Interview de Mme Nadine Morano, ministre de l'apprentissage et de la formation professionnelle, à Europe 1 le 27 avril 2011, sur le climat politique et la préparation de l'élection présidentielle 2012 dans la majorité et à l'UMP.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
 
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Bonjour Nadine MORANO.
 
NADINE MORANO Bonjour.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH D’abord le drame de Mérignac, qui provoque une émotion nationale, vous le savez, le nouveau suicide d’un salarié chez FRANCE TELECOM. Est-ce cette entreprise qui va toujours mal ou les conditions de travail qui déstabilisent, qui provoquent en général du désespoir aujourd'hui ?
 
NADINE MORANO Il est toujours très difficile de commenter un suicide, un acte personnel aussi dramatique, qui provoque chez chacun d’entre nous, évidemment, une émotion. Cette entreprise, c'est 100 000 salariés, et c'est vrai que Stéphane RICHARD a entrepris dès son arrivée, de mettre en place des dispositifs d’écoute, d’accompagnement, de questionnement aussi des salariés, sur l’ensemble des salariés, et puis de faire en sorte que la mobilité soit faite sur la base du volontariat, donc beaucoup d’actions...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Plus d’humanité.
 
NADINE MORANO Beaucoup d’actions ont été entreprises depuis que Stéphane RICHARD est en poste, et en même temps, vous conviendrez que cela demande une enquête approfondie, pour savoir quelle était la situation personnelle de cette personne.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Nadine MORANO, bientôt 4 ans de présidence de Nicolas SARKOZY, dans un an nous serons entre les deux tours de la présidentielle. Est-ce que Nicolas SARKOZY sera présent, au deuxième tour ?
 
NADINE MORANO Eh bien, non seulement, écoutez, je pense qu’il sera présent, mais nous ferons tout pour qu’il gagne cette élection présidentielle. Je pense que c'est même une nécessité pour la France, parce que, vous savez, un quinquennat c'est court et son bilan méritera, et c'est sans doute assez unique en la matière, d’être expertisé, non seulement par rapport à ce qu’il a réussi à faire sur le plan intérieur, c'est-à-dire la quasi-totalité de ses engagements, relisez...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc les Français sont aveugles, sourds, même votre camp qui traverse en ce moment une période de doute et de défaitisme, comment vous l’expliquez ?
 
NADINE MORANO Mais, vous ne m’avez pas laissé finir ma phrase, alors je la finirai. Il faut l’analyser, non seulement au regard de ce qu’il a fait en politique intérieure, mais dans un contexte international. Il ne vous aura pas échappé que nous sommes en situation de crise économique et financière, et que la France s’en est sortie non seulement mieux que les autres...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Elle a bon dos la crise de 2008.
 
NADINE MORANO La France s’en est sortie non seulement mieux que les autres...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Elle n'est pas la seule responsable.
 
NADINE MORANO... mais, mais elle a été, la France, a été en initiative justement, pour sortir de cette crise. C'est la France qui a été à l’initiative du G20, c'est la France qui a été à l’initiative de Pittsburgh, c'est la France qui a mobilisé ses partenaires européens, et au-delà de cette crise économique et financières, nous traversons d’autres crises, la crise des pays arabes en ce moment, donc c'est crise sur cris et en même temps, cette nécessité de réformer la France, ce que nous avons fait et ce que nous continuons à faire.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Comment expliquez-vous que votre camp, Nadine MORANO, traverse une période de doute et de défaitisme, c'est vous qui dites même : « Ceux qui sautent du bateau aujourd'hui seront les premiers à se noyer ». Il y a des naufragés du sarkozysme dans l’air.
 
NADINE MORANO Non, mais je pense que, vous savez, on est tous dans le même bateau, très concrètement. Nous sommes la majorité parlementaire, les députés savent que s’ils ont été élus, c'est parce que Nicolas SARKOZY a d’abord été élu président de la République ; les élections législatives, je le rappelle, ont lieu après les élections présidentielles, et que le premier qui ira devant les électeurs, c'est Nicolas SARKOZY. Et donc, nous sommes tous dans le même bateau et lorsqu’il y a des difficultés, il nous faut ramer plus fort, il nous faut être solidaire, et ceux qui sauteront évidemment du bateau, en espérant arriver sur la rive avant les autres, eh bien, à mon avis, ont plus de chances de se noyer que d’arriver à bon port.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Comment expliquez-vous que même quand il prend des décisions les plus justes ou les plus adaptées, Nicolas SARKOZY soit aujourd'hui peu audible ?
 
