Entretien de M. Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes, dans "Le Journal du dimanche" du 24 avril 2011, sur les accords de Shengen confrontés à l'immigration clandestine et sur la prise en compte de la vie quotidienne des Français dans la construction européenne.

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Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Q - La France a pu bloquer les trains de migrants tunisiens. Avez-vous besoin de suspendre les Accords de Schengen ?
R - Nous avions le droit et le devoir d'arrêter le convoi qui venait d'Italie. La Commission nous a donnés raison. L'Europe, ce n'est pas la libre circulation des immigrants illégaux. Nous devons tirer ensemble les leçons de cette crise, comme nous l'avons fait quand l'euro a été attaqué. La solution est dans une plus grande intégration. Pour autant, il nous faut aussi un frein de secours en cas de crise majeure. Il ne s'agit pas de se retirer de Schengen, cela n'aurait pas de sens, mais de travailler avec nos partenaires sur une nouvelle clause. La France veut étudier la possibilité de pouvoir rétablir les contrôles aux frontières en cas d'afflux majeur aux portes de l'Union.
Q - Marine Le Pen réclame l'abrogation de Schengen. Vous faites un pas dans sa direction ?
R - On voit à quel point Marine Le Pen est définitivement ringarde. Il est évident que si nous voulons faire face à des flux d'immigrés, la réponse n'est pas dans le repli national, le chacun pour soi ou le sauve-qui-peut. Elle est dans le renforcement de l'approche européenne, par un travail en équipe. Je constate aussi que le PS est dramatiquement silencieux et mal à l'aise sur ces sujets.
Q - Nicolas Sarkozy rencontre Silvio Berlusconi mardi à Rome. Comment régler le contentieux sur les migrants tunisiens ?
R - Ce n'est pas Règlements de comptes à O.K. Corral! Nous faisons face au même défi, nos intérêts sont communs. La bonne réponse est davantage d'intégration. Nous avons besoin de gardes-frontières communs, de navires et de logiciels partagés. Nous ferons aussi des propositions en ce sens.
Q - Le Parti des vrais Finlandais a fait une percée le week-end dernier. À quoi attribuez-vous la montée des populismes en Europe ?
R - Ils se nourrissent du sentiment d'insécurité, de l'immigration et de l'exaspération des classes moyennes qui ont l'impression de financer la protection sociale sans équité ni contrepartie. En France, on a accusé le président de la République d'être à l'origine de la montée de l'extrême droite. C'est surréaliste! Ce n'est pas lui qui fait voter pour les Vrais Finlandais.
Q - L'Europe est souvent perçue comme éloignée de la vie quotidienne…
R - Nos concitoyens doutent du projet européen et ses partisans se taisent depuis le «non» à la Constitution de 2005. Je suis profondément européen mais il est vrai que l'Europe est parfois trop tatillonne. La France elle-même a aggravé les choses, en ajoutant des couches de bureaucratie aux directives. Il faut revenir sur dix ans de dérives. Je veux rendre l'Europe plus simple et accessible. Savez-vous que pour toucher un euro de subventions, les collectivités et entreprises doivent débourser jusqu'à 0,20 euro en paperasseries ? Les temps d'attente sont trop longs. Chez moi, en Auvergne, un gîte rural a mis trois ans avant de percevoir de quoi se lancer !
Q - Que pouvez-vous faire ?
R - Avec 22 États membres, nous allons réclamer à Bruxelles un plan de simplification des aides. C'est une démarche inédite. Nous allons aussi procéder à un grand nettoyage en France. Par exemple, il faut répondre à 250 documents de planification et autant de commissions pour fixer les normes dans la gestion des déchets. Mon objectif est d'aboutir à moins de 30 formalités.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mai 2011