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Jean-Louis BORLOO a pris une initiative personnelle au lendemain de lélection cantonale où effectivement lanalyse des résultats montre moins le tassement de la majorité dailleurs, contrairement à ce que la gauche veut laisser entendre quune abstention considérable et une montée des extrêmes. Jean-Louis BORLOO a été un grand ministre du président Nicolas SARKOZY. Il a apporté à la majorité une contribution tout à fait essentielle.
JEAN-JEROME BERTOLUS Mais quest-ce que vous lui dites aujourd'hui à Jean-Louis BORLOO ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Je pense essentiellement au Grenelle de lenvironnement qui a beaucoup marqué et beaucoup fait progresser la majorité. Je dis tout simplement à Jean-Louis BORLOO quil fait partie de la famille majoritaire, que ses idées sont des idées importantes, constructives, essentielles et je dis ce que je dis depuis un certain temps déjà, ayant pris mes responsabilités personnellement dans ma famille politique : il faut toujours et encore se rassembler pour préparer lélection présidentielle.
JEAN-JEROME BERTOLUS Certes, certes mais Jean-Louis BORLOO là aujourd'hui il veut quitter lUMP, il est quasiment candidat. Vous le regrettez ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Vous savez, lidée est moins de savoir à quel parti politique on émarge que de savoir quelle contribution on apporte à la majorité présidentielle et pour lélection présidentielle de 2012. Quand on a un bilan comme celui de Jean-Louis BORLOO dans cette majorité, il ne sagit pas de claquer la porte : il sagit denrichir ce bilan. Le rassemblement, cest la seule valeur qui vaille.
JULIEN ARNAUD Justement, Jean-Louis BORLOO est-ce que ça ne va pas être lépine dans le pied de Nicolas SARKOZY ? Est-ce que finalement il ne va pas entraîner un peu plus le navire UMP au fond ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Encore une fois, une élection présidentielle cest une échéance extrêmement importante, un rendez-vous que les Français attendent car il permet dexprimer véritablement des convictions sur la capacité à gouverner un pays. Dans ce cadre-là, on a besoin didées, on a besoin de définir une ligne générale et cette ligne générale, elle comporte dans le domaine des sécurités un panel extrêmement large qui va de lordre public jusquà lensemble des sécurités et des protections sociales. Je trouve intéressant que le débat et que les contributions se renforcent ; certainement pas évidemment si elles devaient produire une division. Mais quand jécoute
JEAN-JEROME BERTOLUS Mais alors, elle commence quand la division ? Ça veut dire que est-ce que vous estimez que la candidature de Jean-Louis BORLOO peut apporter au débat sur la présidentielle ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Aujourd'hui ça me semble une évidence. Les positions de Jean- Louis BORLOO sont éminemment intéressantes et constructives. Moi qui travaille sur le champ social, je connais sa sensibilité sur le sujet, ce quil dit mintéresse et je sais que ce quil dit pèse. Jajoute que quand je lentends évoquer son initiative et son départ de lUMP, il le fait en prenant le soin de valoriser le parcours du président de la République dans cet environnement tellement évolutif qui est celui de notre pays aujourd'hui ; je nentends pas une seule parole critique. Je nentends effectivement que la définition de convictions. Cela est respectable et cest important pour nos compatriotes.
JEAN-JEROME BERTOLUS Est-ce que vous allez, pour quon comprenne bien votre position Marie-Anne MONTCHAMP, jusquà dire comme Maurice LEROY, votre collègue au gouvernement il est ministre de la Ville « Oui, Jean-Louis, présente-toi en 2012 » ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Je pense que lidée de candidatures multiples est une fausse bonne idée. Je pense quil faut se rassembler mais non pas au prix de sacrifier les idées. Nous sommes très loin encore de léchéance présidentielle. Le temps de la campagne en effet est venu, il faut que les idées se fassent jour pour quelles contribuent à une plateforme pour la majorité actuelle et pour poursuivre ce travail tellement important sur un deuxième quinquennat. Je crois quon ne prend pas suffisamment le temps de regarder le chemin parcouru. Jentends toutes sortes de critiques qui sont fondées sur un anti-sarkozysme primaire qui tient lieu de doctrine politique aujourd'hui dans notre pays. Cest tout à fait anormal, cest tout à fait insuffisant. Si lon veut parler politique, prenons le temps de comparer les bilans et prenons le temps de regarder ce qui a été produit. Recherchons les cohérences. Je peux vous dire que dans le champ social contrairement à ce quon peut croire, elles existent mais peut-être en parlerons-nous tout à l'heure avec la question de la dépendance.