NADINE MORANO Peu audible, écoutez moi, quand j’entends certaines critiques que l’on fait au président de la République, hyper président, qui se déplace tout le temps, qui parle beaucoup, qui travaille beaucoup, qui est sur tous les fronts, est-ce qu’on attend d’un président de la République qu’il ne parle pas, qu’il ne décide pas, qui fait un minimum de boulot...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais qu'est-ce qu’il faut aujourd'hui ?
 
NADINE MORANO ... qui ne l’assume pas...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Dites-moi, qu’est-ce qu’il faut aujourd'hui pour les Français l’entendent davantage et y croient ? Je sais bien qu’il y a des croyants, il y a vous, il y a Xavier BERTRAND qui dit : « Les résultats vont bientôt arriver »...
 
NADINE MORANO Mais je pense... mais ce n'est pas une question de croyance, monsieur ELKABBACH, je ne sais pas si c'est, pardon...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Deux fois. Deux fois.
 
NADINE MORANO Pardon de vous contrarier, ce n'est pas une question...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous ne me contrariez pas, j’ai les nerfs très solides.
 
NADINE MORANO Ce n'est pas une question de croyances, c'est une question de faits et de réaliser et de regarder quelle est la situation de la France qui a gardé sa notation par les agences internationales, de triple A, parce que nous avons su mener les réformes indispensables. Vous savez, ce n'est pas facile de faire des réformes. On a fait celle des retraites et on ne remplace pas un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite !
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ah non, non, non, pitié, pitié, ne recommencez pas à me lire la brochure...
 
NADINE MORANO Ah non, je ne vous lis pas la brochure.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous voyez, je la connais, les 4 ans d’action...
 
NADINE MORANOJ e vous dis, deux réformes très difficiles que nous avons menées et il est plus facile, monsieur ELKABBACH, vous en conviendrez, de dire, comme les Verts, qu’on peut proposer une semaine de 4 jours de travail et de légaliser le cannabis. On vous promet de paradis artificiel, pas chez nous.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors, dimanche, avec Thierry GUERRIER, nous faisions remarquer à Dominique de VILLEPIN, que s’il y allait, lui, à la candidature, il risquait de faire perdre Nicolas SARKOZY. Il a eu cette réponse qui en dit long...
 
DOMINIQUE DE VILLEPIN (Rires). Ah ah ah ah ah...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Formidable !
 
DOMINIQUE DE VILLEPIN Mais c'est absurde ! Mais Nicolas SARKOZY n’a pas besoin de moi pour perdre ! Pour redonner une dynamique, il n’y a pas 36 solutions. La première, c'est de changer de gouvernement ou de chef de gouvernement, la deuxième c'est de changer de politique, et si on ne renouvelle pas sa politique et si on ne renouvelle pas les hommes en charge de la politique, eh bien cette mesure, elle pèse lourd...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais à un an de l’élection ? A un an ?
 
DOMINIQUE DE VILLEPIN Eh bien oui, mais il fallait peut-être le faire il y a deux ans, il fallait peut-être le faire il y a un an. Aujourd'hui, il reste un an, alors, le choix, c'est entre ne rien faire et faire quelque chose. Ne rien faire, c'est la garantie, sans doute, d’un échec annoncé, faire quelque chose c'est peut-être le sursaut.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Dominique de VILLEPIN a tort, Nadine MORANO ?
 
NADINE MORANO Evidemment qu’il a tort, et ceux qui sont amplis de certitudes, franchement, ils feraient bien de réfléchir un tout petit peu et de regarder l’histoire. Regardez, en 1981, alors que nous étions aussi en préparation des élections présidentielles, au même moment, au mois d’avril 1980, 57 % des voix pour le président sortant, c'est-à-dire Valéry GISCARD d’ESTAING, face à Michel ROCARD. 61 % des voix pour Valéry GISCARD d’ESTAING face à monsieur François MITTERRAND. Regardez ce qui est arrivé en 1981, donc, franchement, beaucoup d’humilité, tant à monsieur de VILLEPIN qu’aux autres, nous ne sommes pas encore en campagne électorale.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que c'est ce que vous dites aussi à Jean-Louis BORLOO, le centriste, qui peut être présent. Comment le dissuader de se présenter et de faire campagne, déjà ?
 
