Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH Bonjour Nadine MORANO.
NADINE MORANO Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Dabord le drame de Mérignac, qui provoque une émotion nationale, vous le savez, le nouveau suicide dun salarié chez FRANCE TELECOM. Est-ce cette entreprise qui va toujours mal ou les conditions de travail qui déstabilisent, qui provoquent en général du désespoir aujourd'hui ?
NADINE MORANO Il est toujours très difficile de commenter un suicide, un acte personnel aussi dramatique, qui provoque chez chacun dentre nous, évidemment, une émotion. Cette entreprise, c'est 100 000 salariés, et c'est vrai que Stéphane RICHARD a entrepris dès son arrivée, de mettre en place des dispositifs découte, daccompagnement, de questionnement aussi des salariés, sur lensemble des salariés, et puis de faire en sorte que la mobilité soit faite sur la base du volontariat, donc beaucoup dactions...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Plus dhumanité.
NADINE MORANO Beaucoup dactions ont été entreprises depuis que Stéphane RICHARD est en poste, et en même temps, vous conviendrez que cela demande une enquête approfondie, pour savoir quelle était la situation personnelle de cette personne.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Nadine MORANO, bientôt 4 ans de présidence de Nicolas SARKOZY, dans un an nous serons entre les deux tours de la présidentielle. Est-ce que Nicolas SARKOZY sera présent, au deuxième tour ?
NADINE MORANO Eh bien, non seulement, écoutez, je pense quil sera présent, mais nous ferons tout pour quil gagne cette élection présidentielle. Je pense que c'est même une nécessité pour la France, parce que, vous savez, un quinquennat c'est court et son bilan méritera, et c'est sans doute assez unique en la matière, dêtre expertisé, non seulement par rapport à ce quil a réussi à faire sur le plan intérieur, c'est-à-dire la quasi-totalité de ses engagements, relisez...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc les Français sont aveugles, sourds, même votre camp qui traverse en ce moment une période de doute et de défaitisme, comment vous lexpliquez ?
NADINE MORANO Mais, vous ne mavez pas laissé finir ma phrase, alors je la finirai. Il faut lanalyser, non seulement au regard de ce quil a fait en politique intérieure, mais dans un contexte international. Il ne vous aura pas échappé que nous sommes en situation de crise économique et financière, et que la France sen est sortie non seulement mieux que les autres...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Elle a bon dos la crise de 2008.
NADINE MORANO La France sen est sortie non seulement mieux que les autres...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Elle n'est pas la seule responsable.
NADINE MORANO... mais, mais elle a été, la France, a été en initiative justement, pour sortir de cette crise. C'est la France qui a été à linitiative du G20, c'est la France qui a été à linitiative de Pittsburgh, c'est la France qui a mobilisé ses partenaires européens, et au-delà de cette crise économique et financières, nous traversons dautres crises, la crise des pays arabes en ce moment, donc c'est crise sur cris et en même temps, cette nécessité de réformer la France, ce que nous avons fait et ce que nous continuons à faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Comment expliquez-vous que votre camp, Nadine MORANO, traverse une période de doute et de défaitisme, c'est vous qui dites même : « Ceux qui sautent du bateau aujourd'hui seront les premiers à se noyer ». Il y a des naufragés du sarkozysme dans lair.
NADINE MORANO Non, mais je pense que, vous savez, on est tous dans le même bateau, très concrètement. Nous sommes la majorité parlementaire, les députés savent que sils ont été élus, c'est parce que Nicolas SARKOZY a dabord été élu président de la République ; les élections législatives, je le rappelle, ont lieu après les élections présidentielles, et que le premier qui ira devant les électeurs, c'est Nicolas SARKOZY. Et donc, nous sommes tous dans le même bateau et lorsquil y a des difficultés, il nous faut ramer plus fort, il nous faut être solidaire, et ceux qui sauteront évidemment du bateau, en espérant arriver sur la rive avant les autres, eh bien, à mon avis, ont plus de chances de se noyer que darriver à bon port.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Comment expliquez-vous que même quand il prend des décisions les plus justes ou les plus adaptées, Nicolas SARKOZY soit aujourd'hui peu audible ?