JULIEN ARNAUD Juste après justement. Marie-Anne MONTCHAMP, vous avez peut-être lu le sondage paru dans Libération ce matin par Via Voice : Nicolas SARKOZY, record dimpopularité et, on le voit, talonné par Jean Louis BORLOO, même devancé par Alain JUPPÉ. Ça veut dire quaujourd'hui ce nest plus le leader à droite de la majorité ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP On a le leadership naturel du président de la République sortant et du bilan du président de la République, de sa capacité à gouverner un pays dans une période qui na jamais été aussi évolutive et ça, ça me semble absolument incontestable et incontournable.
JEAN-JEROME BERTOLUS Vous navez aucun doute : Nicolas SARKOZY sera bien candidat en 2012.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Je nai aucun doute non seulement sur sa candidature lui seul parlera mais je nai aucun doute sur cette capacité exécutive qui est la sienne, cette capacité à gouverner et qui demain fera pour les Français un élément dappréciation absolument incontournable. Regardez la situation internationale, regardez les crises qui se sont succédées dans notre pays, les décisions quil a fallu prendre pour maintenir le cap de la croissance, maintenir le cap de la réduction des déficits. Quand je vois le Parti socialiste confier à Laurent FABIUS une mission pour retraduire un programme qui sans doute dit-on fait lunanimité parce quil a une base extrêmement étroite, afin de vérifier en quoi ce programme pourra être un programme de gouvernement, jobserve avec un peu dironie que la question que le Parti socialiste va devoir résoudre cest précisément celle de la capacité à faire, comme une obsession. Je crois quaujourd'hui encore une fois, nous devons faire converger les talents, converger les propositions dans le cadre de cette majorité présidentielle. Je ne vois rien pour le moment dans ce que Jean-Louis BORLOO a fait.
JEAN-JEROME BERTOLUS En fait vous êtes assez daccord avec François BAYROU qui dit finalement linitiative de Jean-Louis BORLOO cest pour un petit peu capter le centre et finalement le ramener en renfort de Nicolas SARKOZY.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Vous savez, quand François BAYROU se focalise sur les sondages, quand il est dans une logique de parts de marché électorales comme je lentends de manière récurrente maintenant lexprimer, je me dis quon est très loin du compte. Ce qui doit faire la différence, ce sont les convictions. Jean-Louis BORLOO a des convictions, il est indispensable quelles sexpriment mais dans le cadre du rassemblement derrière le président de la République.
JEAN-JEROME BERTOLUS Et celles de Dominique de VILLEPIN ? Et celles de votre ancien mentor Dominique de VILLEPIN qui a indiqué quil allait incarner son programme jeudi ? Lui aussi il semble en route vers la présidentielle.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Cest exactement le même raisonnement, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le temps du débat, le temps des contributions est indispensable pour enrichir effectivement une offre politique équilibrée, complète, mais certainement pas au prix de dissensions, certainement pas en abandonnant le principe même du rassemblement qui est la seule manière daborder lélection présidentielle ; à telle enseigne dailleurs que sur ce plan, jai pris mes responsabilités. Débattre, oui, mais pas hors de la famille majoritaire. Cest la raison pour laquelle je suis aujourd'hui à la place qui est la mienne.
JULIEN ARNAUD Vous pourriez lui dire ça, à Dominique de VILLEPIN aujourd'hui ? Vous avez encore des contacts ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Écoutez, moi quand je madresse effectivement à Dominique de VILLEPIN, je le fais à titre personnel. Cest ce que jai fait quand je suis entrée au gouvernement parce que je voulais lui dire pour quelles raisons je faisais, je prenais cette décision. Ma décision est fondée sur le principe du rassemblement : nous ne pouvons pas prospérer et faire prospérer les idées tellement importantes dune République des solidarités hors de la famille majoritaire. JULIEN ARNAUD Mais est-ce que vous avez encore des contacts avec lui ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Pas à linstant où nous parlons bien sûr.
JEAN-JEROME BERTOLUS Mais il vous prend au téléphone encore ?