NADINE MORANO Mais, d’abord, je ne pense pas que Jean-Louis BORLOO soit dans la perspective d’être candidat, en ce moment. Voilà. Je pense qu’il a envie de faire entendre sa sensibilité politique, et chaque sensibilité politique doit s’exprimer à l’intérieur de l'UMP, c'est notre force, et nous devons protéger et préserver l’UMP.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH On reproche à Rama YADE son activisme militant. Pourquoi une diplomate ne peut pas être une politique engagée ?
 
NADINE MORANO Parce que, à chaque diplomate s’applique le devoir de réserve.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Elle exagère ?
 
NADINE MORANO Parce qu’à chaque diplomate, voilà, s’applique le devoir de réserve, pour elle, comme pour les autres.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Elle exagère ?
 
NADINE MORANO Eh bien c'est à elle de décider si elle exagère. Elle peut avoir le choix. Vous savez, quand vous voulez servir la France, vous avez deux possibilités : soit vous servez en étant fonctionnaire, donc au service de la France, et vous avez ce devoir de réserve, soit vous vous inscrivez aussi dans un engagement politique, vous n’avez plus de devoir de réserve mais vous ne pouvez pas cumuler les deux ; à un moment il faut faire un choix.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Qui doit prendre la décision ? Son ministre Alain JUPPE ou le Premier ministre ?
 
NADINE MORANO Eh bien, soit vous démissionnez, soit vous pouvez être démissionné.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et à votre avis ?
 
NADINE MORANO Eh bien ce n'est pas à moi de le dire.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Si son sort dépendait à l’UNESCO, de vous, qu'est-ce que vous feriez ?
 
NADINE MORANO Moi, ça fait longtemps que je l’aurais démissionnée, si ça relevait que de moi, parce que je suis très attachée au devoir de réserve. Voilà, et j’entends les propos... parce que Rama YADE a beaucoup de talent, je crois qu’il faut encore la guider. Lorsqu’elle dit qu’elle a existé avant Nicolas SARKOZY, et qu’elle existera encore, c'est une réalité qu’elle existait avant Nicolas SARKOZY, c'est une réalité...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Si Jean-François COPE l’avait retenue à l’UMP, elle ne serait pas chez Jean-Louis BORLOO. Ah la la la la !
 
NADINE MORANO Mais...
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Une question sur ce qui s’est passé hier, entre Italiens...
 
NADINE MORANO Ça, vous avez raison.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH ... et méchants, on se serait cru à « Cinecittà » dans un film. D’abord, il y avait les méchants, ensuite une apparente réconciliation sur l’immigration, ils veulent, les deux, plus d’Europe, plus de Schengen, mais un Schengen révisé. Comment éviter, comme disait tout à l'heure Catherine LALUMIERE, la tentation de repli ou de populisme ?
 
NADINE MORANO Ce n'est pas une question de repli ou de populisme. La meilleure façon de faire face à des vagues migratoires, c'est d’abord d’aider les pays en difficultés. Et je voulais vous dire que je reçois mon homologue tunisien, Said AÏDI tout à l'heure, pour travailler avec lui sur les problèmes d’emploi des jeunes. La France va aider, justement, la Tunisie à travers une aide de 350 millions d’euros, dont 100 millions d’euros consacrés à l’emploi. Et c'est comme ça que vous pouvez lutter contre les vagues migratoires.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais c'est très bien, il faut donc amplifier l’aide à la Tunisie...
 
NADINE MORANO Bien sûr.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH L’aide à la Tunisie, mais pourquoi cette panique de votre majorité devant 25 000 Tunisiens alors que la pauvre Tunisie est en train d’accueillir et d’être solidaire...
 
NADINE MORANO Non, l’Italie.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Non, la Tunisie accueille les 200 000 Libyens à ses frontières. Comment ?
 
NADINE MORANO Ah oui, pardon. Tout simplement parce que la France accueille déjà 50 000 étrangers et que 25 000 personnes, en un laps de temps aussi court, ça n'est pas possible, ça n'est pas intégrable, ça n'est pas gérable.
 
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc il faut les renvoyer chez eux.
 
NADINE MORANO Bien sûr, il faut les renvoyer chez eux et il faut avoir une politique très importante en matière d’aides et notamment s’agissant de l’emploi, c'est ce que je vais faire cet après midi avec mon homologue tunisien.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 28 avril 2011