NADINE MORANO Peu audible, écoutez moi, quand jentends certaines critiques que lon fait au président de la République, hyper président, qui se déplace tout le temps, qui parle beaucoup, qui travaille beaucoup, qui est sur tous les fronts, est-ce quon attend dun président de la République quil ne parle pas, quil ne décide pas, qui fait un minimum de boulot...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais qu'est-ce quil faut aujourd'hui ?
NADINE MORANO ... qui ne lassume pas...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Dites-moi, quest-ce quil faut aujourd'hui pour les Français lentendent davantage et y croient ? Je sais bien quil y a des croyants, il y a vous, il y a Xavier BERTRAND qui dit : « Les résultats vont bientôt arriver »...
NADINE MORANO Mais je pense... mais ce n'est pas une question de croyance, monsieur ELKABBACH, je ne sais pas si c'est, pardon...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Deux fois. Deux fois.
NADINE MORANO Pardon de vous contrarier, ce n'est pas une question...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous ne me contrariez pas, jai les nerfs très solides.
NADINE MORANO Ce n'est pas une question de croyances, c'est une question de faits et de réaliser et de regarder quelle est la situation de la France qui a gardé sa notation par les agences internationales, de triple A, parce que nous avons su mener les réformes indispensables. Vous savez, ce n'est pas facile de faire des réformes. On a fait celle des retraites et on ne remplace pas un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite !
JEAN-PIERRE ELKABBACH Ah non, non, non, pitié, pitié, ne recommencez pas à me lire la brochure...
NADINE MORANO Ah non, je ne vous lis pas la brochure.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Vous voyez, je la connais, les 4 ans daction...
NADINE MORANOJ e vous dis, deux réformes très difficiles que nous avons menées et il est plus facile, monsieur ELKABBACH, vous en conviendrez, de dire, comme les Verts, quon peut proposer une semaine de 4 jours de travail et de légaliser le cannabis. On vous promet de paradis artificiel, pas chez nous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Alors, dimanche, avec Thierry GUERRIER, nous faisions remarquer à Dominique de VILLEPIN, que sil y allait, lui, à la candidature, il risquait de faire perdre Nicolas SARKOZY. Il a eu cette réponse qui en dit long...
DOMINIQUE DE VILLEPIN (Rires). Ah ah ah ah ah...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Formidable !
DOMINIQUE DE VILLEPIN Mais c'est absurde ! Mais Nicolas SARKOZY na pas besoin de moi pour perdre ! Pour redonner une dynamique, il ny a pas 36 solutions. La première, c'est de changer de gouvernement ou de chef de gouvernement, la deuxième c'est de changer de politique, et si on ne renouvelle pas sa politique et si on ne renouvelle pas les hommes en charge de la politique, eh bien cette mesure, elle pèse lourd...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais à un an de lélection ? A un an ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Eh bien oui, mais il fallait peut-être le faire il y a deux ans, il fallait peut-être le faire il y a un an. Aujourd'hui, il reste un an, alors, le choix, c'est entre ne rien faire et faire quelque chose. Ne rien faire, c'est la garantie, sans doute, dun échec annoncé, faire quelque chose c'est peut-être le sursaut.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Dominique de VILLEPIN a tort, Nadine MORANO ?
NADINE MORANO Evidemment quil a tort, et ceux qui sont amplis de certitudes, franchement, ils feraient bien de réfléchir un tout petit peu et de regarder lhistoire. Regardez, en 1981, alors que nous étions aussi en préparation des élections présidentielles, au même moment, au mois davril 1980, 57 % des voix pour le président sortant, c'est-à-dire Valéry GISCARD dESTAING, face à Michel ROCARD. 61 % des voix pour Valéry GISCARD dESTAING face à monsieur François MITTERRAND. Regardez ce qui est arrivé en 1981, donc, franchement, beaucoup dhumilité, tant à monsieur de VILLEPIN quaux autres, nous ne sommes pas encore en campagne électorale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Est-ce que c'est ce que vous dites aussi à Jean-Louis BORLOO, le centriste, qui peut être présent. Comment le dissuader de se présenter et de faire campagne, déjà ?