JULIEN ARNAUD SMS, non ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Écoutez, ça ne se Les choses ne se produisent pas de cette manière-là, vous le savez très bien. Nous avons, je crois, dans les décisions que les uns et les autres prennent, loccasion dexprimer le sens que nous donnons à nos actions et aux orientations que nous retenons.
JEAN-JEROME BERTOLUS Un petit mot encore donc sur ces initiatives. Vous dites : « Eh bien très bien si elles concourent au débat ; on verra effectivement si les candidatures se concrétisent ». Si effectivement le Parti radical quitte lUMP il le dira lors de son prochain congrès à la mi-mai cela veut dire il faut en tirer les conséquences ? Par exemple couper le robinet financier pour les radicaux, lUMP ne doit plus subventionner le Parti radical ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Je crois que cest précisément linverse que je cherche à exprimer devant vous ce matin.
JEAN-JEROME BERTOLUS Ne pas rompre les liens.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Ne faisons pas de politique fiction et certainement pas dans des ruptures de liens qui seraient inconséquentes. Aujourd'hui écoutons les contributions des uns et des autres mais prônons encore et toujours le rassemblement en responsabilités.
JULIEN ARNAUD Marie-Anne MONTCHAMP, une question dactualité. Cest aujourd'hui quentre en vigueur la loi interdisant la dissimulation du visage dans lespace public. Des syndicats de policiers disent : « Oh la la ! Ça va être inapplicable ». Est-ce quon peut craindre, est-ce que vous craignez des débordements ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Je pense que la loi, encore et toujours, doit sappliquer. Je pense que personne dans les valeurs de la République ne peut prôner que léquilibre de notre société puisse se fonder sur la dissimulation dun certain nombre dentre nous qui conduit à des communautarismes et qui conduit à un très mauvais signal donné sur lordre public en général. Lordre public républicain est là pour que toute femme puisse se promener, sortir, accompagner ses enfants à lécole, sans craindre dêtre je ne sais comment agressée ou que sais-je au motif que son visage serait apparent dans la rue. Ce sont des principes quil faut affirmer car cest notre socle républicain qui effectivement doit être là encore valorisé. Et je pense quil puisse y avoir ponctuellement un moment de rodage pour lapplication de ce texte, nous le verrons dans les faits. Ne lanticipons pas.
JEAN-JEROME BERTOLUS Pas damende immédiate ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Rien, rien ne peut justifier que lon déroge à ce principe qui est maintenant consacré par un texte, par une loi qui va sappliquer.
JEAN-JEROME BERTOLUS Alors autre sujet dactualité, Marie-Anne MONTCHAMP : la politique migratoire du gouvernement. Aujourd'hui le ministre de lIntérieur doit tenir une conférence de presse au Luxembourg puisquil y a la réunion de tous les ministres de lIntérieur. Les propos de Claude GUÉANT divisent non seulement la majorité mais le gouvernement. Christine LAGARDE a pris ses distances avec le fait queffectivement Claude GUÉANT souhaite réduire limmigration légale, limmigration par le travail ou en matière de regroupement familial. Quelle est votre position ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Ma position est quil y a une constante de ce gouvernement et quil faut la rappeler. Cest que nous voulons une immigration choisie. Quest-ce que ça veut dire ? Ça veut dire une immigration respectueuse ; respectueuse de lintérêt même des migrants et respectueuse de la situation de notre pays. Lirresponsabilité consisterait à laisser entendre quon ne sapplique pas, on ne se donne pas dans ce domaine des objectifs. Cest presque une forme de contrat que nous pouvons passer avec ces pays voisins, et je pense en particulier aux pays du pourtour de la Méditerranée, que de leur dire : « Est-il raisonnable denvisager sans aucun cadre, sans aucun objectif conjoint larrivée de vos ressortissants ? »
JEAN-JEROME BERTOLUS Il ny en a pas aujourd'hui dobjectif ? Il y a eu 31 500 effectivement étrangers qui ont bénéficié dune carte de séjour pour raisons économiques lannée dernière. Cest beaucoup trop ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Il faut il faut revisiter ces objectifs de manière régulière en fonction de nos capacités daccueil, en fonction de notre marché du travail et en fonction de lintérêt même de ces ressortissants. Aujourd'hui dans les pays arabes se vivent des mouvements sans précédent. Ces pays vont avoir besoin de toutes leurs forces vives, vont avoir besoin de leurs hommes et femmes qui contribueront non seulement au redressement de ces pays mais au développement de leur économie. Je prends lexemple extrêmement frappant du tourisme qui a en partie échoué dans une période récente du fait dune forme dincurie du gouvernement tunisien au profit du Maroc qui en a en quelque sorte bénéficié. On voit que la Tunisie a sur cet exemple je prends lexemple du tourisme, on pourra en prendre dautres besoin de valoriser sa ressource humaine.