NADINE MORANO Mais, dabord, je ne pense pas que Jean-Louis BORLOO soit dans la perspective dêtre candidat, en ce moment. Voilà. Je pense quil a envie de faire entendre sa sensibilité politique, et chaque sensibilité politique doit sexprimer à lintérieur de l'UMP, c'est notre force, et nous devons protéger et préserver lUMP.
JEAN-PIERRE ELKABBACH On reproche à Rama YADE son activisme militant. Pourquoi une diplomate ne peut pas être une politique engagée ?
NADINE MORANO Parce que, à chaque diplomate sapplique le devoir de réserve.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Elle exagère ?
NADINE MORANO Parce quà chaque diplomate, voilà, sapplique le devoir de réserve, pour elle, comme pour les autres.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Elle exagère ?
NADINE MORANO Eh bien c'est à elle de décider si elle exagère. Elle peut avoir le choix. Vous savez, quand vous voulez servir la France, vous avez deux possibilités : soit vous servez en étant fonctionnaire, donc au service de la France, et vous avez ce devoir de réserve, soit vous vous inscrivez aussi dans un engagement politique, vous navez plus de devoir de réserve mais vous ne pouvez pas cumuler les deux ; à un moment il faut faire un choix.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Qui doit prendre la décision ? Son ministre Alain JUPPE ou le Premier ministre ?
NADINE MORANO Eh bien, soit vous démissionnez, soit vous pouvez être démissionné.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Et à votre avis ?
NADINE MORANO Eh bien ce n'est pas à moi de le dire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Si son sort dépendait à lUNESCO, de vous, qu'est-ce que vous feriez ?
NADINE MORANO Moi, ça fait longtemps que je laurais démissionnée, si ça relevait que de moi, parce que je suis très attachée au devoir de réserve. Voilà, et jentends les propos... parce que Rama YADE a beaucoup de talent, je crois quil faut encore la guider. Lorsquelle dit quelle a existé avant Nicolas SARKOZY, et quelle existera encore, c'est une réalité quelle existait avant Nicolas SARKOZY, c'est une réalité...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Si Jean-François COPE lavait retenue à lUMP, elle ne serait pas chez Jean-Louis BORLOO. Ah la la la la !
NADINE MORANO Mais...
JEAN-PIERRE ELKABBACH Une question sur ce qui sest passé hier, entre Italiens...
NADINE MORANO Ça, vous avez raison.
JEAN-PIERRE ELKABBACH ... et méchants, on se serait cru à « Cinecittà » dans un film. Dabord, il y avait les méchants, ensuite une apparente réconciliation sur limmigration, ils veulent, les deux, plus dEurope, plus de Schengen, mais un Schengen révisé. Comment éviter, comme disait tout à l'heure Catherine LALUMIERE, la tentation de repli ou de populisme ?
NADINE MORANO Ce n'est pas une question de repli ou de populisme. La meilleure façon de faire face à des vagues migratoires, c'est dabord daider les pays en difficultés. Et je voulais vous dire que je reçois mon homologue tunisien, Said AÏDI tout à l'heure, pour travailler avec lui sur les problèmes demploi des jeunes. La France va aider, justement, la Tunisie à travers une aide de 350 millions deuros, dont 100 millions deuros consacrés à lemploi. Et c'est comme ça que vous pouvez lutter contre les vagues migratoires.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Mais c'est très bien, il faut donc amplifier laide à la Tunisie...
NADINE MORANO Bien sûr.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Laide à la Tunisie, mais pourquoi cette panique de votre majorité devant 25 000 Tunisiens alors que la pauvre Tunisie est en train daccueillir et dêtre solidaire...
NADINE MORANO Non, lItalie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Non, la Tunisie accueille les 200 000 Libyens à ses frontières. Comment ?
NADINE MORANO Ah oui, pardon. Tout simplement parce que la France accueille déjà 50 000 étrangers et que 25 000 personnes, en un laps de temps aussi court, ça n'est pas possible, ça n'est pas intégrable, ça n'est pas gérable.
JEAN-PIERRE ELKABBACH Donc il faut les renvoyer chez eux.
NADINE MORANO Bien sûr, il faut les renvoyer chez eux et il faut avoir une politique très importante en matière daides et notamment sagissant de lemploi, c'est ce que je vais faire cet après midi avec mon homologue tunisien.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 28 avril 2011