JEAN-JEROME BERTOLUS Mais ce nest pas là que ça se joue en même temps. Ce nest pas là que ça se joue.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Mais ce sont autant dexemples.
JEAN-JEROME BERTOLUS Ça se joue effectivement dans les services informatiques ou dans les ménages. Voilà.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Ce sont autant dexemples qui nécessitent une relation de réciprocité bien comprise qui conduit à ce principe intangible quest limmigration choisie.
JULIEN ARNAUD Un mot quand même Marie-Anne MONTCHAMP de votre dossier à vous, on va dire, que vous cogérez avec Roselyne BACHELOT, la dépendance. Çavait été lancé en fanfare chantier prioritaire de Nicolas SARKOZY. Où en est-on des groupes thématiques ? Des groupes de citoyens, de paroles de citoyens sont mis en place. Quest-ce quon peut attendre et est-ce que vous avez déjà des pistes ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Dabord je veux dire que cest un dossier qui est extraordinairement important. Il fait suite au dossier des retraites et il a comme objectif le maintien, la maintenance de notre modèle social, la sécurisation du système de protection sociale en France. Et ce que le président de la République a voulu, cest alors même que la maison ne brûle pas, alors même que nous avons le temps dune grande perspective pour imaginer ce que sera le vieillissement jusquen 2030-2040, de prendre le temps de décider ensemble. Vous minterrogez
JULIEN ARNAUD Et vous sentez que cest toujours une priorité pour Nicolas SARKOZY ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Mais cest une priorité. Il le rappelle régulièrement. Lors du dernier conseil des ministres où nous avons eu une communication sur ce sujet avec Roselyne BACHELOT, il la redit parce que ce nest pas simplement un dossier parmi dautres : cest un ensemble fait de cohérence entre réforme des retraites et maintenance, survie de notre système de protection sociale qui pourrait être mis à mal dans le temps par le vieillissement.
JULIEN ARNAUD Est-ce que ça avance ? Où on en est ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Ça avance exactement dans le calendrier prévu. Les groupes de travail sont au travail, nous avons des scénarios qui sont en train aujourd'hui démerger sur la réalité de ce que sera le vieillissement à horizon 2030-2040.
JEAN-JEROME BERTOLUS Donc ils rendent leurs conclusions cet été.
MARIE-ANNE MONTCHAMP Ils vont rendre leurs conclusions cet été. Nous engageons avec Roselyne des débats interrégionaux partout en France pour recueillir la parole de nos compatriotes et nous voyons aujourd'hui, nous entendons dans lensemble des consultations que les Français veulent, réclament la maintenance de notre modèle social.
JEAN-JEROME BERTOLUS Et après ces consultations - donc je le rappelle : conclusions des groupes de travail cet été vous consultez ensuite les Français sur ces conclusions, et après ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Deux étapes. La première étape, ce sont les grands rendez-vous que sont le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui portera des dispositions en déduction de ses travaux et des conclusions que nous aurons, et puis le projet de loi de finances de la même manière. Et cest alors que nous pourrons
JEAN-JEROME BERTOLUS Une nouvelle journée de solidarité pour les Français en perspective ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Nous nexcluons aujourd'hui aucune piste. Ce qui est sûr, cest que nous devons maintenir ensemble notre modèle social face au choix du financement.
JEAN-JEROME BERTOLUS Ça va être un petit panier de mesures en fait, assurance privée, journée de solidarité ?
MARIE-ANNE MONTCHAMP Ah, je ne crois pas que ce sera un petit panier de mesures. Il y aura à très court terme des solutions pour réduire le reste à charge des familles modestes qui sont en général aujourd'hui assez en difficulté pour accompagner leurs personnes âgées dépendantes et il y aura des dispositions pour la longue période afin denvisager effectivement la survie de notre modèle social.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 19 avril 2011